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LE BLOG TOTEMS DE CHRISTIAN VANCAU


 


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Site traduit en Allemand :

http://fp.reverso.net/christianvancautotems/3733/de/index.html

 

Site traduit en Anglais :

http://fp.reverso.net/christianvancautotems/3733/en/index.html


Sur cette photo, Christian Vancau dans son jardin avec quelques uns de ses totems et sa guitare à la main


Présentation

  • : le blog totems par : Christian VANCAU
  • : Il s'agit de la réflexion d'un peintre de 78 ans, au départ d'un territoire peint et sculpté par lui, au coeur de l'Ardenne et dans lequel il vit en solitaire, tout en y accueillant de nombreux visiteurs!
  • Contact

Profil

  • Christian VANCAU
  • Journal quotidien d'un peintre de 81 ans qui a créé un territoire naturel et artistique au centre le forêt ardennaise belge. Aussi écrivain, musicien et photographe, sans compter le jardinage 6 mois par an. Et voyageur... et adorant les animaux.
  • Journal quotidien d'un peintre de 81 ans qui a créé un territoire naturel et artistique au centre le forêt ardennaise belge. Aussi écrivain, musicien et photographe, sans compter le jardinage 6 mois par an. Et voyageur... et adorant les animaux.

Carte mondiale des Blogueurs

J'habite dans le Sud de la Belgique, à 10 Kms au Nord de Libramont, 50 Kms au Nord  de Sedan et 75 Kms au Nord de Longwy. Sur cette carte, la Belgique au Nord de la France et au Sud, une flèche noire indiquant mon village, situé au Nord de LibramontUne autre perspective. Moircy encadré, Bastogne 30 Kms Nord-Est, Luxembourg- ville au Sud-Est, Carte-Prov.Lux2-jpgSedan et Carte-Prov.Lux-jpgCharleville au Sud-Ouest

Recherche

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Mon adresse-mail est la suivante:  christian.vancau@base.be


" C'est d'abord un combat contre les parents et ensuite un combat contre les maîtres qu'il faut mener et gagner, et mener et gagner avec la brutalité la plus impitoyable, si le jeune être humain ne veut pas être contraint à l'abandon par les parents et par les maîtres, et par là, être détruit et anéanti "
( Thomas Bernhard, écrivain autrichien décédé en 1989 )

Ma biographie c'est ce combat et rien d'autre




Je suis un homme de 74 ans retiré dans un tout petit village des ardennes belges,  un endroit magnifique au bord de la forêt. J'y vis seul . J'ai une fille de 46 ans et deux petit-fils de 21 et 6 ans, qui vivent tous les trois à 10 Kms de chez moi.. Je suis donc un homme d'avant-guerre (1937), né à Gand en Flandre, de père gantois et de mère liégeoise (Gand et Liège sont les deux villes rebelles de Belgique ). Je suis arrivé à Liège en 1940 avec ma mère et ma soeur, alors que mon père s'était embarqué pour l'Angleterre, dans l'armée belge et y exerçait son métier de chirurgien orthopédiste. Je n'ai donc réellement rencontré mon père qu'à l'âge de 8 ans, après la guerre, en 1945. Mis à part 2 années à Bruxelles et une année en Suisse à Saint-Moritz, j'ai vécu à Liège et y ai fait toutes mes études, humanités gréco-latines chez les Jésuites et Droit à l'Université de Liège. Je me suis marié en 1962, ai eu une petite fille Valérie et ai cherché une situation, muni de mon diplôme de Docteur en Droit. J'ai trouvé un emploi dans la banque. Je n'aimais ni le Droit ni la banque, je ne me savais pas encore artiste, je voulais être journaliste. Ma famille bourgeoise m'avait dit "Fais d'abord ton droit" !  En 1966, j'ai commencé une psychanalyse qui a duré 5 anset demi. En 1967, j'ai commencé à peindre. En 1971, ma Banque m'a envoyé créer un réseau d'agences dans le Sud de la Belgique, ce que j'avais déjà fait dans la province de Liège. Je me suis donc retrouvé en permanence sur les routes explorant village après village, formant les agents recrutés et les faisant "produire". Il ne m'aurait jamais été possible d'être un banquier enfermé. Je ne tiens pas en place. Pendant 8 ans j'ai vécu au-dessus de ma banque à Libramont, créant mon réseau. En 1975, j'ai été nommé Directeur et Fondé de Pouvoirs. En 1978 j'ai acheté une maison en ruines à Moircy, mon territoire actuel. Je l'ai restaurée et y suis entré en 1979. En 1980, ma banque a été absorbée par une banque plus puissante et l'enfer a commencé. En 1983, mon bureau a été fermé. Je suis devenu Inspecteur, puis Audit en 1985 avec un réseau de 140 agences couvrant tout le Sud et l'Est de la Belgique. Dans le même temps je transformais mon territoire, creusais des étangs, installais plantations et totems et peignais abondamment. En 1989, j'étais "liquidé" par ma Banque avec beaucoup d'autres, pour des raisons économiques. Ma femme est partie.Je me suis retrouvé libre avec 28 mois de préavis et puis ensuite chômeur. Mais j'ai  intenté un procés à ma Banque. Ca a duré 4 ans et j'ai gagné. Quelle jouissance de pouvoir écraser une banque (à suivre)
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Archives

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J'ai commençé à exposer en 1976 et celà a duré jusqu'en 1995, le temps de réaliser que le monde de l'Art  n'était pas plus reluisant que celui de la Banque. Je n'avais en outre, nul besoin de vendre et encore moins d'être célèbre. A chercher l'argent et la gloire, on est sûrs de perdre son âme, tôt ou tard (et de toutes façons, la réputation monte quand le cercueil descend ). J'ai donc quitté les mileux de l'art. J'ai encore peint jusqu'en 2002. Celà aura tout de même fait 35 ans. Je n'ai plus besoin de la peinture. Elle m'a permis de survivre psychologiquement et de me chercher. Pour moi l'Art est ce qui doit rendre la Vie plus belle que l'Art
Je suis un HOMME LIBRE, un sauvage, proche de la nature et des animaux, misanthrope, profondément rebelle, tout d'une pièce, physique, violent contrôlé à savoir positif dans ma violence, agnostique. Je ne crois absolument pas à l'avenir de l'Humanité. L'Homme est indécrottable. Il est UN LOUP pour l'Homme. Aucune leçon de l'Histoire ne lui a servi
Je ne crois pas à la politique. J'ai le coeur à gauche, instinctivement du côté des défavorisés, contre toute exploitation et abus de pouvoir, contre tout racisme, mais je ne suis pas de gauche, ça ne veut plus rien dire ! Et encore moins de droite, celà va de soi !
Je pense que si l'homme n'arrive pas à créer le bonheur dans sa vie personnelle intérieure, il est incapable de le créer pour les autres. La meilleure chose que l'on puisse faire pour les autres est d'être heureux soi-même !
Je préfère nettement les femmes aux hommes. Je me sens de leur sensibilité, je m'efforce de faire fleurir les mêmes valeurs qu'elles
Je pense que réussir sa vie, c'est réussir l'amour. Toutes les autres formes de "réussite", sont des ersatz qui ne "comblent "pas
Je suis né un 1er Novembre, suis donc Scorpion, Ascendant Gemeaux, Milieu du Ciel en Verseau, Mercure en Scorpion comme le Soleil, Mars et Jupiter en Capricorne, Saturne en Poissons, Uranus en Taureau, Neptune en Vierge, Pluton en Lion, Vénus en Balance, ainsi que la Lune, j'ai mes Noeuds lunaires ( sens de ma vie, mon destin ici bas ) et Lilith (la lune noire) en Sagittaire. Du Scorpion, j'ai l'agressivité, le côté piquant, le côté rebelle. Du Gemeaux, j'ai le goût des langues , de l'écriture, des voyages, et l'incapacité à rentrer dans des hiérarchies ou dans des groupes,
quels qu'ils soient, et à me soumettre à une autorité
Dans mes jeunes années j'ai pratiqué beaucoup de sports: tennis, natation, cyclisme, ping-pong, ski, boxe et karaté. Aujourd'hui toute mon activité physique est concentrée sur les travaux d'entretien de mon territoire. Je suis jardinier 6 mois par an.
En dehors de la peinture, je pratique d'autres activités: 1) Lecture (romans, polars compris, poésie, théâtre, ouvrages de philosophie et de psychologie, mythologies etc..) 2) Ecriture (Un journal quotidien depuis 1980, comptant à ce jour 45.000 pages ), 3) Musique (Guitare et piano). Toutes les musiques m'intéressent, blues, jazz, rock, chanson française, musique classique et contemporaine. 4) Photo et Video. 5)Jardinage et rapport constant avec le monde animal. 6)Et enfin l'informatique, activité nouvelle que je pratique depuis3 ans et qui a abouti à la création de ce blog

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Jetez un oeil dans mes LIENS sur Richard OLIVIER, BIG MEMORY, mon ami Richard, Cinéaste belge, étant sur un gigantesque projet: Filmer tous les CINEASTES BELGES, morts ou vifs. Enfin, un artiste qui s'intéresse à ses pairs !http://www.bigmemory.be

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Je suis sur les blogs pro-tibétains:

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VENEZ M'Y REJOINDRE !

Christian VANCAU

23 septembre 2012 7 23 /09 /septembre /2012 06:30

1995 c'est la publication de son 9e roman aux Editions Stock de "Surtout ne me dessine pas un mouton ", référence évidente au Petit Prince et surtout au "Petit Prince Cannibale", bien entendu

 

 Françoise Lefevre(suite3)-Surtout ne me dessine pas un mouton...


Surtout ne me dessine pas.... 001-copie-2Lefevre4-... 

 

Ce livre se compose de deux parties, la deuxième s'intitulant MON CERVEAU par Julien-Hugo, le fils de l'auteur. Il lui est d'ailleurs dédié avec une des phrases prononcée par Hugo, au bas de l'escalier, quand il avait cinq ans.

 

"Quand on perd l'équilibre, on perd son royaume "

 

"C'est seulement aujourd'hui que je prends la mesure de l'énergie déployée pour toi, Sylvestre. L'autisme chez un très jeune enfant peut être comme un état de grâce. Voilà pourquoi on ne s'en inquiète pas sur le moment. Ta singularité, je l'ai aimée. J'ai aimé ton silence. Tu as été un concentré d'énigme et de silence. Si petit, la force que tu employais à te taire, à ne rien manifester, à ne jamais imiter, ni sourire, était inouïe. Assis à même le sol, apparemment sans rien voir autour de toi, ni entendre, des heures durant, tu t'appliquais à faire tourner un objet rond de plus en plus vite, de plus en plus fort. Moi je tournais autour de toi comme un anneau de Saturne autour de sa planète. Je tournais autour de ton énigme. Tu ressemblais à un petit Bouddha silencieux....

 

"Pour aller à ta rencontre, j'ai cessé d'écrire. Comme la sirène du conte d'Andersen, j'ai abandonné ma langue. J'ai laissé ma voix. C'était le prix à payer. Cette énergie, ce fluide, qui nourrit la page blanche, il fallait te le donner. Une fois débarrassée de mon désir d'écrire-on peut parler de pulsion tant le besoin d'écrire est impérieux-je suis allée à ta rencontre, sachant à QUOI j'avais renonçé. Il s'agissait d'un échange. J'abandonne l'écriture. Mais tu viens à moi. Je renonce à ma peau d'écrivain. Je renonce aux mots. Mais TU VIENS A MOI .."

 

"Je n'avais pas compris que le trop grand calme chez un tout petit, auquel rien, jamais,ne semble manquer pourvu qu'on le laisse tapoter, ou tourner un objet toute la journée, était un des signes de l'autisme précoce. Quand on a eu des enfants turbulents, c'est presque réconfortant, un jeune enfant qui  ne bouge pas. On le pose là et il ne bouge pas. Il semble n'avoir besoin de rien. On se dit que celui-là est vraiment sage. On est juste irrité par les cris qu'il pousse quand on l'interrompt dans son activité préférée: tourner les petites roues de ses jouets. Il crie aussi quand on s'adresse à lui. Il se débât comme un diable quand on veut le prendre dans ses bras. Une chose aussi qu'on remarque: il ne sourit pas, il ne répond pas, il ne vous regarde pas. Jamais il n'imite..."

 

"Je suis persuadée que le paysage intérieur de certains enfants autistes ressemble à un champ de ruines comme ceux de la Bosnie ou de la Tchétchénie "

 

"Rêverie bloquée. Image hurlante figée. Le vrai langage reste intérieur. Impossible de le sortir par la bouche, de l'articuler, il doit suivre un cours mystérieux, à la manière d'une rivière souterraine avec ses tourbillons, ses méandres, ses siphons...(...)Il y a une souffrance à se taire, mais parfois une souffrance encore plus grande à parler."je suis bien dans ma tête, me disais-tu à 6 ans. Je veux y retourner pour continuer mon rêve. Je ne veux pas qu'il s'arrête".


 

LETTRE  de Gilles DELEUZE (datée du 24 Juin 1995):

Votre livre me paraît d'une grande beauté , plein d'une émotion si forte. Il est vrai qu'on ne peut comprendre ce qu'est un autiste que si on le rejoint pas des chemins qu'on doit créer comme vers quelqu'un qu'on aime. D'où votre différence si frappante avec Bettelheim... Je me sens avec vous dans un accord profond. Merci de ce livre que j'admire..."

Gilles Deleuze devait décéder quelques mois plus tard, en novembre 1995 à l'âge de 70 ans

   Lettre Gilles Deleuze

 

Aussi une lettre de Jean Cayrol (1911-2005), auteur de "Nuit et Brouillard", Prix Renaudot en 1947 avec "Je vivrai l'amour des autres" et Membre de l'Académie Goncourt de 1973 à 1995 :

" Laissez-moi survivre encore dans votre livre génial et atroce. Je suis en larmes. Vous m'avez atteint au coeur, vous qui nous donnez votre chair vivante, vous qui luttez pour un enfant que j'aime, vous qui parlez avec des mots charnels; vous avez retroyvé avec ce bouleversement, dans votre épuisement, le regard de Sylvestre, ses cris, son absence, sa réalité.

Vous l'avez sauvé, vous êtes entrée dans sa logique, dans son trouble, parfois dans ses propres mots. Il n'y avait que vous qui puissiez donner à Sylvestre ce don quotidien, ferment de votre écriture subtile mais apprivoisée. Je suis bouleversé mais je savais que vous pourriez faire naître Sylvestre dans vos mots, un petit être perdu dans son existence bousculée mais risquée.

Françoise je ne suis rien devant vos pages, comme inutile et vous nous ouvrez un secret où je ne me sens qu'un pauvre être déchu, désemparé mais qui vous aime puisque votre maternité quotidienne nous restitue une douleur sans nom  mais avec la figure soudain paisible de Sylvestre

Je vous embrasse avec ferveur et émotion.

 

Jean Cayrol

 

 lettre Jean Cayrol

 

"Vous me demandez comment va mon fils. Comment passe cette éternité qu'on appelle autisme. Comment les choses s'arrangent, évoluent, se modifient. Comment. Je ne sais pas. Je sais seulement que le temps use le sourire. Que le temps donné, offert, consacré à un tel enfant momentanément affaibli est un temps volontairement perdu pour tout autre amour. Il y a là un constat qui s'approche du Grand Amour. Tel qu'on pouvait l'imaginer quand on avait quatorze ans. Ce don du temps, pleinement consenti, est comme une parenthèse dans la ponctuation, un banc de pierre dans un cimetière, la nappe blanche d'un pique-nique. Ce temps donné, offert, consacré est forcément de l'amour. Et justement le savoir, y consentir, ajoute de l'intelligence à l'amour.

Vous me demandez comment les choses se passent au collège. Ni bien. Ni mal. Il fait son travail. Il s'assoit, là où on lui dit. Il est d'une inquiétante discipline. Il ne joue jamais aux récréations. Il trouve qu'il y a trop de cris. Que c'est difficile de s'isoler ou de réfléchir. Quand elle est ouverte, il se réfugie à la bibliothèque. Il n'a pas de camarades. Pas d'amis. Il a peur des ballons de foot. Il craint la bousculade. Dans les rangs on le pousse et repousse comme s'il était lui-même un ballon de punching-ball. Il craint les enfants de son âge et tente de se lier avec des adultes dans l'espoir d'être protégé

 

Un soir de décembre, alors que la pendule sonnait 9 heures et que le dîner se terminait, il a déclaré sur un ton très solennel qu'il voulait nous parler de son cerveau:

"Et maintenant, je vais vous expliquer comment fonctionnait l'ancienne organisation de mon cerveau. Et ce qui a changé aujourd'hui  "

Il venait d'entrer en sixième. Il avait juste onze ans. Nous avons pu l'enregistrer. Il a parlé pendant deux heures "

 

La dernière partie du livre  est consacrée à Hugo, d'une part un "Entretien entre une mère et son enfant " et d'autre part un long texte de Julien-Hugo, le  fils et qui s'intitule "Mon Cerveau" , qui développe cet entretien et c'est Hugo qui écrit cette fois. Quelle victoire! Pages passionnantes qui mériteraient un article spécifique.

 

"Ma vie d'autiste était tout à fait différente de celle d'aujourd'hui, nous dit Hugo. C'était une angoisse perpétuelle, un refus du monde extérieur, une incompréhension de son fonctionnement, des ses codes, de sa violence. J'ai le souvenir d'une vision très carcérale du collège avec des grilles partout, des règlements très carrés, des rapports de force ingérables aussi...c'est sûr que les enfants ne sont pas tendres entre eux"

Hugo Horiot est allé à l'école comme tout le monde, sa mère ayant refusé qu''il fréquente les établissements spécialisés : "Si l'on m'avait laissé dans une institution cela m'aurait isolé à jamais du monde." L'autisme tel qu'il le voit, c'est une forteresse qui se construit. Si on laisse l'enfant seul, il va la consolider de plus en  plus, et au bout d'un moment elle devient imprenable.

Hugo doit sa guérison à sa mère qui l'a stimulé sans cesse, depuis tout petit. Hugo, ou Julien de son prénom de baptême,  a ressenti cette progression vers la libération

 

"JULIEN EST MORT"

A 6 ans, il ne parle quasiment pas. Un jour il va trouver sa mère pour lui dire cette chose étonnante:"Julien est mort, il est enterré dans la terre noire, je veux m'appeler autrement.". Sa maman comprend qu'il lui donne là une clé de sa guérison et accepte de le renommer Hugo. Il se souvient  :"A partir de ce moment, j'ai commencé à avoir la volonté de m'intégrer." C'est le tout premier déclic. "A 11 ans, raconte Françoise Lefèvre, il a écrit un texte fabuleux que j'ai publié dans Surtout ne me dessine pas un mouton. Il portait sur le fonctionnement de son cerveau. Ce fut le second déclic. Le troisième c'est sa rencontre avec  Sacha Wolf avec qui il est devenu ami. Le jeune autiste s'est ensuite découvert des talents pour le théâtre, puis la réalisation vidéo : "J'ai commencé à avoir une ligne directrice, à savoir ce que je voulais faire de ma vie. A partir de 15-16 ans, j'étais vraiment tiré d'affaire, je me suis senti libéré de ce handicap"

Autrefois autiste secret, il est devenu auteur prolifique de courts métrages. Le héros de sa web-série Nicolas Verdoyant multiplie ses aventures sur   http://nicolasverdoyant.blog.spot.com/ (Extrait de Marion CHEVASSUS)

Horiot2  


 

 

UN SOIR SANS RAISON sort en 1997 (10e publicatio)

 

" Un soir sans raison, elle quitta la maison. Pendant des heures, elle marcha droit devant elle, dans le noir, le froid, la pluie  "Ces phrases en italiques sont extraites d'une circulaire visant à sensibiliser la population sur la maladie d'Alzheimer. Elles sont pour moi un abîme. Une énigme qui me hante. L'errance de cette femme qui s'en va seule, dans le noir, le froid, la pluie, c'est ma hantise de l'égarement. De la perte de soi. Comme sur la dernière image d'un film en noir et blanc; je regarde cette femme qui s"éloigne sur une route luisante à la tombée de la nuit. Elle n'a aucune raison de se retourner. Elle n'a plus de raison du tout. Comment appeler cet instant où l'on passe de l'autre côté, la seconde où tout bascule vers ce point de non-retour ?Françoise Lefevre(suite 3) Un Soir sans Raison 

 

Voici la circulaire en question:

Chère Madame, cher Monsieur,

Celà a commencé par de petits oublis, des problèmes de langage, la difficulté de reconnaître son entourage...

Et puis ce fut la première fugue!

Un soir sans raison, elle quitta la maison. Pendant des heures, elle marcha droit devant elle, dans le noir, le froid, la pluie.

Lorsqu'on la retrouva, elle était assise sur le bord de la route, épuisée, le regard perdu dans le vague.

Les premiers signes sont souvent anodins: on oublie d'éteindre le gaz, on ne sait plus où l'on a posé ses lunettes, on oublie le nom d'un ami proche...

Les millions de neurones qui composent le cerveau sont détruits petit à petit, de façon irréversible

 

Un soir sans raison , une femme quitte sa maison et part droit devant elle. Début d'un récit ou le souvenir, le désir et l'écriture composent les inoubliables portraits de trois femmes; la narratrice, parvenue au milieu de sa vie, une jeune femme, une autre femme très vieille mais d'une incroyable ardeur, riche d'humour et de causticité, toutes trois n'étant peut-être que la même, recomposée


 

"Un soir sans raison s'élève à la hauteur du poème en prose :  

 

"Midi en plein clocher. En pleines sonnailles. La folie se lit dans les yeux du bétail. Il y a comme une rumination de l'éternité. Pour étancher la soif, le ruisseau est trop bas, trop loin, plein de vipères. La lumière est coupante comme des cisailles qu'on aiguise. Dans le chant suspendu des insectes, on entend un arrêt de mort. Sous le poids du garçon, sous le poids du plaisir, j'écrase les blés, j'écrase des mondes. Sous mon dos, sous mes reins, je devine carnages et festins. Le massacre d'invisibles élytres. Les piqûres mortelles, les meurtres étouffés. La dévoration. Non loin, sur des rails usés roule un train de marchandises. Même la terre qui vibre génère une jouissance. Oh non, rien ne me manque. Rien. Jusqu'à cette impression, obsédante, d'avoir déjà vécu cet instant. Echos, parfums, même éblouissement, même étreinte. Exactement. Mais quand? Mais où ai-je été traversée par cette lumière, ces vibrations? Dans quelle vie? Pourquoi ma mémoire a t'elle gardé cette empreinte en même temps que l'incapacité de me souvenir? Quelque chose s'annonce comme la guillottine. Ma tête s'est détachée. Ma mémoire aussi. Elle erre toute seule."

 

Il me semble que ces pages parfaites ne souffrent aucun commentaire ."(Pierre Perrin)

 

Après avoir reçu cette circulaire, la narratrice a envie d'écrire ce que jusqu'ici elle n'a pas encore osé:

 

"Ni roman, ni nouvelle. Plutôt une fugue. Une fuite. Une échappée en calèche roulant à vive allure dans mes souvenirs. Allegro vivo. Noire sous la pluie. Rouge dedans. Chevaux luisants. Cocher qui claque...

 

"Dans la calèche, sur la banquette de velours cramoisie, les joues fouettées par le désir, je m'étais laissé embarquer dans un baiser avec cet amant dont la langue contre la mienne est un souvenir qui m'assassine encore. Les chevaux s'emballaient dans ma mémoire exaltée et je me sentais l'audace que donne le désir si proche de la fièvre d'écrire. Fouette ! Fouette, cocher, avant que je jouisse et que son sperme m'inonde. Fouette que je retourne dans la forêt ! Va, cocher ! Avant que je n'arrive au sommet de ce désastre. L'amour arrêté. Le souffle perdu. Le désir mort. Retour à la case d'ombre. Fouette ! Fouette, cocher, avant que la lanterne magique ne devienne lanterne des morts et que je sache trop bien où me mène cette calèche de velours capitonnée..."

 

Un jour , dans une grande surface commerciale, la narratrice gagne un lot de livres, à emporter. Voici sa réaction:

 

"On pesa pour moi les oeuvres poétiques complètes de Victor Hugo. Trois kilos cent vingt-cinq grammes environ. Tout de suite je l'ouvris à la table des incipit pour retrouver les débuts des poèmes qui avaient illuminé mon enfance. C'est alors que mon doigt s'arrêta et que je lus:

 

"De beaux insectes bleus entrent par ma fenêtre......"

Libellule bleueIMGA80 edited

 

"...Alors, entraînée comme dans une valse folle par une invisible présence, je tournoie au milieu des rayons, je vais, je viens, murmurant, marmonnant, psalmodiant les mots enchantés. Je ne sais pourquoi ils me donnent une telle joie. Ils ont la force d'un Sésame Ouvre-toi. La force d'un talisman. A moi qui ai quitté très tôt l'école, beaucoup trop tôt, écoeurée au point de ne pouvoir lire que de la poésie et des contes, qui pourra expliquer mon irrésistible attrait pour les mots. Je suis là, plantée au milieu de cette grande surface avec tous les symptômes du coup de foudre. Coeur qui cogne. Mains qui tremblent. Jambes qui se dérobent. Voix qui ne sort plus. Les yeux vers les néons, je cherche une issue. Je cours vers une invisible présence pour me jeter follement dans ses bras. Nous valsons au milieu des rayons. Au passage je reconnais la tornade de Monsieur Propre. Celle qui m'entraîne vaut bien la sienne. Valse lente, presque mortelle. Si proche de "La Valse" pétrifiée de Camille Claudel. Danse avec personne. Valse avec personne. Crève avec personne. Laisse-toi faire par les fantômes. Le coeur qui cogne, les joues en feu, c'est bon pour le moral. Ils passent une chanson un peu bête qui parle de mer, de plage et de cocotiers où tout est bleu, toujours bleu. Le  refrain n'arrête pas de matraquer: C'est bon pour le moral ! C'est bon pour le moral ! "


" Moi aussi j'oublie de fermer le gaz. Il m'arrive de ne plus reconnaître les pièces de la maison que j'habite, de ne pas savoir ce que je suis venue faire. Parfois j'ouvre la porte du réfrigérateur et je ne sais plus ce que je devais y prendre. Une fois même j'y ai rangé mes lunettes. J'ai été consternée en les retrouvant. Ces choses surviennent quand j'écris beaucoup. Je me dis que c'est parce que je suis tout le temps dans mes pensées. Tout le temps dans un livre. Et surtout tout le temps dérangée dans mes pensées. Sans cesse interrompue par d'autres obligations. On croit que les mots vont se faire oublier, mais ils vous mordent les talons...Au fond je deviens comme ces hommes-et ils n'ont pas toujours l'excuse d'être écrivain-qui continuent après 30 ans de vie commune de demander où se rangent les verres. Et le sel. Et le couteau à pain. Creuser uniquement dans une direction anesthésier d'autres fonctions. Je deviens une idiote désincarnée. Une guenon exsangue..."

 

"Alors pour avoir moins peur de la maladie d'Alzheimer, il m'arrive d'imaginer le temps où je serai vieille. Un très vieil écrivain dans une sorte d'asile ou de maison de retraite...Ici on m'appellerait-Madame L. ex-Femme de Lettres. Ils trouveraient que ça sonne bien pour leur établissement: "Femme de Lettres". Avec des majuscules. J'aurais cessé de parler. Je n'ai jamais beaucoup aimé parler. Même jeune. Même enfant. J'ai toujours recherché la solitude et le silence. C'est ce que les imbéciles appellent être "asociale". Un peu plus tard "profondément asociale". Plus tard encore "mutique". Mutante serait pourtant plus juste. Quand on ne parle plus ou si peu, les mêmes croient qu'on n'entend plus. C'est très commode. Surtout pour moi qui aurais conservé toute mon ouïe et distinguerais le chant d'une mésange de celui d'un rouge-gorge, le bruit du vent dans le feuillage d'un platane de celui d'un saule. Je reconnaîtrais le pas des visiteurs sur le gravier. Je saurais quand c'est vous..."

 

"Il faisait si beau ce matin que je savais bien que je n'aurais rien à dire. J'ai emprunté la bicyclette de madame Chapalain et je suis partie nue sous ma jupe par les sentiers dans les dunes. J'ai pris mon premier bain. Je me suis roulée dans le varech. Je me suis fouettée avec des algues. J'ai couru tout le long de la plage, tout au long de l'eau, je me jetais dans les vagues. Il n'y avait personne. Juste un promeneur avec son chien."

 

Le livre commençait par presque rien. Une fatigue au bord de la fenêtre. Une lumière pauvre sur ses mains qu'on a croisées une fin d'après-midi dans l'attente de quelqu'un. Les voitures passent. La pensée se dévide. Dans sa rêverie, on cherche à retenir un visage, un baiser sur l'embarcadère d'un grand lac du nord de l'Italie sous une pluie fine. On veut retrouver l'odeur de l'imperméable de cet homme qu'on a aimé. Accoudée sur le rebord de la fenêtre de l'asile, on reçoit juste un courant d'air qui porte un parfum qu'on croyait disparu. Sans en connaître la raison, on sourit en pensant au retour des cigognes. Les cigognes devenues sédentaires ne partent plus. Elles n'ont donc pas à revenir. Mais tout de même on pense au retour des cigognes. On pense à tous les retours possibles. On imagine de larges ailes battantes, planantes, tournoyantes, époustouflantes, montant en neige des nuages et des nuages. A force de renverser la tête pour scruter le ciel, les yeux vous piquent, on devient soûle de lumière, on s'accroche aux ailes de son enfance et on rit. On rit de cette farce immense. On rit toute seule dans la chambre d'un asile

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  Photo Chriistian Vancau


 

1998 Les Larmes d'André Hardellet-Editions du Rocher (11e publication)

 Les Larmes d'André Hardellet 


"C'était à Paris, le 23 juillet 1974 à la fin de l'après-midi. C'était à l'heure de votre mort. Ni vous ni moi ne pouvions imaginer que vous mourriez la nuit même. Ne dit-on pas que nul ne sait ni le jour ni l'heure?. On était assis dans un bistrot de la Place Desnouettes devant une Stella. Vous aimiez le nom de cette bière. Vous aviez demandé à me revoir pour me parler d'un texte que vous étiez en train d'écrire et pour m'offrir un exemplaire de votre livre Lady Long Solo. C'est dans ce bistrot que vous m'avez confié que vous vous sentiez complètement rompu, fatigué, mal dans la poitrine et que vous aviez pris la décision de vous faire soigner. Cette fois vous sentiez que c'était sérieux. Il fallait faire quelque chose. Et puis vous aviez ce livre, ce dernier livre à écrire. Une histoire de pays qu'on n'atteint jamais, un pays qui n'existerait sur aucune carte. Vous m'avez dit encore: "Je sens que je n'aurai pas le temps" J'ai vu des larmes dans vos yeux. Comme un gamin maladroit, vous avez tenté de les essuyer du revers de la main"

 

André Hardellet est un écrivain français né le 13 février 1911 à Vincennes et mort à Paris, le 24 juillet 1974

 

Il passa à Vincennes ses 6 premières années. Son enfance et son adolescence sont heureuses auprès de ses parents. Il déambule longuement dans Paris et sa banlieue où il traque la vie aux carrefours des vies. Les jardins et les cimetières, les chats et les ombre. La chair des femmes le fascine sous la tombée des robes.

Il découvre les grands auteurs américains, mais aussi Borges, Proust, Nerval dont il aimait tant le livre" Sylvie".

André Hardellet

Mais c'est sa rencontre, en 1947, avec Pierre Mac Orlan qui sera décisive pour l'écriture. Après avoir commencé des études de médecine, il prit en 1933 la direction de l'entreprise familiale, une joaillerie "Les alliances Nuptia" !

Mais il menait une double vie et c'est comme écrivain qu'il se réalisait

Son oeuvre, qui reçut à ses débuts la bénédiction de Pierre Mac Orlan, fut globalement couronnée par le prix des Deux-Magots en 1973André Hardellet3

Son chef d'oeuvre: "Lourdes Lentes "(1969), qui entraînât la condamnation de son auteur pour "outrage aux bonnes moeurs" en 1973

André Hardellet est également l'auteur de nombreuses chansons et parmi elles, la célèbre chanson"Bal chez Temporel"

Ci-dessous André Hardellet par Robert DoisneauAndré Hardellet4DoisneauHardellet

 

 

"Mais moi je vous ai vu pleurer. Dans ce café de la place Desnouettes, j'ai vu couler les larmes d'André Hardellet. Je les ai essuyées ainsi qu'une brusque sueur qui s'est mise à perler à vos tempes, marquant sans doute le début de votre agonie. Je ne suis pas certaine d'avoir trouvé les mots de la consolation. Je craignais un peu cet attachement que vous me manifestiez. Je vous ai juste pris les mains. Je suis la dernière personne à vous avoir donné des fleurs et un baiser. La dernière aussi à qui vous avez demandé de vous accompagner pour une longue promenade que nous projetions de faire le lendemain au bois de Vincennes, sur les lieux de votre enfance. A la pensée de cette échappée belle, votre visage s'est éclairé. Mais la nuit même, vous êtes parti en solitaire pour une toute autre promenade et dans celle-là, je n'y suis pas. Alors comme vous l'avez pratiqué toute votre vie, écrivant pour retrouver votre enfance disparue, je sème moi aussi des mots, comme autant de signes de reconnaissance. C'est la seule façon d'endurer l'absence. Des morts ou des vivants. D'ailleurs c'est pareil, puisque morts ou vivants, tôt ou tard, ils seront absents de toute façon "

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1998 Publication de "Consigne des minutes heureuses" (12e Publication)

 

Dans ce recueil de quatorze textes, aux titres puisés dans le quotidien, "Volupté de se rendormir après une nuit d'insomnie" ,"Suspendre le linge dehors" ,"Garder au chaud un enfant très peu malade", en ce compris "La dernière promenade d'André Hardellet". Françoise Lefèvre confirme son art d'évoquer les émotions les plus subtiles et les plus graves, avec un regard et un style inimitables

 

Françoise Lefevre(suite 3-Consigne des minutes heureusesLa couverture est une reproduction de "La Madeleine et la Veilleuse" de Georges de la Tour

 

" Je me promenais au côté d'un amour invisible. Difficile de dire ce qu'est un amour invisible. Le vent brusquement changé en caresse sur son front. Une pluie fine et soudaine sur un trottoir brûlant. Un éblouissement qui dure quelques secondes. Impossible d'expliquer ce quelque chose en soi qui s'est installé plus fort, plus haut que le chagrin. Un sentiment maintes fois frôlé dans sa vie et qu'on fuyait . Par peur. Une véritable peur de se retrouver autre, arrachée à la glaise, volant vers les cimes. Légère. Poreuse. Beaucoup trop "

La dernière promenade d'André Hardellet, Volupté de se rendormir après une nuit d'insomnie, Suspendre le linge dehors? Garder au chaud un enfant très peu malade, Une jacinthe bleue l'hiver...Dans  ce recueil de quatorze textes, aux titres puisés dans le quotidien. Françoise Le fèvre confirme son art d'évoquer les émotion les plus subtiles et les plus graves, avec un regard et un style inimitables


La dernière promenade d'André Hardellet :

 

"Vous êtes la marchande des boutiques heureuses !"

Tout a jailli de cette phrase. Tout est parti d'un souvenir vieux de vingt-cinq ans. Je venais de rencontrer l'écrivain et poète André Hardellet qui était aussi l'auteur des paroles de la chanson "Le Bal chez Temporel". Malheureusement je l'ai connu trop  tard...

Il m'entraînait en d'interminables promenades dans les coins de Paris où je découvrais des jardins cachés derrière des portes cochères, des cimetières où n'erraient que des chats et les ombres humaines qui leur apportaient de la nourriture...

Souvent il m'appelait pour qu'on aille se promener ensemble. Je me souviens d'un après-midi tout au début de l'été 1974 où il souhaita me faire découvrir le Jardin des Plantes qu'il considérait comme un des lieux les plus mystérieux de Paris. C'étaient ses mots.IMGA0751-1.JPGPhoto de Christian Vancau- Jardin des Plantes 2002

 

"Il venait d'écrire "Donnez-moi le temps" Une flânerie à la recherche de son enfance, de ses jeunes amours. Il ne savait pas que ce serait le dernier livre publié de son vivant....

 

Le moindre brin d'herbe sur un trottoir, le plus insignifiant bassin où fermentait une eau verdoyante suffisaient à le plonger dans une rêverie où il retrouvait l'odeur des truites prises dans son adolescence sur les berges d'une petite rivière, la Gloire. Tout en marchant, il me disait la lumière de son enfance, les libellules des sous-bois, les cuisses de Germaine qui fut l'amour de ses quatorze ans, la bouteille de cidre rafraichissant dans le courant de l'eau tout près d'un gué...P1080112

Le Bois de Vincennes avec Hermine Horiot (Photo Christian Vancau)

"Le lendemain matin je reçus ce petit mot:"Au bois de Vincennes, je vous expliquerai, Françoise, pourquoi vous êtes "la marchande de la boutique des minutes heureuses". Je vous parlerai aussi de celle que j'appelle Germaine dans mes livres et du parfum de la dame en noir..

Vous êtes une source. Vous m'aidez à vivre..."

 

"Je souriais à cette journée lumineuse, je souriais en relisant la lettre d'André Hardellet, à cause du mot Source, qui m'embellissait, à cause de cette phrase énigmatique faisant de moi "la marchande de la boutique des minutes heureuses" phrase qu'il m'avait offerte et dont il allait enfin m'expliquer le sens tout à l'heure. En pensant à notre rendez-vous, moi aussi, je me mis à chanter à pleine voix: Padam ! Padam ! Padam ! Il arrive en courant derrière moi ! Padam ! Padam ! Padam ! Il me fait le coup du souviens-toi.

 

Tout à ma joie j'ouvris la porte pour courir vers le rendez-vous d'André Hardellet et "ses minutes heureuses" quand le téléphone sonna et que notre éditeur et ami Jean-Jacques Pauvert m'apprit sa mort...C'est en compagnie de Jean-Jacques Pauvert que je le découvris quelques heures plus tard sur son lit, à demi nu, au fond de son appartement vert et sombre au coeur des Halles, rue Beaubourg. Sa chatte, une petite siamoise qui portait le nom de Violette, unique présence dans la chambre mortuaire, tournait autour de son corps. A notre arrivée, elle se faufila sous le lit en miaulant désespérément "

 

Une jacinthe bleue l'hiver

 

" C'est presque rien. Une pauvre chose. C'est même assez laid au départ. Un bulbe dans un pot de plastique noir qu'on achète sur un trottoir à l'étal d'un fleuriste à la fin des courses. C'est une sorte de récompense qu'on s'offre on ne sait pas très bien pourquoi. On pose la jacinthe dans la cuisine sur une soucoupe, près de la fenêtre. On l'oublie. Un matin la tige est très haute. Les fleurs sont toujours fermées. On attend encore un jour. La grappe s'ouvre et c'est toute l'explosion d'un parfum presque fou, entre narcisse et  lilas, qui s'exhale contre la vitre givrée. Ce qui ravit c'est le contraste entre la neige au-dehors et ce parfum chaud. Par la fenêtre on regarde la campagne blanche où sautillent quelques oiseaux. Miracle pour rien. Pour soi seulement. Petits miracles quotidiens, cachant la haine et la mort qui rôdent partout. On pense à quelqu'un qu'on aime et qui est en train de mourir loin d'ici. Quelqu'un qui sait qu'il n'a plus que quelques jours à vivre à cause d'une maladie incurable. Par la pensée on voudrait lui transmettre un peu de la force et du parfum de cette fleur si vaillante en plein hiver. On se demande comment on peut attendre une mort ainsi programmée. Et dans le même temps comment on peut ressentir une telle joie, prequ'une reconnaissance face à un jacinthe. Petit miracle dont la première surprise est l'étonnement d'être encore là et d'éprouver de la joie malgré l'usure de la vie. On sourit comme lorsque enfant on trouvait une bille d'agathe par terre ou des morceaux de verre polis par la mer sur la plage. Oui cette joie-là est intacte malgré tout.

 

Je m'acharne à écrire même sur un jacinthe.
Tu es en train de mourir

Je suis en train d'écrire

Le sacrifice de ta mort me ramène à ce qui fait le prix de la vie. Pouvoir respirer le parfum d'une jacinthe. Tu sens la vie te quitter. Tu dis que tu n'as pas bien su discerner ce qui en faisait le prix. Par ta parole de mourant, tu me fortifies, me ramenant à ce devoir que je me suis donné: consigner les joies minuscules.

J'écris pour toi ce que tu n'as pas écrit. Pas pu. Pas su. Pas voulu. Pas osé. Tu as l'impression d'être passé à côté de la vraie vie. Ce sont tes mots. Tes dernières paroles. Tu dis que tu ne peux te faire à l'idée que bientôt tout sera fini

 

Quans tu étais en pleine santé, que tu allais et venais, je me souviens qu'une fois tu avais haussé les épaules à la vue d'une mère consolant son enfant qui venait de tomber. Il aurait fallu le laisser, disais-tu. Tu ne t'arrêtais pas pour regarder une fleur, un nuage. Tu étais pressé

Aujourd'hui alors que l'étau se ressette tu dis que tu es passé à côté de l'essentiel. Dans un souffle tu avoues que tu n'as pas su reconnaître les minutes heureuses

 

C'est le matin très tôt. Dans le silence de la cuisine, on trouve soudain que le bulbe de la jacinthe est bien trop étroit dans son logement de plastique. C'est un peu comme le supplice réservé aux pieds des Japonaises autrefois. Les marchands sont décidément impitoyables. On change la jacinthe de pot. On respire la terre noire. Il lui en faut vraiment très peu pour vivre. On a du mal à détacher son regard de ses fleurs bleu-violine. La jacinthe est une plante qui tient compagnie. C'est aussi une fleur qui va bien à la cuisine. On aime regrader sa hampe remplie de clochettes ressemblant à des campanules s'appuyer contre la vitre givrée. Il y a toujours un moment ou à force de la contempler on a envie d'aller vers elle pour la respirer et poser ses lèvres sur ses pétales. Elle vous attire comme la joue d'un enfant le matin, à peine réveillé et qui juché sur un tabouret boit son lait.

 

Mais il est temps d'aller vers sa journée

 


 


 

Voici ce qu'en dit Le Magazine Littéraire de décembre 1998

 

Mag.Litt.Lefève

consigne des minutes heureuses

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commentaires

J
<br /> <br /> Bonjour et merci beaucoup...Je suis très heureuse d'avoir découvert votre blog.<br /> <br /> <br /> Avec mes plus belles pensées<br /> <br /> <br /> Denise<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Enchanté ch§re Denise et merci. Je sais que nous sommes amis sur FB depuis hier je crois.  Amicalement<br /> <br /> <br /> <br />