Histoire de la Bourgogne
Terre de passage, ouverte entre le Nord et le Sud, la région de Bourgogne et ses ressources naturelles ont très tôt induit une présence humaine. Depuis Homo erectus, la présence de l’homme a été continue en Bourgogne où il a laissé d'abondants vestiges de son séjour. Le vase de Vix, objet exceptionnel, témoigne notamment de la présence des tribus celtes sur le sol bourguignon. De Bibracte à Alésia, en passant par Autun, s'y relèvent les traces de la conquête de la Gaule par Jules César.
Le premier royaume portant le nom de « Bourgogne », regnum Burgundiæ en latin (« royaume de Burgondie »), est l'œuvre des Burgondes. Vaincu par les Francs, ce peuple laisse en héritage un ensemble territorial qui perpétue son nom. Tour à tour, pendant dix siècles, au milieu de luttes continuelles, les familles régnantes de l'histoire – Mérovingiens, Carolingiens, Capétiens, Valois, Bourbons – effacent et redessinent les frontières et le statut politique de ce territoire, donnant au vocable « Bourgogne » des acceptions différentes.
La Bourgogne du Moyen Âge voit naître avec les abbayes de Cluny et de Cîteaux les plus grands mouvements de la réforme monastique. Les deux célèbres abbayes furent pendant plusieurs siècles tout à la fois des foyers de science dogmatique, de pensée réformatrice, des centres d'activité économique et sociale, artistiques et même politiques de premier ordre pour toute l'Europe. Des édifices comme la basilique de Vézelay et l'abbaye de Fontenay témoignent encore de ce rayonnement.
Quelques siècles plus tard, l'entreprise des ducs Valois marque profondément son histoire. Philippe le Hardi, Jean sans Peur, Philippe le Bon, Charles le Téméraire font de leur État une grande puissance européenne englobant la Belgique et la Hollande et rivale du royaume de France. Philippe le Bon, fondateur de l'ordre de la Toison d'or, fait rayonner sa cour et étend sa renommée jusqu'en Orient. Son fils Charles le Téméraire mate les révoltes de Gand en Flandre et de Liège. Il élève à son apogée l'État bourguignon, mais sa mort lors de la bataille de Nancy en 1477 fait rentrer définitivement la partie proprement bourguignonne du duché dans le domaine de la couronne. Cependant, la fille de Charles,Marie de Bourgogne sauve son pouvoir sur les états du nord, donnant naissance à une descendance qui aboutira à Charles V dit Charles Quint, né à Gand, qui revendiquera toujours la Bourgogne pour lui, source de conflits incessants avec la monarchie française.
Devenue royale sous Louis XI, la partie française de la Bourgogne gardera ses États et son Parlement, préservant ainsi son individualité jusqu'à la Révolution française. Durant des siècles, son histoire se compose de l’écho des grands événements, des transformations économiques générales et du contrecoup des révolutions parisiennes. Elle épouse le destin de la France et connaît les jours sombres des occupations. De grands noms comme ceux de Bossuet, Rameau ou Buffon, pour ne citer que quelques-uns des plus illustres Bourguignons, continuent à l'illustrer dans le domaine des Arts, des Lettres et des Sciences.
Son histoire économique se fonde sur l'agriculture et la sylviculture. Terre d’élevage, la Bourgogne est réputée pour sa viande charolaise, ses volailles, son fromage mais aussi pour ses régions viticoles qui donnent naissance à des crus de légende. La sidérurgie avec ses maîtres de forges prend néanmoins, à partir du xviiie siècle, sa place dans son économie et conduit pour faciliter son développement à la constitution d'une solide infrastructure de voies de communication. Le complexe industriel du Creusot, entreprise familiale restée pendant cent vingt-quatre ans aux mains des Schneider, et de Montceau-les-Mines en Saône-et-Loire fait la gloire de l'industrie lourde en Bourgogne (charbon –sidérurgie) avant de décliner fortement à la fin du xxe siècle. D'autres industries animent la région, comme les industries chimiques (Autun - Chalon-sur-Saône) oupharmaceutiques (Dijon), avant de connaître, à leur tour, des temps difficiles.
Palais ducal à Dijon-Palis ducal à Nevers-Ancy-le-Franc-Cormatin-Cartes de Bourgogne-Dijon vu de la tour Philippe le Bon - La tour de Bar au Palais ducal-
Préhistoire et Antiquité
Les premiers peuplements
L'homme est présent dans ce qui constitue aujourd'hui la Bourgogne dès le Paléolithique inférieur. Cette présence est attestée par les éclats clactoniens des grottes d'Arcy-sur-Cure dans l’Yonne, par ceux trouvés dans la grotte des Furtins à Berzé-la-Ville, par les restes d’ours et de lions des cavernes découverts dans les grottes d'Azé, au hameau de Rizerolles en Saône-et-Loire ainsi que par les traces d'industrie primitive trouvées dans les alluvions de la vallée de la Saône à Romanèche.
Au Paléolithique moyen, les hommes de la préhistoire sont présents à Vergisson dans le Mâconnais ou en Côte-d’Or à Genay. Le gisement qu’ils ont laissé à la base de la « montagne de Cra » a permis de découvrir des vestiges humains appartenant à un seul individuNéandertalien, adulte masculin âgé d’une quarantaine d’années. Il est considéré comme le plus ancien bourguignon. Ces hommes occupent notamment les grottes d'Arcy-sur-Cure.
Au Paléolithique supérieur, des groupes viennent s’installer au pied de la roche de Solutré, en Saône-et-Loire, où s’étale le gisement du « Crot du Charnier ». Le site, qui a donné son nom à l'une des dernières phases paléolithiques, le « Solutréen », révèle une occupation s’étirant sur plus de 25 000 ans. À Arcy-sur-Cure les premiers Bourguignons ornent de gravures et de peintures les parois de la « grande grotte », preuve qu’ils avaient des contacts avec les foyers artistiques du Sud-Ouest.
La Bourgogne apparaît comme une zone de peuplement florissante au Néolithique. L'économie n'est plus fondée uniquement sur la chasse mais également sur l’élevage et l’agriculture ; la société des premiers bourguignons évolue et les conditions de vie s'améliorent. À la fin du Ve millénaire, une puissante culture venue de Méditerranée se diffuse en Bourgogne par le sud. Ses porteurs s’installent sur des hauteurs dont ils font des « éperons barrés », comme le « châtelet » d'Étaules en Côte-d’Or. Chassey-le-Camp en Saône-et-Loire, le plus connu de ces sites, a donné son nom à cette culture du Néolithique moyen, dite « chasséenne ». C’est entre -2500 et -2000 que le cuivre est introduit en Bourgogne, probablement par des populations venues de l'actuelle Allemagne.
De l'âge du bronze à la conquête romaine
Migrations et transformations
Au cours de l'âge du bronze, la Bourgogne connaît trois périodes de migrations successives de peuples venus principalement d’Europe centrale. Ces peuples apportent avec eux leur culture et leur maîtrise de la technologie du bronze. La première vague de migration couvre la période du Bronze ancien, de -1800 à -1500. Elle fonde une phase de développement due à la production et au façonnage du métal et on assiste alors à une transformation de l’économie et de la structure sociale avec la création d’un nouveau corps artisanal spécialisé dans le travail du métal. Le commerce et les échanges nécessaires à l’obtention de la matière première vont alors se développer considérablement. La nouvelle vague de migrations de -1500 à -1200 correspond à celle de la civilisation du Bronze moyen, dite « des tumulus » qui fait progresser la métallurgie locale. Les hommes choisissent les plateaux de la Côte-d’Or (zone du Châtillonais ou Arrière-Côte dijonnaise) pour la construction de leurs tumuli. Au Bronze final, période s’étalant de -1200 à -800, a lieu le troisième flux migratoire. La population, dite « des champs d’urnes », apporte avec elle des coutumes particulières comme l’incinération mais aussi des connaissances dans l’industrie du bronze, cause de progrès décisifs dans ce domaine.
Le premier âge du fer voit la technologie du nouveau métal supplanter progressivement celle du bronze et permettre le développement d'une civilisation florissante, celle de Hallstatt. Les nécropoles et tumuli de cette période sont essentiellement identifiés en Côte-d’Or ainsi que sur les plateaux de la Nièvre, de la Saône-et-Loire et de l’Yonne. Réutilisant les sites d'éperons barrés comme le châtelet d’Étaules, le camp de Chassey ou encore le camp de Chora à Saint-Moré dans l’Yonne : leurs installations ont laissé d'impressionnants vestiges. C’est aussi l’époque d’occupation du mont Lassois près de Châtillon-sur-Seine, où les chercheurs Maurice Moisson et René Joffroy mettent au jour en 1953 la sépulture de la « princesse » de Vix, connue notamment par la découverte du cratère de Vix, immense vase de bronze. La période suivante est associée à la civilisation de La Tène. De puissantes citadelles, les oppida, sont alors construites à Alésia en Côte-d’Or, sur le mont Avrollot dans l’Yonne et à Bibracte sur le mont Beuvray. C’est à la fin de cette époque, autour des grands oppidums, que « pour la première fois on voit surgir des brumes du passé des noms de cités, de villes et même d’hommes »
Solutré-Trésor de Banot Dijon-Le bassin de Bibracte (Mont Beuvray)- Le Cratère de Vix
Les peuples gaulois en Bourgogne
Le territoire de l'actuelle Bourgogne est occupé, du Hallstatt jusqu'à la Gaule romaine, par une grande diversité de peuples celtes. Ils se répartissent ou s'affrontent pour le contrôle des voies terrestres et fluviales d'un trafic qui s'écoule entre la Méditerranée et la Gaule septentrionale jusqu'à la Manche. Parmi les principaux figurent, au nord-ouest, les Sénons, dont la capitale est Agedincum (Sens) ;Andematunnum (Langres) est celle des Lingons, établis au nord-est ; le peuple des Mandubiens occupe la dépression centrale del'Auxois, autour d'Alésia ; la partie méridionale de la région et les monts du Morvan forment la contrée des Éduens dont Bibracte, au sommet du mont Beuvray, est le cœur défensif et administratif ; sur la rive gauche de la Saône commence le domaine des Séquanes qui s'étend vers l'est jusqu'à leur capitale Vesontio (Besançon), perchée sur un roc escarpé enserré dans un méandre du Doubs.
Les Éduens contrôlent des échanges commerciaux entre l'axe de communication Saône-Rhône et le bassin de la Loire. Ravitaillé par un réseau de routes qui rejoignent la Loire à Noviodunum (Nevers) et Decetia (Decize), la Saône à Cabillonum (Chalon) et Matisco (Mâcon),Bibracte, « le plus grand et l'oppidum le mieux pourvu des Éduens » selon les mots de Jules César abrite l'activité de toute une population de forgerons, de fondeurs de cuivre et d'émailleurs. L'influence éduenne s'étend bien au-delà de leur territoire. Au nord, ils se sont associé les Mandubiens, rattachés auparavant aux Lingons. Au sud, dans la Dombe et le Bugey, ils ont pour alliés les Ségusiaves et les Ambarres et à l'ouest, les Bituriges, voisins de leurs adversaires les Arvernes. Ambivarètes et Blannovii se comptent aussi, selonCésar, au nombre des membres de la confédération qu'ils mènent. « Alliés et frères » du peuple romain depuis -120 environ, les Éduens ont acquis au -ier siècle une place prédominante au sein de la Gaule « chevelue ».
Les Lingons, établis sur les plateaux de Langres-Châtillonnais et leurs marges, entre le cours inférieur du Serein et le cours moyen de la Saône (en amont de sa confluence avec la Vouge), contrôlent les échanges commerciaux sur l'axe Meuse-Saône-Rhône, entre Europe septentrionale et Méditerranée.
Les Séquanes, dont le territoire s'étend des monts du Jura jusqu'à la Saône, rivalisent avec les Éduens pour la maîtrise de la rivière qui leur sert de frontière. Les trois peuples voisins, Éduens, Lingons et Séquanes, ont adopté dès -100 un système monétaire commun fondé sur l'étalon-argent. Leur monnaie, de valeur identique, représente la moitié du denier romain et circule alors sans difficulté sur le sol des cités, formant une union monétaire de fait, la «zone du Denier ».
La fin de l'indépendance gauloise
Vers -60, Éduens et Séquanes se disputent le contrôle de la Saône dont ils s'arrachent les points de passage. Après une première défaite, les Séquanes et leurs alliés arvernes font appel aux Germains d'Arioviste. Les Éduens sont vaincus sans que leurs « alliés et frères » romains ne viennent à leur secours. Mais deux ans plus tard, Jules César saisit le nouveau motif que lui offre la migration des Helvètes pour intervenir en Gaule En juin -58, il remporte sur ce peuple une victoire près de Bibracte. À la fin de la même année, le général romain défait Arioviste et l'oblige à repasser le Rhin. Le poids de la présence romaine s'appesantit sur les peuples de Gaule et des révoltes apparaissent. Les Éduens se rallient au mouvement de résistance auquel ils apportent leur puissance. Le bastion bourguignon devient le creuset où se nourrit la décision d'engager une vigoureuse lutte armée. La réunion militaire de Bibracte confirme le chef arverne Vercingétorix dans le commandement de l'armée fédérée gauloise. L'issue de la bataille livrée à Alésia est cependant fatale aux Gaulois. La reddition de Vercingétorix le 27 septembre 52 av. J.-C. met fin à l'indépendance gauloise et c'est de Bibracte, où il passe ses quartiers d'hiver, que César rédige son De Bello Gallico. L'imperator accorde également sa clémence aux vaincus : il donne aux Éduens le statut de civitas fœderata(« cité fédérée »).
La Bourgogne gallo-romaine
La paix romaine
La Bourgogne est organisée dès lors comme un système assujetti à Rome, mais elle connaît encore deux périodes de troubles et de violences, avec la révolte de l'Éduen Sacrovir, puis, en 70 ap. J.-C., lorsque les Éduens appuient la révolte gauloise menée par Julius Vindex. La reconquête de la Germanie sous l'empereur Vespasien a pour effet de multiplier le nombre et l'importance des bases militaires romaines. Des vestiges de camp romain ont en effet été découverts près de Mirebeau-sur-Bèze. Les dignitaires locaux acceptent la civilisation des vainqueurs et se romanisent peu à peu. La Bourgogne connaît alors la prospérité et ses bourgades, dans lesquelles se regroupe la population, connaissent un essor rapide. Mais Dijon, encore très loin de prétendre à la dignité de capitale, n'est encore que Divio, titre latin signifiant « aux deux rivières ». Elle n'est à cette époque qu'une petite agglomération, ou même un poste militaire installé au lieu-dit de « la Noue », près de Chenove.
Les bienfaits de la Pax Romana s'étendent jusqu'au iiie siècle. La Bourgogne est traversée par la Via Agrippa, voie romaine qui part de lyon et sillonne les pays éduen, sénon et lingon, réunissant selon le Romain Strabon les villes d'Anse, de Mâcon, de Tournus, de Chalon, de Dijon puis de Langres. Elle bénéficie également de nombreuses voies navigables, dont la Saône avec sa corporation des nautes ararici est l'axe principal. Grâce à ces voies de communication, la Bourgogne est le point de passage obligé par lequel voyagent vin, produits agricoles, étain, métaux et huile. La densité des échanges assure la prospérité du pays. Les productions agricoles locales, comme l'écrit Strabon, sont nombreuses est variées. La vigne s'est installée sur la Côte bourguignonne et les Gaulois, bons tonneliers, ont substitué très tôt la barrique à l'amphore, trop lourde et trop fragile.
Cultes, divinités et premiers chrétiens
La vie religieuse est intense et les habitants vénèrent encore d'anciennes divinités gauloises telles : le dieu à andouillers Cernunnos, ou la déesse Rosmerta retrouvée sur le complexe thermal d'Escolives-Sainte-Camille, le « dieu au maillet » de Moux-en-Morvan Sucellus, appuyé sur un cep de vigne et visible au musée de Nuits-Saint-Georges. Mais ils adorent également des divinités romaines ; ainsi d'autres représentations de divinités montrent l'influence gréco-romaine : Apollon qui assimile Belenos, Borvo ainsi que diverses autres divinités, Mercure, le dieu au pétase, dont César affirme qu'il est le plus vénéré en Gaule. On trouve aussi la preuve de l'implantation de cultes orientaux. Nombreux sont les sites en Bourgogne qui témoignent de cette intense vie religieuse : Alésia, les sources de la Seine, les Bolards (ancienne bourgade gallo-romaine près de Nuits-Saint-Georges) en font partie. Les sources de la Seine sont le lieu de célébration du culte de la divinité guérisseuse de Sequana.
De l'Orient arrive ensuite, peu à peu, le christianisme. Remontant l'axe du Rhône et de la Saône, les marchands et les soldats qui viennent d'Orient s'implantent à Augustodunum, future Autun et ville la plus prospère et brillante de la région, et, de là, diffusent la nouvelle religion. Une telle influence a également été retrouvée à Sedelocus (Saulieu). Elle pourrait avoir été diffusée par l'Église de Lyon, la plus vieille Église des Gaules, fondée au second siècle par Irénée. Les premiers noms de chrétiens sont en effet grecs : Pectorios, Symphorianos (Symphorien), Andochios (Andoche), Thyrsos (Thyrse). Parmi la population indigène, le cas le plus singulier fut celui desainte Reine, habitante de la bourgade d'Alésia au ive siècle. Elle aurait été martyrisée par Olibrius, un fonctionnaire impérial. D'après Charles Commeaux « il paraît certain que l'évangélisation de la Bourgogne n'est pas antérieure, au plus tôt à la fin du iie siècle ». En dehors des preuves indubitables laissées par ces découvertes, l'évangélisation de la Bourgogne est traditionnellement liée à des « souvenirs » des temps apostoliques et les villes bourguignonnes revendiquent leurs saints martyrs et fondateurs. Autun vénère ainsi Symphorien et Lazare ou « Ladre », patron de sa foire annuelle, Saulieu vénère Andoche et Thyrse, Tournus célèbre Valérien, Chalon Marcellus (Marcel), Dijon Bénigne alors qu'Auxerre célèbre Germain.
Alesia-Alise SteReine. St Andoche à Saulieu et le Taureau de Pompon-Autun
Les invasions barbares
À partir du iiie siècle, le déferlement successif de vagues de barbares venus de l'est, s'ajoute à l'instabilité du pouvoir de l'Empire romain d'Occident, et met un terme à la période de prospérité en Bourgogne. Le premier raid des Alamans atteint la région vers 256-259 et y sème un peu partout la ruine. Ils réapparaissent en 275-276 et recommencent leurs ravages, qu'aggrave le péril nouveau des bagaudes, ces bandes de paysans chassés de leur terre qui pillent pour leur propre compte. Pour mieux se protéger les villes se resserrent, se contractent et se fortifient. C'est en effet sous le règne d'Aurélien, en plein péril alaman avec la grande invasion de 276, que l'enceinte de Dijon est fortifiée. La peur gagne ainsi les riches propriétaires. On a en effet découvert, dans toute la Gaule, un grand nombre de trésors enfouis, que les propriétaires n'ont pu récupérer.
Une période de calme réapparaît entre la fin du iiie siècle et le début du ive siècle, aux temps de Maximien et de Constance Chlore, lorsque ces empereurs parviennent à vaincre et à stopper les envahisseurs. Mais en 297, selon le tableau que dresse le rhéteur Eumène à Constance Chlore, la grande cité d'Augustodunum (la future Autun), n'évoque encore que ruines et désolations.
La pression de l'envahisseur persiste, et au milieu du ive siècle les dernières vagues submergent définitivement la région même si en 355, Autun, une nouvelle fois assaillie par les Alamans, est reconquise par Julien, le nouveau César installé par l'empereur Constance II.
Du haut Moyen Âge au duché capétien
Naissance de la Bourgogne : les Burgondes
Après plusieurs étapes en Germanie, les Burgondes, venus des confins de la Baltique et peut-être de l'île de Bornholm, s'installent en 443 comme auxiliaires de l'armée romaine avec le statut de fédérés (du latin fœdus), sous l'autorité du patrice romain Ætius qui leur offre un territoire autour de Genève. Profitant de la faiblesse de l'Empire, ce peuple se construit, à partir de la seconde moitié du ve siècle, un vaste et puissant royaume qui, à son apogée, touche au nord la ligne des Vosges et la Durance au midi. D’orient en occident, le royaume burgonde s'étend de l’Aar à la Saône et de la Vallée d'Aoste à la Haute-Loire. Sur le territoire des futurs duché et comté de Bourgogne, les cités d'Auxerre, Langres, Besançon, Chalon-sur-Saône et Autun figurent dans ses possessions.
Les souverains burgondes se succèdent, élargissant à chaque règne les limites du royaume. Après Gondicaire, Gondioc et Chilpéric Ier, les deux frères Godégisile et Gondebaud règnent d'abord ensemble, de 476 à 500. Langres, Besançon, Chalon-sur-Saône et Autun échoient à Godégisèle avec le Valais et Genève, où il installe sa capitale, avant de s'allier aux Francs de Clovis Ier pour s'approprier la totalité du royaume. Gondebaud, surmontant une première défaite subie non loin du castrum de Dijon, contre-attaque, assiège Vienneoù s'est retranché Godégisèle et le tue. Après avoir cédé au roi franc, par un accord signé en 502 sur la Cure, la Champagne ainsi que l'Auxerrois amputé de la ville nouvelle de Nevers, il reste seul maître de l'ensemble du royaume burgonde. Gondebaud se fait même l'allié de Clovis, auquel il a donné en mariage sa nièce Clotilde, et c'est avec l'aide franque qu'il tente, mais en vain, d'annexer la Provence wisigothique lors du siège d'Arles, en 507 et 508. C'est à lui qu'on doit la promulgation de la législation qui porte son nom, la loi gombette, qui organise la coexistence des éléments burgondes et gallo-romains au sein de son royaume.
Après la mort de Gondebaud en 516, ses successeurs se heurtent aux visées
des rois francs. Son fils Sigismond, qui lui succède, est tué en 523 par le roi d'Orléans, Clodomir. Le royaume échoit alors à son frère Godomar. Malgré une victoire sur les Francs de Clodomir à Vézeronce en 524, Godomar est vaincu en 534 par la coalition de Childebert Ier, Clotaire Ier et Thibert Ier (ou Théodebert), qui se partagent son royaume. C'est Thibert qui reçoit les cités comprises dans la Bourgogne et la Franche-Comté d'aujourd'hui : Nevers, Autun, Chalon-sur-Saône, Dijon
et Besançon. Malgré moins d'un siècle d'existence, le royaume burgonde a laissé à la postérité le nom de Burgundia1, « Bourgogne »5. L’État burgonde définitivement détruit tombe dans la mouvance franque mais une société bourguignonne subsiste, avec sa civilisation et son droit. Sous la domination franque la loi gombette reste en vigueur, précieux élément de cohésion permettant l’ébauche d’une individualité régionale.
La Bourgogne mérovingienne
Le royaume des Francs en 567 après sa division en sous-royaumes. Le royaume de Gontran est en vert. En bleu l'Austrasie et le couloir austrasien en Provence, isolant
Arles.
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En passant sous le sceptre mérovingien le regnum Burgondiæ demeure, mais c’est une Bourgogne aux contours indécis et variables, limitée aux cités où l’élément burgonde domine et dont l’axe médian se situe maintenant le long de la vallée de la Saône3. À la mort de Thibert, en 548, les cités qu’il a reçues échoient à son fils Thibaut. La mort sans héritier de ce dernier, permet à Clotaire Ier, de réaliser à son profit l’unité de la monarchie franque en réunissant toutes les parties de l’ancien royaume bourguignon. À sa mort, en 561, l'ancienne Burgondie tout entière, (amputée toutefois de la Provence
par le partage) renaît du partage de ses terres entre ses quatre fils. Gontran reçoit l’ancien royaume de Clodomir dont la capitale était Orléans et les cités burgondes. Le nouveau roi fixe sa résidence préférée en Burgondie, qui représente la plus importante part de son royaume. Il s’installe dans le castrum de Chalon-sur-Saône qui fait presque figure de capitale. Il rallie l’adhésion de ses sujets et assure une cohésion solide au royaume. Il y réunit des conciles et fait ériger en 577 à Saint-Marcel une basilique et un monastère. La Bourgogne recouvre son individualité. L’expression regnum Burgondiæ est alors acquise à la géographie historique et une noblesse propre à ce royaume et représentant l’esprit local va se former. Sans fils survivant, Gontran adopte son neveu Childebert II, fils unique de son frère le roi d'Austrasie Sigebert Ier et de la reine Brunehilde, et en fait son héritier.
Au décès de son père, le fils mineur de Childebert, Thierry II, recueille la Burgondie qui s'étendait alors du sud de la Champagne au nord, jusqu'à Arles au sud, et, à l'est, jusqu'au Val d'Aoste. La régence est exercée par sa grand-mère Brunehilde qui choisit Autun pour capitale. Elle y fonde l'abbaye de moniales de Saint-Jean-le-Grand et celle de Saint-Martin. Les historiens lui attribuent la remise en état du réseau des voies romaines bourguignonnes, les « chaussées Brunehilde », ainsi qu'une révision du cadastre, une réforme fiscale et la mise en place d'un service militaire. Elle exerce le pouvoir pendant une vingtaine d’années ne laissant à Thierry qu’un pouvoir nominal. À l'extérieur, les rapports avec la Neustrie sont marqués par la haine implacable que se vouent Brunehilde et Frédégonde, concubine puis épouse du roi Chilpéric Ier. À l'intérieur, s'appuyant sur l’aristocratie romaine pour gouverner, conduisant une politique de centralisation, cherchant à mater les grands d'Austrasie et de Burgondie, dits « leudes » ou « burgondofarons », ainsi que les évêques, elle s’attire leur hostilité. Finalement victime de la trahison des grands, à la tête desquels figure le maire du palais Warnachaire, la vieille reine est capturée dans sa fuite à Orbe et conduite à Renève avec les quatre fils de Thierry II devant Clotaire II, qui la fait supplicier. Ses restes mutilés sont déposés à l’abbaye de Saint-Martin d’Autun. La victoire de Clotaire II est celle de l’aristocratie sur la royauté. Les leudes ne se sont ralliés à Clotaire II qu’après avoir reçu l’engagement de ne jamais intervenir dans le choix des leudes.
Le regnum Burgondiæ est alors rattaché au royaume de Clotaire II, devenu en 613 l'unique roi des Francs. Mais tout en se plaçant sous la dépendance des rois merovingiens de la Neustrie franque, l’aristocratie bourguignonne conserve la réalité du pouvoir2 et parvient à se réserver les charges publiques. Dagobert Ier en lui succédant en 629 doit parcourir la Burgondie pour imposer son autorité. Sa mort, en 638, ouvre le début d’une réaction aristocratique et d’une anarchie qui dure presque un siècle. Ses successeurs, dans la période de 638 à 751, ne sont plus que des « rois fainéants » : neuf membres inconsistants de la famille mérovingienne qui confient, au détriment de la fonction royale, le pouvoir à des membres de la haute aristocratie qui se disputent la charge de maire du palais. Les querelles sont fréquentes entre les élites burgondes et les maires du palais. L’affrontement resté le plus célèbre est celui d'Ébroïn, maire du palais de Neustrie et de saint Léger d'Autun, aristocrate, riche propriétaire en Austrasie et en Bourgogne, porte-parole des intérêts de l'aristocratie bourguignonne et représentant éminent de l'esprit particulariste de l'ancien royaume de Bourgogne. Ébroïn, reprenant la politique de centralisation de Brunehaut travaille à unifier la Neustrie et la Burgondie en brisant la résistance de l'aristocratie, Léger est finalement assassiné par ordre d'Ébroïn en 677. Ébroïn est lui aussi assassiné, quelques années plus tard, en 680 ou 683.
La Bourgogne carolingienne
Depuis la mort d’Ébroïn (entre 680 et 683), la Burgondie vit une période d’anarchie larvée nourrie des tendances autonomistes de ses leudes. À partir de 716 Charles Martel parvient à se rendre maître de l'Austrasie et de la Neustrie. La Bourgogne demeure insoumise. Les évêques gardent la pleine autorité sur leurs cités transformées en petites républiques aristocratiques. En 725 Les hordes d’envahisseurs vraisemblablement germaniques4, puis les Sarrasins en 731 qui ravagent par deux fois Autun, dévastent les monastères de Luxeuil et de Bèze, saccagent Langres ouvrent une grave crise politique et militaire. Charles Martel reproche aux notables burgondes leur passivité devant l'envahisseur et accuse même certains d'avoir pactisé avec les assaillants. Après sa victoire de Poitiers, en 732, il intervient militairement en Bourgogne. Le vaste territoire de l’ancien regnum Burgundiae est réparti en quatre commandements, ayant chacun un gouverneur : une Bourgogne d’Arles, une Bourgogne de Vienne, une Bourgogne alémanique et une Bourgogne franque.
En 736, Charles Martel entreprend en Burgondie une seconde campagne qui, d’après Maurice Chaume, « prend l’allure d’une exécution ». L'aristocratie locale doit s'incliner devant sa puissance et reconnaître son autorité. Commencent alors les représailles : exécutions, déportation de Burgondofarones, confiscations des biens et la noblesse locale est remplacée par les leudes austrasiens voire bavarois. Les dignitaires de l’Église ne sont pas épargnés : Haimer, évêque d’Auxerre, est arrêté et ses biens sont partagés entre six princes bavarois ; ceux de l’église de Langres passent à Rémy, un frère de Pépin le Bref. La Burgondie est colonisée par les Francs du royaume d’Austrasie. En 742, à sa mort, la garde de la Burgondie augmentée des terres actuelles d'Alsace et de Lorraine, de Provence et du Languedoc est confiée à son fils Pépin le Bref puis passe en 768 à Carloman Ier, fils de Pépin avec une nouvelle répartition territoriale. Les partages arbitraires des Carolingiens brise définitivement l'unité de l'ancien royaume burgonde. Les textes parlent bien encore de Burgundia ou de regnum Burgundiæ, mais ces mots n’ont plus qu'une valeur géographique. La Bourgogne devient une mosaïque de pagi. Le royaume de Bourgogne ne subsistera qu’outre-Saône.
Les pagi bourguignons, divisions administratives
Les pagi carolingiens en « Bourgogne franque » (ixe siècle)
Pour appuyer leur politique d'unification et de centralisation, les Carolingiens établissent le pagus, circonscription administrative au sein de laquelle le pouvoir central se fait représenter par un comte ou un évêque, fonctionnaire dépendant du Palais. Les pagi, dans leur tracé, laissent percevoir la continuité d’anciennes limites réadaptées, tout en différant des anciennes divisions gauloises dont ils ne représentent souvent qu'une fraction. Leur délimitation en « Bourgogne franque », telle que l'étude des chartes rurales et des subdivisions ecclésiastiques médiévales permet de la reconstituer, n'est pas uniforme : « En Bourgogne, les régions occidentales et méridionales gardent un cadre très proche des cadres romains, avec des ressorts centrés sur les grandes cités où siègent les évêques. Dans l’ancienne cité des Lingons, en revanche, la situation est beaucoup plus complexe et les pays nombreux »
Maurice Chaume a dressé une liste des pagi ou « pays » à partir desquels s'est constituée la Bourgogne ducale et comtale. On peut citer : à l’est de la Saône (« Outre-Saône ») l’Amous, l’Escuens, le Varais (pagus de Besançon) et, enjambant son cours supérieur, le Portois (dont le nom vient de Port-sur-Saône) ; sur sa rive droite le Bassigny, le Bolesmois, le Barrois, le Langrois (ou Langogne), le Lassois (situé aux environs de Châtillon, il tire son nom du très vieuxcastrum de Latisco, dont dépendait la nécropole de Vix), le Duesmois (ou pays de Duesme, alors importante forteresse), le Tonnerrois, l’Auxois, le Mémontois (qui recouvre le sud de la Montagne), le Dijonnais
, l’Atuyer (pays des Attuariens), l’Oscheret (ou pays de l’Ouche) et aussi le Beaunois, le Chaunois et le Mâconnais ; l'Autunois et le Nivernais, traversés par la Loire ; l'Avallois, par la Cure ; l'Auxerrois et le Sénonnais, par l'Yonne ; plus au nord, le Troiesin et le Brenois auxquels on peut ajouter le modeste Blaisois.
Le démembrement de la Burgondie
Charlemagne ayant unifié l’ensemble des territoires francs, le vieux royaume burgonde conserve son unité sous son règne. Mais de son vivant déjà, en organisant sa succession au profit de ses fils, dès 806, il le morcelle sans attacher la moindre importance à la tradition bourguignonne.
En 817, Louis le Pieux partage à nouveau les pagi qui composaient les territoires bourguignons. Avec la naissance du futur Charles II le Chauve, né d’un deuxième lit, et la volonté de Louis le Pieux de lui faire un royaume, les partages se succèdent. En 829, Louis le Pieux modifie les attributions des parts faites à chacun de ces trois fils au mépris des dispositions arrêtées en 817. Nouveaux partages en 831 puis en 837. En 839 ultime partage de Louis le Pieux. En trente-quatre ans, de 806 à 839, écrit M. Chaume, « la Burgondie subit jusqu'à six partages différents ». Les comtés sont attribués au gré des partages à l'un ou à l'autre des descendants de Charlemagne. Au lendemain de la mort de Louis le Pieux (840), une grave crise successorale secoue l’Empire. Une partie décisive de la lutte que se livrent les fils de Louis le Pieux se déroule à Fontenoy-en-Puisaye en 841. L'intervention du comteGuerin, l’homme fort de la Bourgogne du sud, le dux Burgundiae potentissimus comme le qualifient certains actes, à la tête de contingents toulousains provençaux et bourguignons, en faveur de Charles le Chauve et de Louis II de Germanie met finalement les armées de Lothaire en déroute. Lothaire se résigne à adresser des offres de paix à ses deux frères qui se concrétisent par la signature en 843 du traité de Verdun.
La nouvelle frontière, entre les possessions de Charles II le Chauve et celles de Lothaire, coïncide à peu près avec la Saône. À l’est de la rivière, les pagi bourguignons sont donnés à Lothaire alors que ceux situés à l’ouest de la Saône passent dans les possessions de Charles le Chauve. La division du vieux royaume Burgonde ainsi créée subsistera pendant des siècles.
Les textes feront désormais la distinction entre une « Bourgogne franque » appelée à devenir le duché de Bourgogne et composée de dix-neuf pagi situés à l'ouest de la Saône, et une « Bourgogne Jurane ou Impériale », celle de Lothaire, constituée de vingt-trois pagi, situés à l'est de la Saône2. Parmi les pagi situés à l'est de la Saône, les quatre pagi d'Amous, de Portois, d'Escuens et de Varais forment une l'entité territoriale qui donnera naissance au Comté de Bourgogne, l'actuelle Franche-Comté. Une période de démembrements successifs suit le partage de 843. En 855 par le Traité de Prüm (855), Lothaire Ier donne principalement le Lyonnais et la Provence
à son fils Charles. Le territoire donné, qui forme le royaume de Provence, divise une fois de plus le vieux royaume burgonde. Charles étant trop jeune, c'est Gérard de Roussillon, le fondateur des abbayes de Vézelay et de Pothières, qui exerce la réalité du pouvoir. Les accords de 855 ne sont pas définitifs et lorsque la lignée de Lothaire s'éteint avec la mort de Louis II, Charles II le Chauve, par Traité de Meerssen conclut avec son frère Louis le Germanique, récupère avec le pagus du Portois ainsi que la ville épiscopale de Besançon, la plus grande part de l'ancienne Burgondie3.
Le royaume de Provence des bivinides
Les quatre Bourgognes : le duché de Bourgogne, le comté de Bourgogne, la Bourgogne transjurane, la Bourgogne cisjurane avec la Provence
; les trois dernières sont terres du Saint-Empire romain germanique à partir de 1032.
Les quatre Bourgognes : le duché de Bourgogne, le comté de Bourgogne, la Bourgogne transjurane, la Bourgogne cisjurane avec la Provence ; les trois dernières sont terres du Saint-Empire romain germanique à partir de 1032.
Après la mort en 877 de Charles II le Chauve, le trône des Francs chancelle et les grands vassaux se montrent audacieux. Le sentiment du particularisme bourguignon n'a pas disparu. Grands et prélats de l'ancienne Burgondie venant de Besançon, du lyonnais de Tarentaise, d'Aix, d'Arles rassemblés le 15 octobre 879 à Mantaille offrent au bivinide Boson, comte de Vienne et d'Autun, beau-frère de Charles le Chauve, en possession de la Bourgogne du sud, du Lyonnais, du Viennois, de la Provence, une couronne royale qu'il accepte.
Il ne prend cependant pas le titre de roi de Bourgogne mais il s'intitule Boso Misericordia Dei Rex. Les provinces qui se rallient à lui débordent largement l'ancien royaume de Charles de Provence et correspondent à celles de l'ancien regnum Burgundiæ. Son royaume, plus grand que celui de Gondebaud, s’étend des rives du Doubs au nord, jusqu’aux rives de la Méditerranée au sud et déborde sur l’Helvétie et l’Italie. Sous sa couronne se trouvent réunis une partie de la Bourgogne, le Bugey, la Bresse, le Dauphiné, la Tarentaise, la Provence et une partie du Languedoc. Il prend Vienne pour capitale et se dote d’une chancellerie dirigée par Adalgaire, abbé deFlavigny7.
Mais le nouveau royaume, appelé aussi « royaume d’Arles » ou « royaume de Provence », réalise contre lui l’union des Carolingiens.Carloman, fiancé de sa fille, et Richard le Justicier, son propre frère, réagissent et marchent contre lui. Ils emportent d’assaut Mâcon en 880 puis prennent Vienne après un siège de deux ans. Boson parvient néanmoins à maintenir son autorité sur une partie de ses domaines. À sa mort en 887, il transmet la Provence à Louis l’Aveugle son fils, reconnu comme « roi deProvence » à Valence en 890. Boson aura fondé le « royaume de Provence
». À la mort de Boson, le territoire de l'ancienne Burgondie est coupé en trois : une Bourgogne franque, une Bourgogne jurane et le royaume de Provence. Chacune de ces unités territoriales suit à partir de ce
Sarcophege de St Bénigne à Dijon-Abbaye de Fontenay-Abbaye de Vezelay-Autun Porte d'Arroux et Porte St André-Pyramidee funéraire
Le grand duché des Valois
Philippe le Hardi
Possessions de Philippe le Hardi
Par lettres patentes du 2 juin 1364 le roi Charles V confirme la décision de son père d'instituer son plus jeune frère Philippe, duc de Bourgogne. Le jeune homme qui reçoit le titre de duc se révèle doté d'une habileté politique hors du commun, à la fois intelligent, perspicace et d'une personnalité
charismatique C'est aussi un amateur d'art, un fin lettré et un mécène avisé. Il est aussi l'homme fort du conseil du roi Charles VI. Il exerce de fait la régence de 1380 à 1388 et tout en restaurant l'ordre dans les villes révoltées il élargit sa principauté et tisse un réseau d'alliance dans le Saint-Empire. Maître du duché, Philippe épouse le 19 juin 1369 Marguerite de Flandre, riche héritière du comté de Flandre et de bien d'autres seigneuries qui rentrent en sa possession à la mort, intervenue le 30 janvier 1384, de son beau-père, Louis de Mæle. Cet héritage fait du duc le plus puissant des « sires de fleurs de lis ». Les comtés de Flandre, d'Artois, de Rethel, de Nevers, la baronnie de Donzy, les seigneuries de Malines et de Salins, les terres de l'Isle en Champagne, de Villemaur et de Jully ainsi que le Comté de Bourgogne rentrent dans le domaine ducal. Il y ajoute, en 1390, le comté de Charolais. Son héritage flamand le conduit à mater la ligue gantoise des « Chaperons blancs » à la bataille de Roosebeke. Le Jacquemart, la célèbre horloge de Courtrai qu'il ramène comme trophée s'offre encore de nos jours au regard au clocher de l’église Notre-Dame de Dijon. Le mariage de son fils Jean sans Peur, héritier du duché, avec Marguerite de Bavière, et de Marguerite de Bourgogne, sœur de Jean sans Peur, avec Guillaume IV de Hainaut « rend inexpugnable sa situation dans les Pays-Bas ». En 1390, il reçoit de la duchesseJeanne de Brabant le Limbourg qu'il donne en succession à son second fils Antoine. Un édifice bourguignon aux proportions imposantes est dès lors en construction. La paix avec l'Angleterre sert ses intérêts flamands : il est un des artisans des négociations qui entourent le mariage d’Isabelle, avec le roi d’Angleterre Richard II. La suspension d'armes signée le11 mars 1396 apporte une période de prospérité pour ses domaines flamands. En 1404, en séjour à Bruxelles le duc tombe malade, et meurt le 27 avril 1404 en son château voisin de Hal dans sa soixante-troisième année. Il est inhumé à Dijon à la chartreuse de Champmol, la nécropole des Valois, le 15 juin 1404, dans un somptueux tombeau, qui, à la date de sa mort, n'est pas encore achevé.
- Dijon
, foyer d’art
Même si le duc Philippe ne réside que très peu à Dijon
la ville s’impose comme capitale de l’État bourguignon. Il fonde au lieu dit « la motte de Champmol » un couvent de chartreux qu’il choisit comme lieu de sépulture et qui devient la nécropole des ducs Valois. La chartreuse de Champmol fait la gloire du premier des Valois. Sa construction y associe les noms de grands artistes et imagiers du duc. Jean de Marville et son successeur Claus Sluter, sculpteur de génie, sont les premiers créateurs de « l'art bourguignon ». Outre sa réalisation majeure, le grand calvaire de la chartreuse, appelé par la suite « puits de Moïse », et d'autres œuvres, comme le portail de la chapelle de la chartreuse et le tombeau de Philippe le Hardi, placent Sluter, selon certains historiens de l'art, au niveau de Michel-Ange. Dijon devient une pépinière artistique où se concentrent des artistes venus principalement de Flandre. Le mécénat de Philippe le Hardi a fait également une large part à la peinture qui connaît une période florissante. La capitale des ducs abrite de nombreux chefs-d'œuvre et d'extraordinaires tableaux et retables exécutés par les plus grands peintres de l'époque des ducs Valois : Jean de Beaumetz, Melchior Brœderlam, Jean Malouel, portraitiste de Jean sans Peur, Jan Van Eyck, peintre de Philippe le Bon, et Hubert van Eyck, (les deux frères Van Eyck, auteurs duretable de l'agneau, conservé en la cathédrale de Saint-Bavon de Gand), Henri Bellechose.sans oublier svp Roger van der Weyden 'Roger de la Pasture)
Jean sans Peur
Les États bourguignons sous Philippe le Bon.
(Cliquez pour agrandir la carte)
Jean sans Peur, comte de Nevers, a trente-trois ans lorsqu'il recueille, dans un climat de rivalités avec son cousin Louis d’Orléans, l'héritage paternel. Jean est né le 28 mai 1371 à Dijon. Aller de l’avant est sa maxime. Sa devise flamande : « Ik Houdt » (c'est-à-dire « je ne cède pas » ou je reste ferme) témoigne de sa persévérance. Il porte de fait le surnom de « sans Peur ». Le 17 juin 1404, au lendemain des obsèques de son père à Champmol, le duc fait « sa joyeuse entrée » à Dijon et y confirme, selon l'usage, tous les privilèges. La mort de sa mère, Marguerite, le 21 mars 1405, quelques mois plus tard, le met en possession de son opulent patrimoine. Son ambition sans limite pour le pouvoir l'amène à engager une lutte sans merci contre Louis Ier d'Orléans. Celui-ci, du vivant de Philippe le Hardi, s'est déjà attelé à contrer la puissance bourguignonne. En1402 il a acquis le duché de Luxembourg en gagère pour empêcher la réalisation d'une continuité territoriale entre les États bourguignons. Il fait mine de vouloir faire rompre la trêve franco-anglaise, alors que l'industrie textile des Pays-Bas bourguignons repose sur les importations de laine d'outre-Manche. L’intention d’en découdre s’affiche jusque dans les emblèmes que se choisissent les deux hommes. Alors que le duc d’Orléans adopte le bâton noueux, Jean sans Peur réplique en prenant le rabot qui doit planer le gourdin. Chacun aspire à éliminer le rival.
Le rêve de domination du duc de Bourgogne le pousse jusqu'au crime. En plein Paris, dans le quartier Barbette, le23 novembre 1407, le duc d'Orléans meurt assassiné. Le meurtre, ordonné par Jean sans Peur, déclenche la guerre civile diteGuerre civile entre Armagnacs et Bourguignons qui divise la France en deux camps, où Jean sans Peur se présente comme le défenseur de la paix et cherche à s'attirer la sympathie des gens du peuple. Pour dominer Paris, il se fait l'homme desCabochiens, mais se laisse déborder par cette corporation. En 1415, Henri V d'Angleterre intervient dans le conflit. Jean sans Peur, sans états d'âme, traite secrètement avec les Anglais qui remportent le 25 octobre 1415 la victoire à Azincourt, à laquelle il ne participe pas, mais où il perd ses deux plus jeunes frères, Philippe de Nevers et Antoine de Brabant, morts au combat. C'est encore en secret qu'il reconnaît, par un acte de mai 1417, Henri V d'Angleterre et ses descendants comme héritiers au trône de France. La France est alors plongée dans une crise des plus graves et les armées anglaises se font plus menaçantes. En juillet 1419, Jean sans Peur ouvre des pourparlers avec le dauphin. Ils fixent leur prochaine entrevue à Montereau-Fault-Yonne. Le duc s'y rend le 10 septembre 1419. C'est sur le pont que Jean sans Peur trouve la mort assassiné d'un coup de hache, en présence du dauphin et victime probable de la vengeance des conseillers de ce dernier.
Philippe le Bon
Philippe III de Bourgogne, comte de Charolais, fils unique de Jean sans Peur, que ses sujets surnomment « le Bon », prend le titre de duc de Bourgogne à l'âge de vingt-trois ans. Grand mécène comme son grand-père, il aime le luxe et la culture. Sa cour devient une des plus brillantes d’Europe. Il songe d’abord à venger la mort de son père et se rapproche des Anglais. Il leur ménage en 1420 le traité de Troyes, décrit par les historiographes comme véritable « trahison de Troyes » ; traité par lequel le roi Charles VI déshérite son fils Charles et, rompant les lois fondamentales de la monarchie, apporte le droit d’hérédité à la couronne de France à Henri d’Angleterre. Mais celui qu’on appelle « le dauphin de Viennois » déshérité fait front. Une lutte confuse s’engage entre ses partisans et les Anglo-bourguignons. Philippe le Bon tient campagne et s’empare de Crépy-en-Laonnais, Sens, Montereau, Melun, villes tenues par les partisans du dauphin. Le 10 février 1422, Philippe fait son entrée solennelle à Dijon et jure les privilèges ; mais les Dijonnais rechignent à promettre fidélité au roi d’Angleterre. La succession de Charles VI donne à la France deux rois. Charles VII le dauphin s’est proclamé roi, il est en effet « roi de Bourges », et le roi-enfant Henri VI d'Angleterre, « roi de Paris », reconnu officiellement par le duc de Bourgogne, n'est qu'un bébé pour le compte duquel Jean de Lancastre, duc de Bedford, assure la régence. La division de la France est complète. Durant les années 1422-1423, la Bourgogne subit les attaques des armées de Charles. Mais l’axe de la politique ducale s’infléchit vers le nord. La politique nette et fructueuse que le duc mène aux Pays-Bas le met en possession du comté de Namur, du duché de Brabant, duHainaut, de la Hollande, de la Zélande et de la Frise. Il est aussi tout puissant dans l’évêché d’Utrecht, il dispose aussi des évêchés de Cambrai et de Tournai. En moins de quinze ans, Philippe le Bon jette les bases d'un nouvel État qui comprend les plus grandes villes et les plus riches territoires d'Occident. La poursuite de sa politique aux Pays-Bas n’empêche pas Philippe le Bon d’apporter une aide à Bedford, qui, même mesurée, contribue à donner à ce dernier la supériorité militaire sur Charles VII. Les troupes de Charles VII reculent partout. En octobre 1428, les Anglais sont devant Orléans et l'assiègent jusqu'à l’intervention de Jeanne d'Arc qui, libérant la ville, fait naître un sentiment de patriotisme. Tombée à Compiègne aux mains du Bourguignon Jean de Luxembourg, elle est livrée par Philippe le Bon à Bedford. En 1429, l'armée de Charles VII mène un raid vers Reims pour sacrer le souverain, nombre de villes de Champagne et de Picardie passent françaises sans résistance. La Bourgogne se trouve coupée de Paris. L'atteinte de ses intérêts économiques et une montée du parti pro-français poussent le duc de Bourgogne à un renversement d'alliance. Les négociations engagées avec les Français vont trouver leur dénouement par la signature du traité d’Arras aux clauses humiliantes pour le roi de France. En dédommagement de l’assassinat de son père, Philippe le Bon reçoit de Charles VII, le Mâconnais, l’Auxerrois, Bar-le-Duc, Luxeuil, les villes de la Somme, d’une grande importance stratégique, et la perception des impôts dans les « élections royales » d’Autun et de Chalon, prélude à une annexion. En plus de tous ces territoires, Charles VII le dispense, pour le reste de sa vie, d’hommage envers le roi, ce qui fait de Philippe un véritable souverain, le « grand-duc d’Occident ». Cependant la paix d’Arras conduit à la rupture entre le duc de Bourgogne et les Anglais. Autre conséquence de l’accord, la Bourgogne subit les exactions des « Écorcheurs », qui refont leur apparition. En 1443, le duc ajoute le Luxembourg à ses possessions ; il se trouve alors à la tête d’un immense ensemble territorial qui tend à la résurrection de la Lotharingie et fait ombrage au roi de France. Aussi, ses rapports avec Charles VII sont-ils froids et l’accueil qu’il réserve au fils de celui-ci, le dauphin de France, futur Louis XI, en querelle fréquente avec son père, accentue la tension entre les deux princes. Le dauphin réside d'abord au château de Bruxelles où il se lie avec le fils du duc, le futur Charles le téméraire dont il devient, après son accession au trône, l'ennemi juré. Le dauphin réside ensuite au château de Hal où il a un fils qui mourut à peine né et est inhumé dans l'église de cette ville. Mais Charles VII meurt en 1461 et le dauphin rentre à Paris où il ceint la couronne de France. Quelques années plus tard, en 14 juin 1467, Philippe le Bon meurt à Bruges, laissant à son fils Charles l'imposant héritage des possessions bourguignonnes, cause de l'hostilité entre la branche des Valois de France et les Valois de Bourgogne, branche cadette de la précédente.
Charles le Téméraire
Charles de Charolais, troisième fils de Philippe le Bon et dernier des ducs Valois de Bourgogne, succède à son père en juin 1467. Brouillé avec son père, il était réfugié sur ses terres de Hollande. Son instruction est soignée et, comme son père, il est colérique et, plus encore, impulsif. Après avoir maté les révoltes de Liège et de Gand, il manifeste son goût du faste en conviant à Bruxelles de nombreux ambassadeurs pour assister au pardon des Gantois mis en scène dans une ville en fête où des défilés et des spectacles sont organisés autour de sa personne. Il se tourne alors contre la France, voulant enlever définitivement les terres de Bourgogne à l'apanage du roi de France. Une série de trêves fragiles interrompt les hostilités sans qu'aucune conclusion n'en résulte. Le grand duc touche alors à l’apogée de sa puissance, une vaste Lotharingie soumise. Par le traité de Saint-Omer en date du (9 mai 1469), il reçoit en gage du duc Sigismond d'Autriche l’Alsace, le Sundgau, le comté de Ferrette (Pfirt) et, fin 1472, il arrache la cession de Gueldreet de Zutphen à l’héritage d’Arnold d’Egmond. Cependant, à Trèves (septembre-novembre 1473), après des discussions avec Frédéric III qui tournent court, la couronne royale lui échappe. Il a alors acquis son surnom de Charles le Téméraire. Dans un discours-programme proclamé à Dijon le 24 janvier 1474, il fixe les grandes lignes de son ambition qu'il continue à axer sur l'unification d'un vaste territoire tout en acquérant la dignité royale. Mais, peu de temps après, tout commence à se fragiliser. Par le traité de Londres du25 juillet 1474, il précise son alliance avec Édouard IV en vue du partage du royaume de France. Attendant l'arrivée Édouard IV sur le continent, il entreprend un siège de dix mois devant Neuss pour plaire à son allié, l’archevêque de Cologne; ce siège se solde par un échec. Pendant ce temps, la révolte gronde en Alsace qui élimine son gouverneur Pierre de Hagenbach. Louis XI mène contre le Téméraire une guerre en entretenant des foyers d'opposition, en octroyant des subsides à tous les adversaires de la puissance bourguignonne ; il pousse ainsi les Suisses à soutenir les Alsaciens et commence en 1475 une nouvelle offensive contre la Bourgogne. Édouard IV débarque sur le continent à Calais et, réalisant qu'il ne recevra pas l'aide promise par le duc, traite avec Louis XI. Les deux souverains signent le traité de Picquigny le 29 août 1475, qui met fin à la guerre de Cent Ans et brise l’alliance anglo-bourguignonne. Désireux d’avoir les mains libres pour agir en Lorraine, le duc de Bourgogne signe avec le roi de France la trêve de Soleuvre le13 septembre 1475. Charles annexe le pays lorrain et souhaite punir les Suisses, coupables d’une agression contre ses troupes. Ses actions sont guidées par la panique et la fébrilité tandis que, dans l’ombre, Louis XI prodigue aux Suisses conseils et argent. Les défaites successives contre les Suisses, à Grandson et à Morat puis contre René de Lorraine à Nancy, où il trouve la mort le 5 janvier 1477, mettent fin au rêve bourguignon.
Philippe II le Hardy-Jean Sans Peur- Philippe le Bon-Charles le Téméraire-Grand armorial de la Toison d'Or-Dijon: eau de Jean sans Peur et Margueritede Flandre
La Bourgogne monarchique
L'occupation et le démembrement
La mort de son père fait de Marie de Bourgogne « la plus grande héritière de la chrétienté. Louis XI agit avec duplicité et rapidité pour s'emparer de la Bourgogne. Il se donne comme protecteur de la duchesse, mais la dépouille en même temps. Dans les semaines qui suivent la mort du Téméraire, l’armée royale conduite par Jean IV de Chalon, Georges de la Trémoille et Charles d’Amboise occupe les deux Bourgognes. Malgré les protestations de Marie, les États de Bourgogne reconnaissent Louis XI comme souverain le29 janvier 1477. L’armée royale fait son entrée dans Dijon le 1er février 1477 et Louis XI promet solennellement de respecter « à toujours » franchises, privilèges et institutions. La Comté, pourtant terre d'’Empire, se soumet le 18 février 1477. Mais bientôt les Comtois se soulèvent et le duché, où la « foy de Bourgogne » couve sous l’apparente soumission, est rapidement gagné par la révolte. À Dijon la « Mutemaque » éclate le 17 juin 1477. En terre belge, Marie de Bourgogne rejette l'union que Louis XI lui propose avec le dauphin Charles et épouse le 18 août 1477 Maximilien d'Autriche, le futur empereur Maximilien Ier de Habsbourg, grand-père du futurCharles Quint, qui ne cesse de revendiquer la Bourgogne sans pouvoir concrétiser la reconstitution du rêve de son ancêtre Charles le Téméraire.
Pourtant dans le duché, l’ordre royal est rapidement rétabli et en 1478, les rébellions des villes de Beaune, Semur-en-Auxois et Châtillon-sur-Seine sont étouffées. Après ces heures critiques, les armées royales reprennent l’offensive. Dole tombe le 25 avril 1479 après un terrible sac et la place forte d'Auxonne rentre dans l’obéissance au roi. Cependant, aussitôt arrivé le 31 juillet 1479, Louis XI confirme les privilèges de la ville de Dijon, par ses lettres patentes, dans la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon. Par le traité d’Arras (1482) qui consacre la victoire du roi de France, Maximilien de Habsbourg consent à l’annexion royale et engage la main de sa fille Marguerite avec le dauphin Charles, le futur Charles VIII. Marguerite apporte en dot la Comté, le Mâconnais, l’Auxerrois, Bar-sur-Seine, le Charolais et l’Artois. Le duché se trouve alors incorporé définitivement au domaine royal ; l’ancien apanage est converti en province du royaume, tandis que le mariage de la duchesse avec Maximilien oriente les autres territoires bourguignons vers l’Empire où ils forment, à partir de la réforme impériale de 1512, le cercle de Bourgogne. Au début du siècle suivant, sous le règne d'Henri IV, le Traité de Lyon (1601) donne à la France et à la Bourgogne la Bresse, le Bugey, le Valromey et le pays de Gex. Quant au cercle de Bourgogne, amputé dès 1581 par la sécession des Provinces-Unies, il l'est à nouveau en 1678 de la Franche-Comté et se délite progressivement en Flandre, jusqu'à ce que l'expansion de la France révolutionnaire lui porte le coup de grâce.
La « querelle de Bourgogne »
Le mariage par procuration de Maximilien avec la duchesse Anne de Bretagne contraint Charles VIII à réagir. Il rompt avec Marguerite pour épouser l’héritière de Bretagne mais il doit renoncer à la dot promise. Par le traité de Senlis il rend la Bourgogne comtale aux héritiers de Marie de Bourgogne ainsi que l’Artois, le Charolais et d’autres acquisitions réalisées par les ducs. Le duché de Bourgogne devient une région frontière. Le descendant de Marie de Bourgogne, Charles V de Habsbourg, prète serment à Bruxelles et devient le comte régnant de Brabant, de Flandre, du Hainaut, de la Hollande, de la Zélande et d'autres terres au nord des Pays Bas; à l'héritage bourguignon s'ajoute lhéritage espagnol : les Espagnes et les colonies castillanes; il continue néanmoins à revendiquer l'héritage de la Bourgogne française. Élu empereur germanique à la diète de Francfort, ce qui fait de lui le plus puissant souverain du monde occidental, il entre en conflit avec la France. Déjà, en 1513, Maximilien avait menacé Dijon, obligeant Louis II de La Trémoilleà négocier. En 1522, un pacte de neutralité, accord d’intérêt entre duché de Bourgogne et Comté est signé le 8 juillet 1522 à Saint-Jean-de-Losne. Mais l’épineuse « querelle de Bourgogne » subsiste. Le traité de Madrid (1526), conséquence de la défaite française à Pavie livre la Bourgogne à Charles Quint. Les États de Bourgogne, réunis le 3 juin 1526, et les États particuliers refusent de ratifier le traité et affirment leur volonté de « demeurer perpétuellement soubz la très noble et très heureuse couronne de France » Il faut attendre les traités de Crépy (1544) et du Cateau-Cambrésis (1559), pour obtenir l'ultime renoncement de Charles Quint et de ses descendants à leurs droits sur le duché. Seul le Charolais reste à la maison de Habsbourg. C'est en 1678, à la signature traité de Nimègues qui consacre le rattachement définitif de la Franche-Comté à la France, que la Bourgogne cesse définitivement d’être une province frontière.
- Trois personnages de l'histoire de la Bourgogne des XVe et XVIe siècles
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Le roi Louis XI, nouveau maître de la Bourgogne en 1477.
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Le duc de Mayenne, gouverneur de la Bourgogne de 1574 à 1595.
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La Réforme, Mayenne et la Ligue
- La Réforme en Bourgogne
Les germes de la Réforme protestante apparaissent en Bourgogne dès 1520. La foi luthérienne fait son apparition à Auxerre vers 1525, puis à Mâcon et Dijon. Immédiatement, la répression commence. Arrivant de Genève, le calvinisme commence à être prêché vers 1550. Les adhésions à la nouvelle doctrine se font nombreuses. Gens de robe, bourgeois, boutiquiers, artisans et même le clergé se divisent. À partir de 1561, les protestants de Bourgogne commencent à s’unir et se soulèvent ; le comte de Tavanes, Gaspard de Saulx, catholique intransigeant, conduit la répression catholique ; des réformés sont expulsés, les exécutions se multiplient. L’Édit de pacification d’Amboise suscite la résistance du Parlement de Dijon qui finit par l’enregistrer en présence de Charles IX et de Catherine de Médicis le 24 mai 1564. Une période d’accalmie s’installe pour trois ans. La lutte armée reprend en 1567 à Mâcon et en Auxerrois. Puis, après l’alliance conclue entre les réformés français, allemands et les révoltés de Belgique et des Pays Bas sous l'autorité de Guillaume le Taciturne, puis de son fils, les forces protestantes étrangères entrent en Bourgogne (c'est le « passage des reîtres »), où elles exercent leurs ravages : le ducWolfgang des Deux-Ponts en 1569, en 1570 à Arnay-le-Duc l’amiral de Coligny dont les soldats pillent les grandes abbayes. L'épisode de la Saint-Barthélemy épargne la Bourgogne grâce à Léonor Chabot dit « Chabot-Charny » et à Pierre Jeannin qui décident de surseoir à l’ordre exigeant le massacre, imités par Philibert de La Guiche, gouverneur du Mâconnais. Le protestantisme n'a pas réussi son implantation en Bourgogne. De religieuses, les guerres deviennent politiques
- Le duc de Mayenne et la Ligue en Bourgogne
La Ligue ne rencontre’abord que peu de succès en Bourgogne. En 1585, gouverneur de Bourgogne, le duc de Mayenne tente de renforcer son emprise sur la province et occupe les citadelles de Beaune, d’Auxonne et de Dijon Il achève de « se rendre le maître » après son succès contre les reîtres en Châtillonais et devient, en 1588, le chef de l’opposition catholique au pouvoir royal. La Bourgogne rentre dans la Ligue et devient le « fief » propre de Mayenne. Mais la province se divise, les gentilshommes aussi. Au sein même de la famille Saulx-Tavannes, les frères Tavannes s'opposent. Jean de Saulx-Tavannes soutient Mayenne et les ligueurs tandis que son frèreGuillaume soutient la cause du parti royaliste. La guerre civile s’installe entre royalistes partisans d’Henri III, puis d’Henri IV et ligueurs partisans de Mayenne. Ces derniers contrôlent Beaune, Dijon, Auxonne et Châtillon et mettent en place des gouvernements insurrectionnels. Les royalistes mettent sur pied un contre-gouvernement à Flavigny puis à Semur-en-Auxois. Les coups de main sur les villes, les châteaux, les abbayes (Cîteaux est attaquée en 1589), menés par l’un ou l’autre des compétiteurs se révèlent tragiques pour les populations. En 1594 la révolte s’aggrave. En 1593 la conversion au catholicisme d’Henri de Navarre, ruine l’opposition ligueuse. La lassitude des villes pousse à la négociation et Mayenne commet l’imprudence de demander son appui direct à Philippe II d'Espagne. La Bourgogne abandonne donc Mayenne. Beaune, Autun et Nuits-Saint-Georges ouvrent leurs portes au maréchal Biron. Dijon tombe le 28 mai 1595 et Henri IV y fait son entrée le 4 juin 1595 dans l’allégresse populaire. Le lendemain, la victorieuse charge du roi Henri IV à Fontaine-Française, contre les troupes espagnoles appelées par Mayenne au secours du château de Dijon abat la Ligue en Bourgogne.
Les troubles sous Louis XIII
- La révolte du Lanturelu à Dijon
En 1629, l’absolutisme de Richelieu et de Louis XIII se heurte à la volonté de la Bourgogne de défendre la liberté fondamentale, celle de discuter l’impôt. Aussi, lorsque l’édit de juin 1629 supprime les États de Bourgogne et divise la région en dix élections, celle-ci se redresse et refuse l’enregistrement. Élargissant son offensive, Richelieu impose les « aides », ces impôts perçus sur les boissons. Aussitôt la colère du peuple se manifeste par l’émeute dite du « Lanturelu » qui secoue Dijon en février et mars 1630. La répression est terrible, les remparts détruits. Le roi accorde solennellement son pardon le 28 avril mais proclame la fin des libertés municipales.
- Gaston d'Orléans en Bourgogne
L’année suivante, Dijon se trouve au centre du complot de Gaston d’Orléans. Celui-ci bénéficie en Bourgogne de l’appui du gouverneur, leduc de Bellegarde. Dijon lui ayant fermé ses portes, il se réfugie à Bellegarde, nom que porte alors Seurre, puis gagne la Comté. Les Bourguignons, restés dans l’obéissance, retrouvent la faveur du roi et le Parlement de Bourgogne condamne à mort le gouverneur déchu. Remplacé par le prince Henri II de Bourbon-Condé, le duc rentre toutefois en possession de ses terres et de sa dignité quelques mois plus tard, ayant fait son « accomodement » avec le cardinal de Richelieu.
- L'invasion de la Bourgogne par Matthias Gallas
Après ces troubles, prélude à ceux de la Fronde, la province devient le théâtre de l’invasion de Matthias Gallas. En 1636, Louis XIIIengagé contre l’Espagne envahit la Franche-Comté et met le siège devant Dole qui résiste aux assauts de Condé. L'envahissement de la France par la Picardie et la Champagne provoque l'abandon du siège de Dole. Les renforts impériaux commandés par Gallas rentrent en Bourgogne. Suit alors le lot d’atrocités : pillages, incendies, supplices, mises à sac, tueries pour les villages du Dijonnais et l’étonnante fermeté de petites places qui opposent des résistances désespérées. Mirebeau résiste ainsi vaillamment avant de succomber et Saint-Jean-de-Losne s’honore par l’épisode de la « Belle Défense ». Pendant dix ans encore, les régions frontalières de Bourgogne et Franche-Comté souffrent des exactions des gens de guerre.
- La révolte des Principions
Louis II de Bourbon-Condé, mieux connu sous le nom de Grand Condé, qui succède à Roger de Bellegarde à la fonction de gouverneur en 1646, apporte avec lui les troubles de la Fronde. Le gouverneur jouit d'un grand prestige et se constitue facilement une clientèle, un parti. Dans sa lutte contre Mazarin, les robins s'abstiennent de prendre nettement position. Mais le 18 janvier 1650 son arrestation et son remplacement par César, duc de Vendôme, provoque la réaction de ses fidèles, appelés « Principions », qui soulèvent la province contre les « Mazarins », fidèles au gouvernement et au nouveau gouverneur. Les partisans de Condé s'emparent de villes bientôt reprises par leurs adversaires, sauf Bellegarde qui finit cependant par capituler le 11 avril 1650 devant le jeune Louis XIV en personne. La libération de Condé ranime l'agitation. Il échange son gouvernement contre celui de Guyenne tout en conservant les places fortes de Dijon, Chalon et Bellegarde et entretient une agitation latente. Le nouveau gouverneur Bernard d'Épernon fait échouer le soulèvement préparé par Condé et reprend le château de Dijon mais Bellegarde, ultime bastion des frondeurs, doit être à nouveau assiégée. Elle capitule une nouvelle fois en juin 1653. La place forte, redevenue Seurre, est démantelée dans l'année. La Bourgogne, ses villages mis en cendre, exsangue, retrouve enfin la paix. Condé fait sa soumission à Louis XIV en 1659, lors de la signature du traité des Pyrénées. Par celui-ci le roi revendique le titre de « duc de Bourgogne » porté par les Habsbourg d'Espagne. Ce titre ducal, honorifique, est donné à Louis de France, fils du Grand Dauphin. Le roi rétablit Condé dans « tous ses honneurs et dignités » et lui redonne le gouvernement de la Bourgogne, que ses descendants assurent jusqu’à la Révolution.
Les institutions et l'économie
Vignoble en Côte-d'Or et château Corton-André, à Aloxe-Corton
Avec son statut de pays d'États qui la dote d'une particularité fiscale, la province a hérité de cinq bailliages (Dijon, Autun et Montcenis, Chalon, Auxois et la Montagne), qui se divisent en bailliages secondaires au xvie siècle. Elle conserve jusqu’à la Révolution ses cours souveraines. Le Parlement s'est assuré le premier rang des cours souveraines. Fixé à Dijon en 1480, il manifeste son indépendance vis-à-vis du pouvoir tout au long de son existence. Ainsi, pour avoir discuté les ordonnances, le président Brûlard est puni d’exil en 1658 parLouis XIV. Les États de Bourgogne réunis à Dijon tous les trois ans votent et répartissent les impôts et donnent à la province une marge d’autonomie. Ils jouent un rôle éminent au xviiie siècle dans le développement du réseau routier et des canaux. La Chambre des comptes puis, au xvie siècle, une Généralité de Bourgogne est créée.
Le personnage principal de la province est le gouverneur qui en est aussi le chef militaire, chargé de faire connaître la volonté du roi. De 1646 jusqu’à la Révolution, les princes de Condé recoivent ce gouvernement. Ils y exercent une influence considérable. La direction de la province se joue entre le gouverneur, les cours souveraines et l’intendant qui représente l’administration royale. L'intendant exerce son autorité au sein de la généralité qui comprend le « duché », les « comtés adjacents », (Auxonne, ou Outre-Saône, l'Auxerrois, le Mâconnais et le Charolais) et les « pays adjacents » (la Bresse, le Bugey et le pays de Gex). Quatorze intendants se succèdent ainsi de 1654 jusqu'à la Révolution. Le plus brillant d'entre eux, Claude Bouchu, titulaire de la fonction de 1654 à 1683, se fait l’applicateur zélé de l’absolutisme royal.
Le renouveau économique amorcé dès la fin du xve siècle s’interrompt avec la grande crise de 1629. La peste, déjà apparue de 1596 à 1597, fait son retour pendant la période allant de 1628 à 1637. Conjugué aux conditions climatiques rudes comme lors du grand hiver de 1709 et aux effets dévastateurs de la guerre de Dix Ans et de la Fronde, le fléau de la peste ruine et dépeuple les villages de la plaine dijonnaise. Le poids excessif de la fiscalité accable par ailleurs les villes et la liquidation de leur passif par l’intendant (deuxième moitié du xviie siècle) fait tomber les derniers vestiges du pouvoir municipal. Le colbertisme imprime sa marque sur la vie économique. S’implantent, à Auxerre, à Cravant (Yonne), à Seignelay (Yonne) dont Colbert est le marquis, à Noyers ou encore à Autun, des manufactures de toiles de lin, serge, dentelle et tricot. L’économie se revigore en effet à partir de 1720. Les productions agricoles se diversifient (maïs, pommes de terre), l’élevage s’étend en Charolais, en Brionnais et en Auxois, alors que le Morvan expédie ses bois par flottage sur Paris et que les grands crus s’exportent. La faïencerie implantée à Nevers par les Gonzague se développe à Dijon et Auxerre. L’industrie métallique s’implante en Châtillonnais et dans le sud-est du Charolais. L’exploitation du charbon commence à Épinac en 1744 et celui de Montcenis alimente, à partir de 1785, la fonderie royale du Creusot.
Buffon à Montbard (1797-1788)-Louis XI, roi de France-Louis XIII, Duc de Bourgogne-Les Forges de Buffon à Montbard
La vie religieuse et intellectuelle
Portrait de Rameau par Jacques-André-Joseph Aved.
Les Jésuites, instruments de la Contre-Réforme, reprennent la direction spirituelle des nobles et dirigent les collèges ; Bénigne Bossuetfait ses premières lettres au collège de Dijon fondé par Odinet Godran. Sous l’impulsion de Sébastien Zamet, évêque de Langres, les abbayes cisterciennes (Cîteaux et La Ferté entre autres) et bénédictines (Cluny, Saint-Bénigne) et les couvents de femmes (comme celui de l'abbaye de Tart) sont réformés. Les fondations nouvelles foisonnent. Une maison de la Visitation est instituée par Jeanne de Chantalen 1622 alors qu'une visitandine de Paray-le-Monial, Marguerite-Marie Alacoque, fonde la dévotion au Sacré-Cœur. Pierre Odebert fonde l’hôtel Sainte-Anne à Dijon, en 1663. En 1731 Dijon est érigée en siège épiscopal. L'empreinte du jansénisme marque le diocèse d'Auxerre dont son évêque, Charles de Caylus, fait un refuge pour les jansénistes persécutés. Natif du Morvan, Vauban fait de la France de Louis XIV un pré carré protégé par une ceinture de citadelles et apparaît par nombre de ses écrits comme un précurseur des penseurs du siècle suivant.
La Bourgogne participe à l’effervescence intellectuelle et culturelle du siècle des Lumières. En 1722 l’université de Dijon est créée ; elle ne comporte néanmoins que l’enseignement du droit. Du legs de la fortune du doyen du Parlement, Hector-Bernard Pouffier, naît uneAcadémie de Dijon consacrée aux sciences, physique, médecine, morale. Elle voit le jour en 1740 et fusionne en 1761 avec la « Société littéraire » fondée par le président Richard de Ruffey. En 1750 elle couronne Jean-Jacques Rousseau pour son Discours sur les sciences et les arts. En 1766, François Devosge fonde avec l’appui des États de Bourgogne une école de dessin qui prend le titre d’Académie de peinture et de sculpture. Les meilleurs élèves sont envoyés à Rome et parmi ceux-ci, en 1784, le futur peintre Pierre-Paul Prud'hon. Le compositeur Jean-Philippe Rameau est lui aussi originaire de Bourgogne ainsi que l'illustre savant, naturaliste et écrivain Georges-Louis Leclerc de Buffon.
La Bourgogne pendant la Révolution et l'Empire
La Bourgogne sous la Révolution
Après avoir procédé à l’élection de ses soixante-quatre représentants pour l'ensemble des trois ordres aux États généraux de 1789, la Bourgogne connaît, surtout en Mâconnais, l'épisode de la Grande Peur, puis après la nuit du 4 août 1789 perd son individualité et cesse d'être un pays d'États. Ses institutions — Parlement, États, bailliages, gouvernement militaire, Bureau des Finances, Chambre des Comptes sont dissoutes. Non sans difficultés et rivalités, dès avril 1790, les départements sont tracés. La nouvelle constitution civile du clergé reçoit l'adhésion de Talleyrand, l’éphémère évêque d’Autun et de Loménie de Brienne, l'évêque de Sens. Tous deux font partie des rares évêques « jureurs », qui prêtent serment. La nationalisation des biens du clergé proposée par Talleyrand entraîne une redistribution foncière qui profite plus aux spéculateurs qu’aux petits acquéreurs. Les vastes domaines des abbayes de Cîteaux et Cluny sont par ailleurs complètement démembrés. À Cluny, la vente est fatale à la célèbre abbatiale qui se transforme en carrière à matériaux de construction Propriété de Cîteaux, le Clos Vougeot est vendu aux enchères à Jean Focard, banquier parisien.
L'émigration provoque en 1791 une aggravation des tensions ; les tantes du roi, Adélaïde et Victoire en route pour l’Italie sont retenues à Arnay-le-Duc et c’est Condé, le gouverneur de Bourgogne, installé à Coblence, qui donne son nom à l’Armée des émigrés. Les résultats aux élections de septembre 1791 à la Législative montrent les progrès de l’idée républicaine qui gagne le peuple. La Côte-d’Or élit comme députés Claude Basire, Guyton-Morveau et Prieur-Duvernois dit Prieur de la Côte-d'Or. Les élections de septembre 1792 confirment les progrès de la cause républicaine. La Bourgogne fournit à la Convention nationale quelques-uns de ses membres les plus actifs : l'Yonne élit Lepeletier ; la Côte-d'Or réélit Basire, farouche « niveleur » qui entre au Comité de sûreté générale, Guyton-Morveau et Prieur, qui tous deux entrent au Comité de Salut Public tout comme Lazare Carnot, natif de Nolay, élu du Pas-de-Calais, et Saint-Just, né à Decize et élu dans l'Aisne. Ces six conventionnels votent la mort de Louis XVI.
Quand l’heure vient de penser à la défense des frontières menacées par le péril extérieur, les Bourguignons prennent leur part des dangers et des succès à Valmy, à Jemmapes, à Mayence ou à Valenciennes (21-27 juillet 1793). Dans leurs rangs se comptent deux futurs maréchaux : Louis Nicolas Davout et Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont, ainsi qu'un futur duc d’Abrantès : Jean-Andoche Junot. D’autres Bourguignons apportent leur contribution aux succès militaires. Gaspard Monge occupe le ministère de la marine de 1792 à 1793, avant de participer à la création de l’École polytechnique avec Guyton-Morveau. Prieur de la Côte-d’Or, capitaine du Géniee et mathématicien, véritable « ministre de l'armement », eut la charge de procurer aux armées tout le matériel dont elles avaient besoin. Lazare Carnot, nom inséparable de celui de Prieur, surnommé « l’organisateur de la victoire », mérite ce titre tant pour son action technique que par la direction des opérations militaires.
De la Terreur à l'Empire
Apparaissent fin 1793 les représentants en mission. Ils se conduisent en gouverneurs tout puissants : en Côte-d'Or Joseph Fouché et Bernard de Saintes dit « Pioche-Fer », en Saône-et-Loire Claude Javogues, apôtre de la « Sainte-Guillotine », Maure pour l'Yonne, Noël Pointe pour la Nièvre et Antoine Louis Albitte pour l'Ain. Les effets de la Terreurrestent cependant mesurés en Bourgogne, qui compte dix exécutions àDijon mais quatre-vingt-huit pour la Saône-et-Loire. ÀDijon la Chartreuse de Champmol, le portail de Notre-Dame, Saint-Michel, la rotonde de Saint-Bénigne, le tombeau des ducs, l'imagerie des portails de la Madeleine de Vezelay, comme à Semur-en-Auxois, àAuxonne, à Mâcon sont autant de monuments qui gardent dans leurs pierres mutilées les traces des brutalités de la déchristianisation.
« Les quatre années de Directoire ne sont guère en Bourgogne que lassitude des troubles et aspirations à la Paix ». Après le 18 brumaire, fort bien accueilli apparaissent sous le Consulat les préfets de Bonaparte. Subissant l'invasion des troupes alliées fin 1813, début 1814, les villes de la Saône offrent une belle défense. Mais l'ennemi parvient à prendre Mâcon, puis Dijon ouvrant la route de Paris et c'est à Châtillon que les Alliés et Napoléon tentent un accord. La Restauration est bien accueillie, comme l'est, un an après, la nouvelle du débarquement de Napoléon. L'empereur traverse la Bourgogne du 13 au 17 mars 1815, rejoint à Auxerre par le maréchal Ney, mais Waterloo anéantit les espérances de l'élan.
La Bourgogne de l'Empire à la IIIe République
De la fin du premier Empire à la Restauration
Waterloo ramène l’invasion. Dès juillet 1815 les Autrichiens du général Frimont déferlent sur le nord de la Bourgogne et multiplient réquisitions et représailles. Ils installent au Château d'Arcelot leur quartier général, où se tient le 5 octobre 1815 une réunion de têtes couronnées ; l’empereur François Ier d'Autriche, le tsar Alexandre Ier de Russie, le roi Frédéric-Guillaume III de Prusse et le prince Schwartzenberg s’y retrouvent avec le duc de Wellington pour passer en revue 130 000 Autrichiens. Ils quittent le territoire bourguignon le 25 décembre 1815. Après la Seconde Restauration, une « réaction blanche » aboutit à la mise en accusation, à Dijon, despersonnalités qui ont joué un rôle actif durant la période des Cent-Jours dont font partie le général Veau, le préfet Royer, le maire Hernoux. Sous la Restauration, les Bourguignons dont la mentalité s'est imprégnée de « l'image d'un Napoléon défenseur de l'indépendance nationale comme des conquêtes sociales de la Révolution » manifestent un vif attachement aux idées libérales. Les brillantes victoires électorales des libéraux en 1827 et 1830 témoignent d'une forte adhésion à ces idées qui permet d'opérer le changement de régime consécutif aux journées de juillet sans aucune résistance dans les départements bourguignons.
Le second Empire et la guerre franco-prussienne
Au sortir de la crise économique de 1846-1847 la Bourgogne évolue politiquement vers la république. Les banquets réformistes de la fin du règne de Louis-Philippe expriment le dynamisme républicain. Celui qui se tient à Mâcon le 4 juillet 1847 révèle le poète bourguignon Alphonse de Lamartine. Louis Blanc, François Arago et Ledru-Rollin participent au banquet de Dijon du 21 novembre 1847. Ledru-Rollin récidive à Chalon-sur-Saône le 19 décembre où il porte un toast « À l'unité de la Révolution française »
La révolution de 1848, en partie fruit de cette campagne, amène au pouvoir Hyppolyte Carnot, fils du grand Carnot, Edgar Quinet, de Bourg-en-Bresse, et Lamartine. L'inauguration à Dijon le 1er juin 1851 de la section de chemin de fer Tonnerre-Dijon offre à Louis-Napoléon Bonaparte, élu président de la République, l'occasion d'annoncer son intention de réaliser le coup d'État de 1851. Le bonapartisme devient la force politique dominante et les Bourguignons accueillent en 1852 le Second Empire avec enthousiasme. Les résultats du plébiscite du8 mai 1870 montrent encore que la majorité des électeurs bourguignons est restée fidèle à l'Empire.
La guerre franco-prussienne replace la Bourgogne dans les épreuves de la guerre : en effet, les territoires bourguignons deviennent l'un des principaux théâtres d'hostilités. Les troupes françaises, bousculées à Talmay, se laissent déborder par les troupes allemandes du général prussien