1870
17 août. Hugo à
Bruxelles.
5 septembre, retour triomphal à Paris
"Les Châtiments". Première édition française
1871. Les prussiens visent les hopitaux, notamment celui du Val-de-Grâce. Des bombes sont tombées sur Gay-Lussac. Hugo se souvient. Il s'était une nouvelle fois rendu aux Feuillantines et il a été enveloppé par le souffle d'une de ces bombes
"Enfants on vous dira plus tard que le grand-père
Vous adorait; qu'il fit de son mieux sur terre,
Qu'il eût fort peu de joie et beaucoup d'envieux,
Qu'au temps où vous étiez petits, il était vieux
...Que dans l'hiver fameux du grand bombardement
Il traversait Paris tragique et plein d'épées
Pour vous porter des tas de jouets, des poupées,
Et des pantins faisant mille gestes bouffons
Et vous serez pensifs sous les arbres
profonds"
Le 26 janvier c'est
l'armistice signé par Jules Favre et Bismarck. si vite, si aveuglément, que Favre a oublié de prévoir le sort des armées qui
continuent de se battre à l'Est
8 février, Hugo élu député à Paris avec 214.169 voix, deuxième député de la capitale, après Louis Blanc et juste avant Garibaldi. Il quitte Paris pour Bordeaux, où va se rassembler l'Assemblée nationale car l'agitation est grande à Paris, le peuple refusant les conditions de la capitulation imposées par les Prussiens au gouvernement provisoire (notamment l'abandon de l'Alsace et de La Lorraine )
Le 8 mars, il démissionne de l'Assemblée à Bordeaux.. Et quelques jours plus tard, alors qu'il l'attend au restaurant on lui annonce la mort de son fils Charles. On l'a trouvé, baignant dans son sang sur la banquette d'un fiacre. Apoplexie foudroyante...Il est inhumé au Père Lachaise le 18 mars. Les rues sont coupées par des barricades. L'insurrection de la Commune vient de commencer;
Le 16 mai Gustave COURBET, oui le peintre;.... est chargé de procéder à la destruction de la colonne Vendôme, construite avec la fonte des canons d'Austerlitz. Elle setra reconstruite en 1873
Le peuple a été armé de canons pour combattre les Prussiens. Hugo ne veut pas participer à cette guerre civile et il part pour Bruxelles, une fois de plus. les nouvelles qu'il lit sont chaque jour plus tragiques. Les exécutions par centaines, femmes, enfants, se déroulent à tous les carrefours et même entre les tombes du Père Lachaise. le gouvernement belge lui refuse l'autorisation d'accorder l'asile aux vaincus de la Commune. La nuit du 27 au 28 mai, il est assailli dans sa maison, on tente d'escalader sa façade. On hurle "A mort Victor Hugo, A mort Jean Valjean. A la potence. A mort le brigand"
Et quelques jours plus tard, il est expulsé. A Paris son ami Paul Meurice est emprisonné. Hugo décide donc de partir pour VIANDEN , petite ville du Grand- Duché de Luxembourg. Il s'installe dabord à l'Hôtel Koch puis loue deux maisons proche de la rivière Our
Et puis soudain une lettre de femme. Marie Mercier, veuve d'un Maurice Garreau, fusillé par les Versaillais pour avoir été directeur de la prison de Mazas, où étaient enfermés les otages détenus puis fusillés par la commune. Il la prend comme servante. Elle lui raconte ce qu'elle a vécu durant la semaine sanglante, ce qu'elle a vu des éxècutions, cette jeune femme fusillée avec son enfant de 6 semaines. "A la petite Roquette, dit-elle, on a fusillé environ deux-mille enfants trouvés dans les barricades et n'ayant plus ni père, ni mère".
Il la voit aussi souvent qu'il le peut, malgré Juliette, malgté Alice. il l'acompagne sur les bords de l'Our, et il la regarde fasciné, cependant qu'elle se déshabille, puis se baigne nue dans la rivière.
Parfois, il lui lit les pièces de vers qui prendront place dans" l'Année terrible". Il la voit bouleversée. Elle raconte qu'elle a suivi jusqu'à la fosse, les fourgons remplis de cadavres, parmi lesquels celui de son mari et elle parle encore de ces milliers d'enfants abattus à la mitrailleuse et qui criaient "Ma Mère" pendant qu'on les enterrait.
Le 1er octobre, il se rend à Versailles pour rencontrer Thiers et intercéder en faveur de son ami Rochefort, emprisonné, afin de lui éviter la déportation, ce qui sera fait.
Hugo s'installe dans un appartement à Paris, au 66 rue de la Rochefoucault. Il veut poser sa candidature à une élection partielle du 7 janvier 1872 et pouvoir ainsi clamer en faveur de l'amnistie et empêcher que "la sauvage petite rêveuse" Louise MICHEL ne soit condamnée. Elle a crié aux juges du Conseil de Guerre "Si vous n'êtes pas des lâches, tuez-moi". Elle sera condamnée à la déportation dans une enceinte fortifiée, en Nouvelle-Calédonie.
.
1872
"Nous sommes tous les deux voisins du ciel, madame,
Puisque vous êtes belle et que je suis vieux." A Judith Gauthier
Oui pourquoi beaucoup de ceux qu'il aimait sont-ils morts avant cet âge de soixante-dix ans, auquel il parviendra dans quelques semaines. Pourquoi cette vitalité qu'il sent dans son corps, quand il est assis, au déjeûner, au côté de cette jeune" femme sphinx", aux yeux et aux cheveux noirs, Judith Gauthier, fille de Théophile et épouse du poète Catulle Mendès, à peine âgée de vingt-deux ans mais qu'il désire, ayant la certitude qu'elle éprouve pour lui, la même attirance
Elle n'est pas la seule jeune femme,
belle, glorieuse, à s'approcher ainsi de lui. Il lit Ruy Blas à la troupe d'acteurs qui va reprendre la pièec le 19 février au Théâtre de l'Odeon. Et Sarah Berhardt, qui va interprêter le rôle de la reine, l'a fixé avec une désinvolture insolente, provocante, croisant haut les jambes. Elle a
un corps, de félin, une voix haute et elle murmure qu'il est un "monstre"
Internement d’Adèle HUGO à Saint-Mandé. C'est d'abord le Docteur Allix qui l'a recueillie chez lui lors de son retour de La Barbade. Hugo s'y rend "Je l'ai revue. Elle m'a reconnu. Je l'ai embrassée. Je lui ai dit tous les mots de tendresse et d'espérance. Elle est très calme et semble, par instants, endormie".
Il sait dès cet instant qu'elle a
perdu la raison. Il revoit Adèle dans le jardin de la maison de santé. Elle paraît calme, elle essaie de le rassurer "Elle entend toujours la voix qui la persécute et l'inquiète. Elle est
comme glacée mais sans tristesse "
Adèle Hugo. Elle mourra, enfermée, en 1915 à Suresne.
Poésie "L'année terrible". Hugo retourne à Guernesey pour travailler.
Judith Gauthier lui écrit. elle est prête à le rejoindre à Hauteville House.
" Judith nos deux destins sont plus près l'un de l'autre
Qu'on ne croirait à voir mon visage et le vôtre
Tout le divin abîme apparaît dans vos yeux,
Et moi je sens le gouffre étoilé de mon âme;
Nous sommes tous les deux voisins du ciel, madame,
Puisque vous êtes belle et que je suis vieux.
Il lui écrit encore de Guernesey:
"Soyez charmante autant que vous êtes belle et bonne autant que vous êtes divine et venez voir le solitaire. les astres me rendent parfois visite et leur rayon entre chez moi, faites comme eux"
Et puis il y a Blanche, la jeune Lanvin (voir l'épisode du passeport dans V. Hugo- 2e partie), engagée pour s'occuper de la retranscription des manuscrits, qui emplit Hauteville de sa jeunesse et de son corps.
Et le 25 décembre, il n'y tient plus. Il descend. Il voit Blanche. Il la presse. Elle ne peut que l'accueillir. Et elle dit "Je vous aime" lorsqu'il a crié "Je brûle quand je pense à toi"
Mais Blanche partira l'année suivante. C'est Juliette qui la renvoie en France
1873. Le 9 Janvier . Mort de Napoléon III en Angleterre.
Il a succombé à l'opération de la pierre, tentée dans son exil de Chislehurst pour lui
permettre de remonter à cheval et de partir à la reconquête de la France. Hugo n'est pas frappé. on se demande même s'il lui en veut toujours "C'eût été un bonheur il y a trois ans, ce n'est même
plus un malheur aujourd'hui"
26 Décembre 1873, mort de François-Victor Hugo; (Photo prise en 1863). Hugo se rend au 30 rue de Drouot, où loge François-Victor, soigné par Alice, la veuve de Charles. Il lui faut une nouvelle fois voir le corps d'un de ses enfants, le dernier, le visage entouré de fleurs..
" C'est un prolongement sublime que la tombe,
On y monte étonné d'avoir cru qu'on y tombe".
1874
"ET MAINTENANT A QUOI SUIS-JE BON ? A MOURIR ".
Premiers mots incrits dans ses cahiers à l'aube de cette année 1874. Ses deux fils morts, sa fille plus morte encore dans son tombeau de Saint-Mandé, accablé d'ans et de chagrin, Victot Hugo n'a plus goût à rien. Reste la littérature. Quatre-vingt-treize est prêt, attendu comme un évènement par l'Europe entière. L'évènement a lieu le 19 février. On s'en arrache les mille premiers exemplaires
NAISSANCE DE L'IMPRESSIONNISME
Il apprend que son ami Rochefort a pris le large et recouvré sa liberté. Il allait être déporté en Nouvelle-Calédonie.
1875
Il continue de voir chaque jour Blanche. Mais aussi Augustine, une servante qu'il rencontre à Guernesey, lors d'un bref séjour d'une semaine, parce qu'il veut ramener tous ses manuscits à Paris;
Il doit tenter une nouvelle fois de consoler Juliette. Elle est atteinte d'une néphrite et sa souffrance est intenable.
Le soir il reçoit à dîner une dizaine de personnes, comme il le fait plusieurs fois par semaine. Juliette rétablie mais somnolente, préside la longue table autour de laquelle se sont assis Louis Blanc, Jules Simon, Gambetta, Clemenceau, Flaubert, Edmond de Goncourt et Alice, proche d'Edouard Lockroy. Il veut que Georges et Jeanne, ses petits-enfants participent à ces rencontres, même s'ils s'endorment.
"Tramway pour la première fois", c'est ce que Victor Hugo inscrit dan ses cahiers à la date du 12 octore 1875. L'idée en revient à un ingénieur français, Loubat, ins tallé à New-York, où les premiers tramways ont vu le jour en 1832
1876
Heureusement il ya les rires, les joies de Georges et Jeanne. Avec eux il apprend "L'Art d'être Grand-père". il les conduit au Jardin des Plantes où parfois ila perçoit Marie Mercier, qu'il revoit, et Blanche qui l'attend et vers laquelle il reviendra, après avoir reconduit Georges et Jeanne, rue de Clichy.
Il chuchotte à son petit-fils :
"Mon doux Georges, viens voir une ménagerie
Quelconque, chez Buffon, au cirque, n'importe où
Sans sortir de Lutèce allons en Assyrie
Et sans quitter Paris partons pour Tombouctou "
Hugo est élu Sénateur. Il s'arrête un instant sur le seuil de cette salle de Luxembourg: "Je ne l'avais pas revue depuis le 25 février 1848. J'en suis sorti alors Pair de France. J'y suis rentré aujourd'hui Sénateur"
1877
" Je suis vieux, mais, ô lauriers roses,
Ô lys, cela n'empêche pas
Toutes sortes de tendres choses
Toute sortes de frais appas...
Je suis vieux; mais pourvu que j'aime,
Je n'ai rien à me reprocher;
Et l'abeille ira tout de même
Cajoler la fleur du pêcher...
La nature est l'immense alcôve
Et c'est ainsi que tout se perd
Et c'est ainsi que tout se sauve
Cupidon c'est l'enfant expert...
On entend des murmures d'âmes;
Toute l'ombre est un grand frisson;
Et je sais encore l'air, mesdames
Si je ne sais plus la chanson...
Comment! Il a décidé de maintenir à Alice sa pension annuelle et même de l'augmenter pour l'éducation de ses enfants. Il a béni son union avec Lockroy, alors qu'il a peu de sympathie pour cet homme qu'il trouve hâbleur, prétentieux et parfois hostile. Il a même accepté que le nom de Victor Hugo, avec tout ce qu'il signifie, figure sur le faire-part de mariage et on veut le priver de ses petits-enfants en lui retirant la tutelle ?
Impossible, jamais ! Il refuse !
L'incident est clos. Le mariage aura lieu le 3 avril.
Il continue de travailler sur "L'Art d'être grand-père". Il publie le recueil en mai. Succès imédiat:
"Hier soir, un médecin, le docteur Conan, m'a amené une jeune-fille de 22 ans, atteinte d'une maladie inconnue. Elle n'a pas dormi depuis 5 ans. Pas une heure. Elle passe son temps à lire mes livres, et sait pas coeur tout ce que j'ai écrit. Le docteur croit à mon influence sur elle, et m'a prié de lui ordonner de dormir. Je l'ai fait."
Le président de la République, Mac-Mahon, vient de 16 mai de renvoyer Jules Simon. Demi-coup d'Etat, dit Hugo car Mac-Mahon veut dissoudre l'Assemblée des Députés. Et cette Assemblée est effectivement dissoute. Gambetta est condamné à trois mois de prison. Mais aux élections qui s'ensuivent, ce sont les républicains qui émergent, ce qui amènera Mac-Mahon à démissionner.Il y a aussi cette salle debout à la reprise d'Hernani. Lors du dîner qui s'ensuit, le 11 décembre, il se tourne vers Sarah Bernhardt:
"Vous vous êtes vous-même couronnée reine, reine deux fois, reine par la beauté, reine par le talent"
1878.
Hugo, en ces jours de janvier, a le sentiment qu'il ne supporte plus la solitude. Il éprouve le besoin d'avoir les siens autour de lui. il veut voir Jeanne et Georges. Il se sent rasuré par la présence de ses amis, le soir, lors de ces dîners qui épuisent Juliette, Alice et ses enfants. il tolère même la présence de cet Edouard Locroy, pourtant souvent hostile, bougonnant qu'on ne doit pas, au-delà d'un âge raisonnable, jeter un regard sur les femmes, importuner les servantes, la cuisinière, ou s'en aller tous les après-midi voir on ne sait qui !
LA MARSEILLAISE
La France a une Constitution, des Institutions, un Drapeau, il lui manque l'Hymne qui retentira partout où l'on célèbrera les progrès de la République. Nul
autre chant que la Marseillaise ne saurait être cet hymne national. On en doit les paroles à un oficier du génie de l'armée du Rhin Joseph ROUGET de LISLE, en garnison à Strasbourg. ce chant se propagera et arrivera à Marseille où des groupes entiers de révolutionnaires s'apprêtent
à rallier Paris. Pour les Parisiens qui entendent cet hymne pour la première fois, ce chant est celui des Marseillais
Il reste à combattre l'oppression religieuse, le cléricalisme. Et Hugo décide au printemps de publier "Le Pape", livre dans lequel il a regroupé des poèmes écrits sur ce thème depuis plusieurs années. Il juge que le moment est bien choisi, entre la mort de Pie IX auquel a succédé Leon XIII, en février, et le centenaire de Voltaire qui sera célébré le 30 mai.
Il faut rendre hommage au courage de Voltaire, dire que Voltaire seul déclara la guerre à cette coalition de toutes les iniquités sociales, à ce monde énorme et terrible, et il accepta la bataille. Et quelle était son arme ? Celle qui a la légèreté du vent et la puissance de la foudre. Une plume.
Le soir du 27 juin, il accueille Louis Blanc et s'emportant au sujet de Voltaire et de Rousseau, fait une crise de congestion cérébrale. Il s'en remet plus ou moins et le 4 juillet il quitte Paris pour Guernesey, avec les siens et Juliette. Juliette qui dit vouloir le protéger contre lui-même. Elle a découvert qu'il gardait dans une sacoche cinq mille francs en pièces d'or. Elle l'a accusé d'utiiser ce trésor pour payer des femmes. Ne s'est-il pas rendu, lui, relevant de maladie, rue des Cornets, la rue des filles publiques, où traînent tous les hommes de Guernesey en mal d'amour ! Lui, Hugo !
Lui refuse de devenir son prisonnier. Si la mort est là, si proche, il faut qu'elle le fauche à Paris et il y arrive le 10 novembre. Paul Meurice lui a loué un petit hôtel particulier au 130 de l'avenue d'Eylau. (devenue l'avenue Victor Hugo) ..avec Juliette. Et là il achève un livre "Toute la Lyre" du moins il essaie de l'achever
1879
Il ne s'étonne même plus de cette langueur qui le saisit, qui l'empêche de bondir hors de son lit, en pleine nuit et de commencer à écire. Il cale sa tête contre l'oreiller de crin. Il regarde cette chambre mansardée, tendue de soie rose, dont la fenêtre ouvre sur les marronniers et les tilleuls du vaste jardin de l'avenue d'Eylau
Il reste un long moment prostré quand il apprend le décès de Léonie d'Aunet. Et il a peur pour Juliette que la maladie ronge
Et pourrait-il dire que parfois il
va se promener au
Bois de Boulogne,
qu'il se laisse aborder par ces femmes dont le corps est offert à celui qui les paie, Et que par deux fois, il a dû subir l'humiliation d'être verbalisé par les agents de police ? Atteinte à la
pudeur, ont-ils dit.
Juliette a réussi à écarter Blanche. parfois il l'aperçoit-et son coeur est blessé- , qui rôde devant le jardin de la maison de l'avenue d'Eylau. Il est véritablement accablé quand il apprend que Blanche s'est mariée avec un certain Emile Rochereuil.
Est-ce donc celà la vieillesse,
subir la loi des autres ?
1880 Et il découvre en lisant "Le Figaro", que la haine ou tout au moins l'incompréhension est toujours présente. C'est Emile Zola qui donne les coups violents, suite à la publication de "L'Âne": "Cet incroyable galimatias...Jamais on n'a accouché dune oeuvre plus baroque, ni plus inutile...Mais cet homme n'est pas des nôtres ! Il n'est même pas du siècle, lui qu'on veut nous présenter comme l'homme unique du siècle, l'incarnation du génie moderne ! Il appartient au Moyen-Âge, il n'entend absolument rien à nos croyances et à notre labeur "
1881
Debout, appuyé sur la rambarde de la fenêtre du premier étage de la maison de l'avenue d'ylau, il regarde, ce dimanche 27 janvier, s'avancer des dizaines de milliers de personnes, certaines venues de Toulouse ou de NIce, des centaines de délégations avec leurs drapeaux, leurs fanfares, leurs édiles, leurs calicots.
Les écrivains, les francs-maçons du
Grand Orient, le gouvernement, le préfet, le conseil municipal de Paris, ils veulent tous célébrer le début de la quatre-vingtième année du
poète
Les fleurs s'amoncellent devant la porte de la maison, les pièces sont remplies de couronnes. On crie "Vive Victor Hugo", les fanfares jouent "la Marseillaise".
ll se sent enfermé dans cette statue que l'on dresse et qui l'oppresse. Il lui semble une nouvelle fois apercevoir la silhouette de Blanche, pauvre figure hagarde, dont il apprend qu'elle est malheureuse, peut-être battue par son mari, cet Emile Rochereuil, qui lui a dérobé toutes les lettres qu'elle avait reçues de lui et qui menace de les publier en cette quatre-vingtième année où l'on célèbre la gloire immaculée du vieil amant.
Il rédige son testament le 31 août 1881. Il lègue tous ses manuscrits et tous ses dessins à la Bibliothèque Nationale de Paris "qui sera un jour" la Bibliothèque des Etats-Unis d'Europe" ajoute t'il.
1882
Il relit les épreuves de "Torquemada" qui doit être publié au mois de mai.
Il va s'asseoir sur le bord du lit de Juliette. Il lui parle. Il voit son visage exsangue. Elle ne peut plus rien avaler.
1883
Le 11 mai mort de Juliette Drouet.
Hugo est à ses côtés
Je vais bientôt te rejoindre mon amie, murmure t'il.
Il se sent si indifférent à la parution de "La Légende des Siècles" puis de "L'archipel de la Manche"
1884 Il se regarde longuement. Il frotte ses mains décharnées l'une contre lautre.?Cette peau frippée c'est la sienen. Plus rien ne l'étonne dans ce visage de vieillard, ni les bousouflures sous les yeux, ni les rides. Il semble à la fois amaigrie et enflé
1885. Il demande qu'on lui apporte son carnet. C'est le 19 mai. C'est la dernière phrase qu'il écrit. Et la plume lui paraît si lourde, il est si maladroit.
"AIMER C'EST AGIR" réussit-il enfin à noter.
Il ferme les yeux. Il murmure : " Je vois la lumière noire"
Il meurt le vendrei 22 ami à 13h27
Les Obsèques nationales le 1er juin. Deux millions de personnes suivent le corbillard des pauvres jusqu'au Panthéon.
1886 à 1902. Publications posthumes dont Choses vues.
Aussi La Fin de Satan, Toute la Lyre, Le Théâtre en liberté, Dieu, Les Années funestes, Dernière
Gerbe