Martin Gray, né Mietek Grayewski, est un écrivain franco-américain, d'origine polonaise, Juif, né à Varsovie le 27 avril 19221.
Il est connu pour son livre Au nom de tous les miens, dans lequel il décrit une partie de sa vie et notamment le drame d'avoir perdu à deux reprises toute sa famille, d'abord dans les camps d'extermination nazis, puis dans l'incendie de sa maison dans le Sud de la France.
Biographie
Le 1er septembre 1939, les nazis envahissent la Pologne. Martin Gray a alors dix-sept ans. Transféré dans le ghetto de Varsovie où son père travaille au Judenrat, il trouve le moyen d'en sortir en soudoyant des soldats nazis et devient ainsi un contrebandier. Plusieurs fois par jour, il fait des aller-retour pour ramener de la nourriture dans le ghetto grâce aux tramways. Lors d'une rafle, son père est attrapé pour être déporté. Grâce à ses connaissances, Martin lui sauve la vie en l'aidant à s'échapper.
Plus tard, sa mère, ses deux frères et lui-même sont déportés à Treblinka, où sa mère et ses frères sont exterminés immédiatement. Compte tenu de sa santé physique il n'est pas tué, et travaille dans divers kommandos, dont les sonderkommandos, qui sont chargés d'extraire les corps des chambres à gaz. Il réussit à s'échapper de ce secteur et à retravailler dans les secteurs de réception des déportés.
Il travaille alors dans un kommando chargé de trier le linge et de le charger dans les wagons. Il peut ainsi s'enfuir de Treblinka en se camouflant dans un wagon. De nuit, il se jette hors du train et traverse divers villages où il informe la population de ce qui se passe à Treblinka, mais personne ne le croit3.
À son retour à Varsovie, il retrouve son père, qu'il croyait mort, mais qui sera abattu devant ses yeux, quelques jours après lors de l'insurrection du ghetto.
Il rejoint ensuite l'Armée rouge où il finit la guerre, et marche sur Berlin le 30 avril 1945. Comme officier, il est décoré d'ordres prestigieux de l'Armée rouge : ordre de l’Étoile rouge, ordre de la Guerre patriotique et Ordre d'Alexandre Nevski. 110 membres de sa famille sont morts pendant la seconde guerre mondiale.
Après la guerre, il décide d'aller rejoindre sa grand-mère maternelle à New York en 1947.
Il s'y enrichit en vendant à des antiquaires américains des porcelaines et des lustres non antiques, qu'il fait fabriquer en Europe.
Citoyen américain en 1952, il rencontre Dina Cult en 1959 qui devient son épouse. Ils s'installent dans le Sud-Est de la France, à Tanneron, non loin de Mandelieu, où il devient exploitant agricole.
Le 3 octobre 1970, lors de l'INCENDIE DU TANNERON il perd son épouse et ses quatre enfants
Depuis, Martin Gray s'est remarié deux fois et est père de quatre enfants.
En 2001, après plus de quarante ans passés dans le Var, Martin Gray s'installe en Belgique, à Bruxelles. À partir de 2005, il habite à Cannes11.
S'attachant à faire vivre le souvenir des siens, il créa la Fondation Dina Gray à vocation écologique, chargé de lutter contre les incendies de forêts et pour la protection de l'Homme à travers son cadre de vie.
Martin Gray a été le président de l'Arche de la Défense à Paris durant plusieurs années (1989-2001).
Il est également membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence.
Œuvre
Malgré une douzaine d'ouvrages publiés, Martin Gray dit ne pas se considérer lui-même comme écrivain, mais plutôt comme un témoin. « Je n'écris pas, je crie » affirme-t-il dans une interview récente.
Ses livres sont au service de ses activités philanthropiques, comme le montre la préface de Max Gallo à Au nom de tous les miens : « Martin Gray voulait dire sa vie. Parce que, pour les siens disparus, pour lui-même, pour sa fondation, il avait besoin de parler, besoin qu'on sache. »
- Au nom de tous les miens, en collaboration avec Max Gallo,
- La prière de l'enfant
- La maison humaine
- Le nouveau livre
- La vie renaîtra de la nuit
- Le livre de la vie
- Les forces de la vie
- Vivre debout
- Les pensées de notre vie
- Entre la haine et l'amour
- J'écris aux hommes de demain
- Au nom de tous les hommes
Distinctions
- 2007 : citoyen d'honneur de la commune d'Uccle, en Belgique.
- Prix international Dag Hammarskjoeld pour Au nom de tous les miens.
- Docteur honoris causa de l'Université américaine de Paris, de l'Université de Genève de diplomatie et relations internationales
- Médaille d'or du Mérite européen.
Source
- Les éléments biographiques sont empruntés pour une bonne part au livre de Martin Gray Au nom de tous les miens16.
- Au nom de tous les miens, film de Robert Enrico, 1983
- Seeking Martin Gray, film de Frits Vrij sorti en 2007
- (fr) martin-gray.fr, Le site officiel de Martin Gray
- (en) martingray.eu, Le site de Martin Gray
- (fr) Entrevue avec Martin Gray, par Steve Proulx
Notes et références
- site officiel de Martin Gray [archive] mais la notice biographique du Who's Who in France indique le 27 avril 1925.
- Seconde partie du texte de la plaquette fixée sur le socle du monument.
- Cet épisode de sa vie est cependant sujet à caution, lire la section « Controverse sur Treblinka » de l'article Au nom de tous les miens
- Au nom de tous les miens, documents joints, Martin Gray, Editions Robert Laffont
- (fr) Le dernier combat de Martin Gray [archive] sur lexpress.fr, 11 février 1993
- Martin Gray, Au nom de tous les miens, Paris, Laffont, 1971 ; rééd. Pocket, 1998, p. 327-329 et 332.
- Notice biographique, Who's Who in France, 2008
- [PDF] igf.minefi.gouv.fr, Étude sur les aléas naturels et leurs enjeux, octobre 2005, « Quelques catastrophes récentes en France », page 21 [archive]
- Martin Gray, récit recueilli par Max Gallo, Au nom de tous les miens, éd. Robert Laffont, Paris, 1971 ; coédition Robert Laffont-Opéra Mundi, Sélection du Reader's Digest, 1972, p. 168
- « Et j'ai voulu arracher à un gendarme ce revolver qui ferait taire les hurlements en moi [...]. Je ne me suis pas tué. J'ai voulu. je n'ai pas pu : on a veillé sur moi. [...] »
- Martin Gray, récit recueilli par Max Gallo, Au nom de tous les miens, éd. Robert Laffont, Paris, 1971 ; coédition Robert Laffont-Opéra Mundi, Sélection du Reader's Digest, 1972, p. 170
- « [...] Mais j'avais renoncé au suicide, il me fallait donc vivre jusqu'au bout. »
- « [...] Je ne veux pas que Dina, mes enfants soient morts pour rien, je ne veux pas qu'on les oublie, je veux que leur avenir soit de mettre en garde, de sauver. Tel est mon combat. »
- « [...] Vivre, jusqu'au bout, [...] pour rendre ma mort, la mort des miens impossible, pour que toujours, tant que dureront les hommes, il y ait l'un d'eux qui parle et qui témoigne au nom de tous les miens. »
- « Au nom de tous les hommes » [archive], L'Express, propos recueillis par Gilles Médioni, publié le 12 janvier 2006, sur le site lexpress.fr, consulté le 6 mai 2009.
- Martin Gray, récit recueilli par Max Gallo, Au nom de tous les miens, éd. Robert Laffont, Paris, 1971 ; coédition Robert Laffont-Opéra Mundi, Sélection du Reader's Digest, 1972, p. 171
- martin-gray.fr, Bibliographie commentée, avec des extraits, sur le site officiel de Martin Gray [archive]
- Hélène McClish (2004), « Martin Gray : Au nom de tous les hommes [archive] », LeLibraire.org. Consulté le 24 janvier 2008
- Martin Gray, Au nom de tous les miens, rééd. Pocket, 1998, p. 9.
- Au nom de tous les miens, Martin Gray (ISBN 2-266-12221-5)
A 82 ans, Martin Gray reprend aujourd’hui la plume, après dix années de silence, pour réagir à l’actualité et pousser un cri d’alarme face aux actes d’antisémitisme toujours plus nombreux. C’est parce qu’il a entendu récemment, en France, « mort aux Juifs ! », c’est parceque les cimetières sont à nouveau profanés, c’est aussi parce qu’il a reçu des centaines de lettres de lecteurs inquiets, qu’il a ressenti encore le besoin de témoigner et d’accomplir le devoir des vivants envers la mémoire des disparus. Son livre est un plaidoyer contre la violence, l’humiliation et l’intolérance envers chaque être humain, quelle que soit son origine ou sa religion.
Par Leblond Renaud, publié le 11/02/1993 dans L'EXPRESS
L'écrivain a édifié dans son jardin un temple dédié à la jeunesse. Il n'a oublié qu'une chose: la terre agricole n'est pas constructible. Devra-t-il tout démolir?
Il dit que c'est l'Arche du futur. Sur la colline de Tanneron, qui domine majestueusement la baie de Cannes, celui qu'on nomme ici l' «estranger» explique avec des accents exaltés le sens de son hallucinante composition: un amphithéâtre fabriqué à partir de 150 tonnes de chenilles prélevées sur 200 tanks de la Seconde Guerre mondiale, un bassin d'empereur romain en granite noir autour duquel se dressent 12 colonnes de bois de fer, des fontaines somptueuses en chutes de marbre de Carrare, une plate-forme télécommandée qui s'élève d'un pool-house à hublots, mais aussi une guillotine, quatre totems géants et un mirador, dont le maître des lieux précise qu' «il sera bientôt fondu dans un épais cristal afin de créer l'indispensable source de lumière».
Cet «estranger» a un accent polonais, des mains calleuses et le regard très fixe. Très bleu. Il se nomme Martin Gray. Et il est ici dans son jardin. Là où, le 3 octobre 1970, le destin s'est acharné contre lui: le mistral qui claque soudain entre les arbres et, dans un éclair, un front de flammes qui dévalent et rattrapent sa femme et ses quatre enfants. La mort des siens. Comme trente ans plus tôt, lorsque les 110 membres de sa famille ont atrocement péri sous la botte nazie. Le vide. De nouveau. Puis ce livre - «Au nom de tous les miens» - écrit pour exorciser un parcours de survivant et qui, grâce à plus de 20 millions de lecteurs, a fait de lui une sorte d'apôtre. «Je veux vivre, jusqu'au bout, disait-il, et un jour, si vient le temps, donner à nouveau la vie pour rendre ma mort et celle des miens impossibles.»
Il l'a fait. Avec peut-être encore un signe du destin: Martin Gray, remarié, est, une nouvelle fois, père de deux filles et de deux garçons. Comme hier, comme avant le drame, il a dissimulé des enceintes sous les bosquets et s'enivre à l'air libre d'opéras de Mozart. Divine inspiration. Qui l'aide maintenant à bâtir ce temple bourré de symboles. La piscine? Une métaphore, le symétrique en creux de la maison, la conjuration du feu par l'eau. Les colonnes de bois de fer? L'éternité, un matériau inaltérable, indestructible.
A moins que les bulldozers ne viennent détruire tout ça. A 69 ans, Martin Gray revit l'angoisse du chaos. Son temple - sa trace - est en sursis. Il s'est mis hors la loi. Il a oublié - ou ignoré - que son jardin est un terrain agricole inconstructible et qu'autour de lui les planteurs de mimosas n'ont pas le droit de bâtir le moindre cabanon, la plus petite remise. Alors, le 11 mars prochain, les juges de la cour d'appel devront trancher: au mieux, pour lui, une seconde amende - il a déjà été condamné à 100 000 francs en première instance; au pis, la destruction partielle ou totale de son oeuvre. «Je ne veux pas y croire, soupire Martin Gray. Cette arche doit me survivre et accueillir tous les jeunes en quête d'idéal.» Alors que d'autres juifs, dont les familles ont été décimées, choisissent de traquer les anciens nazis, lui dit vouloir regarder l'avenir et offrir les leçons de son passé. Déjà plus de 300 enfants des collèges de la région ont visité son jardin et, chaque jour, il contacte des professeurs pour les amener à Tanneron. A l'entendre, l'arche - symbole de sa vie en dents de scie - ne lui appartiendrait déjà plus. Pourquoi dès lors le condamner?
Un argument fort dans la bouche d'un rescapé du ghetto de Varsovie et du camp d'extermination de Treblinka. «Quand on connaît son histoire, que peuvent signifier pour lui des autorisations administratives?» se demande l'un de ses amis. Il continue d'ailleurs de peaufiner son arche comme si rien ne pouvait arriver. Accrochant des toiles de jeunes peintres dans les galeries souterraines éclairées par le fond de la piscine. Vérifiant avec sa télécommande si la coupole s'élève bien en silence. Briquant les chenilles de ses chars, «qui, dit-il, ne connaîtront plus jamais les combats ni la guerre et sur lesquels on s'assoira».
Soit. Mais au village, en contrebas, il n'est pas sûr que cet idéal de paix et de fraternité émeuve vraiment la population. L'ambiance est plutôt à la sourde colère. «Le destin d'un homme donne-t-il des passe-droits?» fulmine le maire, Jacques Chiabaut, qui redoute qu'une «jurisprudence Martin Gray» n'ouvre des brèches dans un environnement fragile et ultraprotégé. «Après tout, dit-il, dans le même département, l'administration n'a-t-elle pas contraint Olivier Mitterrand, neveu du président de la République, à détruire une partie de sa propriété?» Surtout, le maire ne comprend pas. Il reste confondu devant les risques d'incendie, dont Martin Gray plus que tout autre a déjà eu à souffrir. Et qui, à tout moment, peuvent menacer sa colline. «Que se passera-t-il si le feu prend alors que des dizaines d'enfants arpentent son labyrinthe? Comment les protégera-t-il, alors qu'il est bien placé pour savoir que les mimosas qui brûlent dégagent une essence asphyxiante?»
Martin Gray ne répond pas. Sûr que cette arche sera bien plus que le célèbre palais du facteur Cheval, dans la Drôme: un lieu de vie, de rencontre, de connaissance. Avec des amis parisiens, il rêve d'en faire l'épicentre d'un réseau de clubs répartis dans toute la France. «Des clubs du futur, explique-t-il, où les jeunes disposeront de banques de données sur tous les sujets.» Pour financer l'opération, il s'est mué (sans trop de problèmes...) en homme d'affaires et a fait appel aux grandes entreprises. «Déjà, assure-t-il, nous avons obtenu le partenariat de Gaz de France et du groupe BSN. Et demain nous créerons de vrais journaux pour les jeunes.»
Difficile de ne pas adhérer à cet enthousiasme puisé dans les secrets de son histoire. En l'apprenant, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a d'ailleurs décidé - fait rarissime - de se transporter sur le lieu du délit. «C'est ma dernière bataille», a alors confié au juge le rescapé de Treblinka. Le maire, lui, a prévenu: «Les habitants de Tanneron n'accepteront aucune dérogation au droit commun. Que son bénéficiaire se nomme Martin Gray ou pas.»