Joyce Carol Oates, née le 16 juin 1938 à Lockport dans l'État de New York, est une poétesse et romancière américaine.
"Si je suis 'L'Homme de Boue" selon Hugo HORIOT, alors elle est "La Femme de Boue" MUDWOMAN" Christian Vancau
Biographie
Joyce Carol Oates naît d'un père, Frederic Oates, dessinateur industriel, et d'une mère, Carolina, femme au foyer. Sa grand-mère paternelle, Blanche Woodside, vit avec la famille et est très proche de Joyce, qu'elle évoquera dans son roman The Gravedigger's daughter en 2007. Elle a un frère, Fred Jr, né en 1943, et une sœur, autiste ,Lynn Ann, née en 1956.
Très tôt, elle s'intéresse à la lecture, notamment au livre de Lewis Caroll, Alice aux pays des merveilles, que lui a offert sa grand-mère, et dont elle dira qu'il fut sa plus grande influence littéraire.
À l'adolescence Joyce découvre les écrits de Faulkner, Dostoïevski, Thoreau, Hemingway, Charlotte et Emily Brontë, qui l'influenceront beaucoup par la suite. Elle commence à écrire à l'âge de 14 ans, lorsque sa grand-mère lui donne une machine à écrire.
Elle travaille pour le journal de son lycée, le Williamsville South High School, dont elle sort diplômée en 1956 (elle est d'ailleurs la première dans sa famille à obtenir un diplôme d'enseignement secondaire).
Elle obtient alors une bourse pour l'Université de Syracuse, où elle commence à écrire des romans, dont elle n'est jamais réellement satisfaite. A 19 ans, elle gagne cependant un prix dans un concours de nouvelles. Elle sort diplômée de l'université de Syracuse en 1960, puis de l'université de Wisconsin-Madison en 1961.
Peu de temps après l'obtention de son diplôme, elle rencontre Evelyn Schrifte, la directrice des éditions Vanguard, sur qui elle fait une forte impression. Son premier ouvrage, un recueil de nouvelles intitulé By the North Gate, est publié par cette maison en 1963.
Depuis, elle publie des romans, des essais, des nouvelles, du théâtre et de la poésie ; au total plus de soixante-dix titres. Elle a aussi écrit plusieurs romans policiers sous les pseudonymes de Rosamond Smith et de Lauren Kelly.
Elle s'intéresse également à la boxe.
Son roman Blonde, inspiré de la vie de Marilyn Monroe, publié pratiquement dans le monde entier, lui a valu les éloges unanimes de la critique. Elle a figuré deux fois parmi les finalistes du prix Nobel de littérature.
Elle enseigne la littérature à l'université de Princeton où elle vivait avec son époux, Raymond Smith, mort en février 2008. Celui-ci dirigeait une revue littéraire, l'Ontario Review.
LE MONDE DES LIVRES | • Mis à jour le 02.10.2013 à 20h39| Par Raphaëlle Leyris
Elle peut tout faire. Nouvelles, poésie, polars, romans gothiques ou d'horreur, inspirés de faits divers (Les Chutes, Stock, 2005 ; Petite soeur mon amour, Philippe Rey, 2009) ou de la vie d'une star (Blonde, Stock, 2000), sous son nom ou l'un de ses pseudonymes (Rosamond Smith, Lauren Kelly)… Depuis son entrée en littérature, dans les années 1960, Joyce Carol Oates n'a cessé de démontrer son talent fou, sa puissante virtuosité, à raison de plusieurs publications, parfois, par an. A ce jour, cependant, son oeuvre tentaculaire ne comprenait pas encore de livre de super-héros. Le splendide Mudwoman vient combler ce manque. Avec son personnage sorti de la boue (mud, en anglais), Joyce Carol Oates fait de l'or.
Pas question de types en collant décidés à sauver le monde, ou d'accorte justicière à lasso : de la catégorie à laquelle ressortit son nouveau roman, l'auteur se contente de glisser, sans en faire des tonnes, quelques indices, dont le plus évident est le titre. Mudwoman, c'est Meredith Ruth Neukirchen, dite "M. R.", présidente d'une grande université américaine.
En octobre 2002, quand s'ouvre le texte, les débats font rage dans son pays autour d'une future intervention en Irak ; elle, à 41 ans, revient dans les Adirondacks, la région désolée où elle a grandi, à l'occasion d'un discours à prononcer devant une prestigieuse assemblée. Pour la première fois de sa vie, la si travailleuse, si contenue et si fiable M. R., la super-héroïne du surmoi, sort des sentiers battus et de ce que l'on attend d'elle, pour prendre la voiture au lieu de se préparer ; elle roule vers la Black Snake River. Là, elle commence à s'embourber dans les souvenirs qu'elle a toujours tenté d'éviter. Ceux de la "Mudgirl" qu'elle fut : Jenina, abandonnée à 3 ans par une mère fanatique dans les marais de cette rivière, et sauvée in extremis par un simplet du coin. D'abord envoyée dans une famille d'accueil où régnait la brutalité, puis adoptée par un couple d'aimables quakers, bien décidés, selon leur idéal religieux, à voir "la victoire de la Lumière sur la confusion et la dissension", elle a été rebaptisée et élevée dans le déni de son passé.
PERDRE PIED ET RAISON
Lequel, au fil des mois qui vont suivre cette première sortie de route, ne va cesser de la rattraper, "au risque de l'engloutir", tandis que s'annonce, puis se déclenche la guerre en Irak. Les chapitres consacrés à l'existence présente de M. R./Mudwoman, à ses combats quotidiens à l'université – contre le machisme et le conservatisme, contre elle-même, surtout – alternent avec ceux qui racontent sur le mode du conte les premières années de "Mudgirl" – selon un schéma narratif récurrent dans les livres de super-héros. Leurs titres montrent avec quelle malice Joyce Carol Oates inscrit son roman dans la veine des comic books : "Mudwoman affronte un ennemi. Le triomphe de Mudwoman" ; "Mudgirl : trahison" ; "Mudwoman précipitée sur Terre" ; "Mudwoman : les lunes au-delà des anneaux de Saturne"… Et puisque les livres de super-héros, toujours à cheval entre une chronologie cyclique, éternelle, et une autre, linéaire, historique, jouent systématiquement sur différentes temporalités, le sujet est aussi au coeur de Mudwoman : c'est la superposition soudaine des périodes de son existence qui fait perdre pied et raison à son héroïne. Joyce Carol Oates affirme l'importance du thème dès l'un des exergues : "Le temps terrestre est une façon d'empêcher que tout n'arrive en même temps." La phrase est empruntée à un certain Andre Litovik… lequel, astronome de son état, est une invention de l'auteur : "l'amant (secret)" – il est toujours présenté ainsi – de M. R. depuis ses études à Harvard.
Il était logique, au fond, que Joyce Carol Oates en vienne à s'intéresser à ce genre si particulier. Pas pour livrer un tour de magie ou faire ses gammes dans un style nouveau, histoire de se distraire. Mais parce que toute son oeuvre est hantée par la sauvagerie et ses surgissements dans la vie conjugale, familiale, politique ou sociale (les nouvelles de Cher époux, qui paraissent en même temps que Mudwoman, en donnent un bon aperçu), de la même manière que les aventures de Superman et assimilés mettent toujours en scène le combat entre les ténèbres et la lumière. Son roman est entièrement structuré autour de cette lutte. Entre les ténèbres où M. R. est née et la religion de la "lumière" où elle a été élevée – oscillant, à l'égard de ses parents adoptifs, du froid mépris à l'amour filial. Entre l'obscurité où sombre son esprit et sa foi dans la transparence. La folie ne gagne pas de terrain seulement en elle : c'est aussi le cas dans tout le pays, où s'affrontent pro- et anti-guerre. Avec ce roman si "oatésien" dans ses thématiques et ses images, si nouveau dans le genre qu'il explore, la grande dame des lettres américaines fait, à 75 ans, une nouvelle démonstration de ses superpouvoirs littéraires.
Ici même, il y a dix ans, Joyce Carol Oates avait été jugée réfrigérante». Rien n’indique qu’elle se soit réchauffée depuis, sinon la tenue estivale qui, dentelle et chapeau, lui donne une drôle d’allure de fée. Un visage de cinéma muet, vieilli par le passage à la couleur : crayon brun pour redessiner les sourcils, fard rose sur les paupières et les joues, rouge à lèvres orangé. Boucles d’oreilles, bagues, maxi-collier contre frêle silhouette. A 75 ans, la dame en impose, et quand elle vous tend une main molle façon thé de 17 heures et qu’elle lâche un onctueux hellooo, on ne la sent ni fragile ni timide. Ce n’est pas la pauvre petite chose vendue parfois, c’est une femme qui, en deux jours d’entretiens à Paris, a trouvé la force d’en écourter. Une femme qui n’apprécie les journalistes que lorsqu’ils sont de vrais lecteurs de son œuvre - ce qu’elle vérifie dès les premières minutes. La traduction de MUDWOMAN paraît en octobre chez Philippe Rey, dernière livraison d’une production outrée d’une centaine de titres. Vos livres, vous les comptez ? Soupir. Le débit est lent, le refrain récité :Je ne pense pas en ces termes, je crois que la plupart des écrivains ne pensent pas en ces termes " Elle penche la tête, son regard déjà fuyant devient vague et vous quitte tout à fait. Elle s’éteint, littéralement, une absence, puis se rallume pour la question suivante, si elle en vaut la peine.
Mudwoman est son premier roman depuis J’ai réussi à rester en vie, récit de veuvage écrit l’année suivant la mort de son mari, Raymond Smith, en 2008. Ce nouveau texte porte la marque de l’angoisse éprouvée, le souvenir des gouffres posthumes. Il lui est apparu en rêve, à travers une image obsédante : «Une femme assise à une table, brillante, accomplie, mais seule, avec de la boue sur le visage.» Du songe comme pâte à fiction, elle modèle son histoire : «Je me suis dit que cette femme se souviendrait de son passé, un passé qui la renverrait à la boue, à quelque chose de primitif.» Quelque chose qui attendait, qui ressurgit. La femme est promue présidente d’une université, on dirait qu’elle perd la raison, le lecteur aussi, la boue monte et on s’enfonce. En arrière-monde, les Etats-Unis, à la veille de la guerre en Irak. «Avoir situé l’action à ce moment-là était une manière de réfléchir à l’idée même de civilisation, une civilisation qui s’effondre.»
Elle n’a jamais décrit que cela, l’Amérique, celle des fous dangereux et des calmes foyers, puisqu’il s’agit de la même. La politique l’intéresse de loin en loin : l’individu avant le collectif. L’affaire Snowden l’a quand même pas mal secouée. Elle se redresse : «A l’évidence, le Président n’a pas démantelé les programmes d’espionnage des citoyens pour deux raisons : goût du pouvoir et crainte d’une attaque terroriste. Et pourtant cela n’a pas empêché les attentats de Boston.»
En mars 2011, Oates recevait des mains de Barack Obama la National Humanities Medal qui, depuis 1997, récompense un citoyen américain pour ses qualités humanistes. On lui demande de raconter, elle peut nous «montrer des photos». Le smartphone dégainé, madame feuillette l’écran mieux qu’une ado. La voilà menue et poudrée à côté du Président. «Il est gentil, et très grand.» (Elle feuillette.) «Là, c’est lui, Michelle et moi. Elle est plus grande que lui, vous savez…» (Elle feuillette.) «Ici, c’est moi avec la médaille.» (Elle feuillette.) «Et là, c’est mon mari, il est professeur de neurosciences à Princeton. Il a dû rester aux Etats-Unis.» Charles, sourire et barbe blanche, gravement malade. Mudwoman lui est dédié : «Pour Charlie Gross, mon mari et mon premier lecteur.» Oates a passé plus de quarante-sept ans avec un éditeur qui ne lisait pas ses livres. Gross, lui, est scientifique, la littérature n’est pas son métier. Ils se sont rencontrés lors d’un dîner entre collègues, quelques mois après la perte de Smith. Tous deux travaillaient à Princeton depuis vingt ans mais ne s’étaient jamais croisés - pas le même bâtiment, mais le même parking. A cette période, soit c’était «oui», soit elle s’effondrait. Ce fut oui pour le mariage (en 2009) et oui pour le déménagement, dans une maison à cinq minutes de celle où elle vécut avec Raymond. Elle regrette la forêt qui cachait l’ancienne, les canards et les tortues, mais la nouvelle a un étang. Pour les deux hommes, elle dit indifféremment «mon mari».
De son propre aveu, Oates est toxico. «Ecrire est… une drogue, douce, irrésistible et épuisante.» Depuis le milieu des années 60, elle publie romans, nouvelles, poèmes, critiques. «Pour être une personnalité littéraire, il faut veiller à ne pas publier trop souvent : un roman tous les cinq ou six ans, pas davantage», confiait-elle à son journal un jour de 1976. Les années seront des mois. Ce désir compulsif de remplir la page est son seul vice : elle ne fume pas, ne boit pas d’alcool, ne mange pas de viande et court pour se maintenir en forme. N’entre jamais dans une église. Garde les gros mots pour ses livres. Control freak ? Lorsqu’elle travaillait sur Mudwoman, Claude Seban, sa traductrice attitrée depuis Corky (1996), admet qu’elle a craint pour la santé mentale de l’auteure : «Je me demandais si elle n’était pas dans le même état que son personnage, s’il n’y avait pas une forme de projection dans cette vie qui se défait de partout. Quoi qu’il en soit, elle présente une façade très lisse.» Effet d’écho chez Christiane Besse, son éditrice chez Philippe Rey, qui évoque une femme «en maîtrise permanente», «un individu difficile à cerner».
Elle a toujours vécu avec des chats. Il lui en reste un, qui ne tarde pas à apparaître sur son portable. Une femelle de 12 ans, tigrée. Oates se souvient de la fois où, regardant à la fenêtre, elle l’a surprise en train de chasser. Elle ressemblait à un tigre prêt à dévorer sa proie. «J’ai tapé contre le carreau et sa posture a changé du tout au tout : elle a baissé la queue et a émis un miaulement, très doux. Je me suis dit que c’était une sacrée hypocrite, mais c’était intéressant, car la tueuse aussi, c’était elle. Les gens sont pareils.» L’obsession est là, dans la sauvagerie et la retenue, la folie de chacun, inquiétante, banale.
Elle a longtemps porté un masque, joué à «l’éminente écrivaine américaine Joyce Carol Oates». Ce n’est, semble-t-il, plus le cas aujourd’hui, surtout pas quand elle enseigne. Le romancier Jonathan Safran Foer et Alex Gansa, scénariste de Homeland («la seule série que je regarde, avec Mad Men»), sont, entre autres, passés par son cours de creative writing. Elle devra quitter ses fonctions à Princeton en 2015, retraite forcée. Ce n’est pas un sujet qu’elle aime aborder. Elle est plus loquace sur «la beauté de Paris, le musée d’Orsay, la Seine…» La ville défile en clichés, puis c’est un autre chat. «Je suis allé dîner chez Diane Johnson, elle a un très gros chat, encore plus gros que le mien.» (Elle feuillette.) «Et il a un frère. Il est gros lui aussi, n’est-ce pas ?» Limite chaleureuse.
16 juin 1938 Naissance à Lockport, dans l’Etat de New York.
1964 Premier roman : With Shuddering Fall.
1970 National Book Award pour Eux (Points).
2000Blonde (Stock), biographie pimpée de Marilyn Monroe.
2005 Prix Femina étranger pour les Chutes (Philippe Rey).
2008 Mort de son mari, Raymond Smith.
2009 Remariage avec Charles Gross.
2013 Mudwoman (Philippe Rey).
Photo Fred Kihn
- Des gens chics, Stock, 1970
- Corps, éditions Pauvert, 1973
- Le Pays des merveilles, Stock, 1975
- Haute Enfance, Stock, 1979 (édition américaine 1969)
- Mariages et Infidélités, Stock, 1980
- Bellefleur, Stock, 1981 (édition américaine 1980)
- Eux, Stock, 1985
- La Légende de Bloodsmoor, Stock, 1985 - rééd. 2011
- L'Homme que les femmes adoraient, Stock, 1986
- Les Mystères de Winterthurn, Stock, 1987 - rééd. 2012
- De la boxe, Stock, 1988
- Marya, Stock, 1988
- Aile de corbeau, Stock, 1989
- Souvenez-vous de ces années-là, Stock 1991
- Cette saveur amère de l'amour, Stock, 1992
- Reflets en eau trouble, Ecriture, 1993
- Un amour noir, Éditions Du Felin, 1993
- Le Rendez-vous, Stock, 1993
- Au commencement était la vie, Éditions Du Felin, 1994
- Le Goût de l'Amérique, Stock, 1994
- Hantises, Poche, 1994
- Confessions d'un gang de filles, Stock, 1995
- En cas de meurtre, Actes Sud, 1996
- Corky, Stock, 1996
- Solstice, Stock, 1997 (édition américaine 1985)
- Zombi, Stock, 1997
- Man Crazy, Stock, 1999
- Premier Amour, Actes Sud, 1999
- Nous étions les Mulvaney, Stock, 1999
- Blonde, Stock, 2000 (édition américaine 2000). Un roman sur Marilyn Monroe.
- Mon cœur mis à nu, Stock, 2001
- Je me tiens devant toi nue - Miss golden dreams, Éditions Du Laquet, 2001
- Nulle et Grande Gueule, Gallimard Jeunesse, 2002
- Johnny Blues, Stock, 2002
- Délicieuses Pourritures, 2003
- Infidèles ; histoires de transgressions, Stock, 2003
- Le Ravin, Éditions de l'Archipel, 2003
- J'ai refermé ma porte, Éditions Philippe Rey, 2004
- Hudson River, Stock, 2004
- Je vous emmène, Stock, 2004
- La Foi d'un écrivain, Éditions Philippe Rey, 2004
- Zarbie les yeux verts, Gallimard Jeunesse, 2005
- Les Chutes, éditions Philippe Rey, 2005 — Prix Femina étranger
- Hantises, Stock, 2005
- Viol, une histoire d'amour, Éditions Philippe Rey, 2006
- Vous ne me connaissez pas, Éditions Philippe Rey, 2006
- La Fille tatouée, Stock, 2006
- Mère disparue, Éditions Philippe Rey, 2007
- Les Femelles, Éditions Philippe Rey, 2007
- Sexy, Gallimard Jeunesse, 2007
- La Fille du fossoyeur, Éditions Philippe Rey, 2008
- Journal 1973-1982, Éditions Philippe Rey, 2009
- Fille noire, fille blanche, Éditions Philippe Rey, 2009
- Vallée de la mort, Éditions Philippe Rey, 2009
- Le Triomphe du singe araignée, Éditions Les Allusifs, 2010
- Un endroit où se cacher, Albin Michel, coll. « Wiz », 2010
- Petite sœur, mon amour, Éditions Philippe Rey, 2010
- Folles Nuits, Éditions Philippe Rey, 2011
- J'ai réussi à rester en vie, Éditions Philippe Rey, 2011
- Le Musée du Dr Moses : histoires de mystère et de suspense, Éditions Philippe Rey, 2012
- Petit oiseau du ciel, Éditions Philippe Rey, octobre 2012
- Étouffements (nouvelles), Éditions Philippe Rey, octobre 2012
- Le Mystérieux Mr Kidder, Éditions Philippe Rey, 2013
Films inspirés par l'œuvre de Joyce Carol Oates
- 1985 : Smooth Talk de Joyce Chopra d'après la nouvelle Where Are You Going, Where Have You Been
- 1991 : Trouble Jeu de Tim Hunter
- 1996 : Foxfire de Annette Haywood-Carter
- 1999 : Getting to Know You de Lisanne Skyler
- 2012 : Foxfire, confessions d'un gang de filles de Laurent Cantet
Prix et récompenses
- 1968 : M. L. Rosenthal Award, National Institute of Arts and Letters - A Garden of Earthly Delights
- 1970 : National Book Award - Them
- 1973 : O. Henry Award - The Dead
- 1990 : Rea Award for the Short Story
- 1996 : Bram Stoker Award for Novel - Zombie
- 1996 : PEN/Malamud Award for Excellence in the Art of the Short Story
- 2002 : Peggy V. Helmerich Distinguished Author Award
- 2003 : Kenyon Review Award for Literary Achievement
- 2005 : Prix Femina Étranger - The Falls
- 2006 : Chicago Tribune Literary Prize
- 2010 : National Humanities Medal
- 2011 : Honorary Doctor of Arts, université de Pennsylvanie
- 1968 : National Book Award - A Garden of Earthly Delights
- 1969 : National Book Award - Expensive People
- 1972 : National Book Award - Wonderland
- 1990 : National Book Award - Because It Is Bitter, and Because It Is My Heart
- 1992 : National Book Critics Circle Award for Fiction - Black Water
- 1993 : Pulitzer Prize - Black Water
- 1995 : PEN/Faulkner Award - What I Lived ForActualité > Bibliobs > Romans > Joyce Carol Oates, la machine à écrire
Joyce Carol Oates, la machine à écrirePar Didier JacobPublié le 08-12-2013 à 18h34Mis à jour le 16-01-2014 à 15h47
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Elle est née en 1938, a publié une centaine de livres au bas mot, et continue de les enchaîner à une cadence infernale. Pourquoi? Comment? Enquête
Née en 1938, l'Américaine JOYCE CAROL OATES est lauréate de nombreux prix, dont le Bram Stoker Lifetime Achievement Award. Elle a dirigé l'«Ontario Review» avec son mari Raymond Smith jusqu'à la mort de celui-ci, en 2008. Un an plus tard, elle a épousé Charles Gross, professeur de psychologie à Princeton. (©Frederic Stucin / Pasco)Partager Recevoir les alertesÀ lire aussi- ENTRETIEN. Le questionnaire de Joyce Carol Oates
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Elle n'a que la peau sur les os, et elle parle d'une voix presque inaudible, mais son oeuvre est immense: une centaine de livres, au bas mot. N'y a-t-il jamais eu de trou d'air? De baisse de régime? Pas qu'elle sache mais la vérité, c'est que toutes ces questions sur les secrets de sa surproduction ennuient Joyce Carol Oates à mourir. «Je ne suis pas sûr qu'elle puisse elle-même expliquer sa graphomanie exceptionnelle», observe Philippe Rey, son éditeur français. «Chez elle, c'est biologique. Vital presque.»
Son compagnon de
voyage, lors de son passage à Paris en juin dernier (son mari étant indisposé, elle avait fait appel à un ami professeur de littérature), n'en revient toujours pas: dans le taxi qu'elle a pris avec lui pour aller de Princeton à l'aéroport, l'auteur de «Blonde» en a profité pour écrire. Pendant le vol, elle a écrit aussi, et dans le taxi qui l'a emmenée de Roissy à son hôtel parisien, que croyez-vous qu'elle fit?Complexes, riches, documentés (elle dit ne pas avoir d'assistant), les livres qu'elle publie, de surcroît, dépassent souvent les 500 pages. «Mudwoman», qui paraît cet automne en France, en
compte 576, et son prochain roman, qui sort aux Etats-Unis, approche les 900 pages. Un tsunami que Philippe Rey a du mal à contenir:Joyce Carol Oates publie en moyenne deux romans par an, plus une trentaine de nouvelles. Et il y a ses articles dans la "New York Review of Books", qui ont la taille de novellas.Sans parler de ses
cours à Princeton (elle prend sa retraite cette année, mais continuera d'en donner à New York à partir de la rentrée 2014). «Elle joue du piano, elle marche, elle fait du jardinage», dit encore Philippe Rey. «Et elle a son mari !» Il oublie son chat.« En librairie, c'est le grand embouteillage »Résumons : plus de cinquante romans publiés, trente-six recueils de nouvelles, trois douzaines de
livres pour enfants, des pièces de théâtre, des recueils de poésie, des essais, un livret d'opéra, un scénario avec Martin Scorsese qui, faute de moyens, n'a finalement pas donné lieu à un film. Comme si ça ne suffisait pas, Joyce Carol Oates est aussi l'auteur d'une oeuvre secrète, écrivant sous des pseudonymes divers : Lauren Kelly, Rosamond Smith.«Nous avons décidé de publier tout ce qui paraît sous son nom», explique son éditeur français:
Mais nous avons beaucoup d'avance: deux romans inédits et cinq recueils de nouvelles sont en attente. En librairie, c'est le grand embouteillage. Oates, ça représente huit nouveaux titres par an: trois ouvrages inédits, deux ou trois poches en Points Seuil, nos rééditions et les rééditions de Stock, qui détient les droits de beaucoup de ses romans.Autre victime collatérale de cette intense activité, sa traductrice française, Claude Seban. C'est avec «Blonde» qu'elle a mis pour la première fois les mains dans le cambouis
«Depuis l'année dernière, c'est devenu du plein-temps. Une fois, je lui ai posé une question mais elle m'a répondu: "Si ce n'est pas clair, vous supprimez." J'ai l'impression que, pour elle, les livres l'intéressent moins quand ils sont publiés.N'est-elle pas étouffée sous le poids de sa production ? «Ça m'imprègne pas mal, c'est vrai. Souvent, je me surprends, dans une conversation, à citer un dialogue ou une réflexion qui
figure dans un de ses livres.» C'est grâce à elle, en tout cas, que Joyce Carol Oates a trouvé sa superbe voix française, limpide et expressive à la fois.La revanche d'une « Mudwoman »Le secret de cette « sorte de
possession » (Claude Seban) ? Beaucoup ont cru le percer enfin, au palace Four Seasons George V à Paris, lors du dîner annuel organisé, le 6 juin dernier, par l'American Library of Paris. Après William Styron ou Paul Auster, c'était Joyce Carol Oates qui était invitée à parler de son sujet favori : l'inspiration.Vêtue d'un ensemble gris souris et arborant un chapeau de paille, la romancière fait son entrée dans un
salon privé où 250 invités et donateurs ont pris place.Nous étions suspendus à ses lèvres,se souvient Philippe Rey. Elle allait enfin s'expliquer. Hélas, elle a parlé de Proust, de Joyce, de Hawthorne ou de Melville, mais pas d'elle. Je lui ai demandé pourquoi, et elle m'a répondu que cela aurait été déplacé, après avoir évoqué tous ces grands noms.Dans son nouveau livre, le puissant et
magnifique «Mudwoman» (littéralement «femme de boue»), elle raconte l'itinéraire d'une présidente d'université dont l'exceptionnelle réussite tranche avec ses lugubres origines d'enfant abandonnée, dans les Adirondacks, dans le nord-est de l'Etat de New York. Un passé qu'elle met toute son énergie à refouler pour parvenir au sommet.Je voulais écrire sur une femme qui a une position de pouvoir, ce qui n'est pas si fréquent aux Etats-Unis, explique l'auteur dans un filet de voix. Une de mes amies est devenue présidente de l'université de Pennsylvanie, et ça marche très bien. Il y a eu de gros progrès, même s'il y a aussi de nombreuses réactions antiféministes, encore aujourd'hui, chez les politiciens. C'est un pays si conservateur.Une success story d'autant plus passionnante qu'elle est celle de
Joyce Carol Oates, qui a commencé au bas de l'échelle, grandissant dans une misérable ferme, et apprenant à écrire dans l'unique salle de classe d'une petite école de l'Etat de New York.Professeur Joyce Carol OatesAujourd'hui, elle a ses entrées à la Maison-Blanche: ce qui l'amuse, n'est-ce pas justement de montrer sur son iPhone (un jouet qu'elle manipule comme un enfant de 4 ans un Playmobil) une
photo d'elle entre Michelle et Barack Obama ?J'ai rencontré le président lorsqu'il m'a remis la médaille nationale des Humanités. Il est si grand, et Michelle aussi, encore plus ! Le président est vraiment charmant, il a beaucoup d'humour. Et c'est le même homme qui envoie ces drones, qui assassine des gens. C'est décourageant.Honorine de Balzac ? Pour le débit, donc, sinon pour l'embonpoint. Pour le charisme aussi: ses anciens élèves, à Princeton, se souviennent d'avoir bu ses paroles au séminaire de creative writing qu'elle a assuré pendant trente-quatre ans, le plus envié des Etats-Unis. «Elle était aussi drôle qu'elle peut être glaciale dans d'autres circonstances. Elle nous posait des questions très personnelles, sur nous, sur nos vies», se souvient un étudiant.
Scénariste de la série télé « Homeland », blockbuster mondial écrit sous influence oatesienne, Alex Gansa (promo 1984) n'a pas oublié le jour où, lisant devant lui les onze premières pages de son roman de fin d'études, le professeur Oates lâcha froidement: «Eh bien, ce n'est vraiment pas très bon.»
De son côté, un
autre de ses «anciens», l'écrivain Jonathan Safran Foer (promo 1999) aujourd'hui célébré dans le monde entier se souvient lui avoir donné à lire les brouillons de son premier roman, «Tout est illuminé», dont elle a accompagné la gestation jusqu'à la fin. «On sait presque immédiatement si un élève a du talent», explique-t-elle. Et tandis que, bientôt à la retraite, les visages des centaines d'élèves qui sont passés dans sa classe défilent peut-être à toute vitesse dans son esprit, elle confie: «Oui, ça va me manquer terriblement.»« Il y a deux sortes d'écrivains... »Manière de clore dignement ce chapitre de sa vie, elle a situé son dernier livre, «The Accursed», qui paraîtra dans un an en France si Claude Seban en vient à bout, à Princeton. Un roman satanique dont une première version avait été écrite dans les années 1980, et qu'elle dit avoir sans cesse révisé depuis. Elle y fait, dit-elle, autant oeuvre d'historienne que de romancière:
Si mon oeuvre est parfois violente, c'est parce que je m'inspire de ce qui m'entoure. Je parle de la réalité, des difficultés, de tout ce que les gens ont à endurer, des surprises qui les attendent à un moment ou à un autre de leur vie. C'est souvent tragique. Mais avec cette envie de se battre, de surmonter toutes ces difficultés. Au fond, j'essaie toujours d'explorer le coeur humain, de raconter ses combats, ses victoires.Pour Daniel Halpern, son éditeur et ami, «Joyce Carol Oates vit pour écrire. Elle ne s'arrêtera jamais, comme Philip Roth. Elle ne le supporterait pas. Elle serait perdue sans ça.» Elle se reconnaît dans la sociologie romanesque d'un Balzac. Elle vénère Poe, Hemingway et Faulkner, aime Flaubert, apprécie le caractère obsessionnel de son écriture sans accorder trop de crédit à ses déclarations sur la souffrance d'écrire. «Même Flaubert devait y trouver du plaisir. C'est un défi constant, oui. Mais ça n'est pas pénible, au contraire.»
Chez elle, elle a installé son bureau dans une pièce avec vue sur le jardin.
Il y a des oiseaux, des fleurs. Il y a aussi un étang. Il y a deux sortes d'écrivains, ceux qui écrivent en regardant un mur, et ceux qui ne peuvent pas se passer d'une fenêtre. C'est mon cas. Ça m'inspire. J'aime le silence, le calme, je n'écoute pas de musique quand j'écris. Sauf le chant des oiseaux.L'avenir ? Elle le voit en milliers de pages. «J'ai dans mes dossiers beaucoup d'idées de roman, des résumés qui
font parfois trente ou quarante pages. Plus d'idées, c'est certain, que de temps pour les écrire.» Des idées, oui, mais combien ? On lui demande une fourchette: vingt, cent, mille? «Probablement une centaine», dit-elle.Notez que, parfois, elle se repose :
elle tweete. «Tous mes tweets sont composés avec précision, comme s'ils étaient des aphorismes. Parfois, je suis surprise par leur qualité hautement poétique, presque surréaliste.» En somme, un tweet, ça n'a l'air de rien, mais quand on en écrit plusieurs par jour, ça peut valoir le coup de les réunir en volume. Vous allez voir, encore un gros bouquin.Didier Jacob