BIO 58 Juin 1959 Jacqueline et le Lac aux dames
Donc on tournait dans les quatre rues du carré, on rencontrait, on draguait et on causait). Foulek c'est mon premier Juif (il y en a eu bien d'autres ensuite, (c'est tellement agréable la fréquentation de gens intelligents). Il a une folie proche de la mienne. Et dans nos dragues de cet Ilôt sacré qu'est le Carré de Liège: Pont d'Avroy, Vinâve d'Ile, Pont d'Ile, Place Cathédrale, on croisait les filles et tout se passait dans les regards, des regards croisés et recroisés, parfois même molletonnés. Et moi je me mettais à attraper un "genre" comme on dit chez nous, traduisez un "style". Déjà anormalement bronzé pour un blond aux yeux bleus, je me promenais en jeans, avec des pulls légers en "V", dégageant des décolletés bronzés et poilus, et je commençais à faire des ravages en rue, à "Faire des touches" (Tu as vu, tu as fait une touche ! disait-on quand une fille appuyait son regard ), bref des touches comme le docteur-écrivain du même nom, Louis-Ferdinand Destouches dit Céline.
Mais je n'en avais pas encore vraiment conscience car trois ou quatre ans auparavant, j'avais vécu mon insuccès auprès des femmes. Timide, mal fagoté, j'étais le bon copain, celui avec lequel on ne flirte pas. Inconsciemment j'ai dû travailler pour que celà change. Le soleil m'y a aidé et aussi une culture physique assez intensive pratiquée quotidiennement et puis bien entendu mon mental: il n'était pas question que je reste sur la touche.(Encore une )
En cette année 1959, une jolie fille, Jacqueline, faisait des malheurs à Liège, une vraie BB miniature, toute fine avec queue de cheval, jupe vichy, corsage froncé et des yeux verts de bleu. Tout le monde en était fou au Carré. La BB de Liège, jamais seule, toujours avec des amies, allumant les mecs et trop belle pour moi, pensais-je. Nos regards s'étaient souvent croisés, mais je pensais qu'elle faisait cela avec tous les mecs et je n'avais jamais essayé de l'aborder.
Or tout à coup, cette fille est là, sur la berge, au Lac aux Dames, avec des amies. Putain je rêve ou quoi ? Une conversation s'engage de groupe à groupe. Les guindailleurs et les midinettes. Jacqueline, c'est son prénom est couchée dans l'herbe et Foulek se met à la draguer. Moi je regarde, je n'aurais pas osé. Il se couche à côté d'elle et elle le repousse. Alors moi je fonce, bien que ce soit mal barré et je fais exactement ce que mon copain vient de faire; ma bouche s'approche de la sienne...aucune opposition votre honneur...et c'est le bouche à bouche à "mords que veux-tu", au feu les pompiers, devant une assemblée applaudissante de garçons et de filles. Je 'en crois pas mes yeux. Nous retournons vers Liège, il fait plus chaud que jamais, et je me retrouve dans la voiture de mon copain Chantraine, étroitement enlacé avec cette beauté, que tout Liège va m'envier et j'apprends qu'elle m'avait pointé depuis des mois au Carré et que ses regards vers moi, se voulaient parfaitement appuyés et moi grosse gourde.... Aussi allumeuse et aussi timide que moi (les deux vont souvent de pair contrairement à ce que l'on pourrait croire ), elle n'aurait jamais fait le premier pas