Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
 


LE BLOG TOTEMS DE CHRISTIAN VANCAU


 


POUR TRADUIRE MON TEXTE DN ALLEMAND OU EN ANGLAIS CLIQUEZ CI-DESSOUS

 

Site traduit en Allemand :

http://fp.reverso.net/christianvancautotems/3733/de/index.html

 

Site traduit en Anglais :

http://fp.reverso.net/christianvancautotems/3733/en/index.html


Sur cette photo, Christian Vancau dans son jardin avec quelques uns de ses totems et sa guitare à la main


Présentation

  • : le blog totems par : Christian VANCAU
  • : Il s'agit de la réflexion d'un peintre de 78 ans, au départ d'un territoire peint et sculpté par lui, au coeur de l'Ardenne et dans lequel il vit en solitaire, tout en y accueillant de nombreux visiteurs!
  • Contact

Profil

  • Christian VANCAU
  • Journal quotidien d'un peintre de 81 ans qui a créé un territoire naturel et artistique au centre le forêt ardennaise belge. Aussi écrivain, musicien et photographe, sans compter le jardinage 6 mois par an. Et voyageur... et adorant les animaux.
  • Journal quotidien d'un peintre de 81 ans qui a créé un territoire naturel et artistique au centre le forêt ardennaise belge. Aussi écrivain, musicien et photographe, sans compter le jardinage 6 mois par an. Et voyageur... et adorant les animaux.

Carte mondiale des Blogueurs

J'habite dans le Sud de la Belgique, à 10 Kms au Nord de Libramont, 50 Kms au Nord  de Sedan et 75 Kms au Nord de Longwy. Sur cette carte, la Belgique au Nord de la France et au Sud, une flèche noire indiquant mon village, situé au Nord de LibramontUne autre perspective. Moircy encadré, Bastogne 30 Kms Nord-Est, Luxembourg- ville au Sud-Est, Carte-Prov.Lux2-jpgSedan et Carte-Prov.Lux-jpgCharleville au Sud-Ouest

Recherche

<a href=

Mon adresse-mail est la suivante:  christian.vancau@base.be


" C'est d'abord un combat contre les parents et ensuite un combat contre les maîtres qu'il faut mener et gagner, et mener et gagner avec la brutalité la plus impitoyable, si le jeune être humain ne veut pas être contraint à l'abandon par les parents et par les maîtres, et par là, être détruit et anéanti "
( Thomas Bernhard, écrivain autrichien décédé en 1989 )

Ma biographie c'est ce combat et rien d'autre




Je suis un homme de 74 ans retiré dans un tout petit village des ardennes belges,  un endroit magnifique au bord de la forêt. J'y vis seul . J'ai une fille de 46 ans et deux petit-fils de 21 et 6 ans, qui vivent tous les trois à 10 Kms de chez moi.. Je suis donc un homme d'avant-guerre (1937), né à Gand en Flandre, de père gantois et de mère liégeoise (Gand et Liège sont les deux villes rebelles de Belgique ). Je suis arrivé à Liège en 1940 avec ma mère et ma soeur, alors que mon père s'était embarqué pour l'Angleterre, dans l'armée belge et y exerçait son métier de chirurgien orthopédiste. Je n'ai donc réellement rencontré mon père qu'à l'âge de 8 ans, après la guerre, en 1945. Mis à part 2 années à Bruxelles et une année en Suisse à Saint-Moritz, j'ai vécu à Liège et y ai fait toutes mes études, humanités gréco-latines chez les Jésuites et Droit à l'Université de Liège. Je me suis marié en 1962, ai eu une petite fille Valérie et ai cherché une situation, muni de mon diplôme de Docteur en Droit. J'ai trouvé un emploi dans la banque. Je n'aimais ni le Droit ni la banque, je ne me savais pas encore artiste, je voulais être journaliste. Ma famille bourgeoise m'avait dit "Fais d'abord ton droit" !  En 1966, j'ai commencé une psychanalyse qui a duré 5 anset demi. En 1967, j'ai commencé à peindre. En 1971, ma Banque m'a envoyé créer un réseau d'agences dans le Sud de la Belgique, ce que j'avais déjà fait dans la province de Liège. Je me suis donc retrouvé en permanence sur les routes explorant village après village, formant les agents recrutés et les faisant "produire". Il ne m'aurait jamais été possible d'être un banquier enfermé. Je ne tiens pas en place. Pendant 8 ans j'ai vécu au-dessus de ma banque à Libramont, créant mon réseau. En 1975, j'ai été nommé Directeur et Fondé de Pouvoirs. En 1978 j'ai acheté une maison en ruines à Moircy, mon territoire actuel. Je l'ai restaurée et y suis entré en 1979. En 1980, ma banque a été absorbée par une banque plus puissante et l'enfer a commencé. En 1983, mon bureau a été fermé. Je suis devenu Inspecteur, puis Audit en 1985 avec un réseau de 140 agences couvrant tout le Sud et l'Est de la Belgique. Dans le même temps je transformais mon territoire, creusais des étangs, installais plantations et totems et peignais abondamment. En 1989, j'étais "liquidé" par ma Banque avec beaucoup d'autres, pour des raisons économiques. Ma femme est partie.Je me suis retrouvé libre avec 28 mois de préavis et puis ensuite chômeur. Mais j'ai  intenté un procés à ma Banque. Ca a duré 4 ans et j'ai gagné. Quelle jouissance de pouvoir écraser une banque (à suivre)
.

Archives

<a href=

  

J'ai commençé à exposer en 1976 et celà a duré jusqu'en 1995, le temps de réaliser que le monde de l'Art  n'était pas plus reluisant que celui de la Banque. Je n'avais en outre, nul besoin de vendre et encore moins d'être célèbre. A chercher l'argent et la gloire, on est sûrs de perdre son âme, tôt ou tard (et de toutes façons, la réputation monte quand le cercueil descend ). J'ai donc quitté les mileux de l'art. J'ai encore peint jusqu'en 2002. Celà aura tout de même fait 35 ans. Je n'ai plus besoin de la peinture. Elle m'a permis de survivre psychologiquement et de me chercher. Pour moi l'Art est ce qui doit rendre la Vie plus belle que l'Art
Je suis un HOMME LIBRE, un sauvage, proche de la nature et des animaux, misanthrope, profondément rebelle, tout d'une pièce, physique, violent contrôlé à savoir positif dans ma violence, agnostique. Je ne crois absolument pas à l'avenir de l'Humanité. L'Homme est indécrottable. Il est UN LOUP pour l'Homme. Aucune leçon de l'Histoire ne lui a servi
Je ne crois pas à la politique. J'ai le coeur à gauche, instinctivement du côté des défavorisés, contre toute exploitation et abus de pouvoir, contre tout racisme, mais je ne suis pas de gauche, ça ne veut plus rien dire ! Et encore moins de droite, celà va de soi !
Je pense que si l'homme n'arrive pas à créer le bonheur dans sa vie personnelle intérieure, il est incapable de le créer pour les autres. La meilleure chose que l'on puisse faire pour les autres est d'être heureux soi-même !
Je préfère nettement les femmes aux hommes. Je me sens de leur sensibilité, je m'efforce de faire fleurir les mêmes valeurs qu'elles
Je pense que réussir sa vie, c'est réussir l'amour. Toutes les autres formes de "réussite", sont des ersatz qui ne "comblent "pas
Je suis né un 1er Novembre, suis donc Scorpion, Ascendant Gemeaux, Milieu du Ciel en Verseau, Mercure en Scorpion comme le Soleil, Mars et Jupiter en Capricorne, Saturne en Poissons, Uranus en Taureau, Neptune en Vierge, Pluton en Lion, Vénus en Balance, ainsi que la Lune, j'ai mes Noeuds lunaires ( sens de ma vie, mon destin ici bas ) et Lilith (la lune noire) en Sagittaire. Du Scorpion, j'ai l'agressivité, le côté piquant, le côté rebelle. Du Gemeaux, j'ai le goût des langues , de l'écriture, des voyages, et l'incapacité à rentrer dans des hiérarchies ou dans des groupes,
quels qu'ils soient, et à me soumettre à une autorité
Dans mes jeunes années j'ai pratiqué beaucoup de sports: tennis, natation, cyclisme, ping-pong, ski, boxe et karaté. Aujourd'hui toute mon activité physique est concentrée sur les travaux d'entretien de mon territoire. Je suis jardinier 6 mois par an.
En dehors de la peinture, je pratique d'autres activités: 1) Lecture (romans, polars compris, poésie, théâtre, ouvrages de philosophie et de psychologie, mythologies etc..) 2) Ecriture (Un journal quotidien depuis 1980, comptant à ce jour 45.000 pages ), 3) Musique (Guitare et piano). Toutes les musiques m'intéressent, blues, jazz, rock, chanson française, musique classique et contemporaine. 4) Photo et Video. 5)Jardinage et rapport constant avec le monde animal. 6)Et enfin l'informatique, activité nouvelle que je pratique depuis3 ans et qui a abouti à la création de ce blog

Articles Récents

  • Bio 311 - Août 2005 - Portes ouvertes à Moircy Fondation Vancau
    Quelques photos de l'Inauguration de la Fondation Vancau, à Moircy (Belgique), en juin 2005
  • Je termine "L'Ombre de la Bête" de Patrick...
    Je termine "L'Ombre de la Bête" de Patrick GRAINVILLE. Livre remarquable. Un livre qui me concerne profondément. Un… https://t.co/C104t2zpz9 Christian Vancau (@VancauChristian) November 18, 2018 Je termine "L'Ombre de la Bête" de Patrick GRAINVILLE. Livre...
  • Extrait de ma bio 1985.
    Extrait de ma bio 1985. Jean DUBUFFET est mort. C'est intolérable. La nouvelle tombe ce mercredi 15 mai mais il est… https://t.co/qGjtC2a6oe Christian Vancau (@VancauChristian) November 18, 2018 Extrait de ma bio 1985. Jean DUBUFFET est mort. C'est intolérable....
  • Deux grenouilles mâles (plus petits que les...
    Deux grenouilles mâles (plus petits que les femelles) sur le dos d'une femelle l'étreignent dans un combat furieux,… https://t.co/b7UWPmaubF Christian Vancau (@VancauChristian) November 18, 2018 Deux grenouilles mâles (plus petits que les femelles) sur...
  • Henri Michon mon ami bourguignon, celui qui m'a...
    Henri Michon mon ami bourguignon, celui qui m'a amené Christian Bobin à Libramont en 1976, m'envoie une analyse gra… https://t.co/smBKKB8MGB Christian Vancau (@VancauChristian) November 18, 2018 Henri Michon mon ami bourguignon, celui qui m'a amené Christian...
  • A Anvers ces 21 et 22 mars 1985, en stage...
    A Anvers ces 21 et 22 mars 1985, en stage informatique au Centre Ordinateur de ma banque Ippa. Tout un parc indusri… https://t.co/HbDhrrVvhw Christian Vancau (@VancauChristian) November 18, 2018 A Anvers ces 21 et 22 mars 1985, en stage informatique au...
  • Je reçois une lettre de ma mère, pour la...
    Je reçois une lettre de ma mère, pour la première fois depuis 4 ou 5 ans. Ma mère vient d'avoir 71 ans. On dirait q… https://t.co/XZnwmSfi3h Christian Vancau (@VancauChristian) November 18, 2018 Je reçois une lettre de ma mère, pour la première fois depuis...
  • Extrait de mon journal 1985
    Extrait de mon journal 1985 "A 2 Kms de Buzenol, en pleine forêt, ce jeudi 28 février à 12h00, avec mes tartines e… https://t.co/wDClG9OTHJ Christian Vancau (@VancauChristian) November 18, 2018 Extrait de mon journal 1985 "A 2 Kms de Buzenol, en pleine...
  • Extrait de ma bio 1985.
    Extrait de ma bio 1985. Jean-Luc Godard à la Télé à propos de la sortie de son dernier film "Je vous salue Marie" q… https://t.co/kWvID4Ny9E Christian Vancau (@VancauChristian) November 18, 2018 Extrait de ma bio 1985. Jean-Luc Godard à la Télé à propos...
  • Extrait de ma biographie-1985.
    Extrait de ma biographie-1985. Il fait soleil, les glaces dégèlent tout doucement en cette fin février, mais on ne… https://t.co/a8QjtQCsVl Christian Vancau (@VancauChristian) November 18, 2018 Extrait de ma biographie-1985. Il fait soleil, les glaces...

Texte Libre


-->
<

Texte Libre

Texte Libre


Jetez un oeil dans mes LIENS sur Richard OLIVIER, BIG MEMORY, mon ami Richard, Cinéaste belge, étant sur un gigantesque projet: Filmer tous les CINEASTES BELGES, morts ou vifs. Enfin, un artiste qui s'intéresse à ses pairs !http://www.bigmemory.be

Texte Libre

COHEN Eveybody Knows
Tibetan Song

Je suis sur les blogs pro-tibétains:

www.candle4tibet.org
www.ning.com

VENEZ M'Y REJOINDRE !

Christian VANCAU

17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 12:19
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Émile Verhaeren
 
Page d'aide sur l'homonymie
Émile Verhaeren
Description de cette image, également commentée ci-après

Portrait, c 1910-1916N 1

 
Nom de naissance Émile Adolphus Gustavus Verhaeren
Naissance
Saint-Amand, Province d’Anvers Drapeau de la Belgique Belgique
Décès (à 61 ans)
Rouen
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture Français
Mouvement Symbolisme

Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d'Anvers, Belgique, le et mort à Rouen le , est un poète belge flamand, d'expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale proche de l'anarchisme lui fait évoquer les grandes villes dont il parle avec lyrisme sur un ton d'une grande musicalité. Il a su traduire dans son œuvre la beauté de l'effort humain.

Biographie

Verhaeren est né à Saint-Amand (en néerlandais : Sint-Amands) en Belgique, au bord de l'Escaut, dans une famille aisée où l'on parlait le français, tandis qu'au village et à l'école régnait le flamand. Il fréquenta d'abord l'internat francophone Sainte-Barbe, tenu par des jésuites à Gand, puis il étudia le droit dans la vieille université de Louvain. C'est là qu'il rencontra le cercle des écrivains qui animaient La Jeune Belgique et il publia en 1879 les premiers articles de son cru dans des revues d'étudiants.

 
La Lecture (1903) par Théo van Rysselberghe. Verhaeren est représenté en veston rouge.

Chaque semaine, l'écrivain socialiste Edmond Picard tenait à Bruxelles un salon où le jeune Verhaeren put rencontrer des écrivains et des artistes d'avant-garde. C'est alors qu'il décida de renoncer à une carrière juridique et de devenir écrivain. Il publiait des poèmes et des articles critiques dans les revues belges et étrangères, entre autres L'Art moderne et La Jeune Belgique. Comme critique d'art, il soutint de jeunes artistes tels que James Ensor.

 

En 1883, il publia son premier recueil de poèmes réalistes-naturalistes, Les Flamandes, consacré à son pays natal. Accueilli avec enthousiasme par l'avant-garde, l'ouvrage fit scandale au pays natal. Ses parents essayèrent même avec l'aide du curé du village d'acheter la totalité du tirage et de le détruire. Le scandale avait été un but inavoué du poète, afin de devenir connu plus rapidement. Il n'en continua pas moins par la suite à publier d'autres livres de poésies. Des poèmes symbolistes au ton lugubre caractérisent ces recueils, Les Moines, Les Soirs, Les Débâcles et Les Flambeaux noirs.

 

En 1891, il épousa Marthe Massin, peintre connue pour ses aquarelles, dont il avait fait la connaissance deux ans plus tôt, et s'installa à Bruxelles. Son amour pour elle s'exprime dans trois recueils de poèmes d'amour : Les Heures claires, Les Heures d'après-midi et Les Heures du soir.

 
Les Hommes du jour, n°82, 14 août 1909, dessin de Aristide Delannoy.

 

Dans les années 1890, Verhaeren s'intéressa aux questions sociales et se lança dans la « révolte anarchiste ». Son implication sociale apparaît clairement dans des articles et des poèmes parus dans la presse libertaireL’En-dehors, Le Libertaire, La Revue blanche, etc.) et surtout dans des manuscrits inachevés et demeurés inédits, comme la pièce La Grand-Route et le roman Désiré Menuiset et son cousin Oxyde Placard

 

Il travailla à rendre dans ses poèmes l'atmosphère de la grande ville et son opposé, la vie à la campagne. Il exprima ses visions d'un temps nouveau dans des recueils comme Les Campagnes hallucinées, Les Villes tentaculaires, Les Villages illusoires et dans sa pièce de théâtre Les Aubes. Ces poèmes le rendirent célèbre, et son œuvre fut traduite et commentée dans le monde entier. Il voyagea pour faire des lectures et des conférences dans une grande partie de l'Europe. Beaucoup d'artistes, de poètes et d'écrivains comme Georges Seurat, Paul Signac, Auguste Rodin, Edgar Degas, August Vermeylen, Léon Bazalgette, Henry van de Velde, Maurice Maeterlinck, Stéphane Mallarmé, André Gide, Rainer Maria Rilke, Gostan Zarian et Stefan ZweigN 2 l'admiraient, correspondaient avec lui, cherchaient à le fréquenter et le traduisaient. Les artistes liés au futurisme subissaient son influence. Émile Verhaeren était aussi un ami personnel du roi Albert et de la reine Élisabeth ; il fréquentait régulièrement toutes les demeures de la famille royale.

 
Transfert des restes d'Émile Verhaeren en Belgique, 1927.

 

En 1914 la Première Guerre mondiale éclata et, malgré sa neutralité, la Belgique fut occupée presque entièrement par les troupes allemandes. Verhaeren se réfugia en Angleterre. Il écrivit des poèmes pacifistes et lutta contre la folie de la guerre dans les anthologies lyriques : La Belgique sanglante, Parmi les Cendres et Les Ailes rouges de la Guerre. Sa foi en un avenir meilleur se teinta pendant le conflit d'une résignation croissante. Il n'en publia pas moins dans des revues de propagande anti-allemandes et tenta dans ses conférences de renforcer l'amitié entre la France, la Belgique et le Royaume-Uni. Le 27 novembre 1916, il alla visiter les ruines de l'abbaye de Jumièges. Le soir, après avoir donné une nouvelle conférence à Rouen, il mourut accidentellement, ayant été poussé par la foule, nombreuse, sous les roues d'un train qui partait.

 

Le gouvernement français voulut l'honorer en l'ensevelissant au Panthéon, mais la famille refusa et le fit enterrer au cimetière militaire d'Adinkerke. En raison du danger que représentait l'avancée des troupes, ses restes furent encore transférés pendant la guerre à Wulveringem avant d'être en 1927 définitivement enterrés dans son village natal de Saint-Amand où depuis 1955 un musée, le musée provincial Émile Verhaeren, rappelle son souvenir. En 2015-2016, à l'approche du centenaire de sa mort, le musée des Avelines de Saint-Cloud, en région parisienne, lui consacre une exposition hommage intitulée Émile Verhaeren (1855-1916), poète et passeur d'Art.

Dans un champ d'orge

 

Poème autographe paru dans La Plume en février 1904.

Emile Verhaeren - Dans un champ d'orge.jpg

 

Œuvres

Principaux recueils
 
Portrait d'Émile Verhaeren
par Félix Vallotton
paru dans Le Livre des masques
de Remy de Gourmont (1898).
Œuvre critique
  • James Ensor
  • Rembrandt
  • Monet
  • Impressions (3 volumes) recueils de textes et d'articles critiques sur des écrivains.
Théâtre
  • Le cloître (drame en quatre actes).
  • Philippe II
  • Hélène de Sparte
  • Les Aubes
Prose
Éditions bibliophiliques posthumes

Correspondance

Reconnaissance, honneurs

Le roi Albert Ier de Belgique a donné le titre honorifique de Poète national à Émile Verhaeren en 18999.

Représentations

Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
Emile Verhaeren, grand poète belge 1855 - 1916
 
Ardeur des sens, ardeur des coeurs...

Ardeur des sens, ardeur des coeurs, ardeur des âmes,
Vains mots créés par ceux qui diminuent l'amour ;
Soleil, tu ne distingues pas d'entre tes flammes
Celles du soir, de l'aube ou du midi des jours.

Tu marches aveuglé par ta propre lumière,
Dans le torride azur, sous les grands cieux cintrés,
Ne sachant rien, sinon que ta force est plénière
Et que ton feu travaille aux mystères sacrés.

Car aimer, c'est agir et s'exalter sans trêve ;
O toi, dont la douceur baigne mon coeur altier,
A quoi bon soupeser l'or pur de notre rêve ?
Je t'aime tout entière, avec mon être entier.

 
Dans la maison où notre amour a voulu naître

Dans la maison où notre amour a voulu naître,
Avec les meubles chers peuplant l'ombre et les coins,
Où nous vivons à deux, ayant pour seuls témoins
Les roses qui nous regardent par les fenêtres.

Il est des jours choisis, d'un si doux réconfort,
Et des heures d'été, si belles de silence,
Que j'arrête parfois le temps qui se balance,
Dans l'horloge de chêne, avec son disque d'or.

Alors l'heure, le jour, la nuit est si bien nôtre
Que le bonheur qui nous frôle n'entend plus rien,
Sinon les battements de ton coeur et du mien
Qu'une étreinte soudaine approche l'un de l'autre.

 
Il fait novembre en mon âme

Rayures d'eau, longues feuilles couleur de brique,
Par mes plaines d'éternité comme il en tombe !
Et de la pluie et de la pluie - et la réplique
D'un gros vent boursouflé qui gonfle et qui se bombe
Et qui tombe, rayé de pluie en de la pluie.

- Il fait novembre en mon âme -
Feuilles couleur de ma douleur, comme il en tombe !

Par mes plaines d'éternité, la pluie
Goutte à goutte, depuis quel temps, s'ennuie,
- Il fait novembre en mon âme -
Et c'est le vent du Nord qui clame
Comme une bête dans mon âme.

Feuilles couleur de lie et de douleur,
Par mes plaines et mes plaines comme il en tombe ;
Feuilles couleur de mes douleurs et de mes pleurs,
Comme il en tombe sur mon coeur !

Avec des loques de nuages,
Sur son pauvre oeil d'aveugle
S'est enfoncé, dans l'ouragan qui meugle,
Le vieux soleil aveugle.

- Il fait novembre en mon âme -

Quelques osiers en des mares de limon veule
Et des cormorans d'encre en du brouillard,
Et puis leur cri qui s'entête, leur morne cri
Monotone, vers l'infini !

- Il fait novembre en mon âme -

Une barque pourrit dans l'eau,
Et l'eau, elle est d'acier, comme un couteau,
Et des saules vides flottent, à la dérive,
Lamentables, comme des trous sans dents en des gencives.

- Il fait novembre en mon âme -

Il fait novembre et le vent brame
Et c'est la pluie, à l'infini,
Et des nuages en voyages
Par les tournants au loin de mes parages
- Il fait novembre en mon âme -
Et c'est ma bête à moi qui clame,
Immortelle, dans mon âme !

La mort
Emile Verhaeren

Avec ses larges corbillards
Ornés de plumes majuscules,
Par les matins, dans les brouillards,
La mort circule.

Parée et noire et opulente,
Tambours voilés, musiques lentes,
Avec ses larges corbillards,
Flanqués de quatre lampadaires,
La Mort s’étale et s’exagère.

Pareils aux nocturnes trésors,
Les gros cercueils écussonnés
– Larmes d’argent et blasons d’or –
Ecoutent l’heure éclatante des glas
Que les cloches jettent, là-bas :
L’heure qui tombe, avec des bonds
Et des sanglots, sur les maisons,
L’heure qui meurt sur les demeures,
Avec des bonds et des sanglots de plomb.

Parée et noire et opulente,
Au cri des orgues violentes
Qui la célèbrent,
La mort tout en ténèbres
Règne, comme une idole assise,
Sous la coupole des églises.

Des feux, tordus comme des hydres,
Se hérissent, autour du catafalque immense
OÙ des anges, tenant des faulx et des cleps
Dressent leur véhémence,
Clairons dardés, vers le néant.

Le vide en est grandi sous le transept béan
De hautes voix d’enfants
jettent vers les miséricordes
Des cris tordus comme des cordes,
Tandis que les vieilles murailles
Montent, comme des linceuls blancs,
Autour du bloc formidable et branlant
De ces massives funérailles.

Drapée en noir et familière,
La Mort s’en va le long des rues
Longues et linéaires.

Drapée en noir, comme le soir,
La vieille Mort agressive et bourrue
S’en va par les quartiers
Des boutiques et des métiers,
En carrosse qui se rehausse

De gros lambris exorbitants,
Couleur d’usure et d’ancien temps.

Drapée en noir, la Mort
Cassant, entre ses mains, le sort
Des gens méticuleux et réfléchis
Qui s’exténuent, en leurs logis,
Vainement, à faire fortune,
La Mort soudaine et importune
Les met en ordre dans leurs bières
Comme en des cases régulières’.

Et les cloches sonnent péniblement
Un malheureux enterrement,
Sur le défunt, que l’on trimballe,
Par les églises colossales,
Vers un coin d’ombre, où quelques cierg
Pauvres flammes, brÛlent, devant la Vieri

Vêtue en noir et besogneuse,
La Mort gagne jusqu’aux faubourgs,
En chariot branlant et lourd,
Avec de vieilles haridelles
Qu’elle flagelle
Chaque matin, vers quels destins ?
Vêtue en noir,
La Mort enjambe le trottoir
Et l’égout pâle, où se mirent les bornes,
Qui vont là-bas, une à une, vers les champs mornes;
Et leste et rude et dédaigneuse
Gagne les escaliers et s’arrête sur les paliers
OÙ l’on entend pleurer et sangloter,
Derrière la porte entr’ouverte,

Des gens laissant l’espoir tomber,
Inerte.

Et dans la pluie indéfinie,
Une petite église de banlieue,
Très maigrement, tinte un adieu,
Sur la bière de sapin blanc
Qui se rapproche, avec des gens dolents,
Par les routes, silencieusement.

Telle la Mort journalière et logique
Qui fait son ceuvre et la marque de croix
Et d’adieux mornes et de voix
Criant vers l’inconnu les espoirs liturgiques.

Mais d’autres fois, c’est la Mort grande et sa
Avec son aile au loin ramante,
Vers les villes de l’épouvante.

Un ciel étrange et roux brûle la terre moite
Des tours noires s’étirent droites
Telles des bras, dans la terreur des cré
Les nuits tombent comme épaissies,
Les nuits lourdes, les nuits moisies,
OÙ, dans l’air gras et la chaleur rancie,
Tombereaux pleins, la Mort circule.

Ample et géante comme l’ombre,
Du haut en bas des maisons sombres,
On l’écoute glisser, rapide et haletante.

La peur du jour qui vient, la peur de toute attente,
La peur de tout instant qui se décoche,
Persécute les coeurs, partout,
Et redresse, soudain, en leur sueur, debout
Ceux qui, vers le minuit, songent au matin
Les hôpitaux gonflés de maladies,
Avec les yeux fiévreux de leurs fenêtres roug
Regardent le ciel trouble, où rien ne bouge
Ni ne répond aux détresses grandies.

Les égouts roulent le poison
Et les acides et les chlores,
Couleur de nacre et de phosphore,
Vainement tuent sa floraison.

De gros bourdons résonnent
Pour tout le monde, pour personne
Les églises barricadent leur seuil,
Devant la masse des cercueils.

Et l’on entend, en galops éperdus,
La mort passer et les bières que l’on transporte
Aux nécropoles, dont les portes,
Ni nuit ni jour, ne ferment plus.

Tragique et noire et légendaire,
Les pieds gluants, les gestes fous,
La Mort balaie en un grand trou
La ville entière au cimetière.

Emile Verhaeren, Les villes tentaculaires

Partager cet article
Repost0
15 février 2016 1 15 /02 /février /2016 07:35
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Émile Zola
 
 
Émile Zola
Description de cette image, également commentée ci-après

Autoportrait au béret, Émile Zola, 1902.

 
Nom de naissance Émile Édouard Charles Antoine Zola
Naissance
Paris, Drapeau de la France France
Décès (62 ans)
Paris, France
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture Français
Mouvement Naturalisme
Genres

Œuvres principales

Compléments

 
Signature de Émile Zola

Émile Zola est un écrivain et journaliste français, né le à Paris, où il est mort le . Considéré comme le chef de file du naturalisme, c'est l'un des romanciers français les plus populaires, les plus publiés, traduits et commentés au monde. Ses romans ont connu de très nombreuses adaptations au cinéma et à la télévision.

 

Sa vie et son œuvre ont fait l'objet de nombreuses études historiques. Sur le plan littéraire, il est principalement connu pour Les Rougon-Macquart, fresque romanesque en vingt volumes dépeignant la société française sous le Second Empire et qui met en scène la trajectoire de la famille des Rougon-Macquart, à travers ses différentes générations et dont chacun des représentants d'une époque et d'une génération particulière fait l'objet d'un roman.

 

Les dernières années de sa vie sont marquées par son engagement dans l'affaire Dreyfus avec la publication en janvier 1898, dans le quotidien L'Aurore, de l'article intitulé « J'accuse » qui lui a valu un procès pour diffamation et un exil à Londres la même année.

 

 

Biographie

Enfance et adolescence provençale (1840 - 1858)
Article détaillé : Jeunesse d'Émile Zola.
 
Plaque commémorative apposée au 10, rue Saint-Joseph.
 
Émile Zola enfant avec ses parents vers 1845.

Émile Édouard Charles Antoine Zola naît 10 rue Saint-Joseph à Paris le d'un père italien et d'une mère française. Il est le fils unique de François Zola, natif de Venise, et d'Émilie Aubert, native de Dourdan. Son père, ingénieur de travaux publics, ancien officier subalterne italien, soumissionne la construction d'un système d'amenée d'eau potable à Aix-en-Provence depuis la montagne Sainte-Victoire. Il obtient le contrat le 19 avril 1843 et s'installe alors avec sa famille à Aix-en-Provence. La concession est signée en 1844, il crée avec des partenaires financiers la société du canal Zola. Les travaux commencent en 1847. Il meurt de pneumonie le 27 mars 1847 après avoir été responsable de la construction du barrage Zola à Aix-en-Provence.

 

Les créanciers poursuivent alors la société du canal. En 1851, Mme Aubert se rend à Paris avec son fils pour suivre les actions en justice contre Jules Migeon et les créanciers qui se disputent la Société du canal Zola. Les créanciers font déclarer en banqueroute la société par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en 1852. Le , la Société du canal Zola est bradée aux enchères. Elle est rachetée par ses créanciers et devient « Migeon et Compagnie ».

 

Émilie Aubert, sa mère, totalement démunie, s'occupe de l'orphelin avec sa grand-mère, Henriette Aubert. Restée proche de son fils jusqu'à sa mort en 1880, elle a fortement influencé son œuvre et sa vie quotidienne.

 

Au collège à Aix-en-Provence, il se lie d'amitié avec Jean-Baptistin Baille et surtout Paul Cézanne qui reste son ami proche jusqu'en 1886. Ce dernier l'initie aux arts graphiques, et plus particulièrement à la peinture.

 

Dès sa prime jeunesse, Émile Zola est passionné par la littérature. Il accumule les lectures et conçoit très tôt le projet d'écrire à titre professionnel. Il considère dès son plus jeune âge l'écriture comme sa véritable vocation. En sixième, il rédige déjà un roman sur les croisades. Ses amis d'enfance Paul Cézanne et Jean-Baptistin Baille sont ses premiers lecteurs. Il leur affirme plusieurs fois, dans ses échanges épistolaires, qu'il sera un jour un écrivain reconnu.

Vie de bohème (1858 - 1862)

 

Émile Zola quitte Aix en 1858 et rejoint sa mère à Paris, pour y vivre dans de modestes conditions, espérant trouver le succès. Petit à petit, il se constitue un petit cercle d'amis, majoritairement aixois d'origine. Il complète sa culture humaniste en lisant Molière, Montaigne et Shakespeare, mais pas encore Balzac qui ne l'inspirera que plus tardivement. Il est aussi influencé par des auteurs contemporains, comme Jules Michelet, source de ses inspirations scientifiques et médicales.

 

Émile Zola est recalé par deux fois au baccalauréat ès sciences en 1859. Ces échecs marquent profondément le jeune homme qui se désespère d'avoir déçu sa mère. Il est aussi conscient que, sans diplôme, il va au-devant de graves difficultés matérielles.

 

Le premier amour de Zola, dont il s'est entiché pendant l'hiver 1860-1861, s'appelle Berthe. Le jeune homme la surnomme lui-même « une fille à parties », c'est-à-dire une prostituée. Il conçoit le projet de « la sortir du ruisseau », en essayant de lui redonner goût au travail, mais cet idéalisme se heurte aux dures réalités de la vie des bas quartiers parisiens. Il tire toutefois de cet échec la substance de son premier roman, La Confession de Claude.

 
Alexandrine Zola vers 1900.

 

D'autres passions s'expriment à ce moment de sa vie. En effet, le monde de la peinture fascine Zola, très proche du mouvement impressionniste, avec des peintres qu'il a sans cesse défendus dans ses chroniques. Il gagne l'amitié d'Édouard Manet, qui le représente plusieurs fois dans ses œuvres ; grâce à lui, Zola fait la connaissance de Stéphane Mallarmé. Il est proche aussi de Camille Pissarro, Auguste Renoir, Alfred Sisley et Johan Barthold Jongkind.

Paul Cézanne, son ami d'enfance, tient évidemment une place à part. Pendant des dizaines d'années, le peintre et l'écrivain se côtoient, échangent une correspondance riche et s'entraident même financièrement. Mais avec le temps, et surtout la publication de L'Œuvre, roman dans lequel l'artiste croit se reconnaître dans le personnage du peintre raté Claude Lantier, leur amitié s'éteint. Cézanne adresse sa dernière lettre à l'écrivain en 1886, et ils ne se reverront jamais plus.

À la découverte de l'édition (1862 - 1865)
 
Le service des expéditions de la Librairie Hachette.

 

Ayant échoué au baccalauréat, Émile Zola affronte sans qualification le marché du travail et entre comme employé aux écritures aux Docks de la douane en avril 1860. Insatisfait, il démissionne au bout de deux mois et connaît une longue période sans emploi, difficile moralement et financièrement, jusqu'au moment où il parvient à entrer en contact avec Louis Hachette, qui l'embauche comme commis dans sa librairie le . Il est naturalisé français le . Apprécié et multipliant les contacts avec le monde littéraire, il reste quatre ans au service de publicité chez Hachette où il occupe finalement un emploi équivalent à celui des attachés de presse modernes.

 

À la librairie Hachette, l'idéologie positiviste et anticléricale le marque profondément. Il y apprend de plus toutes les techniques du livre et de sa commercialisation. Travaillant avec acharnement pendant ses loisirs, il parvient à faire publier ses premiers articles et son premier livre, édité par Hetzel : Les Contes à Ninon (en 1864).

 

À la fin de 1864, Zola fait la connaissance d'Éléonore-Alexandrine Meley, qui se fait appeler Gabrielle. Ce prénom aurait été celui de sa fille naturelle, qu'à dix-sept ans elle a été forcée d'abandonner à l'Assistance publique ; lourd secret qu'elle révéla certainement à Zola après leur mariage. Née le 23 mars 1839 à Paris, Alexandrine est la fille d'une petite marchande de dix-sept ans et d'un ouvrier typographe, né à Rouen. L'écrivain consacre un portrait à sa nouvelle conquête, « L'amour sous les toits », dans Le Petit Journal.

 

On ne connaît pas l'origine de cette liaison. Peut-être est-ce le fait du hasard, puisque Émile et Alexandrine habitaient tous deux les hauts de la montagne Sainte-Geneviève. Des rumeurs font état d'une liaison préalable d'Alexandrine avec Paul Cézanne et du fait qu'elle ait pu être modèle pour le groupe de peintres que Zola fréquente, ou encore d'une relation avec un étudiant en médecine. Mais aucune preuve n'étaie ces affirmations.

Journaliste littéraire (1866 - 1868)
 
Zola au Figaro, caricature de Hix, dans Le Grelot du .

« Et ça se dit républicain. »

 

Dès 1863, Zola collabore épisodiquement, puis régulièrement à partir de 1866 aux rubriques de critique littéraire et artistique de différents journaux. Les quotidiens permettent au jeune homme de publier rapidement ses textes et ainsi, de démontrer ses qualités d'écrivain à un large public. C'est pour lui, « un levier puissant qui [lui] permet de [se] faire connaître et d'augmenter [ses] rentes».

 

Il bénéficie de l'essor formidable de la presse au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, qui permet l'émergence immédiate de nouvelles plumes. À tous les apprentis romanciers lui demandant conseil, et jusqu'aux derniers jours de sa vie, l'écrivain recommande de marcher sur ses pas, en écrivant d'abord dans les journaux.

 

Il fait ses débuts véritables dans des journaux du Nord de la France, opposants au Second Empire. Zola met à profit sa connaissance des mondes littéraire et artistique pour rédiger des articles de critique, ce qui lui réussit. Dès 1866, à 26 ans, il tient deux chroniques dans le journal L'Événement. À L'Illustration, il donne deux contes qui rencontrent un certain succès. Dès lors, ses contributions sont de plus en plus nombreuses : plusieurs centaines d'articles dans des revues et journaux très variés. On peut citer les principaux : L'Événement et L'Événement Illustré, La Cloche, Le Figaro, Le Voltaire, Le Sémaphore de Marseille et Le Bien public à Dijon.

 

Outre la critique (littéraire, artistique ou dramatique), Zola a publié dans la presse une centaine de contes et tous ses romans en feuilletons. Il pratiquait un journalisme polémique, dans lequel il affichait ses haines, mais aussi ses goûts, mettant en avant ses positions esthétiques, mais aussi politiques. Il maîtrise parfaitement ses interventions journalistiques, utilisant la presse comme un outil de promotion de son œuvre littéraire. Pour ses premiers ouvrages, il a en effet rédigé des comptes rendus prêts à l'emploi qu'il a adressés personnellement à toute la critique littéraire parisienne, obtenant en retour de nombreux articles.

 

À partir de 1865, Zola quitte sa mère et emménage avec sa compagne dans le quartier des Batignolles, sur la rive droite, à proximité du faubourg Montmartre, le secteur où se situent les principaux organes de presse. Les réticences de Mme Zola mère retardent de cinq ans l'officialisation de cette liaison. C'est aussi une période de vaches maigres, pendant laquelle Alexandrine effectue de menus travaux afin que le couple puisse joindre les deux bouts.

Journaliste politique (1869 - 1871)
 
Portrait d'Émile Zola à trente ans en 1870.

 

C'est au travers de ses interventions dans la presse politique que l'engagement de Zola est le plus marquant. La libéralisation de la presse en 1868 lui permet de participer activement à son expansion. Par des amis de Manet, Zola entre au nouvel hebdomadaire républicain La Tribune, où il pratique ses talents de polémiste par l'écriture de fines satires anti-impériales. Mais c'est dans La Cloche que ses attaques les plus acides contre le Second Empire sont publiées. Thérèse Raquin n'a pas enthousiasmé Louis Ulbach, le directeur du journal, mais il admire l'insolence du chroniqueur.

 

Sur le plan personnel, son mariage avec Alexandrine est finalement célébré le à la mairie du XVIIe arrondissement, à la veille du conflit franco-prussien. Alexandrine est un soutien indispensable dans les nombreux moments de doute de l'écrivain. Il lui en sera toujours reconnaissant.

 

L'écrivain n'est pas mobilisé pour la guerre. Il pourrait être intégré à la Garde nationale, mais sa myopie et son statut de soutien de famille (pour sa mère) l'en écartent. Il suit la chute du Second Empire avec ironie.

 

Alexandrine convainc son mari de fuir Paris avant le siège. Le couple gagne Marseille en septembre 1870. Puis, en décembre, Émile part à Bordeaux, où siège la délégation gouvernementale. Il essaie auprès d'amis républicains de se faire nommer sous-préfet d'Aix-en-Provence ou de Castelsarrasin. Il n'est finalement engagé que comme secrétaire du ministre Alexandre Glais-Bizoin. Zola n'est ni un homme d'intrigues ni de réseaux.

 

Les Zola retournent à Paris en mars 1871. Émile reprend son travail à la Cloche, qui est hostile à l'insurrection de la Commune. Celle-ci contrôle Paris à partir du 18 mars. Zola est arrêté le 20 et relâché le 21. En avril, il est scandalisé par l'interdiction de certains journaux par la Commune et, le 10, il est menacé d'être pris comme otage. Les Zola prennent alors la fuite en passant par Saint-Denis, qui est sous le contrôle des Prussiens, et se réfugient à Bennecourt. Ils reviennent à Paris fin mai, après la Semaine sanglante et l'écrasement de la Commune.

 

Le 3 juin 1871 dans le Sémaphore de Marseille, Zola écrit à propos du peuple de Paris : « Le bain de sang qu'il vient de prendre était peut-être d'une horrible nécessité pour calmer certaines de ses fièvres. Vous le verrez maintenant grandir en sagesse et en splendeur ».

 

Courageux, voire téméraire, Zola s'attaque avec dureté aux ténors de l'Assemblée comme Albert de Broglie ou Gabriel de Belcastel. Il vilipende une Chambre peureuse, réactionnaire, « admirablement manipulée par Thiers ». Pendant un an, il produit plus de deux cent cinquante chroniques parlementaires. Elles lui permettent à la fois de se faire connaître du monde politique et d'y fonder de solides amitiés (et inimitiés). Il collecte aussi une foule de détails qu'il utilisera par la suite dans ses romans. Ces engagements sont quelque peu risqués pour l'écrivain. Il tombe deux fois sous le coup de la loi. Mais ces ennuis judiciaires n'ont pas de conséquences et il est chaque fois libéré le jour même.

 

Zola reste soigneusement à l'écart du monde politique, auprès duquel il sait s'engager, mais avec retenue, recul et froideur. L'action politique ne l'intéresse pas et il n'a jamais été candidat à aucune élection. Il se sait avant tout écrivain, tout en exprimant une attitude de réfractaire. Il agit donc en libre penseur et en moraliste indépendant, ce qui lui apporte une stature de libéral modéré. Il s'oppose radicalement à l'Ordre moral, notamment dans La Conquête de Plassans, interdit de vente dans les gares par la commission de colportage, et par la publication de La Faute de l'abbé Mouret, une vive critique de la règle de la chasteté pour le clergé, renforcée alors par la mise en œuvre du culte du mariage par l'Église. Il défend aussi activement les communards amnistiés par les lois de 1879 et 1880, en évoquant les parias de la Révolution de 1848 dans Le Ventre de Paris et en soutenant notamment Jules Vallès afin que celui-ci puisse publier ses textes]. Ce seront les derniers articles politiques de Zola, puisqu'il a entrepris le cycle des Rougon-Macquart qui va l'occuper pendant vingt-deux années.

Vers le succès littéraire (1872 - 1877)
 
Portrait d'Émile Zola avant 1880.

 

Émile Zola est un homme éminemment sociable, multipliant les amitiés de tous ordres et tous milieux, tout en refusant les mondanités. Passionné par ses semblables, il privilégie cependant les amitiés artistiques et littéraires, et fuit les politiques. Dès 1868 et grâce à ses travaux journalistiques, il se lie avec les frères Goncourt, Edmond et Jules. Puis en 1871, il rencontre Gustave Flaubert. Celui-ci, à l'occasion de réunions dominicales, l'introduit auprès d'Alphonse Daudet et Ivan Tourgueniev. Toute sa vie, Zola gardera la nostalgie de ce « petit groupe » dans lequel de « trois à six, on entreprenait un galop à travers tous les sujets, où la littérature revenait chaque fois, le livre ou la pièce du moment, les questions générales, les théories les plus risquées. ».

 

Zola se rapproche aussi de jeunes écrivains comme Guy de Maupassant, Paul Alexis, Joris-Karl Huysmans, Léon Hennique et Henri Céard qui deviennent les fidèles des soirées de Médan, près de Poissy, où il possède une petite maison de campagne, acquise en 1878. C'est le « groupe des six » à l'origine des Soirées de Médan parues en 1880. Le groupe lui offre le célèbre « dîner Trapp » le .

 

La puissance de travail du romancier a fini par porter ses fruits. Pendant cette période, Zola publie en effet un roman par an, de multiples collaborations journalistiques, ainsi que des pièces de théâtre et Les Nouveaux Contes à Ninon. Connaissant depuis de longues années d'importantes difficultés sur le plan financier, il voit sa situation commencer à se stabiliser à la suite de l'énorme succès constitué par la publication de L'Assommoir en 1877. Dès ce moment, ses revenus annuels oscillent entre quatre-vingts et cent-mille francs.

 

Zola n'est pas fortuné à proprement parler, puisqu'après avoir eu sa mère à charge et ses deux foyers, les baisses de ventes de ses romans consécutives à ses engagements politiques l'amènent une fois ou l'autre à la gêne financière. Mais celle-ci n'est le plus souvent que momentanée, et il sera à l'abri de toute difficulté jusqu'à sa mort. Ses romans publiés en feuilletons lui rapportent mille cinq cents francs en moyenne et ses droits d'auteurs cinquante centimes par volume vendu. Il tire aussi des revenus importants de l'adaptation de ses romans au théâtre ainsi que de leurs nombreuses traductions. En quelques années, les revenus annuels de Zola augmentent rapidement, au point d'atteindre des montants de l'ordre de cent cinquante mille francs autour de 1895.

Maître du naturalisme (1878 - 1885)
 
En 1878, grâce au succès de L'Assommoir, Zola s'offre cette maison de campagne à Médan, qu'il ne cessera d'améliorer.

 

Observateur des hommes et des faits de son temps dans ses romans, Zola n'a cessé de s'engager dans des causes sociales, artistiques ou littéraires qui lui semblent justes, sans jamais faire de politique. Le personnel politique lui semble suspect et avant l'affaire Dreyfus, il n'aura pas d'amis dans ce monde. Républicain convaincu, il s'engage tôt dans un combat contre l'Empire. Les premiers romans du cycle des Rougon-Macquart ont ainsi une visée à la fois satirique et politique. Aussi, la censure dont il est l'objet dès 1871 avec La Curée, au retour de la République, le déçoit profondément. Mais il reste fervent républicain, la république étant pour lui « le seul gouvernement juste et possible ».

 

Cette période, qui marque le début d'une certaine reconnaissance professionnelle, est assombrie par plusieurs événements dans la vie d'Émile Zola. 1880 est à ce titre une année très difficile pour l'écrivain. Les décès d'Edmond Duranty, mais surtout de Gustave Flaubert terrassé par une attaque, atteignent profondément le romancier. Ces disparitions, qui se conjuguent avec la perte de sa mère à la fin de la même année, plongent durablement Zola dans la dépression. En 1881, parvenu à l'autonomie financière grâce à la publication régulière des Rougon-Macquart, il cesse son travail de journaliste. À cette occasion, il publie des « adieux » dans lesquels il dresse un bilan de quinze années de combat dans la presse. Il ne reprend la plume du journaliste, hormis quelques interventions çà et là, qu'à l'occasion de l'affaire Dreyfus en 1897, principalement au Figaro et à L'Aurore. Mais il reste reporter dans l'âme : l'intrigue de Germinal s'inspire des rencontres avec des mineurs et décrit minutieusement l'envolée des actions minières en Bourse de Lille.

 
Émile Zola à sa table de travail dans son cabinet de curiosités.

 

Un des atouts de Zola consiste en sa force de travail et sa régularité, résumées par sa devise qu'il a fait peindre sur la cheminée de son cabinet de travail à Médan : « Nulla dies sine linea ». Sa vie obéit pendant plus de trente ans à un emploi du temps très strict, bien que sa forme ait varié dans le temps, notamment à l'époque où il conjuguait le journalisme avec l'écriture de romans. En général, à Médan, après un lever à sept heures, une rapide collation et une promenade d'une demi-heure en bord de Seine avec son chien Pinpin, il enchaîne sa première séance de travail, qui s'étend sur environ quatre heures, et produit cinq pages. L'après-midi est consacré à la lecture et à la correspondance, qui tient une large place chez Zola. À la fin de sa vie, il modifie cet ordre immuable pour consacrer plus de temps à ses enfants, les après-midis, reportant une partie de ses activités en soirée et dans la nuit.

Achèvement des Rougon-Macquart (1886 - 1893)
 
Cliché d'Émile Zola en compagnie de Jeanne Rozerot et leurs deux enfants, Denise et Jacques.

 

En 1888, alors que Zola s'interroge sur le sens de son existence à la veille de la cinquantaine, sa vie bascule brutalement. N'avait-il pas soufflé à Goncourt : « Ma femme n'est pas là… Eh bien je ne vois pas passer une jeune fille comme celle-ci sans me dire : « Ça ne vaut-il pas mieux qu'un livre? » » ?

C'est à cette époque que Jeanne Rozerot, jeune femme de 21 ans, est engagée par Alexandrine Zola pour entrer au service des Zola à Médan. Alexandrine s'entiche de cette jeune femme qui est lingère comme elle l'a été elle-même. Originaire du Morvan, orpheline de mère, Jeanne est « montée » à Paris pour se placer. Elle accompagne les Zola à la fin de l'été, lors des vacances du couple à Royan. Le romancier en tombe immédiatement éperdument amoureux. Il conçoit pour elle un amour d'autant plus fort qu'elle lui donne les deux enfants qu'il n'avait jamais pu avoir avec sa femme Alexandrine. Jeanne élève Denise, née en 1889 et Jacques, né en 1891, dans le culte de leur père. Pour autant, celui-ci n'abandonne pas la compagne de sa jeunesse. L'idylle demeure secrète pendant trois ans, seuls quelques très proches amis de l'écrivain étant au courant. Zola installe sa maîtresse dans un appartement parisien et lui loue une maison de villégiature à Verneuil, à proximité de Médan, où il se rend à vélo.

 

Alexandrine Zola apprend l'infidélité de son époux vers le mois de novembre 1891, et l'existence des deux enfants, par le biais probable d'une lettre anonyme. La crise est grave pour le couple qui passe au bord du divorce. Mais cette révélation est aussi un soulagement pour le romancier, après trois ans de secrets et de mensonges. Contre l'assurance que son mari ne l'abandonnera pas, Alexandrine se résigne à cette situation, tandis que Jeanne accepte son statut de « femme cachée ». Elle s'occupe même des enfants, leur offrant des présents, les promenant de temps à autre, reportant sur eux un amour maternel dont elle a été privée. Après la mort de l'écrivain, elle fera reconnaître les deux enfants afin qu'ils puissent porter le nom de leur père.

 

Zola essaye ainsi, tant bien que mal, d'organiser sa double vie en partageant son temps entre Alexandrine et Jeanne. En juillet 1894, il écrit : « Je ne suis pas heureux. Ce partage, cette vie double que je suis forcé de vivre finissent par me désespérer. J'avais fait le rêve de rendre tout le monde heureux autour de moi, mais je vois bien que cela est impossible. ».

 
Caricature politique de Zola par Lepetit dans Le Contemporain - 1887.

 

Déjà en son temps, l'immense succès de Thérèse Raquin avait agacé Daudet et les Goncourt. Avec la réussite, et surtout les scandales, d'autres grandes amitiés de l'écrivain se distendent. Des campagnes de presse sont lancées contre Zola, notamment avec un pamphlet publié dans Le Figaro en 1887 : le Manifeste des cinq. Cinq romanciers d'inspiration naturaliste et proches de Daudet et Goncourt, opèrent une attaque en règle contre l'écrivain et La Terre, son nouveau roman en cours de parution dans la presse. Ils lui reprochent violemment ses faiblesses documentaires, « la niaiserie de ses leçons d'hérédité », « le superficiel dans l'observation », « le discours décadent », en affirmant que « le maître est descendu au fond de l'immondice » ! Zola décide de ne pas répondre, mais la presse se fait globalement le défenseur de l'écrivain. Les relations entre Zola, Goncourt et Daudet se refroidissent dès lors.

 

Avec le succès viennent les honneurs. Zola a accepté la croix de la Légion d'honneur à condition d'être dispensé de la demande écrite officielle. Après de nombreuses tergiversations, liées à des articles sévères du romancier sur ses confrères écrivains dans la presse en 1878, Édouard Lockroy lui accorde cette décoration. L'écrivain est donc fait chevalier de la Légion d'honneur le 13 juillet 1888, au grand dam encore une fois des Goncourt et d'Alphonse Daudet, mais aussi de ses proches, voire de son ami Paul Alexis. Octave Mirbeau intitule même un article sur Zola à la une du Figaro : « La Fin d'un homme ». Le 13 juillet 1893, Raymond Poincaré le fait officier de la Légion d'honneur. Mais, en raison de sa condamnation consécutive à « J'accuse », Zola est suspendu de l'ordre de la Légion d'honneur le 26 juillet 1898 et n'y sera jamais réintégré.

 

Par ailleurs, il est présenté à la Société des gens de lettres par Alphonse Daudet en 1891, et accueilli en son sein « exceptionnellement par acclamation et à main levée à l'unanimité. » Il est élu au comité, puis élu et réélu président de l'association de 1891 à 1900. Il exerce très sérieusement ses fonctions : il intervient dans la presse pour présenter son organisation et ses valeurs, il fait reconnaître la société comme établissement d'utilité publique, le droit de la propriété littéraire et la défense des auteurs en France progressent sous son autorité, des conventions avec des pays étrangers, comme la Russie, sont signées.

Affaire Dreyfus (1894 - 1899)
 

Le romancier intervient dans l'affaire Dreyfus à la fin de l'année 1897. Les campagnes de haine antisémite incitent Émile Zola à s'engager en faveur des juifs. Son premier article est publié dès le lendemain dans Le Figaro. Il est suivi de Le Syndicat le 1er décembre et de Procès-verbal le 5 décembre. Il le conclut par la phrase prophétique, restée célèbre : « La vérité est en marche et rien ne l'arrêtera ». Le véritable traître en lieu et place d'Alfred Dreyfus, le commandant Walsin Esterhazy, est dénoncé puis jugé par un Conseil de guerre à Paris le . Il est acquitté le lendemain. Après la condamnation d'un innocent, c'est l'acquittement du coupable, ce qui amène Zola à la réaction. Elle fut extrêmement énergique.

« J'accuse…! »
Article détaillé : J'accuse…!.Voir DETAILS plus bas
 
Première des 32 pages autographes du manuscrit de J’accuse…!, janvier 1898.
 
J'accuse...! à la une du journal L'Aurore.

 

Émile Zola avait préparé depuis plusieurs semaines un résumé de l'affaire Dreyfus. Le Figaro ayant refusé ses derniers articles afin de conserver son lectorat le plus conservateur, l'écrivain se tourne vers L’Aurore. Il termine la rédaction de l'article, initialement nommé « Lettre à M. Félix Faure, Président de la République », dans les quarante-huit heures suivant le verdict. Ernest Vaughan (le directeur de L'Aurore) et Clemenceau lui trouvent un autre titre, plus ramassé et percutant : « J'accuse…! ». Avec la publication de l'article dans son numéro du jeudi , L'Aurore décuple son tirage. Les trois cent mille exemplaires s'arrachent en quelques heures. Cet article est un brûlot, mais aussi la première synthèse de l'affaire Dreyfus, que le public découvre enfin dans sa globalité.

 

Le retentissement de l'article est considérable en France comme dans le monde. Zola s'expose personnellement à des poursuites judiciaires afin de relancer le débat et de ramener l'affaire au sein d'une enceinte judiciaire civile. La réaction du gouvernement ne se fait pas attendre, avec l'assignation d'Émile Zola pour diffamation.

Procès Zola
 
9 février 1898. Déposition du général Auguste Mercier. Zola observe.

 

Le ministre ne retient que trois passages de l'article  soit dix-huit lignes sur plusieurs centaines. Le procès s'ouvre dans une ambiance de grande violence. Fernand Labori, l'avocat de Zola, fait citer environ deux cents témoins. Ce procès est le lieu d'une véritable bataille juridique, dans laquelle les droits de la défense sont sans cesse bafoués. De nombreux observateurs prennent conscience de la collusion entre le monde politique et les militaires. À l'évidence, la Cour a reçu des instructions pour que la substance même de l'erreur judiciaire ne soit pas évoquée. La phrase du président Delegorgue « la question ne sera pas posée », répétée des dizaines de fois, devient célèbre. Toutefois, l'habileté de Fernand Labori permet l'exposition de nombreuses irrégularités et incohérences, et force les militaires à en dire plus qu'ils ne l'auraient souhaité.

 

Zola est condamné à un an de prison et à 3 000 francs d'amende, la peine maximale (soit, avec les frais, 7555,25 francs), qu'Octave Mirbeau paie de sa poche le 8 août 1898.

 

Le 2 avril, une demande de pourvoi en cassation reçoit une réponse favorable. L'affaire est déférée devant les assises de Seine-et-Oise à Versailles. Le , dès la première audience, Me Labori se pourvoit en cassation en raison du changement de juridiction.

 

Le procès est ajourné et les débats sont repoussés au 18 juillet. Labori conseille à Zola de quitter la France pour l'Angleterre avant la fin du procès, ce que fait l'écrivain. Les accusés sont de nouveau condamnés.

Exil à Londres
 
Première page du Pilori du 17 avril 1898 avec une caricature anti-dreyfusarde.

 

On fait donc partir Zola immédiatement au soir du verdict, avant que celui-ci ne lui soit officiellement signifié et ne devienne exécutoire.

 

À l'image de ceux d'Hugo, Voltaire ou Vallès, cet exil déclenche un important mouvement d'opinion. Le 18 juillet 1898, Zola, seul, prend le train de 21 h 0 pour Calais, sans aucun bagage. Il vit ensuite reclus à Londres, dans le secret, dans une solitude entrecoupée des visites de ses amis et sa famille proche. Le suicide du lieutenant-colonel Henry, en août 1898, lui redonne l'espoir d'achever rapidement cet exil. Espoir vain, du fait des lenteurs de la justice. La procédure connaît de nombreux épisodes et s'étend sur tout le premier semestre 1899. La décision, positive, est rendue le 3 juin, et, le lendemain, l'écrivain rentre à Paris au terme de onze mois d'exil, avec Fécondité, son dernier roman achevé le 28 mai précédent.

Émile Zola dans la révision et le second Conseil de guerre
 
Le roi des porcs, caricature ordurière représentant Émile Zola dans le Musée des horreurs.

 

Le jugement de 1894 est finalement cassé, le capitaine Dreyfus étant renvoyé devant un nouveau Conseil de guerre à Rennes. La première action de Zola est d'écrire à Alfred Dreyfus, un peu après le retour de celui-ci en France métropolitaine, le 30 juin 1899. Dans une lettre de quatre pages, il s'explique sur son léger retard :

« Capitaine, si je n'ai pas été l'un des premiers, dès votre retour en France, à vous écrire toute ma sympathie, toute mon affection, c'est que j'ai craint que ma lettre ne reste pour vous incompréhensible. Et j'ai voulu attendre que votre admirable frère vous ait vu et vous ait dit notre long combat. »

 

Entre-temps, l'écrivain a pris sa décision. Afin de ne pas hypothéquer les chances de succès au Conseil de guerre de Rennes, Zola n'interviendra pas publiquement. Le procès s'ouvre le 7 août 1899 dans la salle des fêtes du lycée de Rennes. Fernand Labori, l'un des avocats de Dreyfus, est l'objet d'une tentative d'assassinat à Rennes, qui l'écarte des débats pendant près d'une semaine. Zola lui apporte plusieurs témoignages d'affection, Labori ayant été son défenseur aux assises. Un verdict de culpabilité, avec circonstances atténuantes, est rendu le 9 septembre. Dans L'Aurore du 12 septembre, Zola explose :

« Je suis dans l'épouvante, [...] la terreur sacrée de l'homme qui voit l'impossible se réaliser, les fleuves remonter vers leurs sources, la terre culbuter sous le soleil. Et ce que je crie, c'est la détresse de notre généreuse et noble France, c'est l'effroi de l'abîme où elle roule. »

 

Le gouvernement décide finalement de gracier Dreyfus, du fait de son état de santé. Le dernier combat de Zola en faveur d'Alfred Dreyfus sera de contester la loi d'amnistie prévue par la Chambre des députés afin d'absoudre l'ensemble des acteurs de l'Affaire.

Conséquences de l'engagement

Les conséquences de l'engagement de Zola ont été à la fois positives et négatives pour l'écrivain. Il apparaît évident que « J'accuse » a totalement relancé l'Affaire, et lui a donné une dimension sociale et politique qu'elle n'avait pas jusqu'alors. Zola sort donc de ses démêlés judiciaires avec une stature de justicier et de défenseur des valeurs de tolérance, justice et vérité pour toute une frange de la population. Mais cet engagement coûte aussi très cher au romancier. Sur le plan financier, tout d'abord, la justice fait saisir ses biens et les revend aux enchères. Alors que le dreyfusisme s'exposait d'abord sous un jour immatériel pour les nationalistes anti-dreyfusards, ceux-ci trouvent en Zola leur tête de Turc. Il concentre dès lors toutes les attaques et incarne à lui seul le traître à la patrie et à l'armée. C'est ainsi que dès 1898, l'écrivain est l'objet d'un torrent d'articles satiriques, de caricatures, de chansons et de livrets le traînant dans la boue, l'insultant, le diffamant. Dans certains journaux, il est même l'objet d'attaques quotidiennes.

 

Jamais Zola n'a regretté son engagement, quel qu'en ait été le prix. Il a écrit dans ses notes : « Ma lettre ouverte [« J'accuse…! »] est sortie comme un cri. Tout a été calculé par moi, je m'étais fait donner le texte de la loi, je savais ce que je risquais ».

Dernier cycle (1899 - 1902)

Malgré la nouvelle condamnation d'Alfred Dreyfus, qui l'affecte profondément, Zola se consacre toujours à l'écriture. Il entame la création d'un nouveau cycle, Les Quatre Évangiles, dont le premier volume, Fécondité est publié en 1899. Travail suit en 1901 au moment même où disparaît son ami de toujours, Paul Alexis. Vérité paraît à titre posthume. Et Justice ne paraîtra jamais, l'ouvrage étant resté à l'état d'ébauche au moment de la mort de l'écrivain.

 

L'autre occupation de Zola à l'automne de sa vie, c'est la photographie. Il est fasciné par l'exposition universelle de 1900, qu'il photographie sous toutes les coutures, laissant un impressionnant reportage photographique pour l'histoire.

 

Émile Zola a livré un unique combat pour les honneurs, celui qu'il a mené afin d'intégrer l'Académie française. Jeune, il l'avait qualifiée de « serre d'hivernage pour les médiocrités qui craignent la gelée ». Vingt ans plus tard, il pose sa première candidature. Il affirme après son premier échec en 1890, « qu'il reste candidat et sera candidat toujours ». Jusqu'à sa dernière candidature le 23 août 1897, qui échoue en 1898, l'écrivain brigue dix-neuf fois le fauteuil d'Immorte (vingt-quatre fois selon l'académicien Dominique Fernandez dans sa réponse au discours de réception de Danièle Sallenave le 29 mars 2012). Le , il obtient son record de voix avec seize suffrages alors que la majorité est fixée à dix-sept voix. Comprenant que son engagement dans l'affaire Dreyfus lui ferme définitivement les portes de l'Académie française, il renonce ensuite à se présenter.

Mort
.
 
Dessin sur la une de L'Assiette au Beurre du 30 mai 1908.
 
Tombe de Zola au cimetière de Montmartre : monument (devenu cénotaphe) en porphyre rouge de Frantz Jourdain surmonté d'un buste en bronze de Philippe Solari, inauguré le 21 mars 1904.

 

Le 29 septembre 1902, de retour de Médan où il avait passé l'été, Émile Zola et son épouse Alexandrine sont intoxiqués dans la nuit, par la combustion lente résiduelle d'un feu couvert, produite par la cheminée de leur chambre dans leur appartement de la rue de Bruxelles (Paris 9e). Lorsque les médecins arrivent sur place, il n'y a plus rien à faire. Émile Zola meurt officiellement à 10 h du matin. En revanche, son épouse survit.

 

Cette mort serait accidentelle, mais étant donné le nombre d'ennemis qu'avait pu se faire Zola (notamment chez les anti-dreyfusards), la thèse de l'assassinat ou de la « malveillance ayant mal tourné » n'a jamais été totalement écartée Après sa mort, une enquête de police est réalisée, mais n'aboutit à aucune conclusion probante.

 

Le retentissement de la mort d'Émile Zola est immense. La presse se fait l'écho de l'émotion qui gagne la population entière. La presse nationaliste et antisémite exulte, ainsi le journal La Libre Parole titre : Scène naturaliste : Zola meurt d'asphyxie. L'émotion gagne l'étranger où de nombreuses cérémonies ont lieu en mémoire de l'écrivain français, et les presses germanique, britannique, américaine s'en font largement l'écho. L'hommage est international. Lors des obsèques, Anatole France, qui avait insisté pour évoquer toutes les facettes de l'écrivain, y compris ses combats pour la justice, déclare : « Il fut un moment de la conscience humaine ». Une délégation de mineurs de Denain accompagne le cortège, scandant « Germinal, Germinal ! ».Les cendres de Zola sont transférées au Panthéon de Paris le . À la fin de la cérémonie au Panthéon, un journaliste anti-dreyfusard, Louis Grégori, ouvre le feu avec un révolver sur Alfred Dreyfus, qui n'est que légèrement blessé au bras.

 

Depuis 1985, la maison de Médan est devenue un musée. Chaque année, le premier dimanche d'octobre, un pèlerinage est organisé par la Société littéraire des amis d'Émile Zola.

 

Le Minutier central des notaires de Paris, département des Archives nationales, conserve plusieurs actes notariés concernant l'écrivain : son testament, daté du 1er mai 1877 et un codicille (du 18 juillet 1883) déposé chez son notaire parisien le 3 octobre 1902, un acte de notoriété et un inventaire de ses biens dressé à partir du 20 octobre 1902, actes auxquels s'ajoute la donation effectuée par sa veuve de la propriété de Médan à l'Assistance publique (daté du 23 février 1905). Ces documents sont consultables sous la forme de microfilms cotés aux Archives nationales (site de Paris).

Œuvre littéraire

Du réalisme au naturalisme
 
 
Journal la Petite Lune d'avril 1879. La critique du Romantisme par Zola attire les caricaturistes.
 
Caricature de Gill vers 1880 représentant Zola en écrivain muni d'une loupe et de pincettes.

 

« Notre héros, écrit Zola, n'est plus le pur esprit, l'homme abstrait du XVIIIe siècle. Il est le sujet physiologique de notre science actuelle, un être qui est composé d'organes et qui trempe dans un milieu dont il est pénétré à chaque heure »

 

Naturalisme : au début du XVIIIe siècle, ce dérivé savant de « naturel » distinguait le système symbolique d'interprétation de phénomènes naturels. L'expression « naturalisme » s'employa plus tard dans le cadre de théories excluant une cause surnaturelle. Au XVIIIe siècle, on utilise aussi ce mot dans le vocabulaire scientifique pour désigner le caractère naturel d'un phénomène. Ce terme tomba en désuétude jusqu'en 1857 au moment où la Revue Moderne publia une critique. Celle-ci qualifia la peinture de Gustave Courbet de naturaliste, dans le sens de « peintre de la nature réaliste ».

 
Naturalisme, par Louis Legrand dans Le Courrier Français, en mars 1890.

 

Henri Mitterand distingue deux périodes dans le naturalisme théorique de Zola qu'il situe au carrefour du Romantisme (Jules Michelet et Victor Hugo), dont il a été imprégné par ses lectures de jeunesse, et du Positivisme qu'il a pratiqué à la Librairie Hachette (Taine et Littré). La première époque court de 1866 à 1878 avec un point de départ posé par la publication de Mes haines. Zola s'y veut moderniste, révolutionnaire dans l'âme, en réaction. Il rejette le romantisme démodé « comme un jargon que nous n'entendons plus ». Au Congrès scientifique de France en 1866, Zola adresse un mémoire qui compare le roman naturaliste à l'épopée. L'écrivain y affirme que le genre épique est spécifique à la Grèce antique, et ce lien nécessaire entre un genre littéraire et un contexte spécifique donné manifeste clairement un déterminisme littéraire proche de celui de Taine. Cette démarche critique est ainsi définie par le philosophe : « la race, le milieu, le moment et la faculté maîtresse ». Mais Zola se distingue de Taine en affirmant la prédominance du tempérament. C'est la différence principale entre le réalisme de Taine et le naturalisme. Ainsi pour l'écrivain, « une œuvre d'art est un coin de la création vu à travers un tempérament. » (Le Salut public, 26 juillet 1865).

 

Après 1878, et la lecture de Claude Bernard, Zola, introduit la notion de méthode expérimentale afin que la littérature « obéisse à l'évolution générale du siècle ». Zola applique cette définition à la technique romanesque transformée « en étude du tempérament et des modifications profondes de l'organisme sous la pression des milieux et des circonstances ». Il ne faut toutefois pas voir dans les textes de critique littéraire de Zola l'exacte clé des thèmes et du style de l'écrivain, même si une relation évidente existe entre l'œuvre technique et l'œuvre dramatique.

 

Le naturalisme consiste donc en la recherche des causes du vice dans l'hérédité. De ce fait, le romancier naturaliste est « observateur et expérimentateur ». L'observateur accumule des renseignements sur la société et ses milieux, sur les conditions de vie et d'environnement. Il doit cerner de près la réalité qu'il transpose par un usage serré et acéré du langage. L'expérimentateur joue dès lors son rôle, par la construction d'une trame qui amalgame les faits et construit une mécanique où il enchaîne ces faits par une forme de déterminisme des principes liés au milieu et à l'hérédité. Le personnage naturaliste est ainsi la conséquence déterminée de constantes physiques, sociales et biologiques. Le romancier naturaliste a un but moral. Zola écrit : « nous sommes les juges d'instruction des hommes et de leurs passions, c'est-à-dire des moralistes expérimentateurs ».

 

La littérature naturaliste est une littérature de synthèse du type balzacien et de l'anti-héros flaubertien, qui engendre des personnages vidés d'individualité. La prépondérance de Zola dans le milieu naturaliste est indiscutable et le débat se catalysera d'ailleurs essentiellement autour de lui. L'école naturaliste est le plus souvent appelée École de Médan du nom de la maison appartenant à Zola, où les écrivains proches du mouvement naturaliste comme le premier Huysmans et Maupassant, avaient l'habitude de se réunir lors de soirées dites de Médan. Le volume collectif de ces soirées paraît deux ans plus tard. En dehors de l'œuvre zolienne, le naturalisme a donné peu d'œuvres majeures. C'est ainsi que Stéphane Mallarmé a pu dire : « Pour en revenir au naturalisme, il me paraît qu'il faut entendre par là littérature d'Émile Zola, et que le mot mourra, en effet, lorsque Zola aura achevé son œuvre. »

Méthode de travail et style
Minutie
 
Pour La Bête humaine, Émile Zola effectue un voyage en locomotive à des fins de documentation.
 
Plan de la Bourse de Paris de la main de Zola pour son roman L'Argent vers 1890.
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola

J’Accuse…!

LETTRE
A M. FÉLIX FAURE

Président de la République

–––

 

 

Monsieur le Président,

 

Me permettez-vous, dans ma gratitude pour le bienveillant accueil que vous m’avez fait un jour, d’avoir le souci de votre juste gloire et de vous dire que votre étoile, si heureuse jusqu’ici, est menacée de la plus honteuse, de la plus ineffaçable des taches ?

 

Vous êtes sorti sain et sauf des basses calomnies, vous avez conquis les cœurs. Vous apparaissez rayonnant dans l’apothéose de cette fête patriotique que l’alliance russe a été pour la France, et vous vous préparez à présider au solennel triomphe de notre Exposition Universelle, qui couronnera notre grand siècle de travail, de vérité et de liberté. Mais quelle tache de boue sur votre nom — j’allais dire sur votre règne — que cette abominable affaire Dreyfus ! Un conseil de guerre vient, par ordre, d’oser acquitter un Esterhazy, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice. Et c’est fini, la France a sur la joue cette souillure, l’histoire écrira que c’est sous votre présidence qu’un tel crime social a pu être commis.

Puisqu’ils ont osé, j’oserai aussi, moi. La vérité, je la dirai, car j’ai promis de la dire, si la justice, régulièrement saisie, ne la faisait pas, pleine et entière. Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l’innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu’il n’a pas commis.

 

Et c’est à vous, monsieur le Président, que je la crierai, cette vérité, de toute la force de ma révolte d’honnête homme. Pour votre honneur, je suis convaincu que vous l’ignorez. Et à qui donc dénoncerai-je la tourbe malfaisante des vrais coupables, si ce n’est à vous, le premier magistrat du pays ?

La vérité d’abord sur le procès et sur la condamnation de Dreyfus.

 

Un homme néfaste a tout mené, a tout fait, c’est le lieutenant-colonel du Paty de Clam, alors simple commandant. Il est l’affaire Dreyfus tout entière ; on ne la connaîtra que lorsqu’une enquête loyale aura établi nettement ses actes et ses responsabilités. Il apparaît comme l’esprit le plus fumeux, le plus compliqué, hanté d’intrigues romanesques, se complaisant aux moyens des romans-feuilletons, les papiers volés, les lettres anonymes, les rendez-vous dans les endroits déserts, les femmes mystérieuses qui colportent, de nuit, des preuves accablantes. C’est lui qui imagina de dicter le bordereau à Dreyfus ; c’est lui qui rêva de l’étudier dans une pièce entièrement revêtue de glaces ; c’est lui que le commandant Forzinetti nous représente armé d’une lanterne sourde, voulant se faire introduire près de l’accusé endormi, pour projeter sur son visage un brusque flot de lumière et surprendre ainsi son crime, dans l’émoi du réveil. Et je n’ai pas à tout dire, qu’on cherche, on trouvera. Je déclare simplement que le commandant du Paty de Clam, chargé d’instruire l’affaire Dreyfus, comme officier judiciaire, est, dans l’ordre des dates et des responsabilités, le premier coupable de l’effroyable erreur judiciaire qui a été commise.

 

Le bordereau était depuis quelque temps déjà entre les mains du colonel Sandherr, directeur du bureau des renseignements, mort depuis de paralysie générale. Des « fuites » avaient lieu, des papiers disparaissaient, comme il en disparaît aujourd’hui encore ; et l’auteur du bordereau était recherché, lorsqu’un a priori se fit peu à peu que cet auteur ne pouvait être qu’un officier de l’état-major, et un officier d’artillerie : double erreur manifeste, qui montre avec quel esprit superficiel on avait étudié ce bordereau, car un examen raisonné démontre qu’il ne pouvait s’agir que d’un officier de troupe. On cherchait donc dans la maison, on examinait les écritures, c’était comme une affaire de famille, un traître à surprendre dans les bureaux mêmes, pour l’en expulser. Et, sans que je veuille refaire ici une histoire connue en partie, le commandant du Paty de Clam entre en scène, dès qu’un premier soupçon tombe sur Dreyfus. À partir de ce moment, c’est lui qui a inventé Dreyfus, l’affaire devient son affaire, il se fait fort de confondre le traître, de l’amener à des aveux complets. Il y a bien le ministre de la Guerre, le général Mercier, dont l’intelligence semble médiocre ; il y a bien le chef de l’état-major, le général de Boisdeffre, qui paraît avoir cédé à sa passion cléricale, et le sous-chef de l’état-major, le général Gonse, dont la conscience a pu s’accommoder de beaucoup de choses. Mais, au fond, il n’y a d’abord que le commandant du Paty de Clam, qui les mène tous, qui les hypnotise, car il s’occupe aussi de spiritisme, d’occultisme, il converse avec les esprits. On ne saurait concevoir les expériences auxquelles il a soumis le malheureux Dreyfus, les pièges dans lesquels il a voulu le faire tomber, les enquêtes folles, les imaginations monstrueuses, toute une démence torturante.

 

Ah ! cette première affaire, elle est un cauchemar, pour qui la connaît dans ses détails vrais ! Le commandant du Paty de Clam arrête Dreyfus, le met au secret. Il court chez madame Dreyfus, la terrorise, lui dit que, si elle parle, son mari est perdu. Pendant ce temps, le malheureux s’arrachait la chair, hurlait son innocence. Et l’instruction a été faite ainsi, comme dans une chronique du XVe siècle, au milieu du mystère, avec une complication d’expédients farouches, tout cela basé sur une seule charge enfantine, ce bordereau imbécile, qui n’était pas seulement une trahison vulgaire, qui était aussi la plus impudente des escroqueries, car les fameux secrets livrés se trouvaient presque tous sans valeur. Si j’insiste, c’est que l’œuf est ici, d’où va sortir plus tard le vrai crime, l’épouvantable déni de justice dont la France est malade. Je voudrais faire toucher du doigt comment l’erreur judiciaire a pu être possible, comment elle est née des machinations du commandant du Paty de Clam, comment le général Mercier, les généraux de Boisdeffre et Gonse ont pu s’y laisser prendre, engager peu à peu leur responsabilité dans cette erreur, qu’ils ont cru devoir, plus tard, imposer comme la vérité sainte, une vérité qui ne se discute même pas. Au début, il n’y a donc, de leur part, que de l’incurie et de l’inintelligence. Tout au plus, les sent-on céder aux passions religieuses du milieu et aux préjugés de l’esprit de corps. Ils ont laissé faire la sottise.

 

Mais voici Dreyfus devant le conseil de guerre. Le huis clos le plus absolu est exigé. Un traître aurait ouvert la frontière à l’ennemi pour conduire l’empereur allemand jusqu’à Notre-Dame, qu’on ne prendrait pas des mesures de silence et de mystère plus étroites. La nation est frappée de stupeur, on chuchote des faits terribles, de ces trahisons monstrueuses qui indignent l’Histoire ; et naturellement la nation s’incline. Il n’y a pas de châtiment assez sévère, elle applaudira à la dégradation publique, elle voudra que le coupable reste sur son rocher d’infamie, dévoré par le remords. Est-ce donc vrai, les choses indicibles, les choses dangereuses, capables de mettre l’Europe en flammes, qu’on a dû enterrer soigneusement derrière ce huis clos ? Non ! il n’y a eu, derrière, que les imaginations romanesques et démentes du commandant du Paty de Clam. Tout cela n’a été fait que pour cacher le plus saugrenu des romans-feuilletons. Et il suffit, pour s’en assurer, d’étudier attentivement l’acte d’accusation, lu devant le conseil de guerre.

 

Ah ! le néant de cet acte d’accusation ! Qu’un homme ait pu être condamné sur cet acte, c’est un prodige d’iniquité. Je défie les honnêtes gens de le lire, sans que leur cœurs bondisse d’indignation et crie leur révolte, en pensant à l’expiation démesurée, là-bas, à l’île du Diable. Dreyfus sait plusieurs langues, crime ; on n’a trouvé chez lui aucun papier compromettant, crime ; il va parfois dans son pays d’origine, crime ; il est laborieux, il a le souci de tout savoir, crime ; il ne se trouble pas, crime ; il se trouble, crime. Et les naïvetés de rédaction, les formelles assertions dans le vide ! On nous avait parlé de quatorze chefs d’accusation : nous n’en trouvons qu’une seule en fin de compte, celle du bordereau ; et nous apprenons même que les experts n’étaient pas d’accord, qu’un d’eux, M. Gobert, a été bousculé militairement, parce qu’il se permettait de ne pas conclure dans le sens désiré. On parlait aussi de vingt-trois officiers qui étaient venus accabler Dreyfus de leurs témoignages. Nous ignorons encore leurs interrogatoires, mais il est certain que tous ne l’avaient pas chargé ; et il est à remarquer, en outre, que tous appartenaient aux bureaux de la guerre. C’est un procès de famille, on est là entre soi, et il faut s’en souvenir : l’état-major a voulu le procès, l’a jugé, et il vient de le juger une seconde fois.

 

Donc, il ne restait que le bordereau, sur lequel les experts ne s’étaient pas entendus. On raconte que, dans la chambre du conseil, les juges allaient naturellement acquitter. Et, dès lors, comme l’on comprend l’obstination désespérée avec laquelle, pour justifier la condamnation, on affirme aujourd’hui l’existence d’une pièce secrète, accablante, la pièce qu’on ne peut montrer, qui légitime tout, devant laquelle nous devons nous incliner, le bon Dieu invisible et inconnaissable ! Je la nie, cette pièce, je la nie de toute ma puissance ! Une pièce ridicule, oui, peut-être la pièce où il est question de petites femmes, et où il est parlé d’un certain D… qui devient trop exigeant : quelque mari sans doute trouvant qu’on ne lui payait pas sa femme assez cher. Mais une pièce intéressant la défense nationale, qu’on ne saurait produire sans que la guerre fût déclarée demain, non, non ! C’est un mensonge ! et cela est d’autant plus odieux et cynique qu’ils mentent impunément sans qu’on puisse les en convaincre. Ils ameutent la France, ils se cachent derrière sa légitime émotion, ils ferment les bouches en troublant les cœurs, en pervertissant les esprits. Je ne connais pas de plus grand crime civique.

 

Voilà donc, monsieur le Président, les faits qui expliquent comment une erreur judiciaire a pu être commise ; et les preuves morales, la situation de fortune de Dreyfus, l’absence de motifs, son continuel cri d’innocence, achèvent de le montrer comme une victime des extraordinaires imaginations du commandant du Paty de Clam, du milieu clérical où il se trouvait, de la chasse aux « sales juifs », qui déshonore notre époque.

Et nous arrivons à l’affaire Esterhazy. Trois ans se sont passés, beaucoup de consciences restent troublées profondément, s’inquiètent, cherchent, finissent par se convaincre de l’innocence de Dreyfus.

 

Je ne ferai pas l’historique des doutes, puis de la conviction de M. Scheurer-Kestner. Mais, pendant qu’il fouillait de son côté, il se passait des faits graves à l’état-major même. Le colonel Sandherr était mort, et le lieutenant-colonel Picquart lui avait succédé comme chef du bureau des renseignements. Et c’est à ce titre, dans l’exercice de ses fonctions, que ce dernier eut un jour entre les mains une lettre-télégramme, adressée au commandant Esterhazy, par un agent d’une puissance étrangère. Son devoir strict était d’ouvrir une enquête. La certitude est qu’il n’a jamais agi en dehors de la volonté de ses supérieurs. Il soumit donc ses soupçons à ses supérieurs hiérarchiques, le général Gonse, puis le général de Boisdeffre, puis le général Billot, qui avait succédé au général Mercier comme ministre de la Guerre. Le fameux dossier Picquart, dont il a été tant parlé, n’a jamais été que le dossier Billot, j’entends le dossier fait par un subordonné pour son ministre, le dossier qui doit exister encore au ministère de la Guerre. Les recherches durèrent de mai à septembre 1896, et ce qu’il faut affirmer bien haut, c’est que le général Gonse était convaincu de la culpabilité d’Esterhazy, c’est que le général de Boisdeffre et le général Billot ne mettaient pas en doute que le bordereau ne fût de l’écriture d’Esterhazy. L’enquête du lieutenant-colonel Picquart avait abouti à cette constatation certaine. Mais l’émoi était grand, car la condamnation d’Esterhazy entraînait inévitablement la révision du procès Dreyfus ; et c’était ce que l’état-major ne voulait à aucun prix.

 

Il dut y avoir là une minute psychologique pleine d’angoisse. Remarquez que le général Billot n’était compromis dans rien, il arrivait tout frais, il pouvait faire la vérité. Il n’osa pas, dans la terreur sans doute de l’opinion publique, certainement aussi dans la crainte de livrer tout l’état-major, le général de Boisdeffre, le général Gonse, sans compter les sous-ordres. Puis, ce ne fut là qu’une minute de combat entre sa conscience et ce qu’il croyait être l’intérêt militaire. Quand cette minute fut passée, il était déjà trop tard. Il s’était engagé, il était compromis. Et, depuis lors, sa responsabilité n’a fait que grandir, il a pris à sa charge le crime des autres, il est aussi coupable que les autres, il est plus coupable qu’eux, car il a été le maître de faire justice, et il n’a rien fait. Comprenez-vous cela ! Voici un an que le général Billot, que les généraux de Boisdeffre et Gonse savent que Dreyfus est innocent, et ils ont gardé pour eux cette effroyable chose ! Et ces gens-là dorment, et ils ont des femmes et des enfants qu’ils aiment !

 

Le colonel Picquart avait rempli son devoir d’honnête homme. Il insistait auprès de ses supérieurs, au nom de la justice. Il les suppliait même, il leur disait combien leurs délais étaient impolitiques, devant le terrible orage qui s’amoncelait, qui devait éclater, lorsque la vérité serait connue. Ce fut, plus tard, le langage que M. Scheurer-Kestner tint également au général Billot, l’adjurant par patriotisme de prendre en main l’affaire, de ne pas la laisser s’aggraver, au point de devenir un désastre public. Non ! Le crime était commis, l’état-major ne pouvait plus avouer son crime. Et le lieutenant-colonel Picquart fut envoyé en mission, on l’éloigna de plus en plus loin, jusqu’en Tunisie, où l’on voulut même un jour honorer sa bravoure, en le chargeant d’une mission qui l’aurait sûrement fait massacrer, dans les parages où le marquis de Morès a trouvé la mort. Il n’était pas en disgrâce, le général Gonse entretenait avec lui une correspondance amicale. Seulement, il est des secrets qu’il ne fait pas bon d’avoir surpris.

 

À Paris, la vérité marchait, irrésistible, et l’on sait de quelle façon l’orage attendu éclata.

M. Mathieu Dreyfus dénonça le commandant Esterhazy comme le véritable auteur du bordereau, au moment où M. Scheurer-Kestner allait déposer, entre les mains du garde des Sceaux, une demande en révision du procès. Et c’est ici que le commandant Esterhazy paraît. Des témoignages le montrent d’abord affolé, prêt au suicide ou à la fuite. Puis, tout d’un coup, il paye d’audace, il étonne Paris par la violence de son attitude. C’est que du secours lui était venu, il avait reçu une lettre anonyme l’avertissant des menées de ses ennemis, une dame mystérieuse s’était même dérangée de nuit pour lui remettre une pièce volée à l’état-major, qui devait le sauver. Et je ne puis m’empêcher de retrouver là le lieutenant-colonel du Paty de Clam, en reconnaissant les expédients de son imagination fertile. Son œuvre, la culpabilité de Dreyfus, était en péril, et il a voulu sûrement défendre son œuvre. La révision du procès, mais c’était l’écroulement du roman- feuilleton si extravagant, si tragique, dont le dénouement abominable a lieu à l’île du Diable ! C’est ce qu’il ne pouvait permettre. Dès lors, le duel va avoir lieu entre le lieutenant-colonel Picquart et le lieutenant-colonel du Paty de Clam, l’un le visage découvert, l’autre masqué. On les retrouvera prochainement tous deux devant la justice civile. Au fond, c’est toujours l’état-major qui se défend, qui ne veut pas avouer son crime, dont l’abomination grandit d’heure en heure.

 

On s’est demandé avec stupeur quels étaient les protecteurs du commandant Esterhazy. C’est d’abord, dans l’ombre, le lieutenant-colonel du Paty de Clam qui a tout machiné, qui a tout conduit. Sa main se trahit aux moyens saugrenus. Puis, c’est le général de Boisdeffre, c’est le général Gonse, c’est le général Billot lui-même, qui sont bien obligés de faire acquitter le commandant, puisqu’ils ne peuvent laisser reconnaître l’innocence de Dreyfus, sans que les bureaux de la guerre croulent dans le mépris public. Et le beau résultat de cette situation prodigieuse est que l’honnête homme, là-dedans, le lieutenant-colonel Picquart, qui seul a fait son devoir, va être la victime, celui qu’on bafouera et qu’on punira. Ô justice, quelle affreuse désespérance serre le cœur ! On va jusqu’à dire que c’est lui le faussaire, qu’il a fabriqué la carte-télégramme pour perdre Esterhazy. Mais, grand Dieu ! pourquoi ? dans quel but ? donnez un motif. Est-ce que celui-là aussi est payé par les juifs ? Le joli de l’histoire est qu’il était justement antisémite. Oui ! nous assistons à ce spectacle infâme, des hommes perdus de dettes et de crimes dont on proclame l’innocence, tandis qu’on frappe l’honneur même, un homme à la vie sans tache ! Quand une société en est là, elle tombe en décomposition.

 

Voilà donc, monsieur le Président, l’affaire Esterhazy : un coupable qu’il s’agissait d’innocenter. Depuis bientôt deux mois, nous pouvons suivre heure par heure la belle besogne. J’abrège, car ce n’est ici, en gros, que le résumé de l’histoire dont les brûlantes pages seront un jour écrites tout au long. Et nous avons donc vu le général de Pellieux, puis le commandant Ravary, conduire une enquête scélérate d’où les coquins sortent transfigurés et les honnêtes gens salis. Puis, on a convoqué le conseil de guerre.

Comment a-t-on pu espérer qu’un conseil de guerre déferait ce qu’un conseil de guerre avait fait ?

 

Je ne parle même pas du choix toujours possible des juges. L’idée supérieure de discipline, qui est dans le sang de ces soldats, ne suffit-elle à infirmer leur pouvoir d’équité ? Qui dit discipline dit obéissance. Lorsque le ministre de la Guerre, le grand chef, a établi publiquement, aux acclamations de la représentation nationale, l’autorité de la chose jugée, vous voulez qu’un conseil de guerre lui donne un formel démenti ? Hiérarchiquement, cela est impossible. Le général Billot a suggestionné les juges par sa déclaration, et ils ont jugé comme ils doivent aller au feu, sans raisonner. L’opinion préconçue qu’ils ont apportée sur leur siège, est évidemment celle-ci : « Dreyfus a été condamné pour crime de trahison par un conseil de guerre, il est donc coupable ; et nous, conseil de guerre, nous ne pouvons le déclarer innocent ; or nous savons que reconnaître la culpabilité d’Esterhazy, ce serait proclamer l’innocence de Dreyfus. » Rien ne pouvait les faire sortir de là.

 

Ils ont rendu une sentence inique, qui à jamais pèsera sur nos conseils de guerre, qui entachera désormais de suspicion tous leurs arrêts. Le premier conseil de guerre a pu être inintelligent, le second est forcément criminel. Son excuse, je le répète, est que le chef suprême avait parlé, déclarant la chose jugée inattaquable, sainte et supérieure aux hommes, de sorte que des inférieurs ne pouvaient dire le contraire. On nous parle de l’honneur de l’armée, on veut que nous l’aimions, la respections. Ah ! certes, oui, l’armée qui se lèverait à la première menace, qui défendrait la terre française, elle est tout le peuple, et nous n’avons pour elle que tendresse et respect. Mais il ne s’agit pas d’elle, dont nous voulons justement la dignité, dans notre besoin de justice. Il s’agit du sabre, le maître qu’on nous donnera demain peut-être. Et baiser dévotement la poignée du sabre, le dieu, non !

 

Je l’ai démontré d’autre part : l’affaire Dreyfus était l’affaire des bureaux de la guerre, un officier de l’état-major, dénoncé par ses camarades de l’état-major, condamné sous la pression des chefs de l’état-major. Encore une fois, il ne peut revenir innocent sans que tout l’état-major soit coupable. Aussi les bureaux, par tous les moyens imaginables, par des campagnes de presse, par des communications, par des influences, n’ont-ils couvert Esterhazy que pour perdre une seconde fois Dreyfus. Quel coup de balai le gouvernement républicain devrait donner dans cette jésuitière, ainsi que les appelle le général Billot lui-même ! Où est-il, le ministère vraiment fort et d’un patriotisme sage, qui osera tout y refondre et tout y renouveler ? Que de gens je connais qui, devant une guerre possible, tremblent d’angoisse, en sachant dans quelles mains est la défense nationale ! Et quel nid de basses intrigues, de commérages et de dilapidations, est devenu cet asile sacré, où se décide le sort de la patrie ! On s’épouvante devant le jour terrible que vient d’y jeter l’affaire Dreyfus, ce sacrifice humain d’un malheureux, d’un « sale juif » ! Ah ! tout ce qui s’est agité là de démence et de sottise, des imaginations folles, des pratiques de basse police, des mœurs d’inquisition et de tyrannie, le bon plaisir de quelques galonnés mettant leurs bottes sur la nation, lui rentrant dans la gorge son cri de vérité et de justice, sous le prétexte menteur et sacrilège de la raison d’État !

 

Et c’est un crime encore que de s’être appuyé sur la presse immonde, que de s’être laissé défendre par toute la fripouille de Paris, de sorte que voilà la fripouille qui triomphe insolemment, dans la défaite du droit et de la simple probité. C’est un crime d’avoir accusé de troubler la France ceux qui la veulent généreuse, à la tête des nations libres et justes, lorsqu’on ourdit soi-même l’impudent complot d’imposer l’erreur, devant le monde entier. C’est un crime d’égarer l’opinion, d’utiliser pour une besogne de mort cette opinion qu’on a pervertie jusqu’à la faire délirer. C’est un crime d’empoisonner les petits et les humbles, d’exaspérer les passions de réaction et d’intolérance, en s’abritant derrière l’odieux antisémitisme, dont la grande France libérale des droits de l’homme mourra, si elle n’en est pas guérie. C’est un crime que d’exploiter le patriotisme pour des œuvres de haine, et c’est un crime, enfin, que de faire du sabre le dieu moderne, lorsque toute la science humaine est au travail pour l’œuvre prochaine de vérité et de justice.

 

Cette vérité, cette justice, que nous avons si passionnément voulues, quelle détresse à les voir ainsi souffletées, plus méconnues et plus obscurcies ! Je me doute de l’écroulement qui doit avoir lieu dans l’âme de M. Scheurer-Kestner, et je crois bien qu’il finira par éprouver un remords, celui de n’avoir pas agi révolutionnairement, le jour de l’interpellation au Sénat, en lâchant tout le paquet, pour tout jeter à bas. Il a été le grand honnête homme, l’homme de sa vie loyale, il a cru que la vérité se suffisait à elle- même, surtout lorsqu’elle lui apparaissait éclatante comme le plein jour. À quoi bon tout bouleverser, puisque bientôt le soleil allait luire ? Et c’est de cette sérénité confiante dont il est si cruellement puni. De même pour le lieutenant-colonel Picquart, qui, par un sentiment de haute dignité, n’a pas voulu publier les lettres du général Gonse. Ces scrupules l’honorent d’autant plus que, pendant qu’il restait respectueux de la discipline, ses supérieurs le faisaient couvrir de boue, instruisaient eux-mêmes son procès, de la façon la plus inattendue et la plus outrageante. Il y a deux victimes, deux braves gens, deux cœurs simples, qui ont laissé faire Dieu, tandis que le diable agissait. Et l’on a même vu, pour le lieutenant-colonel Picquart, cette chose ignoble : un tribunal français, après avoir laissé le rapporteur charger publiquement un témoin, l’accuser de toutes les fautes, a fait le huis clos, lorsque ce témoin a été introduit pour s’expliquer et se défendre. Je dis que ceci est un crime de plus et que ce crime soulèvera la conscience universelle. Décidément, les tribunaux militaires se font une singulière idée de la justice.

 

Telle est donc la simple vérité, monsieur le Président, et elle est effroyable, elle restera pour votre présidence une souillure. Je me doute bien que vous n’avez aucun pouvoir en cette affaire, que vous êtes le prisonnier de la Constitution et de votre entourage. Vous n’en avez pas moins un devoir d’homme, auquel vous songerez, et que vous remplirez. Ce n’est pas, d’ailleurs, que je désespère le moins du monde du triomphe. Je le répète avec une certitude plus véhémente : la vérité est en marche et rien ne l’arrêtera. C’est d’aujourd’hui seulement que l’affaire commence, puisque aujourd’hui seulement les positions sont nettes : d’une part, les coupables qui ne veulent pas que la lumière se fasse ; de l’autre, les justiciers qui donneront leur vie pour qu’elle soit faite. Je l’ai dit ailleurs, et je le répète ici : quand on enferme la vérité sous terre, elle s’y amasse, elle y prend une force telle d’explosion, que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle. On verra bien si l’on ne vient pas de préparer, pour plus tard, le plus retentissant des désastres.

Mais cette lettre est longue, monsieur le Président, et il est temps de conclure.

 

J’accuse le lieutenant-colonel du Paty de Clam d’avoir été l’ouvrier diabolique de l’erreur judiciaire, en inconscient, je veux le croire, et d’avoir ensuite défendu son œuvre néfaste, depuis trois ans, par les machinations les plus saugrenues et les plus coupables.

 

J’accuse le général Mercier de s’être rendu complice, tout au moins par faiblesse d’esprit, d’une des plus grandes iniquités du siècle.

 

J’accuse le général Billot d’avoir eu entre les mains les preuves certaines de l’innocence de Dreyfus et de les avoir étouffées, de s’être rendu coupable de ce crime de lèse-humanité et de lèse-justice, dans un but politique et pour sauver l’état-major compromis.

 

J’accuse le général de Boisdeffre et le général Gonse de s’être rendus complices du même crime, l’un sans doute par passion cléricale, l’autre peut-être par cet esprit de corps qui fait des bureaux de la guerre l’arche sainte, inattaquable.

 

J’accuse le général de Pellieux et le commandant Ravary d’avoir fait une enquête scélérate, j’entends par là une enquête de la plus monstrueuse partialité, dont nous avons, dans le rapport du second, un impérissable monument de naïve audace.

 

J’accuse les trois experts en écritures, les sieurs Belhomme, Varinard et Couard, d’avoir fait des rapports mensongers et frauduleux, à moins qu’un examen médical ne les déclare atteints d’une maladie de la vue et du jugement.

 

J’accuse les bureaux de la guerre d’avoir mené dans la presse, particulièrement dans L’Éclair et dans L’Écho de Paris, une campagne abominable, pour égarer l’opinion et couvrir leur faute.

 

J’accuse enfin le premier conseil de guerre d’avoir violé le droit, en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète, et j’accuse le second conseil de guerre d’avoir couvert cette illégalité, par ordre, en commettant à son tour le crime juridique d’acquitter sciemment un coupable.

 

En portant ces accusations, je n’ignore pas que je me mets sous le coup des articles 30 et 31 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, qui punit les délits de diffamation. Et c’est volontairement que je m’expose.

 

Quant aux gens que j’accuse, je ne les connais pas, je ne les ai jamais vus, je n’ai contre eux ni rancune ni haine. Ils ne sont pour moi que des entités, des esprits de malfaisance sociale. Et l’acte que j’accomplis ici n’est qu’un moyen révolutionnaire pour hâter l’explosion de la vérité et de la justice.

 

Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière, au nom de l’humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n’est que le cri de mon âme. Qu’on ose donc me traduire en cour d’assises et que l’enquête ait lieu au grand jour !

J’attends.

 

Veuillez agréer, monsieur le Président, l’assurance de mon profond respect.

 

ÉMILE ZOLA

 

 

 

Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Emile Zola
Émile Zola dans l'affaire Dreyfus
 

Les cinq dernières années de la vie d'Émile Zola sont marquées par un engagement sans relâche dans l'affaire Dreyfus, alors qu'il est au faîte de sa renommée littéraire.

 

La vérité en marche

Le romancier a été étranger à l'affaire Dreyfus de ses origines à la fin de l'année 1897. Approché par Bernard-Lazare dès 1895, il pense que le dossier est trop solide contre Dreyfus pour être remis en cause. Il est vrai que le verdict, rendu à l'unanimité des sept juges du premier Conseil de Guerre de Paris, a emporté la conviction de nombreux progressistes, jusque là sceptiques. Les campagnes de haine antisémite, qui se déclenchent à l'occasion de révélations sur l'Affaire dans la presse en révélant l'innocence de Dreyfus, incitent Émile Zola à intervenir en faveur des Juifs. Aussi, en mai 1896, Zola publie-t-il un article intitulé Pour les juifs1, dans lequel il stigmatise le climat « indigne de la France » qui s'installe depuis trois ans, attisé par une presse complaisante.

 

Approché par l'avocat Louis Leblois, confident du lieutenant-colonel Georges Picquart, Zola est mis en présence d'Auguste Scheurer-Kestner, vice-président du Sénat, Alsacien. Ce dernier tente de convaincre le romancier de l'innocence du capitaine juif. Mais Zola reste sceptique sur son rôle éventuel. Lors de ce déjeuner, le 13 novembre 1897, les convives, dont l'écrivain Marcel Prévost et l'avocat Louis Sarrut, conviennent tout de même d'une stratégie de communication autour de révélations des dessous de l'affaire Dreyfus. Le premier article est publié dès le lendemain dans Le Figaro.

 

Avouant être totalement ignorant de l'affaire Dreyfus, hésitant à propos de sa légitimité à intervenir, Zola se décide en moins de quinze jours, entre le 13 et le 25 novembre 1897, en partie poussé à bout par les violentes attaques dont est victime Scheurer-Kestner dans la presse. Le 25 novembre 1897, Zola écrit un premier article d'une série de trois. Il le conclut par la phrase prophétique, restée célèbre : « La vérité est en marche et rien ne l'arrêtera », qui va devenir le leitmotiv des Dreyfusards. Le véritable traître en lieu et place d'Alfred Dreyfus, le commandant Walsin Esterhazy, est dénoncé puis jugé par un Conseil de guerre à Paris le 10 janvier 1898. Il est acquitté le lendemain, à la suite d'un délibéré de trois minutes. Après la condamnation d'un innocent, c'est l'acquittement du coupable, ce qui amène Zola à la réaction. Elle fut extrêmement énergique.

J'accuse…!

Article détaillé : J'accuse…!.
 
Première des 32 pages autographes du manuscrit de J'Accuse...!, janvier 1898

Émile Zola avait préparé depuis plusieurs semaines un résumé de l’affaire Dreyfus, aidé par un mémoire rédigé par Bernard Lazare à la fin de l'année 1896. Ce dernier, qui comptait parmi les premiers dreyfusards, y avait même suggéré la fameuse adresse litanique des « j’accuse ». Zola avait envisagé la publication de son long plaidoyer comme un livret, à l’image de son « Adresse à la jeunesse ». Le choc de l’acquittement d’Esterhazy le pousse vers une méthode de communication plus « révolutionnaire » ainsi qu’il l'exprime lui-même dans son pamphlet. Le Figaro ayant refusé ses derniers articles afin de conserver son lectorat le plus conservateur, l’écrivain se tourne vers L’Aurore. Il termine la rédaction de l’article dans les quarante-huit heures suivant le verdict. Initialement nommé « Lettre à M. Félix Faure, Président de la République », Ernest Vaughan (le directeur de L'Aurore) et Clemenceau lui trouvent un autre titre, plus ramassé et percutant. Vaughan écrit : « Je voulais faire un grand affichage et attirer l'attention du public. Clemenceau me dit : « Mais Zola vous l'indique, lui-même, le titre. Il ne peut y en avoir qu'un : J'Accuse...! » »

 

Généralement diffusé autour de 30 000 exemplaires, le numéro du jeudi 13 janvier 1898 de L'Aurore décuple son tirage. Les trois cent mille exemplaires s’arrachent en quelques heures. Zola n’a pas cherché à écrire un texte d’histoire, ni une plaidoirie juridique. Son article est un brûlot, destiné à provoquer une prise de conscience face à la double iniquité. C’est aussi la première synthèse de l’affaire Dreyfus, que le public découvre enfin dans sa globalité. Mais le texte, très enflammé, n’est pas une relation fiable de l’affaire, car Zola ignorait certaines réalités dans ce fatras embrouillé. Il donne un rôle beaucoup trop important à certains acteurs et ignore le rôle considérable de certains autres4.

 

Le retentissement de l’article est considérable en France comme dans le monde. Dans les jours qui suivent, l'écrivain reçoit plus de deux mille lettres, dont la moitié en provenance de l'étranger. L’objectif de Zola est de s’exposer personnellement à des poursuites judiciaires civiles. Le romancier souhaite ainsi relancer le débat et exposer l’affaire au sein d’une enceinte judiciaire civile, au moment où tout semble perdu pour la cause dreyfusarde. Et ainsi désavouer les deux conseils de guerre successifs ayant l’un condamné Alfred Dreyfus pour un crime de trahison qu’il n’avait pas commis, et l’autre acquitté le commandant Esterhazy pourtant convaincu de trahison. La réaction du gouvernement ne se fait pas attendre, en assignant Émile Zola pour diffamation.

Les procès de Zola

 
Photographie anthropomorphique d'Émile Zola au moment de ses procès

 

Le général Billot, ministre de la Guerre, porte plainte contre Émile Zola et Alexandre Perrenx, le gérant du journal L'Aurore. Ils sont jugés devant les Assises de la Seine du 7 au 23 février 1898, soit quinze audiences (au lieu des trois initialement prévues). Le ministre ne retient que trois passages de l'article, soit dix-huit lignes sur plusieurs centaines.

 

Le procès s’ouvre dans une ambiance de grande violence : Zola fait l'objet « des attaques les plus ignominieuses », tout comme d'importants soutiens et félicitations

 

Fernand Labori, l’avocat de Zola, fait citer environ deux cents témoins. La réalité de l'Affaire Dreyfus, inconnue du grand public, est diffusée dans la presse. Plusieurs journaux8 publient les notes sténographiques in extenso des débats au jour le jour, ce qui instruit leurs lecteurs. Cependant, les nationalistes, derrière Henri Rochefort, sont alors les plus visibles et organisent des émeutes, forçant le préfet de police à intervenir afin de protéger les sorties de Zola à chaque audience.

 

Ce procès est aussi le lieu d'une véritable bataille juridique, dans laquelle les droits de la défense sont sans cesse bafoués. De nombreux observateurs prennent conscience de la collusion entre le monde politique et les militaires. À l'évidence, la Cour a reçu des instructions pour que la substance même de l'erreur judiciaire ne soit pas évoquée. La phrase du président Delegorgue « la question ne sera pas posée », répétée des dizaines de fois devient célèbre. Toutefois, l'habileté de Fernand Labori permet l'exposition de nombreuses irrégularités et incohérences, et force les militaires à en dire plus qu'ils ne l'auraient souhaité. Le général de Pellieux, annonce à la neuvième audience, l'existence « d'une preuve décisive ». L'impossibilité qui est faite aux militaires de présenter leur preuve force le général de Boisdeffre, chef de l'état-major, à effectuer un chantage moral aux jurés en déclarant : « Vous êtes le jury, vous êtes la nation ; si la nation n'a pas confiance en les chefs de son armée, dans ceux qui ont la responsabilité de la défense nationale, ils sont prêts à laisser à d'autres cette lourde tâche. Vous n'avez qu'à parler ».

 
Zola aux outrages, huile sur toile de Henry de Groux, 1898

 

Zola est condamné à un an de prison et à 3 000 francs d'amende, la peine maximale. Cette dureté est imputable à l'atmosphère de violence entourant le procès : « La surexcitation de l'auditoire, l'exaspération de la foule massée devant le palais de Justice étaient si violentes qu'on pouvait redouter les excès les plus graves si le jury avait acquitté M. Zola. » Cependant, le procès Zola est plutôt une victoire pour les dreyfusards. En effet, l’Affaire et ses contradictions ont pu être largement évoquées tout au long du procès, en particulier par des militaires. De plus, la violence des attaques contre Zola, et l'injustice de sa condamnation renforcent l'engagement des dreyfusards : Stéphane Mallarmé se déclare « pénétré par la sublimité de [l']Acte [de Zola] » et Jules Renard écrit dans son journal : « À partir de ce soir, je tiens à la République, qui m'inspire un respect, une tendresse que je ne me connaissais pas. Je déclare que le mot Justice est le plus beau de la langue des hommes, et qu'il faut pleurer si les hommes ne le comprennent plus. » C'est à ce moment que le sénateur Ludovic Trarieux et le juriste catholique Paul Viollet fondent la Ligue pour la défense des droits de l'homme.

 

Le 2 avril, une demande de pourvoi en cassation reçoit une réponse favorable. Il s'agit de la première intervention de la Cour dans cette affaire judiciaire. La plainte aurait en effet dû être portée par le Conseil de guerre et non par le ministre. Le procureur général Manau est favorable à la révision du procès Dreyfus et s’oppose fermement aux antisémites. Les juges du Conseil de guerre, mis en cause par Zola, portent plainte pour diffamation. L’affaire est déférée devant les assises de Seine-et-Oise à Versailles où le public passe pour être plus favorable à l’armée, plus nationaliste. Le 23 mai 1898, dès la première audience, Me Labori se pourvoit en cassation en raison du changement de juridiction. Le procès est ajourné et les débats sont repoussés au 18 juillet. Labori conseille à Zola de quitter la France pour l'Angleterre avant la fin du procès, ce que fait l'écrivain. Les accusés sont de nouveau condamnés.

 
le Lieutenant-colonel Picquart témoignant au procès Zola devant les Assises de la Seine, L'illustration, 1898

L'exil à Londres

 
Première page du Pilori du 17 avril 1898 avec une caricature anti-dreyfusarde.

 

Émile Zola a cruellement ressenti l'obligation qui lui était faite de quitter la France afin d'échapper à l'emprisonnement. Il a écrit à ce sujet : « ce fut le plus cruel sacrifice qu'on eût exigé de moi ». Zola s'était pourtant fait à l'idée de la prison. Il y voyait une forme de déterminisme social, une sorte d'expérience qui serait nécessaire à l'édification de ses connaissances romanesques. Mais ses amis, son avocat Fernand Labori, son éditeur Charpentier, les frères Clemenceau et Desmoulins en ont voulu autrement. L'idée est de faire partir Zola immédiatement au soir du verdict, avant que celui-ci ne lui soit officiellement signifié et ne devienne exécutoire. Le jugement ne lui sera, en fait, jamais signifié, et les poursuites s'éteindront avec la loi d'amnistie de 1900. À l'image d'Hugo, Voltaire ou Vallès, cet exil déclenche un important mouvement d'opinion qui tend à ridiculiser le gouvernement.

 

C'est donc le 18 juillet 1898, que seul, Zola prend le train de 21h00 pour Calais, sans aucun bagage. Le départ avait été totalement improvisé et décidé le jour même. Il traverse la Manche en pleine nuit et arrive à Londres au matin du 19 juillet, où il descend à l'hôtel Grosvernor sous le nom de M. Pascal. Alexandrine et Jeanne sont restées en France. Zola vit reclus, dans le secret, dans une solitude entrecoupée des visites de ses amis, dont Desmoulins, Clemenceau, Ernest Vizetelly, son traducteur et éditeur anglaisN 14. Il reçoit aussi Jeanne et les enfants en août et Alexandrine en novembre. L'écrivain laisse libre cours à ses passions comme la photographie ou la bicyclette, et travaille avec acharnement à son nouveau roman, Fécondité.

 

Cette fuite est interprétée comme un aveu de culpabilité par toute la presse, sauf exceptions. Zola est recherché dans toute la France et aux frontières. On ignore où il est parti, les informations les plus contradictoires circulent dans la presse. Un signalement est diffusé dans le but de procéder au plus vite à l'arrestation de l'écrivain. Mais les recherches restent vaines, le secret étant bien gardé.

 

Zola avait écrit dans Le Figaro : « La vérité est en marche et rien ne l'arrêtera ». Expression prophétique. Le suicide du lieutenant-colonel Henry, principal ouvrier des forfaitures militaires dans l'affaire Dreyfus, lui redonne l'espoir d'achever rapidement cet exil. Espoir vain, du fait des lenteurs de la justice. La révision du procès Dreyfus est enfin démarrée, avec l'enquête de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en décembre 1898. La procédure connaît de nombreux épisodes et s'étend sur tout le premier semestre 1899. La décision de la cour doit intervenir en juin. Zola décide de rentrer sans attendre, et quelle que soit la décision.

 

La décision, positive, est rendue le 3 juin, et, le lendemain, l'écrivain rentre à Paris au terme de onze mois d'exil, avec Fécondité, son dernier roman achevé le 28 mai précédent. Dès les premiers jours de son périple, Zola tient un journal. Ces notes, très fournies le premier mois, plus réduites après, s'achèvent le 21 octobre 1898. Il gardera longtemps le projet de les publier par la suite sous le titre de Pages d'exil. Mais cet ouvrage ne verra jamais le jour, du vivant de Zola, et restera à l'état de manuscrit.

Émile Zola dans la révision et le second Conseil de guerre

Zola, resté en Angleterre, n'est pas intervenu dans le processus de révision ; en revanche, il s'est tenu au courant dans le détail. Très pessimiste, il ne croit ni à la possibilité d'une révision, ni à l'indépendance des magistrats de la Cour de cassation, dont la chambre criminelle vient d'être dessaisie au profit des chambres réunies. Il en fait part à de nombreuses reprises dans ses échanges épistolaires. Mais le décès subit du président de la République, Félix Faure, le 16 février 1899, ouvre la voie à la révision. Le jugement de 1894 est ainsi finalement cassé, le capitaine Dreyfus étant renvoyé devant un nouveau Conseil de guerre à Rennes.

 

La première action de Zola est d'écrire à Alfred Dreyfus, un peu après le retour de celui-ci en France métropolitaine, le 30 juin 1899. Une lettre de quatre pages dans laquelle il s'explique sur son léger retard : « Capitaine, si je n'ai pas été l'un des premiers, dès votre retour en France, à vous écrire toute ma sympathie, toute mon affection, c'est que j'ai craint que ma lettre ne reste pour vous incompréhensible. Et j'ai voulu attendre que votre admirable frère vous ait vu et vous ait dit notre long combat... ». Entretemps, l'écrivain a pris sa décision. Afin de ne pas hypothéquer les chances de succès au Conseil de guerre de Rennes, Zola n'interviendra pas publiquement. Ni dans la presse, ni au procès. Il a décidé de rester dans sa maison de Médan, où il ronge son frein.

 

Le procès s'ouvre le 7 août 1899 dans la salle des fêtes du lycée de Rennes, transformée en tribunal. Le romancier est tenu au courant des débats quotidiennement, parfois par des dépêches qui lui parviennent plusieurs fois par jour. Il intervient discrètement à distance, afin que l'attaché militaire italien, Pannizardi, puisse venir témoigner à l'audience, ou au moins produire des pièces qui innocenteraient Dreyfus. Mais c'est un échec, l'espion refusant d'intervenir. Fernand Labori, l'un des avocats de Dreyfus, est l'objet d'une tentative d'assassinat à Rennes, qui l'écarte des débats pendant près d'une semaine. Zola lui apporte plusieurs témoignages d'affection, Labori ayant été son défenseur aux assises.

 

Un verdict de culpabilité, avec circonstances atténuantes, est rendu le 9 septembre. Nouvelle iniquité. Dans L'Aurore du 12 septembre31, Zola explose : « Je suis dans l'épouvante, [...] la terreur sacrée de l'homme qui voit l'impossible se réaliser, les fleuves remonter vers leurs sources, la terre culbuter sous le soleil. Et ce que je crie, c'est la détresse de notre généreuse et noble France, c'est l'effroi de l'abîme où elle roule. » Le gouvernement décide finalement de gracier Dreyfus, du fait de son état de santé.

Le dernier combat de Zola en faveur d'Alfred Dreyfus sera de contester la loi d'amnistie prévue par la Chambre des députés afin d'absoudre l'ensemble des acteurs de l'Affaire. Destinée à pacifier les esprits, dans le contexte de l'exposition universelle de 1900, cette loi permet au général Mercier, « le criminel en chef » et ses complices d'échapper à la justice. Zola, au travers d'articles violents, dans l'Aurore, prend position contre cette loi, et déroge même à ses principes en prononçant un discours au Sénat. La loi est votée le 27 décembre 1900, au grand soulagement des militaires et au grand dépit des dreyfusards, qui par amalgame sont associés aux vrais coupables.

Conséquences de l’engagement

 
Le roi des porcs, caricature ordurière représentant Émile Zola dans le Musée des horreurs

 

Les conséquences de l'engagement de Zola ont été à la fois positives et négatives pour l'écrivain. Il apparaît évident que J'Accuse...! a totalement relancé l'Affaire, et lui a donné une dimension sociale et politique qu'elle n'avait pas jusqu'alors. Tout semblait perdu après l'acquittement du véritable traître, et l'article de Zola révèle alors à toute la France et au monde, l'ampleur de la mascarade politico-judiciaire en provoquant l'adhésion d'une grande partie des intellectuels. La ligue des droits de l'homme est créée juste après la première condamnation d'Émile Zola, et traduit une prise de conscience d'une forme générale d'intolérance au sein même de la République. Zola sort donc de ses démêlés judiciaires avec une stature du justicier pour toute une frange de la population, défenseur de valeurs de tolérance, de justice et de vérité. En témoignent les innombrables hommages qui lui sont rendus dès février 1898. On notera le Livre d'Hommage des Lettres françaises à Émile Zola, gros ouvrage de 500 pages réalisé à l'initiative d'Octave Mirbeau. Une centaine de contributions individuelles le composent, écrites par pratiquement tout ce qui compte en littérature française et belge. Il fait le point sur le combat intellectuel et son important retentissement à l'étranger.

 

Mais cet engagement coûte très cher au romancier. Sur le plan financier, tout d'abord, puisqu'en fuite, donc dans l'impossibilité de payer ses condamnations, la justice fait saisir ses biens et les revend aux enchères. C'est l'un de ses éditeurs, Fasquelle, qui se porte acquéreur de ses meubles et lui sauve la mise à plusieurs reprises. Sur le plan moral, Zola souffre aussi. Alors que le dreyfusisme s'exposait sous un jour immatériel pour les nationalistes anti-dreyfusards, ceux-ci trouvent en Zola leur tête de turc. Il concentre dès lors toutes les attaques et incarne à lui seul le traître à la patrie et à l'armée. C'est ainsi que dès 1898, l'écrivain est l'objet d'un torrent d'articles satiriques, de caricatures, de chansons et de livrets le traînant dans la boue, l'insultant, le diffamant. Dans certains journaux, il est même l'objet d'attaques quotidiennes.

 

L'attaque la plus cruelle est lancée par Ernest Judet, rédacteur en chef du Petit Journal au moment du premier procès de l'écrivain. Elle se traduit par une véritable campagne de presse composée d'articles en série, qui remettent en cause l'honnêteté de François Zola, au moment où celui-ci s'était engagé à la Légion étrangère vers 1830. Le père de Zola est ouvertement accusé de détournement de fonds et d'avoir été chassé de l'armée. L'idée est d'atteindre Zola au travers d'une attaque ad hominem, en prenant l'auteur des Rougon-Macquart au piège de ses principes d'hérédité, et en insinuant un « Tel père, tel fils » de principe et en expliquant sa soi-disant aversion de l'armée de cette manière. Zola se lance alors dans une enquête fouillée sur son père, dont il ne connaissait pas toute la vie, et démonte point à point les arguments du journaliste nationaliste de manière factuelle. Il prouve en outre que les documents, sur lesquels Judet s'appuie, sont des faux grossiers. Il s'ensuit un procès, duquel Zola est acquitté, ayant réussi à établir les mensonges du journaliste. Jamais Zola n'a regretté son engagement, quel qu'en ait été le prix. Il a écrit dans ses notes : « Ma lettre ouverte [J'Accuse...!] est sortie comme un cri. Tout a été calculé par moi je m'étais fait donner le texte de la loi, je savais ce que je risquais. »

Partager cet article
Repost0
9 février 2016 2 09 /02 /février /2016 15:35
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
 
 
Gustave Flaubert
Description de cette image, également commentée ci-après

Gustave Flaubert.

 
Naissance
Rouen
Décès (à 58 ans)
Croisset
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture Français
Mouvement Réalisme
Genres

Œuvres principales

Gustave Flaubert est un écrivain français né à Rouen le et mort à Croisset, lieu-dit de la commune de Canteleu, le .

 

Prosateur de premier plan de la seconde moitié du XIXe siècle, Gustave Flaubert a marqué la littérature française par la profondeur de ses analyses psychologiques, son souci de réalisme, son regard lucide sur les comportements des individus et de la société, et par la force de son style dans de grands romans comme Madame Bovary (1857), Salammbô (1862), L'Éducation sentimentale (1869), ou le recueil de nouvelles Trois contes (1877).

 

Biographie
Enfance

Né dans une famille de la petite bourgeoisie catholique et d'ancêtres protestants, Gustave Flaubert est le deuxième enfant d’Achille Cléophas Flaubert (1784-1846), chirurgien-chef très occupé à l'Hôtel-Dieu de Rouen, et de son épouse, Anne Justine Caroline Fleuriot (1793-1872), fille d’un médecin de Pont-L'Évêque.

 

Il naît le après une sœur et deux frères décédés en bas âge, et sera délaissé en faveur de son frère aîné, brillant élève admiré par la famille (prénommé Achille comme son père à qui il succèdera d'ailleurs comme chirurgien-chef de l'Hôtel-Dieu de Rouen). Gustave Flaubert passe une enfance sans joie, marquée par l'environnement sombre de l'appartement de fonction de son père à l'hôpital de Rouen (aujourd'hui musée Flaubert et d'histoire de la médecine), mais adoucie par sa complicité avec sa sœur cadette, Caroline, née trois ans après lui.

 

Adolescent aux exaltations romantiques, il est déjà attiré par l'écriture au cours d'une scolarité vécue sans enthousiasme comme interne au Collège royal, puis au lycée de Rouen, à partir de l'année 1832. Il y rencontre Ernest Chevalier avec qui il fonde en 1834 Art et Progrès, un journal manuscrit où il fait paraître son premier texte public. Il est renvoyé en décembre 1839 pour indiscipline et passe seul le baccalauréat en 1840. Après avoir réussi l'examen, ses parents lui financent un voyage dans les Pyrénées et en Corse, que Flaubert relatera dans l'ouvrage de jeunesse publié de manière posthume sous le nom de Voyage dans les Pyrénées et en Corse ou dans certaines éditions des Mémoires d'un fou.

 

Le premier événement notable dans sa jeunesse est sa rencontre à Trouville-sur-Mer, durant l'été 1836, d'Élisa Schlésinger qu'il aimera d'une passion durable et sans retour. Il transposera d'ailleurs cette passion muette, avec la charge émotionnelle qu'elle a développée chez lui, dans son roman L'Éducation sentimentale, en particulier dans la page célèbre de « l'apparition » de Madame Arnoux au regard du jeune Frédéric et dans leur dernière rencontre poignante.

 
Acte de naissance de Gustave Flaubert en 1821
Formation

Dispensé de service militaire grâce au tirage au sort qui lui est favorable (cela se pratiquait ainsi à l'époque), Flaubert entreprend sans conviction, en 1841, des études de Droit à Paris, ses parents souhaitant qu'il devienne avocat. Il y mène une vie de bohème agitée, consacrée à l'écriture. Il y rencontre des personnalités dans les mondes des arts, comme le sculpteur James Pradier, et de la littérature, comme l'écrivain Maxime Du Camp qui deviendra son grand ami, le poète et auteur dramatique  Victor Hugo. Il abandonne le droit, qu'il abhorre, en janvier 1844 après une première grave crise d'épilepsie.

 

Il revient à Rouen, avant de s'installer en juin 1844 à Croisset, au bord de la Seine, à quelques kilomètres en aval de Rouen. Il y rédige quelques nouvelles et une première version de L'Éducation sentimentale. En début 1846 meurent à peu de semaines d'intervalle, son père, puis sa jeune sœur (deux mois après son accouchement — Gustave prendra la charge de sa nièce, Caroline). Son père laisse en héritage une fortune évaluée à 500 000 francs : il peut désormais vivre de ses rentes et se consacrer entièrement à l'écriture.

C'est également, au printemps de cette année que commence sa liaison houleuse et intermittente sur une dizaine d'années avec la poétesse Louise Colet. Jusqu'à leur rupture — sa dernière lettre à Louise Colet est datée du 6 mars 1855 —, il entretient avec elle une correspondance considérable dans laquelle il développe son point de vue sur le travail de l'écrivain, les subtilités de la langue française et ses vues sur les rapports entre hommes et femmes. Gustave Flaubert au physique de plus en plus massif est cependant un jeune homme sportif : il pratique la natation, l'escrime, l'équitation, la chasse…

 

Il se rend à Paris avec son ami Louis-Hyacinthe Bouilhet pour assister à la Révolution de 1848. Il lui porte un regard très critique que l'on retrouve dans L'Éducation sentimentale. Poursuivant ses tentatives littéraires, il reprend entre mai 1848 et septembre 1849 la première version commencée en 1847 de La Tentation de saint Antoine inspirée par un tableau qu'il a vu à Gênes en 1843 au cours du voyage de noces de sa sœur que la famille accompagnait. Puis Gustave Flaubert organise, avec Maxime du Camp un long voyage en Orient qui se réalise entre 1849 et 1852. Dans son carnet de voyage, il fait le pari de « tout dire », depuis la descente éblouissante du Nil jusqu'à sa fréquentation des bordels. Ce voyage qui le conduit en Égypte et à Jérusalem en passant, au retour, par Constantinople et l'Italie, nourrira ses écrits ultérieurs de ses observations, de ses expériences et de ses impressions, par exemple dans Hérodias.

Les premiers romans

Le , Flaubert, encouragé par ses amis Louis Bouilhet et Maxime Du Camp commence la rédaction de Madame Bovary, en s'inspirant d'un fait divers normand (cf. Delphine Delamare). Il achèvera son roman réaliste et psychologique en mai 1856 après 56 mois de travail. Il fréquente épisodiquement les salons parisiens les plus influents du Second Empire, comme celui de Madame de Loynes dont il est très amoureux ; il y rencontre entre autres George Sand.

À la fin de l'année 1856, Madame Bovary paraît dans La Revue de Paris puis, après avoir rencontré l'éditeur Michel Lévy, le roman sort en librairie en avril 1857 et fait l’objet d’un procès retentissant pour atteinte aux bonnes mœurs : Flaubert est acquitté grâce à ses liens avec la société du Second Empire et avec l'impératrice, ainsi qu'à l'habileté de son avocat, tandis que Baudelaire, poursuivi par le même tribunal, pour les mêmes raisons, après publication de son recueil Les Fleurs du mal dans la même année 1857, est condamné. À partir de la parution de Madame Bovary Flaubert poursuit une correspondance avec Marie-Sophie Leroyer de Chantepie, femme de lettres vivant à Angers, et dévouée aux pauvres. Flaubert se partage dès 1855 entre Croisset et Paris où il fréquente les milieux littéraires et côtoie les frères Goncourt, Sainte-Beuve, Baudelaire, Théophile Gautier puis, à partir de 1863, Tourgueniev et la Princesse Mathilde.

 

Le , Flaubert entame la rédaction de Salammbô, roman historique qui évoque la Guerre des Mercenaires à Carthage, conflit s'étant déroulé entre les première et seconde guerres puniques. Pour cela, il voyage au cours des mois d'avril et juin 1858 en Tunisie afin de se documenter et de voir Carthage. Le roman paraît après une longue maturation en 1862.

 

Deux ans plus tard, le , Flaubert entreprend la version définitive de L'Éducation sentimentale, roman de formation marqué par l'échec et l'ironie avec des éléments autobiographiques comme la première passion amoureuse ou les débordements des révolutionnaires de 1848. Le roman est publié en novembre 1869 : mal accueilli par la critique il ne s'en vend que quelques centaines d'exemplaires.

 

Flaubert continue sa vie mondaine : il rencontre l'empereur, reçoit la Légion d'honneur en 1866 et resserre ses liens avec George Sand qui le reçoit à Nohant. En juillet 1869, il est très affecté par la mort de son ami Louis Bouilhet. Rien ne permet d'affirmer qu'il ait été l'amant de la mère de Guy de Maupassant, sœur de son ami d'enfance, Alfred Le Poittevin, bien que dans son livre, La Vie érotique de Flaubert, publié en 1984 par Jean-Jacques Pauvert, Jacques-Louis Douchin l'affirmât. Quoi qu'il en soit, Flaubert sera très proche du jeune Maupassant qui le considèrera comme un père spirituel.

 
Portrait de Gustave Flaubert par Gaston Bigard, médaille bronze 50 mm,
Les dernières années
 
Revers de la médaille, Pavillon-musée à Croisset (1921)

 

Durant l'hiver 1870-1871, les Prussiens occupant une partie de la France dont la Normandie et Croisset, Flaubert se réfugie avec sa mère chez sa nièce, Caroline, à Rouen ; sa mère meurt le . À cette époque, il a des difficultés financières liées à la faillite de son neveu par alliance : il vend ses fermes et quitte par économie son appartement parisien alors que sa santé devient délicate. Il achève et publie toutefois le la troisième version de La Tentation de saint Antoine, juste après l'échec de sa pièce de théâtre Le Candidat en . Sa production littéraire continue avec les Trois contes, volume qui comporte trois nouvelles : Un cœur simple, centré sur la figure de Félicité inspirée par Julie, nourrice puis domestique qui servira la famille Flaubert, puis Gustave seul jusqu'à la mort de ce dernier, - La Légende de saint Julien l'Hospitalier, conte hagiographique des temps médiévaux écrit en cinq mois en 1875, et Hérodias autour de la figure de saint Jean Baptiste, écrit dans l'hiver 1875-1876. La publication du volume le est bien accueillie par la critique.

 

De 1877 à 1880, il poursuit la rédaction de Bouvard et Pécuchet, qu'il avait entamée en 1872-1874 : l'œuvre satirique pour laquelle il réunissait une documentation immense restera inachevée, elle sera publiée en l'état dans l'année 1881, un an après sa mort.

 
Tombeau de Flaubert et de sa famille à Rouen

 

Ses dernières années sont assombries par la disparition de ses amis, les difficultés financières et par des problèmes de santé. Il meurt subitement le , à Canteleu, au hameau de Croisset, foudroyé par une hémorragie cérébrale. Son enterrement au cimetière monumental de Rouen se déroule le , en présence de nombreux écrivains importants qui le reconnaissent comme leur maître, qu'il s'agisse d'Émile Zola, d'Alphonse Daudet, d'Edmond de Goncourt, de Théodore de Banville ou de Guy de Maupassant, dont il avait encouragé la carrière depuis 1873.

 

La Bibliothèque historique de la ville de Paris possède le manuscrit de l'Éducation sentimentale ainsi que 36 carnets de notes de voyages et de lectures écrites de la main de l'écrivain. Ce fonds a été légué par sa nièce en 1931.

Les quatre piliers de l'œuvre flaubertienne

 
Portrait par Eugène Giraud.

Flaubert est le contemporain de Charles Baudelaire et il occupe, comme le poète des Fleurs du mal une position charnière dans la littérature du XIXe siècle. À la fois contesté (pour des raisons morales) et admiré de son temps (pour sa force littéraire), il apparaît aujourd'hui comme l'un des plus grands romanciers de son siècle avec en particulier Madame Bovary, roman qui fonde le bovarysme, puis L'Éducation sentimentale ; il se place entre le roman psychologique (Stendhal), et le mouvement naturaliste (ZolaMaupassant, ces derniers considérant Flaubert comme leur maître). Fortement marqué par l'œuvre d’Honoré de Balzac dont il reprendra les thèmes sous une forme très personnelle (L'Éducation sentimentale est une autre version du Lys dans la vallée, Madame Bovary s'inspire de La Femme de trente ans), il s'inscrit dans sa lignée du roman réaliste. Il est aussi très préoccupé d'esthétisme, d'où son long travail d'élaboration pour chaque œuvre (il teste ses textes en les soumettant à la fameuse épreuve du « gueuloir », qui consiste à les lire à pleine voix). Mais il est tellement obsédé par l'exemple d’Honoré de Balzac, son père littéraire, que l'on retrouvera dans ses notes cette injonction : « s'éloigner du Lys dans la vallée, se méfier du Lys dans la vallée ».

 

On a également souvent souligné la volonté de Flaubert de s'opposer à l'esthétique du roman-feuilleton, en écrivant un « roman de la lenteur ».

 

Enfin, son regard ironique et pessimiste sur l'humanité fait de lui un grand moraliste. Son Dictionnaire des idées reçues donne un aperçu de ce talent.

 

Sa correspondance avec Louise Colet, George Sand, Maxime Du Camp et d'autres a été publiée en cinq volumes dans la Bibliothèque de la Pléiade.

Madame Bovary
 

Flaubert commence le roman en 1851 et y travaille pendant 5 ans, jusqu’en 1856. À partir d’octobre, le texte est publié dans la Revue de Paris sous la forme de feuilleton jusqu’au 15 décembre suivant. En février 1857, le gérant de la revue, Léon Laurent-Pichat, l’imprimeur et Gustave Flaubert sont jugés pour « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs ». Défendu par l’avocat Jules Sénard, malgré le réquisitoire du procureur Ernest Pinard, Gustave Flaubert est blâmé pour « le réalisme vulgaire et souvent choquant de la peinture des caractères » mais est finalement acquitté notamment grâce à ses soutiens dans le milieu artistique et politique, la notoriété de sa famille et la plaidoirie de son avocat. Le roman connaîtra un important succès en librairie.

 

Honoré de Balzac avait déjà abordé le même sujet dans La Femme de trente ans en 1831 sous forme de nouvelle-roman qui parut en 1842 dans l’édition Furne de La Comédie humaine, sans toutefois faire scandale.

 

Le récit débute ainsi. Après avoir suivi ses études dans un lycée de province, Charles Bovary s'établit comme officier de santé et se marie à une riche veuve. À la mort de celle-ci, Charles épouse une jeune femme, Emma Rouault, élevée dans un couvent, vivant à la ferme avec son père (un riche fermier, patient du jeune médecin). Emma se laisse séduire par Charles et se marie avec lui. Fascinée par ses lectures romantiques d'adolescence, elle rêve d’une nouvelle vie, méprisant son mari, délaissant son rôle maternel et elle fait la rencontre d'amants méprisables qui vont faire basculer sa famille.

Salammbô
 
 
Salammbô, peinture par Gaston Bussière, 1907

 

Salammbô vient après Madame Bovary. Flaubert en commence les premières rédactions en septembre 1857. Quelques mois plus tôt, après avoir gagné le procès qui avait été intenté contre Madame Bovary, il avait fait part dans sa correspondance (lettre à Mlle Leroyer de Chantepie) de son désir de s’extirper littérairement du monde contemporain, et de travailler à un roman dont l’action se situe trois siècles avant Jésus-Christ. En avril-juin 1858, il séjourne à Tunis pour s’imprégner du cadre de son histoire. Si l’intrigue est une fiction, il se nourrit des textes de Polybe, Appien, Pline, Xénophon, Plutarque, et Hippocrate pour peindre le monde antique et bâtir la « couleur locale ». Dès sa parution en 1862, le roman connaît un succès immédiat, en dépit de quelques critiques réservées (Charles-Augustin Sainte-Beuve), mais avec d’appréciables encouragements (Victor Hugo, Jules Michelet, Hector Berlioz).

 

Le roman débute par le paragraphe intitulé « Le Festin ». Les mercenaires fêtent à Carthage la fin de la guerre dans les jardins d’Hamilcar, leur général. Échauffés par son absence et par le souvenir des injustices qu’ils ont subies de la part de Carthage, ils ravagent sa propriété ; Salammbô, sa fille, descend alors du palais pour les calmer. Mathô et Narr’havas, tous deux chefs dans le camp des mercenaires, en tombent amoureux. Spendius, un esclave libéré lors du saccage, se met au service de Mathô et lui conseille de prendre Carthage afin d’obtenir Salammbô.

L’Éducation sentimentale
 

Le roman, rédigé à partir de et achevé le au matin, comporte de nombreux éléments autobiographiques (tels la rencontre de Madame Arnoux, inspirée de la rencontre de Flaubert avec Élisa Schlésinger). Il a pour personnage principal Frédéric Moreau, jeune provincial de dix-huit ans venant faire ses études à Paris. De 1840 à 1867, celui-ci connaîtra l’amitié indéfectible et la force de la bêtise, l’art, la politique, les révolutions d’un monde qui hésite entre la monarchie, la république et l’empire. Plusieurs femmes (Rosanette, Mme Dambreuse) traversent son existence, mais aucune ne peut se comparer à Marie Arnoux, épouse d’un riche marchand d’art, dont il est éperdument amoureux. C’est au contact de cette passion inactive et des contingences du monde qu’il fera son éducation sentimentale, qui se résumera pour l’essentiel à brûler, peu à peu, ses illusions.

Bouvard et Pécuchet
 

Le projet de ce roman remonte à 1872, puisque l'auteur affirme son intention comique dans un courrier à George Sand. Dès cette époque, il songe à écrire une vaste raillerie sur la vanité de ses contemporains. Entre l'idée et la rédaction interrompue par sa mort, il a le temps de collecter une impressionnante documentation : on avance le chiffre de mille cinq cents livres. Lors de l'écriture, Flaubert avait songé au sous-titre : « encyclopédie de la bêtise humaine » et c'est effectivement en raison du catalogue qu’il nous en propose que le roman est célèbre. Le comique vient de la frénésie des deux compères, à tout savoir, tout expérimenter, et surtout leur incapacité à comprendre correctement. Le roman est inachevé et ne constitue que la première partie du plan. L'accueil fut réservé, mais certains le considèrent comme un chef-d'œuvre.

 

Par une chaude journée d'été, à Paris, deux hommes, Bouvard et Pécuchet, se rencontrent par hasard sur un banc et font connaissance. Ils découvrent que, non seulement ils exercent le même métier (copiste), mais en plus qu'ils ont les mêmes centres d'intérêts. S'ils le pouvaient, ils aimeraient vivre à la campagne. Un héritage fort opportun va leur permettre de changer de vie. Ils reprennent une ferme dans le Calvados, non loin de Caen et se lancent dans l'agriculture. Leur inaptitude ne va engendrer que des désastres. Ils vont s'intéresser à la médecine, la chimie, la géologie, la politique avec les mêmes difficultés. Lassés par tant d'échecs, ils retournent à leur métier de copiste.

 

Critiquant les idées reçues, Flaubert montre que contrairement à ce que pense Hegel, l'Histoire n'a pas de fin, elle est un éternel recommencement. Les deux compères, qui étaient copistes au début du roman, retournent à leur état.

Œuvres

 
Gustave Flaubert

Lettres

  • Lettre à la municipalité de Rouen, 1872
  • Lettres à George Sand, 1884
  • Correspondance, 4 vol., 1887-1893
  • Lettres à sa nièce Caroline, 1906
  • Lettres inédites à Georges Charpentier, 1911
  • Lettres inédites à la princesse Mathilde, 1927
  • Correspondance, 9 vol. 1926-1933 et Supplément, 4 vol. 1954
  • Lettres inédites à Tourgueneff, 1946
  • Lettres inédites à Raoul Duval, 1950
  • Lettres d'Orient, 1990
  • Lettres à Louise Colet, 2003
  • Correspondance, présentée, établie et annotée par Jean Bruneau, 6 vol. : tome I (1830-1851), 1973 ; t. II (1851-1858), 1980 ; t. III (1859-1868), 1991 ; t. IV (1869-1875), 1998 ; t. V (1875-1880), 2007 ; Index, 2007 (éd. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade). Édition en ligne-Université de Rouen

Recueils

  • Œuvres complètes, 8 vol., 1884 (éd. Quantin)
  • Œuvres, 10 vol., 1874-1885 (éd. Lemerre)
  • Œuvres complètes, 13 vol., 1926-33 (éd. Conard)
  • Œuvres complètes illustrées, 10 vol., 1921-25
  • Œuvres, 2 vol. 1936, établies et annotées par Albert Thibaudet et René Dumesnil (éd. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade)
  • Œuvres complètes, 1940-1957 (éd. Les Belles Lettres)
  • Œuvres complètes, 2 vol. 1964 (éd. Seuil)
  • Œuvres complètes, 18 vol., 1965, annotées par Maurice Nadeau
  • Œuvres complètes, 16 vol., 1975 (éd. Études littéraires françaises)
  • Œuvres complètes, 16 vol., 1971-1975, annotées par Maurice Bardèche
  • Œuvres complètes, annotées par Claudine Gothot-Mersch et Guy Sagnes, 5 vol. : tome I, Œuvres de jeunesse, 2001 ; t. II, Œuvres complètes (1845-1851), 2013 ; t.III, Œuvres complètes (1851-1862), 2013 ; t. IV-V, en préparation (éd. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade)
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Gustave Flaubert
Partager cet article
Repost0
8 février 2016 1 08 /02 /février /2016 08:26
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude
Patrick Modiano, l'écrivain de l'Incertitude

Patrick Modiano, né le 30 juillet 1945 à Boulogne-Billancourt, est un écrivain français, auteur d’une trentaine de romans primés par de nombreux prix prestigieux parmi lesquels le Grand prix du roman de l'Académie française et le prix Goncourt. Axée sur l'intériorité, la répétition et la nuance, son œuvre romanesque se rapproche d'une forme d'autofiction par sa quête de la jeunesse perdue. Elle se centre essentiellement sur le Paris de l'Occupation et s'attache à dépeindre la vie d'individus ordinaires confrontés au tragique de l'histoire et agissant de manière aléatoire ou opaque.

 

Le 9 octobre 2014, son œuvre est couronnée par le prix Nobel de littérature pour « l'art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables et dévoilé le monde de l'Occupation », comme l'expliquent l'Académie suédoise et son secrétaire perpétuel Peter Englund, qualifiant l'auteur de « Marcel Proust de notre temps ». Six ans après J. M. G. Le Clézio, il devient le 15e homme de lettres français à recevoir cette récompense. Son œuvre est traduite en 36 langues.

 

Biographie

 

Jean Patrick Modiano naît dans une villa-maternité du Parc des Princes à Boulogne-Billancourt, 11 allée Marguerite ; il est le fils d'Albert Modiano et de Louisa Colpijn, (née en 1918), comédienne flamande arrivée à Paris en juin 1942, connue ultérieurement sous son nom d'actrice de cinéma belge Louisa Colpeyn.

Le roman familial (1945–1956)

 

Albert Modiano, orphelin à quatre ans, n'a pas connu son père, un aventurier toscan juif d'Alexandrie, né à Salonique et établi en 1903 avec la nationalité espagnole, comme antiquaire à Paris, 5 rue de Châteaudun, après une première vie à Caracas. Élevé avec son frère, square Pétrelle puis square de la rue d'Hauteville, par une mère anglo-picarde, dans un certain abandon, c'est âgé de trente ans que ce futur père rencontre dans le Paris occupé, en octobre 1942, Luisa Colpeyn, la future mère de l'écrivain, alors traductrice à la Continental.

 

Τrafiquant de marché noir dans sa jeunesse, vivant dans le milieu des producteurs de cinéma originaires d'Europe centrale, Albert Modiano a été, juste avant la guerre et après quelques échecs dans la finance et le pétrole, gérant d'une boutique de bas et de parfums, sise 71 boulevard Malesherbes. Après sa démobilisation14, il s'est trouvé sous le coup de la loi du 3 octobre 1940 contre les juifs mais ne s'est pas déclaré au commissariat comme il en avait l'obligation. En février 1942, soit six mois avant le décret du 6 juin 1942 portant application de cette loi et organisant les déportations, il est entré dans la clandestinité à la suite d'une rafle et d'une évasion. Introduit dans ces circonstances par un ami banquier italien, ou par la maîtresse d'un de ses dirigeants, au bureau d'achat du SD (le service de renseignements de la SS) qu'il fournira par le marché noir, « Aldo Modiano » a, au moment de sa rencontre avec Louisa Colpeyn, commencé d'accumuler une fortune qui durera jusqu'en 1947. Désormais protégé des arrestations, mais pas des poursuites, il s'installe début 1943 15 quai de Conti avec sa nouvelle compagne, là où vécut l'écrivain Maurice Sachs, qui y laissa sa bibliothèque. Le couple mènera la vie de château et fréquentera la pègre jusqu'à la Libération, qui coïncide avec la naissance de leur fils aîné.

 

L'enfant est confié à ses grands-parents maternels venus à Paris pour cela, renforçant chez lui le flamand comme langue maternelle. En septembre 1949, sa mère rentre de vacances à Biarritz sans lui, l'y laissant pour deux ans à la nourrice de son frère Rudy, né le 5 octobre 1947. C'est là qu'à cinq ans, il est baptisé, en l'absence de ses parents, et inscrit dans une école catholique Début 1952, sa mère, rejetante qui souhaite assurer ses tournées en province, installe les deux frères à Jouy-en-Josas, où ils deviennent enfants de chœur, chez une amie dont la maison sert à des rendez-vous interlopes. L'arrestation en février 1953 de cette amie pour cambriolage le ramène pour trois ans dans un foyer désuni où les seuls signes d'attention viennent du catéchisme.

 

L'atmosphère particulière de cette enfance, entre l'absence de son père — au sujet duquel il entend des récits troubles — et les tournées de sa mère, le rend très proche de son frère Rudy. La mort de celui-ci à la suite d'une leucémie à l'âge de dix ans, en février 1957, sonne la fin de l'enfance. L'écrivain gardera une nostalgie marquée de cette période et dédiera ses premiers ouvrages, publiés entre 1967 et 1982, à ce frère disparu en une semaine.

L'adolescence terrible (1957–1962)

 

D'octobre 1956 à juin 1960, il est placé en pensionnat, avec d'autres adolescents de parents fortunés, à l'école du Montcel à Jouy-en-Josas, où la discipline et le fonctionnement militaires font de lui un fugueur récidiviste. De septembre 1960 à juin 1962, on l'éloigne un peu plus en le confiant aux pères du collège-lycée Saint-Joseph (Thônes), en Haute-Savoie, prison où il attrape la gale dans un linge rarement changé et éprouve avec ses camarades paysans la solidarité de la faim. De retour en juillet 1961 d'une tournée ruineuse de vingt-deux mois à travers l'Espagne, sa mère trouve son père en ménage avec une blonde Italienne en instance de divorce de vingt ans plus jeune que lui qu'il épousera un an plus tard. Ses parents vivront désormais chacun à un étage de leur duplex commun.

 

Soutenu depuis l'âge de quinze ans par Raymond Queneau, ami de sa mère rencontré en 1960, qui lui donne des leçons particulières de géométrie, il décroche son baccalauréat à Annecy en juin 1962, avec un an d'avance. Comme son père, il a l'ambition balzacienne de faire fortune mais en devenant écrivain. Toutefois, éthéromane, il abandonne définitivement les études à la rentrée suivante, en novembre 1962, en désertant l'internat du lycée Henri-IV à Paris où il a été inscrit en philosophie. Sa belle-mère refuse de l'héberger chez elle, quai Conti, à quelque dix-huit cents mètres de là.

 

Il vient habiter, à la place de son père, chez sa mère. Là, neuf mois plus tôt, en février 1962, il a connu ses premiers ébats amoureux. Sa partenaire, amie de sa mère, était de plus de dix ans son aînée. Pour subvenir aux besoins de cette mère qui n'a pas de contrat, il mendie auprès de son père, qui organise leurs rencontres à l'insu de sa nouvelle épouse.

Respirer un air plus léger (1963–1966)

 

Ce n'est que dans le foyer d'une ancienne relation, baby sitter, et de son mari vétérinaire aux haras de Saint-Lô, qu'il peut goûter, le temps renouvelé de quelques vacances, un semblant de vie familiale. À partir de l'été 1963, toujours pour pallier l'impécuniosité de sa mère, il revend à des libraires des éditions remarquables volées chez des particuliers ou dans des bibliothèques. Trois ou quatre fois, la dédicace d'un grand auteur ajoutée de sa main augmente fortement la plus-value, falsification qui deviendra un jeu.

 

 

En septembre 1964, une inscription contre son gré en hypokhâgne au lycée Michel-Montaigne à Bordeaux, en forme de bannissement ourdi par sa belle-mère, se solde par une nouvelle fugue et une rupture avec son père qui durera près de deux ans. Le soir du 8 avril 1965, envoyé par sa mère chercher auprès de celui-ci un secours financier, il est emmené par la maréchaussée abusivement alertée par cette belle-mère. Son père, sans un mot pour lui, le dénonce au commissaire comme un « voyou ».

 

À la rentrée 1965, il s'inscrit à la Sorbonne en Faculté de Lettres pour prolonger son sursis militaire. Il n'assiste à aucun cours mais fréquente, à Saint-Germain des Prés, des adeptes du psychédélisme et du tourisme hippy à Ibiza. Il retrouve au Flore les précurseurs du mouvement Panique auxquels il soumet son premier manuscrit. C'est donc à un connaisseur qu'en 1966 Le Crapouillot commande pour son « spécial LSD » un article évoquant la génération Michel Polnareff, premier texte publié de Patrick Modiano.

 

Le samedi, Raymond Queneau le reçoit chez lui à Neuilly pour un dîner hilare que prolonge durant l'après-midi une promenade dans Paris évocatrice de Boris Vian. En juin 1966, son père reprend contact avec lui mais c'est pour le persuader de devancer l'appel, ce qui se termine par un échange épistolaire acerbe. Libéré par sa majorité, Patrick Modiano ne reverra jamais son père.

Le salut dans l'écriture (1967–1978)

 

Il se présente, dans une interview de Jacques Chancel, comme un admirateur des styles de Paul Morand et de Louis-Ferdinand Céline.

 

Sa rencontre avec l'auteur de Zazie dans le métro est cruciale. Introduit par celui-ci dans le monde littéraire, Patrick Modiano a l'occasion de participer à des cocktails donnés par les éditions Gallimard. Il y publiera son premier roman en 1967, La Place de l'Étoile, après en avoir fait relire le manuscrit à Raymond Queneau. À partir de cette année, il se consacre exclusivement à l'écriture.

 

Avec Hughes de Courson, camarade d'Henri-IV, il compose un album de chansons, Fonds de tiroirs, pour lesquelles ils espèrent trouver un interprète. Ιntroduit dans le show bizz, Hughes de Courson propose l'année suivante, en 1968, la chanson Étonnez-moi, Benoît…! à Françoise Hardy. Deux ans plus tard, ce sera L'Aspire à cœur chantée par Régine. En mai 68, Patrick Modiano est sur les barricades mais en tant que journaliste pour Vogue.

 

 

Le 12 septembre 1970, il épouse Dominique Zehrfuss, la fille de l'architecte du CNIT, Bernard Zehrfuss. Elle raconte une anecdote symptomatique de la querelle esthétique entre héros et subversifs :

« Je garde un souvenir catastrophique de la journée de notre mariage. Il pleuvait. Un vrai cauchemar. Nos témoins étaient Raymond Queneau, qui avait protégé Patrick depuis son adolescence, et André Malraux, un ami de mon père. Ils ont commencé à se disputer à propos de Dubuffet, et nous, on était là comme devant un match de tennis ! Cela dit, ça aurait été amusant d’avoir des photos, mais la seule personne qui avait un appareil a oublié de mettre de la pellicule. Alors il ne nous reste qu’une seule photo, de dos et sous un parapluie75 ! »

 

De cette union naîtront deux filles, Zina Modiano (1974), future réalisatrice, et Marie Modiano (1978), chanteuse et écrivain.

 

Dès son troisième roman, Les Boulevards de ceinture, le Grand prix du roman de l'Académie française de l'année 1972 l'inscrit définitivement comme une figure de la littérature française contemporaine.

 

En 1973, il écrit, avec le réalisateur Louis Malle, le scénario du film Lacombe Lucien, dont le sujet est un jeune homme, désireux de rejoindre le maquis pendant l'Occupation, que le hasard, un rien, une parole de défiance à l'endroit de sa jeunesse peut-être ou une absence de parole, fait basculer dans le camp de la Milice et de ceux qui ont emprisonné son père. Le scénario est publié chez Gallimard qu'il présente à l'émission Italiques. La sortie du film en janvier 1974 déclenche une polémique au sujet de l'absence de justification du parcours du personnage, ressentie comme un déni de l'engagement, voire une remise en cause de l'héroïsme, et provoque l'exil du cinéaste.

 

Gérard Lebovici lui propose d'écrire pour le cinéma en 1977 en préparant un scénario pour Michel Audiard sur un gangster moderne, Jacques Mesrine. Le film ne se fera pas mais il en restera une amitié durable pour le cinéaste59.

 

En novembre 1978, il parvient à la consécration avec son sixième roman, Rue des Boutiques obscures, en recevant le prix Goncourt « pour l'ensemble de son œuvre ».

Thèmes

 

Les romans de Patrick Modiano sont traversés par le thème de l'absence, de « la survie des personnes disparues, l’espoir de retrouver un jour ceux qu'on a perdus dans le passé », avec le goût de l'enfance trop vite effacée13. Son œuvre littéraire est d'abord construite à partir de deux thèmes majeurs : la quête de l'identité (la sienne et celle de son entourage), ainsi que l'impuissance à comprendre les désordres, les mouvements de la société. Ce qui produit un phénomène où le narrateur se trouve presque toujours en observateur, subissant et essayant de trouver un sens aux nombreux événements qui se produisent devant lui, relevant des détails, des indices, qui pourraient éclaircir et constituer une identité. Modiano (ou son narrateur) se montre parfois comme un véritable archéologue de la mémoire, relevant et conservant le moindre document, insignifiant au premier abord, afin de réunir des informations à propos de lui-même, de proches ou bien d'inconnus. Certaines pages sont travaillées de façon à sembler être écrites par un détective ou par un historiographe.

 

Autre obsession de Patrick Modiano, la période de l'Occupation allemande. Né en 1945, il ne l'a évidemment pas connue, mais il s'y réfère sans cesse à travers le désir de cerner la vie de ses parents durant cette période au point de se l'approprier et d'y plonger certains de ses personnages. L'évidente dualité idéologique de ses parents tend ainsi à faire émerger dans ses œuvres des protagonistes à la situation floue, aux limites et profils mal définis (notamment dans la première trilogie, dite « de l'Occupation », que composent ses trois premiers romans).

La question du père

 

Le thème du père et de la paternité est central chez Patrick Modiano. D'abord parce qu'il constitue l'épicentre de tout un réseau de thèmes secondaires variables (l'absence, la trahison, l'hérédité…), mais aussi parce qu'il s'agit d'un élément d'autofiction déterminant l'ensemble de son univers romanesque. Ce thème est ainsi majoritairement présent comme toile de fond des récits de Patrick Modiano, et plus directement dans le récit autobiographique Un pedigree.

 

Albert Modiano reste une énigme sur divers points, et l'écriture permet à l'auteur de les développer de façon libératrice. De sa jeunesse, on ignore quasiment tout, hormis sa participation à quelques trafics. Durant l'Occupation, il vit dans l'illégalité complète et utilise une fausse identité (Henri Lagroux) qui lui permet de ne pas porter l'étoile jaune. Mais le plus troublant reste un épisode dans lequel, après avoir été pris dans une rafle, Albert Modiano est emmené à Austerlitz pour un convoi. De façon surprenante, il sera rapidement libéré par un ami haut placé. L'identité de cet individu demeure floue. On suppose qu'il s'agit d'un membre de la bande de la rue Lauriston, c'est-à-dire la Gestapo française.

 

Ayant pour habitude de rencontrer son fils dans des lieux hautement fréquentés, comme les halls de gares et d'hôtels, Albert Modiano est toujours préoccupé par de mystérieuses affaires. Patrick décide à l'âge de dix-sept ans de ne plus le revoir. Il apprendra sa mort (jamais élucidée), sans jamais connaître le lieu de l'inhumation.

Œuvre

Romans et récits
Littérature d'enfance et de jeunesse
Pièce de théâtre
Essais

 

Récompenses et distinctions

Partager cet article
Repost0
1 février 2016 1 01 /02 /février /2016 20:53

Katherine Pancol, née le 22 octobre 1954 à Casablanca au Maroc, est une romancière française.Katherine-PANCOL 0092


Biographie

 

Katherine Pancol naît au Maroc où son père, ingénieur, construit des barrages et des immeubles. Elle a 5 ans quand ses parents rentrent en France et s'installent à Paris. Elle suit des études classiques, s'inscrit en fac de lettres à Nanterre en licence, puis maîtrise et doctorat de lettres modernes.

Après divers petits boulots, à vingt ans, elle devient journaliste et entre à Paris Match puis à Cosmopolitan, après une rencontre avec Juliette Boisriveaud alors rédactrice en chef du journal. C'est alors qu'un éditeur, Robert Laffont, la remarque et lui demande d'écrire un roman.

Ce sera Moi d’abord, en 1979, premier roman, premier succès. 300 000 exemplaires vendus.Moi d'abord Sa vie change. Elle part s'installer à New York et y passera une dizaine d'années. Elle suit des cours d’écriture à l’université Columbia, écrit son deuxième roman, La Barbare, en 1981, puis Scarlett si possible (1985), Les Hommes cruels ne courent pas les rues (1990), se marie, a deux enfants tout en travaillant pour Le Journal du dimanche, Elle et Paris Match où elle alterne chroniques, reportages et interviews, notamment avec des personnalités comme Ronald Reagan, Jacques Chirac, Johnny Hallyday et Louise Brooks.

Elle rentre en France en 1991 et continue d'écrire : Vu de l'extérieur, Une si belle image, Encore une danse, J'étais là avant, Et monter lentement dans un immense amour, Un homme à distance, Embrassez-moi, mais c'est en 2006 qu'elle connaît un succès foudroyant avec le premier tome de ce qui va devenir une trilogie.

En 2006 donc, son roman Les Yeux jaunes des crocodiles. Note de l'auteur: "Pour moi une analyse aigüe et terrifiante des rapports intra-familiaux qui me fait penser à la définition lapidaire de Calaferte "Famille=association d'étrangleurs. C'est en effet ce que je constate tous les jours et qui me réjouit de ne pas avoir de en famille. Quel merdier !!!!!Pancol Crocos432 la propulse à nouveau au sommet des listes des meilleures ventes. Vendu à près de deux millions d'exemplaires, traduit en 31 langues, ce roman reçoit le prix Maison de la Presse en France, un prix des Lecteurs en Allemagne, le Lovelybooks-Leserspreis, et un prix de littérature contemporaine en Russie en 2007. Un succès que ne démentiront pas les deux autres livres de la série : en 2008 La Valse lente des tortues5172LlphFtL. SY445 et en 2010 Les Écureuils de Central Park sont tristes le lundi.Couv cureuils site

Le 21 janvier 2011, le magazine professionnel Livres-Hebdo écrivait : « Qui n'a pas lu Katherine Pancol cette année ? Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi arrive en tête des meilleures ventes des romans avec 389 400 exemplaires vendus, précédant La Carte et le Territoire de Michel Houellebecq (360 900 ventes), prix Goncourt 2010. »

Katherine Pancol partage sa vie entre la Normandie et Paris.

En janvier 2012, elle a été promue officier des Arts et des Lettres.

En novembre 2012, sur son site officiel, Katherine Pancol annonce la future adaptation de son roman Les Yeux jaunes des crocodiles au cinéma. Dans le rôle de Marcel : Jacques Weber, dans le rôle de Joséphine : Julie Depardieu, dans le rôle d'Iris : Emmanuelle Béart et dans le rôle de Josiane : Karol Rocher.

Bibliographie

  • 1979 : Moi d'abord ; réédition Points, 2012
  • 1981 : La Barbare, Seuil ; réédition Points-Seuil, 1995
  • 1985 : Scarlett, si possible, Seuil ; réédition Points-Seuil, 1997
  • 1990 : Les hommes cruels ne courent pas les rues, Seuil ; réédition Points-Seuil, 1997
  • 1993 : Vu de l’extérieur, Seuil ; réédition Points-Seuil, 1995
  • 1994 : Une si belle image, Seuil ; réédition Points-Seuil, 1995
  • 1998 : Encore une danse, Fayard ; réédition Livre de poche, 1999
  • 1999 : J’étais là avant, Albin Michel
  • 2001 : Et monter lentement dans un immense amour…, Albin Michel
  • 2002 : Un homme à distance, Albin Michel
  • 2003 : Embrassez-moi, Albin Michel
  • 2006 : Les Yeux jaunes des crocodiles, Albin Michel (prix Maison de la Presse 2006)
  • 2008 : La Valse lente des tortues, Albin Michel
  • 2010 : Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi, Albin MichelL-interview-des-internautes-Pancol-vous-emballe-! reference

Œuvres

 

Outre ses romans, Katherine Pancol a écrit des scénarios pour la télévision. "Lili petit à petit" (avec Joëlle Goron) pour Canal+, et "Bonne fête papa" (avec Michèle Fitoussi) pour M6.

Elle a aussi publié une longue préface à "New York retrouvé" paru chez Ramsey en 1995.

Ventes

Katherine Pancol fait partie des trois auteurs les plus vendus en 2012. En 2011, elle se positionnait déjà à la troisième place du classement du Figaro avec 1 213 000 exemplaires vendus.

Au premier semestre 2010, elle est selon le cabinet GFK, en tête des ventes des auteurs français devant Marc Levy, Guillaume Musso et Anna Gavalda.

Les yeux jaunes des crocodiles, publié en 2006 a été vendu à plus d’un million d’exemplaires, ce roman a remporté le prix Maison de la Presse en 2006. En 2007, les éditions Gorodets Publishing ont attribué le prix de meilleur auteur 2007 à la romancière. Les Yeux jaunes des crocodiles a été traduit en russe, chinois, ukrainien, italien, polonais, coréen, vietnamien, néerlandais et en allemand.

Réception critique

L'œuvre de Katherine Pancol bénéficie d'un accueil critique très contrasté.

Critiques positives

François Nourissier, de l’Académie Goncourt, saluait dans Le Point : « un ton juste et déchirant. Une vraie invention langagière, un modernisme et une trépidation entraînants. Américanismes, liberté amoureuse, sentimentalité rigolote et délurée, tout y est ».

Le Magazine littéraire : « Katherine Pancol est une des romancières les plus aiguës, les plus talentueuses de sa génération. »

Ou encore Éric Neuhoff dans le Figaro : « Les personnages de Mademoiselle Pancol sont absolument modernes. Leur siècle leur colle à la peau. Qu'elles soient caissière dans un supermarché ou délurées en mini-jupe, elles ont oublié les critères, les clichés. Ce sont des terreurs, des samouraïs. Prêtes à tout. »

Dans une grande enquête parue dans Livres-Hebdo sur le phénomène Pancol, on peut lire encore : « On est là dans un phénomène de livres qui fédère un très vaste public. C'est formidable mais en tant que professionnelle, ça me perturbe, je perds tous mes repères » avoue une libraire.

Les journalistes critiques mettent principalement en avant la « légèreté » de ses ouvrages, (Nelly Kapriélian dans Les Inrockuptibles, Arnaud Viviant sur France Inter, Philippe Lançon dans Libération, François Busnel dans France-Soir). L’écrivain Patrick Besson dans Le Point se moque des titres choisis et lui en suggère de nouveaux (Les haricots ne cuisent pas tout seuls dans la casserole, entre autres propositions).

Dans Les Inrocks, on peut lire « Pancol veut nous faire gober qu’elle jongle avec les mots tout ça parce qu’elle connaît tous les noms des animaux de tous les pays »23.

Le Monde décrit Les Écureuils de Central Park sont tristes le lundi comme un « livre facile à lire et facile à oublier »[réf. nécessaire].

Dans Le Masque et la Plume, Arnaud Viviant dit y voir la « définition exacte du livre de plage : un objet facile à suivre, un peu volumineux et que l’on peut écorner, tacher ou perdre sans trop de problème ».

Conflit d'opinions que Livres-Hebdo résume en titrant un article sur : « Le "K" Pancol ». Ou Frédéric Launay dans Autrement dit : « si ses romans étaient signés par une Américaine... ce serait un autre regard qu'on porterait sur elle. C'est une conteuse hors pair qui sait comme personne trousser une histoires, des histoires, la vie quoi... »

Critiques négatives

La « légèreté » de ses ouvrages est représentée de manière négative (Patrick Besson dans Le Point, Nelly Kaprièlian dans Les Inrockuptibles Le Monde, Olivia de Lamberterie pour le magazine Elle28[réf. insuffisante], Arnaud Viviant sur France Inter, Philippe Lançon dans Libération, Fluctuat.net, François Busnel sur France-Soir).

L’auteur se défend en disant qu’elle « [a] été journaliste » et qu’elle « sai[t] comment ça fonctionne ».

Lien externe

  • Site officiel de Katherine Pancol, incluant son blog.
  •  
  •  Pierre LESCURE 
  •  

    Pierre Lescure1 est un journaliste et homme d'affaires français, né à Paris le 2 juillet 1945 et élevé à Choisy-le-Roi. Il est le petit-fils de Pierre de Lescure, cofondateur avec Vercors des Éditions de Minuit.


    Biographie

     

  • Pierre Lescure s'oriente dans la voie de son père, François Lescure, journaliste à L'Humanité et de sa mère également journaliste, en intégrant le Centre de formation des journalistes (CFJ).

    De 1965 à 1968, il travaille comme reporter et présentateur pour la radio RTL, puis il est responsable de plusieurs émissions pour RMC de 1968 à 19722.

    Il débute à la télévision en 1972 sur la deuxième chaîne de l'ORTF, où il présente le journal télévisé de la nuit, puis le 20 heures.

    En 1974, il est rédacteur en chef-adjoint d'Europe 1, puis directeur des programmes de RMC en 1979.

    En 1981, il crée sur Antenne 2 l'émission Les Enfants du rock, puis est nommé directeur de la rédaction de la chaîne.

    En 1983, il rejoint André Rousselet pour préparer le lancement en 1984 de la nouvelle chaîne payante Canal+. Il en devient ensuite directeur, puis directeur général en 1986, et enfin président directeur général du groupe Canal+ en 1994 malgré la montée en puissance de la Générale des Eaux dans la chaîne et l'éviction d'André Rousselet (1994-2002). En 1994, il devient également président du PSG2.

    Il participe à la chaîne du câble Canal Jimmy et anime l'émission les Chroniques Bakeline. Il est débarqué de Canal Plus par son PDG Jean-Marie Messier en avril 2002 après avoir été co-directeur général de Vivendi Universal (2000-2002). Le montant de ses indemnités de départ est de 2,9 millions d’euros.

    Le 21 avril 2008, il est nommé producteur et directeur des opérations du théâtre Marigny où il succède à Robert Hossein, directeur depuis 2000. Le bail de ce théâtre a été confié par la Mairie de Paris à François Pinault à la fin de 20113.

    Le 26 mai 2008, il est mis en examen pour "faux et usage de faux" dans le cadre d'une enquête sur des "parachutes dorés" pour près de 60 millions d'euros consentis avant qu'il ne quitte Canal+. Il est soupçonné d'avoir négocié avec une quinzaine de cadres de la chaîne des primes de départ sous forme d'avenant à leur contrat en cas de départ4. La chaîne avait porté plainte en septembre 2003. Pierre Lescure a bénéficié d'un non-lieu, le parquet ayant considéré que « les conditions d'attribution de ces primes de départ n'étaient pas susceptibles de constituer un délit »5.

    Il est encore aujourd'hui impliqué dans les médias. Après avoir animé Ça balance à Paris sur Paris Première, il anime, à partir de novembre 2010 Lescure : tôt ou tard. Depuis août 2010, il aide les candidats avec Laurence Boccolini dans le jeu Le Carré magique présenté par Nagui de 9h30 à 11h sur Europe 1. Le 29 août 2011 il rejoint l'équipe de Laurent Ruquier dans l'émission On va s'gêner6.

    Il est également un homme d'affaire qui assume des responsabilités dans plusieurs grands groupes. Il a été membre du conseil de surveillance de la société Le Monde7, administrateur de Thomson SA (devenu Technicolor) (2002-2010)7 et demeure membre du « collège des personnes qualifiées » de la Fondation Technicolor pour le patrimoine du cinéma. Il est administrateur de Havas (mandat arrivant à échéance en 2013)3. Il est membre du conseil de surveillance du groupe jusqu’en 2014, et à ce titre nommé au « comité des nominations et des rémunérations », organe non-exécutif ayant pour mission de veiller au bon fonctionnement d’une entreprise et d’en rendre compte aux actionnaires. Il est encore administrateur de SA Chabalier & Associates Press Agency7 et président de la SAS AnnaRose Productions7. Il est enfin Administrateur de Kudelski3

    En 2012, il publie, en collaboration avec la journaliste Sabrina Champenois, un livre de mémoires intitulé In the baba chez Grasset.

    Il est nommé en mai 2012 à la tête de la commission qui doit mener la concertation sur l'avenir de la Hadopi et les moyens de concilier rémunérations du monde de la Culture et pratiques numériques des français3. La nomination d'une personne proche des milieux du cinéma et de la télévision a été critiquée par certains commentateurs3, soulignant le conflit d'intérê.

    La remise de son rapport à François Hollande le 13 mai 2013 sur une liseuse, qu'il présente comme made in France de marque canadienne appartenant à un conglomérat japonais fait débat.

    Le fait qu'il ait aménagé le départ de Denis Olivennes de la direction de Canal+ en 2000 n'arrange rien. Denis Olivennes a dirigé la rédaction du rapport Olivennes qui est à l'origine de la loi HADOPI. Denis Olivennes était le bras droit de Pierre Lescure à Canal+. Ils siègent tous les deux au conseil de surveillance du groupe Lagardère. Mediapart souligne que dans une entrevue avec le Nouvel Observateur, Pierre Lescure affirme vouloir préparer les enjeux de la télévision connectée ; Pierre Lescure est administrateur de la société Havas, dont le patron, Vincent Bolloré a de grandes ambitions dans le domaine des médias, et accroît régulièrement ses parts dans le groupe Vivendi-Universal. Pierre Lescure est administrateur du groupe suisse Nagra, qui a mis au point les décodeurs Canal+. Dans son dernier rapport annuel, le groupe Nagra-Kudelski indique que « parmi les opportunités de développement identifiées, le Groupe Kudelski a pris la décision d’investir de façon sélective dans les deux secteurs que sont la cybersécurité et la valorisation de la propriété intellectuelle ».

    Le mardi 13 novembre 2012, il présente le premier numéro de Master classe, sa nouvelle émission sur France 4, devant un parterre de 250 jeunes.

    Qu’importe puisque tout sourit à l’hédoniste. Même l’amour vient à lui. Ce sont les passages pudiques et touchants du livre.AVT Katherine-Pancol 6887 La journaliste Katherine Pancol, pas encore l’auteur de best-sellers, fait sa cour. "Je vivais avec quelqu’un à l’époque, mais Pierre me plaisait, raconte-t-elle. Il avait beaucoup de charme et c’était les années 1970 : on mettait peu de temps à s’embrasser." C’est lui qui résiste, trop peu sûr de lui, avant de partager huit années de bonheur. C’est elle qui le perdra quand Deneuve débarque dans la vie de Lescure. "On a cohabité comme ça, lui dans son histoire et moi qui ignorais les coups de téléphone à 3 heures du matin. Jusqu’à ce que je me lasse." "J’ai été foudroyé, avoue-t-il. Avec Catherine, nous ne nous sommes jamais affichés, mais nous avons vécu ensemble de 1983 à 1991." L’idée d’être le compagnon de la star du cinéma français a longtemps sidéré l’amoureux transi, tétanisé d’apparaître à côté d’elle. Il ne l’a jamais embrassée en public, a entendu les médisances : "Elle ne peut quand même pas être avec ce type, elle qui a été avec Mastroianni!" L’homme est au faîte, pourtant : numéro deux d’un Canal + à succès, et tout à son plaisir. Bientôt, il faudra prendre la succession du président
  • Bibliographie de Katherine Pancol

    Les Ecureuils de Central Park sont tristes le lundi

    Couv___cureuils_siteAux Editions Albin Michel : "Les Ecureuils de Central Park sont tristes le lundi" - avril 2010

    Souvent la vie s’amuse.
    Elle nous offre un diamant, caché sous un ticket de métro ou le tombé d’un rideau. Embusqué dans un mot, un regard, un sourire un peu nigaud.
    Il faut faire attention aux détails. Ils sèment notre vie de petits cailloux et nous guident. Les gens brutaux, les gens pressés, ceux qui portent des gants de boxe ou font gicler le gravier, ignorent les détails. Ils veulent du lourd, de l’imposant, du clinquant, ils ne veulent pas perdre une minute à se baisser pour un sou, une paille, la main d’un homme tremblant.
    Mais si on se penche, si on arrête le temps, on découvre des diamants dans une main tendue… Et la vie n’est plus jamais triste. Ni le samedi, ni le dimanche, ni le lundi…

     

     

    Après l’extraordinaire succès des Yeux jaunes des crocodiles et de la Valse lente des tortues, une suite très attendue.

    864 pages - ISBN : 9782226208316- Prix : 23.90 €

    Lire la suite...
     

    La valse lente des tortues

    katherine_pancol_la_valse_lente_des_tortAux Editions Albin Michel : "La valse lente des tortues" - mars 2008

    Ce livre est une bourrasque de vie...
    Un baiser brûlant du seul qu’on ne doit pas embrasser…
    Deux bras qui enlacent ou qui tuent…
    Un homme inquiétant, mais si charmant…
    Une femme qui tremble et espère ardemment...
    Un homme qui ment si savamment…
    Une femme qui croit mener la danse, mais passe son tour…

    Lire la suite...
     

    Les Yeux jaunes des crocodiles

    yeux%20jaunes%20am%20petite.jpgAux Editions Albin Michel : " Les Yeux jaunes des crocodiles" - mars 2006

    Ce roman se passe à Paris. Et pourtant on y croise des crocodiles.
    Ce roman parle des hommes. Et des femmes. Celles que nous sommes, celles que nous voudrions être, celles que nous ne serons jamais, celles que nous deviendrons peut-être.
    Lire la suite...
     

    Embrassez-moi

    embrassez%20am.jpgAux Editions Albin Michel : " Embrassez-moi" - octobre 2003

    C'est à New York aujourd'hui.
    C'est à Rochester dans les années 80.
    C'est à Hollywood...
    C'est à Paris...
    C'est en Tchéquie avant et après la chute du Mur...
    Lire la suite...
     

    Un homme à distance

    un%20homme.jpgAux Editions Albin Michel : " Un homme à distance" - avril 2001.

    Elle s'appelle Kay. Elle est libraire à Fécamp. Elle vit seule, enfermée dans un mystère, une solitude organisée, une ancienne blessure qu'on sent affleurer mais à laquelle personne n'ose faire allusion. Un jour, elle reçoit une lettre signée Jonathan Shields, un Américain de passage en France qui lui réclame un livre... Entre Kay et Jonathan s'ensuit un échange de lettres. Le ton est d'abord officiel, littéraire, puis il change et devient de plus en plus personnel.
    Lire la suite...
     

    J'étais là avant

    j%20etais.jpgAux Editions Albin Michel : " J'étais là avant " - avril 1999.

    Elle est libre. Elle offre son corps sans façons. Et pourtant, à chaque histoire d'amour, elle s'affole et s'enfuit toujours la première. Lui est ardent, entier, généreux. Ces deux-là vont s'aimer. Il y a des jours, il y a des nuits. Le bonheur suffocant. Le plaisir. Le doute. L'attente. Mais en eux, des ombres se lèvent et murmurent : " J'étais là avant ".
    Lire la suite...
     

    Et monter lentement dans un immense amour...

    et%20monter.jpgAux Editions Albin Michel : " Et monter lentement dans un immense amour.. " - avril 2001

    « C'est beau un homme de dos qui attend une femme. C'est fier comme un héros qui, ayant tout donné, n'attend plus qu'un seul geste pour se retourner. »
    Lire la suite...
     

    Encore une danse

    Encore une danseAux Editions Fayard : " Encore une danse " janvier 1998 - Livre de poche, 1999

    Clara, Joséphine, Lucille, Agnès, Philippe et Rapha ont grandi ensemble, habité le même immeuble, sont allés dans les mêmes écoles et ne se sont jamais quittés. Adultes, ils ont pris des tournants différents. Pourtant leur amitié a résisté au temps, à la réussite des uns, aux échecs des autres. Ils se retrouvent comme avant, même si leur " musique ", parfois, émet des fausses notes.
    Lire la suite...
     

    Une si belle image

    Une si belle image

    Aux Editions du Seuil : " Une si belle image " en 1994 Points-Seuil, 1995

    Toute sa vie, Jackie Bouvier Kennedy Onassis s'est cachée derrière sa propre image. Parfaite, trop parfaite. Katherine Pancol a voulu savoir ce qui se cachait derrière les apparences.

    En dépouillant l'énorme documentation consacrée à Jackie - biographies, Mémoires, témoignages, confidences -, en plaçant les faits dans une perspective nouvelle, elle a découvert une femme moderne, fragile, indomptable. Bref, un vrai personnage de roman.
     

    Vu de l'extérieur

    Vu de l'exterieur

    Aux Editions du Seuil : " Vu de l'extérieur " en 1993 - Points-Seuil, 1995

    Le couple, au bout d'un moment, c'est montrer aux autres que tout va bien. Une carte d'identité du bonheur à exhiber pour faire râler tous ceux qui ne baisent plus, qui s'engueulent, qui ne paient plus les traites. " Mais un jour Doudou s'en va. Elle abandonne son mari, ses enfants, son joli pavillon…

    Chacun à tour de rôle donne sa version de l'histoire. Mais qui est Doudou ? Un beau roman sur le désamour et l'abandon, traversé d'énormes éclats de rires où Katherine Pancol nous rappelle que, dans la vie, ce sont les enfants qui ont le dernier mot.
     

    Les hommes cruels ne courent pas les rues

    Les hommes cruels ne courent pas les rues

    Aux Editions du Seuil : "Les hommes cruels ne courent pas les rues" en 1990 Points-Seuil, 1997

    Un roman d'amour et d'humour sur l'idéal masculin.

    " Un ton juste et déchirant. Une vraie invention langagière, un modernisme et une trépidation entraînants. Américanismes, liberté amoureuse, sentimentalité rigolote et délurée, tout y est. "

    François Nourissier, de l'académie Goncourt, Le Point
     

    Scarlett, si possible

    Scarlett, si possible

    Aux Editions du Seuil : " Scarlett, si possible " en 1985 - Points-Seuil, 1997

    Juillet 68 : trois amies, Bénédicte, Martine et Juliette, quittent leur province natale pour conquérir le monde. Pleines de rêves et d'ambitions, elles découvrent brutalement qu'il n'a rien d'un décor de conte de fées.

    Mais, pour réussir, ces jeunes filles, résolument contemporaines, sont prêtes à tout… Roman d'apprentissage où se bousculent les appétits et les déboires de toute une génération, " Scarlett, si possible " est le reflet d'une jeunesse pour qui rien n'est inaccessible.
     

    La barbare

    La barbare

    Editions du Seuil : " La Barbare " - en 1981 Points-Seuil, 1995

    Anne, jeune et jolie femme de vingt et un ans, mariée par sa mère à un brillant polytechnicien, est l'image même du bonheur. Du moins, semble-t-il.

    Car tout à coup, à Casablanca, surgit Serge. L'amour fou abolira toutes les conventions. Et la passion, implacable, décidera du destin d'Anne, une Barbare terriblement moderne qui ne supporte pas qu'on lui dise " Je t'aime "
     

    Moi d'abord

    Moi d'abordEditions du Seuil : " Moi d'abord " en 1979 - Points-Seuil, 1998

    Sophie aime Antoine. Antoine aime Sophie. Mais Sophie, heureuse dans les bras d'Antoine, refuse de n'être que le reflet charmant que lui renvoie la glace.

    Elle veut exister, être vraie, être elle-même. Pas si facile quand on a appris à vivre selon des recettes de bonheur… Comment accepter ses contradictions ? Où trouver la clé du bonheur ? " Moi d'abord " : tout ce que vous vouliez savoir sur la tendresse ravageuse des jeunes filles d'aujourd'hui !
     
     
    Un article du Télé-Moustique 
    Pancol043Pancol042cPancol041
Partager cet article
Repost0
28 janvier 2016 4 28 /01 /janvier /2016 09:22
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie

Honoré de Balzac, né Honoré Balzac à Tours le 20 mai 1799 (1er prairial an VII du calendrier républicain), et mort à Paris le 18 août 1850 (à 51 ans), est un écrivain français. Romancier, dramaturge, critique littéraire, critique d'art, essayiste, journaliste et imprimeur, il a laissé l'une des plus imposantes œuvres romanesques de la littérature française, avec plus de quatre-vingt-dix romans et nouvelles parus de 1829 à 1855, réunis sous le titre La Comédie humaine. À cela s'ajoutent Les Cent Contes drolatiques, ainsi que des romans de jeunesse publiés sous des pseudonymes et quelque vingt-cinq œuvres ébauchées.

 

Il est un maître du roman français, dont il a abordé plusieurs genres, du roman philosophique avec Le Chef-d'œuvre inconnu au roman fantastique avec La Peau de chagrin ou encore au roman poétique avec Le Lys dans la vallée. Il a surtout excellé dans la veine du réalisme, avec notamment Le Père Goriot et Eugénie Grandet, mais il s'agit d'un réalisme visionnaire, que transcende la puissance de son imagination créatrice.

Comme il l'explique dans son Avant-Propos à La Comédie humaine, il a pour projet d'identifier les « Espèces sociales » de son époque, tout comme Buffon avait identifié les espèces zoologiques. Ayant découvert par ses lectures de Walter Scott que le roman pouvait atteindre à une « valeur philosophique », il veut explorer les différentes classes sociales et les individus qui les composent, afin « d'écrire l’histoire oubliée par tant d’historiens, celle des mœurs » et « faire concurrence à l'état civil ».

 

L'auteur décrit la montée du capitalisme et l'absorption par la bourgeoisie d'une noblesse incapable de s'adapter aux réalités nouvelles. Intéressé par les êtres qui ont un destin, il crée des personnages plus grands que nature, au point qu'on a pu dire que, dans ses romans, « chacun, même les portières, a du génie ».

 

Ses opinions politiques sont ambiguës : s’il affiche des convictions légitimistes en pleine Monarchie de Juillet, il s’est auparavant déclaré libéral, et défendra les ouvriers en 1840 et en 1848, même s'il ne leur accorde aucune place dans ses romans. Tout en professant des idées conservatrices, il a produit une œuvre admirée par Marx et Engels, et qui invite par certains aspects à l'anarchisme et à la révolte.

 

Outre sa production littéraire, il écrit des articles dans les journaux et dirige successivement deux revues, qui feront faillite. Convaincu de la haute mission de l'écrivain, qui doit régner par la pensée, il lutte pour le respect des droits d'auteur et contribue à la fondation de la Société des gens de lettres.

 

Travailleur forcené, fragilisant par ses excès une santé précaire, endetté à la suite d'investissements hasardeux et de dépenses somptuaires, fuyant ses créanciers sous de faux noms dans différentes demeures, Balzac a aussi eu de nombreuses liaisons féminines avant d'épouser, en 1850, la comtesse Hańska, qu'il avait courtisée pendant dix-sept ans. Comme l’argent qu’il gagnait avec sa plume ne suffisait pas à payer ses dettes, il avait sans cesse en tête des projets mirobolants : une imprimerie, un journal, une mine d'argent. C’est dans un palais situé rue Fortunée qu’il meurt profondément endetté au milieu d’un luxe inouï.

 

Lu et admiré dans toute l'Europe, Balzac a fortement influencé les écrivains de son temps et du siècle suivant. Le roman L'Éducation sentimentale de Gustave Flaubert est directement inspiré du Lys dans la vallée, et Madame Bovary, de La Femme de trente ans. Le principe du retour de personnages évoluant et se transformant au sein d'un vaste cycle romanesque a notamment inspiré Émile Zola et Marcel Proust. Ses œuvres continuent d'être rééditées. Le cinéma a adapté La Marâtre dès 1906 ; depuis, les adaptations cinématographiques et télévisuelles de cette œuvre immense se sont multipliées, avec plus d'une centaine de films et téléfilms produits à travers le monde.

Sommaire

Biographie

Enfance et années de formation
Paysage d'hiver, arbres partiellement dénudés, avec une église gothique, chœur avec arcs-boutants toit en ardoise, surmontée d'une flèche pointue recouverte aussi d'ardoises, et un clocher conique en pierre ; au premier plan un bassin d'eau verte
 
La Trinité et le clocher St Martin de Vendôme.

Honoré de Balzac est le fils de Bernard-François Balssa, secrétaire au conseil du Roi, directeur des vivres, maire adjoint et administrateur de l’hospice de Tours, et d'Anne-Charlotte-Laure Sallambier, issue d'une famille de passementiers du Marais. Bernard-François Balssa transforma le nom originel de la famille en Balzac, par une démarche faite à Paris entre 1771 et 1783, soit avant la Révolution. Bernard-François avait trente-deux ans de plus que sa femme, qu'il a épousée en 1797, alors qu'elle n'avait que 18 ans. Il est athée et voltairien, tandis qu'elle est décrite comme « une mère mondaine et amorale », qui s'intéresse aux magnétiseurs et aux illuministes.

 

Né le 20 mai 1799, Honoré est mis en nourrice immédiatement et ne regagnera la maison familiale qu'au début de 1803. Cet épisode de la première enfance lui donnera le sentiment d'avoir été délaissé par sa mère, tout comme le sera le personnage de Félix de Vandenesse, son « double » du Lys dans la vallée. Il est l’aîné des quatre enfants du couple (Laure, Laurence et Henry). Sa sœur Laure, de seize mois sa cadette, est de loin sa préférée : il y a entre eux une complicité et une affection réciproque qui ne se démentiront jamais. Elle lui apportera son soutien à de nombreuses reprises : elle écrit avec lui, et publiera la biographie de son frère en 1858.

 

De 1807 à 1813, Honoré est pensionnaire au collège des oratoriens de Vendôme. Au cours des six ans qu'il y passe, sans jamais rentrer chez lui, même pour les vacances, le jeune Balzac dévore des livres de tout genre : la lecture était devenue pour lui « une espèce de faim que rien ne pouvait assouvir [...] son œil embrassait sept à huit lignes d'un coup et son esprit en appréciait le sens avec une vélocité pareille à celle de son esprit. » Cependant, ces lectures, qui meublent son esprit et développent son imagination, ont pour effet d'induire chez lui une espèce de coma dû à « une congestion d'idées ». La situation s'aggrave au point que, en avril 1813, les oratoriens s'inquiètent pour sa santé et le renvoient dans sa famille, fortement amaigri.

 

De juillet à novembre 1814, il est externe au collège de Tours. Son père ayant été nommé directeur des vivres pour la Première division militaire, la famille déménage à Paris et s’installe au 40, rue du Temple, dans le quartier du Marais. L'adolescent est admis comme interne à la pension Lepître, située rue de Turenne à Paris, puis en 1815 à l’institution de l’abbé Ganser, rue de Thorigny. Les élèves de ces deux institutions suivent en fait les cours du lycée Charlemagne, où se trouve aussi Jules Michelet, dont les résultats scolaires sont toutefois plus brillants que les siens.

 

Le 4 novembre 1816, le jeune Balzac s’inscrit en droit. En même temps, il prend des leçons particulières et suit des cours à la Sorbonne. Il fréquente aussi le Muséum d'Histoire naturelle, où il s'intéresse aux théories de Cuvier et de Geoffroy Saint-Hilaire.

 

Son père tenant à ce qu'il associe la pratique à la théorie, Honoré doit, en plus de ses études, travailler chez un avoué, ami de la famille, Jean-Baptiste Guillonnet-Merville, homme cultivé qui avait le goût des lettres. Il exerce le métier de clerc de notaire dans cette étude où Jules Janin était déjà « saute-ruisseau». Il utilisera cette expérience pour restituer l’ambiance chahuteuse d’une étude d’avoué dans Le Colonel Chabert et créer les personnages de Maître Derville et d'Oscar Husson dans Un début dans la vie. Une plaque, rue du Temple à Paris, atteste son passage chez cet avoué, dans un immeuble du quartier du Marais. En même temps, il dévore, résume et compare quantité d'ouvrages de philosophie, signe de ses préoccupations métaphysiques et de sa volonté de comprendre le monde. Il passe avec succès le premier examen du baccalauréat en droit le 4 janvier 1819, mais ne se présentera pas au deuxième examen et ne poursuivra pas jusqu'à la licence.

L'écrivain débutant
Article détaillé : Œuvres de jeunesse de Balzac.
Dessin représentant un homme jeune en chemise blanche, col ouvert, cheveux noirs hirsutes
 
Portrait d’Honoré de Balzac vers 1825, attribué à Achille Devéria.

 

Son père alors âgé de 73 ans ayant été mis à la retraite, la famille n'a plus les moyens de vivre à Paris et déménage à Villeparisis. Le jeune Balzac ne veut pas quitter Paris et dit vouloir se consacrer à la littérature. Ses parents le logent alors, en août 1819, dans une mansarde, au 9, rue de Lesdiguières, et lui laissent deux ans pour écrire. Balzac rappellera dans Illusions perdues cette période de sa vie. Dans Facino Cane, il mentionne même le nom de la rue et évoque le plaisir qu'il prenait à s'imaginer la vie des autres :

« En entendant ces gens, je pouvais épouser leur vie, je me sentais leurs guenilles sur le dos, je marchais les pieds dans leurs souliers percés ; leurs désirs, leurs besoins, tout passait dans mon âme, ou mon âme passait dans la leur. C’était le rêve d’un homme éveillé. Je m’échauffais avec eux contre les chefs d’atelier qui les tyrannisaient, ou contre les mauvaises pratiques qui les faisaient revenir plusieurs fois sans les payer. Quitter ses habitudes, devenir un autre que soi par l’ivresse des facultés morales, et jouer ce jeu à volonté, telle était ma distraction. À quoi dois-je ce don ? Est-ce une seconde vue ? est-ce une de ces qualités dont l’abus mènerait à la folie ? Je n’ai jamais recherché les causes de cette puissance ; je la possède et m’en sers, voilà tout. »

 

Il travaille à un projet de Discours sur l'immortalité de l'âme, lit Malebranche, Descartes et entreprend de traduire Spinoza du latin au français. En même temps, il se lance en littérature et, prenant son inspiration dans un personnage de Shakespeare, rédige une tragédie de 1 906 alexandrins, Cromwell (1820). Lorsqu'il présente cette pièce à ses proches, l'accueil se révèle décevant. Consulté, l'académicien François Andrieux le décourage de poursuivre dans cette voie.

 

Le jeune homme s’oriente alors vers le roman historique dans la veine de Walter Scott, dont la traduction d'Ivanhoé, parue en avril 1820, rencontre en France un immense succès. Sous le titre Œuvres de l'abbé Savonati, il réunit d'abord deux textes, Agathise (entièrement disparu) et Falthurne, récit « dont l'action se situait dans l'Italie vers le temps de Canossa (...), attribué à un abbé imaginaire, Savonati, et « traduit » de l'italien par M. Matricante, instituteur primaire. » Dans un autre texte, Corsino, il imagine un jeune Provençal, nommé Nehoro (anagramme d'Honoré) qui rencontre dans un château écossais un Italien avec lequel il discute de métaphysique. Ces ébauches sont vite abandonnées et ne seront pas publiées de son vivant. Il en va de même de Sténie ou les Erreurs philosophiques, un roman par lettres esquissé l'année précédente et qui s'inspire de La Nouvelle Héloïse

 
Outre Walter Scott, il lit les romans gothiques de l'Irlandais Charles Robert Maturin dont il s'inspire dans La Dernière fée (1823).

 

En 1821, Balzac s'associe avec Étienne Arago et Lepoitevin pour produire ce qu'il appelle lui-même de « petites opérations de littérature marchande ». Soucieux de ne pas salir son nom par une production qu'il qualifie lui-même de « cochonneries littéraires », il publie sous le pseudonyme de Lord R’hoone (autre anagramme d'Honoré). Parmi ces œuvres, on compte notamment : L'Héritière de Birague, Clotilde de Lusignan, Le Vicaire des Ardennes (interdit et saisi, mais c'est le seul roman de cette époque qui ait échappé à l'échec commercial) et Jean-Louis. Ces ouvrages en petit format in-12 rencontrent un certain public dans les cabinets de lecture, si bien que l'auteur croit avoir trouvé un filon productif. Dans une lettre à sa sœur Laure, datée de juillet 1821, il se fait fort de produire un roman par mois : « Dans peu, Lord R'hoone sera l'homme à la mode, l'auteur le plus fécond, le plus aimable, et les dames l'aimeront comme la prunelle de leurs yeux, et le reste ; et alors, le petit brisquet d'Honoré arrivera en équipage, la tête haute, le regard fier et le gousset plein. ». En fait, il dépasse même cet objectif, car il déclare un peu plus tard avoir écrit huit volumes en trois mois. De cette période date notamment L'Anonyme, ou, Ni père ni mère signé sous le double pseudonyme de son commanditaire A. Viellerglé Saint Alme et Auguste Le Poitevin de L'Égreville.

 

En 1822, il abandonne ce pseudonyme pour celui de Horace de Saint-Aubin. C'est celui qu'il utilise pour signer Le Centenaire ou les Deux Beringheld et Le Vicaire des Ardennes. Ce dernier ouvrage est dénoncé au Roi et saisi. En 1823, il publie Annette et le Criminel, puis La dernière Fée ou La Nouvelle Lampe merveilleuse, mais ce livre, mauvais pastiche d'un vaudeville de Scribe et d'un roman de Maturin, est « exécrable ».

 
Balzac, Clotilde de Lusignan (1822)
 
Couverture de Wann-Chlore, 1825

 

Il collabore au Feuilleton littéraire, qui cessera de paraître le 7 septembre 1824, et rédige divers ouvrages utilitaires répondant à la demande du public. Après un Code de la toilette (1824), il publie un Code des gens honnêtes dans lequel il affirme avec cynisme que tout l'état social repose sur le vol et qu'il faut donc donner aux gens honnêtes les moyens de se défendre contre les ruses des avocats, avoués et notaires24. Il travaille aussi à un Traité de la Prière et publie une Histoire impartiale des Jésuites (1824). Il rédige aussi sous pseudonyme un ouvrage sur Le Droit d'aînesse (1824), sujet qui sera chez lui un thème récurrent. Son père, qui avait mis la main sur cette brochure anonyme, s'indigna contre un « auteur arriéré » défenseur d'une institution périmée et entreprit de le réfuter, ignorant qu'il s'agissait de son fils.

 

Vers la fin de l'année 1824, en proie à une profonde crise morale et intellectuelle, Balzac abandonne la littérature commerciale et rédige le testament littéraire de Horace de Saint-Aubin, qu'il place dans la postface de Wann-Chlore ou Jane la Pâle. Il se moquera plus tard des intrigues sommaires et dépourvues de style des romans de cette époque, et en fera un pastiche désopilant dans un long passage de La Muse du département. Il se met alors à la rédaction de L'Excommunié, roman de transition achevé par une main étrangère et qui ne sera publié qu'en 1837. Cet ouvrage consomme sa rupture avec la littérature facile et sera le premier jalon d'un cycle de romans historiques. Féru d'histoire, Balzac aura alors l'idée de présenter l'histoire de France sous une forme romanesque, ce qui donnera notamment Sur Catherine de Médicis. Il s'essaie aussi une nouvelle fois au théâtre, avec Le Nègre, un sombre mélo, tout en étant conscient de gaspiller son génie et esquisse un poème en vers qui n'aboutira pas : Fœdora.

 

En dépit de leurs défauts, ces œuvres de jeunesse, publiées de 1822 à 1827, contiennent selon André Maurois les germes de ses futurs romans : « Il sera un génie malgré lui ». Balzac, toutefois, les désavoue et les proscrira de l’édition de ses œuvres complètes8, tout en les republiant en 1837 sous le titre Œuvres complètes de Horace de Saint-Aubin, et en faisant compléter certains ouvrages par des collaborateurs, notamment le comte de Belloy et le comte de Grammont. Pour mieux brouiller les pistes et couper tout lien avec son pseudonyme, il chargera Jules Sandeau de rédiger un ouvrage intitulé Vie et malheurs de Horace de Saint-Aubin.

 

Désespérant de devenir riche avec une littérature alimentaire qu'il méprise, il décide de se lancer dans les affaires et devient libraire-éditeur. Le 19 avril 1825, il s’associe à Urbain Canel et Delongchamps pour publier des éditions illustrées de Molière et de La Fontaine. Il acquiert aussi une partie du matériel de l'ancienne fonderie Gillé & Fils et fonde une imprimerie. Toutefois, les livres ne se vendent pas aussi bien qu'il le souhaitait et la faillite menace. Lâché par ses associés, Balzac se retrouve, le 1er mai 1826, avec une énorme dette. Au lieu de jeter l'éponge, il pousse plus loin l'intégration verticale et décide, le 15 août 1827, de créer une fonderie de caractères avec le typographe André Barbier. Cette affaire se révèle également un échec financier. Au 16 avril 1827, il croule sous une dette dont le chiffre varie selon les sources de 53 619 francs, à 60 000 francs de l'époque.

Vers une nouvelle forme de roman
Couverture en noir et blanc d'un livre sans illustration sur lequel est écrit : Le dernier chouan ou la Bretagne en 1800, par Honoré de Balzac.
 
Couverture de la première édition des Chouans. 1829. (Source « Gallica »).
Portrait peint d'une femme aux cheveux bruns, longs et bouclés, elle porte une étole blanche sur une chemise blanche en croisant les bras.
 
Fortunée Hamelin, une merveilleuse dont Balzac fréquentait le salon. Portrait par Andrea Appiani (1798).
Couverture d'un livre en noir et blanc portant le titre Œuvres complètes de Walter Scott et illustré par un soldat du XIXe siècle assis
 
Couverture d'une traduction des Œuvres complètes de Walter Scott. 1826. (Source : « Gallica »).

 

Passionné par les idées et les théories explicatives, Balzac s'intéresse aux écrits de Swedenborg, ainsi qu'au martinisme et aux sciences occultes. Convaincu de la puissance de la volonté, il croit que l'homme « a le pouvoir d'agir sur sa propre force vitale et de la projeter hors de soi-même, pratiquant occasionnellement le magnétisme curatif, comme sa mère, par l'imposition des mains ». Il connaît par expérience la force que recèle le roman, mais ne voit pas encore celui-ci comme un outil de transformation sociale. Ainsi écrit-il dans une préface : « Ah ! si j'étais une fois conseiller d'État, comme je dirais au roi, et en face encore : « Sire, faites une bonne ordonnance qui enjoigne à tout le monde de lire des romans !...» En effet, c'est un conseil machiavélique, car c'est comme la queue du chien d'Alcibiade ; pendant qu'on lirait des romans, on ne s'occuperait pas de politique. »

 

Il perçoit maintenant les limites de Walter Scott, un modèle jadis fort admiré et à qui il rendra encore hommage dans son Avant-Propos de 1842. Comme le déclarera plus tard un de ses personnages dans un avertissement lancé à un jeune écrivain : « Si vous voulez ne pas être le singe de Walter Scott, il faut vous créer une manière différente. »

 

S'il peut envisager la possibilité de dépasser son modèle, c'est aussi parce qu'il a découvert, en 1822, L’Art de connaître les hommes par la physionomie de Lavater et qu'il en est fortement imprégné. La physiognomonie, qui se flatte de pouvoir associer « scientifiquement » des traits de caractère à des caractéristiques physiques, et qui recense quelque 6 000 types humains, devient pour lui une sorte de Bible. Cette théorie contient en effet en germe « l'esquisse d'une étude de tous les groupes sociaux ». Le romancier aura souvent recours à cette théorie pour dresser le portrait de ses personnages :

« Les lois de la physionomie sont exactes, non seulement dans leur application au caractère, mais encore relativement à la fatalité de l’existence. Il y a des physionomies prophétiques. S’il était possible, et cette statistique vivante importe à la Société, d’avoir un dessin exact de ceux qui périssent sur l’échafaud, la science de Lavater et celle de Gall prouveraient invinciblement qu’il y avait dans la tête de tous ces gens, même chez les innocents, des signes étranges. »

 

D'une vieille fille méchante et bornée, il écrit ainsi que « la forme plate de son front trahissait l'étroitesse de son esprit. » Pour un criminel : « Un trait de sa physionomie confirmait une assertion de Lavater sur les gens destinés au meurtre, il avait les dents de devant croisées. » Ailleurs, il décrit ainsi un banquier : « L’habitude des décisions rapides se voyait dans la manière dont les sourcils étaient rehaussés vers chaque lobe du front. Quoique sérieuse et serrée, la bouche annonçait une bonté cachée, une âme excellente, enfouie sous les affaires, étouffée peut-être, mais qui pouvait renaître au contact d’une femme. »

 

Après sa faillite comme éditeur, Balzac revient à l’écriture. En septembre 1828, cherchant la sérénité et la documentation nécessaires à la rédaction des Chouans, roman politico-militaire, il obtient d'être hébergé par le général Pommereul à Fougères. Il polit particulièrement cet ouvrage, car il veut le faire éditer en format in-octavo, beaucoup plus prestigieux que le format in-12 de ses livres précédents destinés aux cabinets de lecture. Le roman paraît finalement en 1829 sous le titre Le Dernier Chouan ou la Bretagne. C'est le premier de ses ouvrages à être signé « Honoré Balzac ».

 

Cette même année 1829 voit la parution de Physiologie du mariage « par un jeune célibataire ». Balzac y montre une « étonnante connaissance des femmes », qu'il doit sans doute aux confidences de ses amantes, Mme de Berny et la duchesse d'Abrantès, ainsi qu'à Fortunée Hamelin et Sophie Gay, des « merveilleuses » dont il fréquente les salons. Décrivant le mariage comme un combat, l'auteur prend le parti des femmes et défend le principe de l'égalité des sexes, alors mis de l'avant par les saint-simoniens. L'ouvrage remporte un grand succès auprès des femmes, qui s'arrachent le livre, même si certaines le trouvent choquant.

 

Balzac commence dès lors à être un auteur connu. Il est introduit au salon de Juliette Récamier, où se retrouve le gratin littéraire et artistique de l'époque. Il fréquente aussi le salon de la princesse russe Catherine Bagration, où il se lie notamment avec le duc de Fitz-James, oncle de Mme de Castries. Toutefois, ses livres ne se vendent pas assez : ses revenus ne sont pas à la hauteur de ses ambitions et de son train de vie. Il cherche alors à gagner de l'argent dans le journalisme.

 

En 1830, il écrit dans la Revue de Paris, la Revue des deux Mondes, La Mode, La Silhouette, Le Voleur, La Caricature. Il devient l'ami du patron de presse Émile de Girardin. Deux ans après la mort de son père, l'écrivain ajoute une particule à son nom lors de la publication de L'Auberge rouge, en 1831, qu'il signe de Balzac. Ses textes journalistiques sont d'une grande diversité. Certains portent sur ce qu'on appellerait aujourd'hui la politique culturelle, tels « De l'état actuel de la librairie » et « Des artistes ». Ailleurs est esquissée une « Galerie physiologique », avec « L'épicier » et « Le Charlatan ». Il écrit aussi sur les mots à la mode, la mode en littérature et esquisse une nouvelle théorie du déjeuner. Il publie en parallèle des contes fantastiques et se met à écrire sous forme de lettres des réflexions sur la politique.

 

En même temps, il travaille à La Peau de chagrin, qu'il voit comme « une véritable niaiserie en fait de littérature, mais où il a essayé de transporter quelques situations de cette vie cruelle par laquelle les hommes de génie ont passé avant d'arriver à quelque chose ». D'inspiration romantique par son intrigue, qui fait « se dérouler dans le Paris de 1830 un conte oriental des mille et une nuits », le conte explore l'opposition entre une vie fulgurante consumée par le désir, et la longévité morne que donne le renoncement à toute forme de désir. Son héros, Raphaël de Valentin, s'exprime comme l'auteur lui-même, qui veut tout : la gloire, la richesse, les femmes :

« Méconnu par les femmes, je me souviens de les avoir observées avec la sagacité de l’amour dédaigné. (...) Je voulus me venger de la société, je voulus posséder l’âme de toutes les femmes en me soumettant les intelligences, et voir tous les regards fixés sur moi quand mon nom serait prononcé par un valet à la porte d’un salon. Je m’instituai grand homme. »

 

Balzac dira plus tard de ce roman qu'il est « la clé de voûte qui relie les études de mœurs aux études philosophiques par l'anneau d’une fantaisie presque orientale où la vie elle-même est prise avec le Désir, principe de toute passion ».

 

Dans la préface de l'édition de 1831, il expose son esthétique réaliste : « L'art littéraire ayant pour objet de reproduire la nature par la pensée est le plus compliqué de tous les arts. [...] L'écrivain doit être familiarisé avec tous les effets, toutes les natures. Il est obligé d'avoir en lui je ne sais quel miroir concentrique où, suivant sa fantaisie, l'univers vient se réfléchi. » Ce livre — qu'il dédie à la Dilecta — paraîtra finalement en 1831. C'est un succès immédiat. Balzac est devenu « avec trois ouvrages, l'ambition des éditeurs, l'enfant chéri des libraires, l'auteur favori des femmes

Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Gravure d'un homme préoccupé vu de profil, il est assis sur une chaise les mains croisées posées sur ses jambes croisées.
 
Le père Goriot par Daumier (1842). Ce roman inaugure le retour des personnages.

La Peau de chagrin marque le début d'une période créative au cours de laquelle prennent forme les grandes lignes de La Comédie humaine. Les « études philosophiques », qu’il définit comme la clé permettant de comprendre l’ensemble de son œuvre, ont pour base cet ouvrage, qui sera suivi de Louis Lambert (1832), Séraphîta (1835) et La Recherche de l'absolu (1834).

 

Les Scènes de la vie privée, qui inaugurent la catégorie des « études de mœurs », commencent avec Gobseck (1830) et La Femme de trente ans (1831). La construction de « l'édifice », dont il expose le plan dès 1832 à sa famille avec un enthousiasme fébrile, se poursuit avec les scènes de la vie parisienne dont fait partie Le Colonel Chabert (1832-1835). Il aborde en même temps les scènes de la vie de province avec Le Curé de Tours (1832) et Eugénie Grandet (1833), ainsi que les scènes de la vie de campagne avec Le Médecin de campagne (1833), dans lequel il expose un système économique et social de type saint-simonien.

 

Ainsi commence « le grand dessein » qui, loin d’être une simple juxtaposition d’œuvres compilées a posteriori, se développe instinctivement au fur et à mesure de ses écrits. Il envisage le plan d'une œuvre immense, qu'il compare à une cathédrale. L’ensemble doit être organisé pour embrasser du regard toute l’époque, tous les milieux sociaux et l'évolution des destinées. Profondément influencé par les théories de Cuvier et de Geoffroy Saint-Hilaire, il part du principe qu'il existe « des Espèces Sociales comme il y a des Espèces Zoologiques » et que les premières sont beaucoup plus variées que les secondes, car « les habitudes, les vêtements, les paroles, les demeures d’un prince, d’un banquier, d’un artiste, d’un bourgeois, d’un prêtre et d’un pauvre sont entièrement dissemblables et changent au gré des civilisations. » Il en résulte que la somme romanesque qu'il envisage doit « avoir une triple forme : les hommes, les femmes et les choses, c’est-à-dire les personnes et la représentation matérielle qu’ils donnent de leur pensée ; enfin l’homme et la vie. »

 

Le Père Goriot est à la base de la  onstruction de son œuvre, car Balzac a alors l'idée du retour des personnages, qui est une caractéristique majeure de La Comédie humaine. L'œuvre n'a pu prendre corps qu'avec l'idée de ce retour. Elle est étroitement liée à l'idée d'un cycle romanesque « faisant concurrence à l’état civil ». Ainsi, un personnage qui avait joué un rôle central dans un roman peut reparaître dans un autre quelques années plus tard comme personnage secondaire, tout en étant présenté sous un nouveau jour, exactement comme, dans la vie, des gens que nous avons connus peuvent disparaître longtemps de nos relations pour ensuite refaire surface. Le roman arrive ainsi à restituer « la part de mystère qui subsiste dans chaque vie et dans tout être. Dans la vie aussi, rien ne se termine. » De même, anticipant la vogue des « préquelles », il peut présenter dans un roman la jeunesse d'une personne qu'on avait rencontrée sous les traits d'une femme mûre dans un roman précédent, telle « l'actrice Florine peinte au milieu de sa vie dans Une fille d'Ève et [que l'on retrouve] à son début dans Illusions perdues ».

 

Une fois le plan élaboré, les publications se succèdent à un rythme accéléré : Le Lys dans la vallée paraît en 1835-1836, puis Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau en 1837, suivi de La Maison Nucingen en 1838, Le Curé de village et Béatrix en 1839, Ursule Mirouët et Une ténébreuse affaire en 1841, La Rabouilleuse en 1842. La rédaction dIllusions perdues s’étend de 1837 à 1843, tandis que celle de Splendeurs et misères des courtisanes va de 1838 à 1847. Paraissent encore deux chefs-d'œuvre : La Cousine Bette 1846 et Le Cousin Pons 1847.

Le plan de l'ouvrage est constamment refait et s'allonge au fil des ans, jusqu'à compter 145 titres en 1845, dont 85 sont déjà écrits. Mais ses forces déclinent et il doit réduire son projet. Au total, La Comédie humaine comptera 90 titres publiés du vivant de l'auteur.

Une passion du détail vrai
Jeune fille au chevet d'un mourant sur un grabat dans un grenier.
 
Illustration tirée de La Cousine Bette

« Enfin, toutes les horreurs que les romanciers croient inventer sont toujours au-dessous de la vérité. »

Le Colonel Chabert

Doté du génie de l'observation, Balzac attache une grande importance à la documentation et décrit avec précision les lieux de ses intrigues, n'hésitant pas à se rendre sur place pour mieux s'imprégner de l'atmosphère, ou interrogeant des personnes originaires d'une ville qui joue un rôle dans son récit. Il a un sens aigu du détail vrai et son style devient jubilatoire dès qu'il s'agit de décrire. C'est pour cela que les personnages prennent tellement de place dans son œuvre et qu'il ne pouvait pas rivaliser avec Eugène Sue dans le roman-feuilleton. Il décrit minutieusement une rue, l'extérieur d'une maison, la topographie d'une ville, la démarche d'un personnage, les nuances de la voix et du regard. Il est à la fois scénographe, costumier et régisseur : « Balzac, par sa gestion si particulière de l'espace et du temps, a inventé l'écriture cinématographique. » Les minutieuses descriptions de l’ameublement d’une maison, d'une collection d'antiquités, des costumes des personnages jusque dans les moindres détails — passementerie, étoffes, teintes — sont celles d’un scénographe, voire d'un cinéaste. L’auteur de La Comédie humaine plante ses décors avec un soin presque maniaque, ce qui explique l’engouement des metteurs en scène pour ses textes, souvent adaptés à l’écran (voir Films basés sur l'œuvre d'Honoré de Balzac). Il accorde un même soin à décrire le fonctionnement d'une prison76, les rouages de l'administration, la mécanique judiciaire, les techniques de spéculation boursière, les plus-values que procure un monopole ou une soirée à l'opéra et les effets de la musique.

 

Par cet ensemble de romans et nouvelles, Balzac se veut un témoin de son siècle, dont il dresse un état des lieux pour les générations futures. Il s'attache à des réalités de la vie quotidienne qui étaient ignorées par les auteurs classiques. Grâce à la précision et à la richesse de ses observations, La Comédie humaine a aujourd'hui valeur de témoignage socio-historique et permet de suivre la montée de la bourgeoisie française de 1815 à 1848.

 

Pour cette raison, on a vu en lui un auteur réaliste, alors que le génie balzacien excède une catégorie réductrice que dénonçait déjà Baudelaire :

« J'ai maintes fois été étonné que la grande gloire de Balzac fût de passer pour un observateur ; il m'avait toujours semblé que son principal mérite était d'être visionnaire, et visionnaire passionné. Tous ses personnages sont doués de l'ardeur vitale dont il était animé lui-même. Depuis le sommet de l'aristocratie jusqu'aux bas-fonds de la plèbe, tous les acteurs de sa Comédie sont plus âpres à la vie, plus actifs et rusés dans la lutte, plus patients dans le malheur, plus goulus dans la jouissance, plus angéliques dans le dévouement, que la comédie du vrai monde ne nous les montre. Bref, chacun, chez Balzac, même les portières, a du génie. »

 

Baudelaire reconnaît toutefois au romancier un « goût prodigieux du détail, qui tient à une ambition immodérée de tout voir, de tout faire voir, de tout deviner, de tout faire deviner ». Nombre de critiques ont salué « une imagination débordante et d'une richesse infinie, l'imagination créatrice la plus fertile et la plus dense qui ait jamais existé depuis Shakespeare ». En poussant la précision du détail jusqu'à l'hyperbole, le réalisme balzacien devient incandescent et se transforme en vision84. Certains récits relèvent de la veine fantastique tandis que d'autres baignent dans une veine mystique et ésotérique.

 

En plus de faire un portrait de la société, Balzac veut aussi influer sur son siècle, comme il le déclare lors d'une entrevue en 1833. Il veut occuper la première place dans la littérature européenne, à la hauteur des Byron, Scott, Goethe ou Hoffmann.

Liens avec sa propre vie

L’œuvre est indissociable de sa vie, dont les vicissitudes font comprendre ce qui a nourri son « monde ». Il fascine ses contemporains par ses bagues, sa canne à pommeau d'or, sa loge à l'opéra. Il vit avec une gourmandise insatiable, un appétit « d'argent, de femmes, de gloire, de réputation, de titres, de vins et de fruits ».

 

Il a multiplié déménagements, faillites, dettes, spéculations ruineuses, amours simultanées, emprunts de faux noms, séjours dans des châteaux, que ce soit à Saché ou à Frapesle, et a fréquenté tous les milieux sociaux. L'accès à l'aisance financière —« Avoir ou n’avoir pas de rentes, telle était la question, a dit Shackspeare »— est la motivation majeure de la plupart des mariages dans ses romans —comme ce le fut pour lui. Il montre un auteur poursuivi pour n'avoir pas livré à temps un manuscrit promis à son éditeur, tout comme cela lui est arrivé à lui-même. Alors qu'il a dû se cacher longtemps dans un appartement secret pour échapper à ses créanciers, en inventant mille stratagèmes (voir ci-dessous « Rue des Batailles »), il met en scène un détective privé qui gagne sa vie en s'emparant de débiteurs insaisissables. À l'époque où, muni de l'argent que lui a confié Mme Hańska, il court les antiquaires à la recherche de tableaux et d'objets d'art pour meubler fastueusement leur demeure commune (voir ci-dessous « La Folie Beaujon ou le dernier palais », il dessine le personnage du cousin Pons, un collectionneur passionné qui « pendant ses courses à travers Paris, avait trouvé pour dix francs ce qui se paye aujourd’hui mille à douze cents francs » et avait ainsi amassé une collection exceptionnelle.

 

Par leur psychologie, plusieurs personnages sont intimement liés à la personnalité de Balzac et apparaissent comme des doubles de leur créateur. On peut voir une part de lui dans les personnages de Séraphîta, Louis Lambert, La Fille aux yeux d'or et Mémoires de deux jeunes mariées. On le reconnaît aussi dans le narrateur de Facino Cane et surtout en Lucien de Rubempré, dont la trajectoire, qui s'étend sur ses deux plus grands romans (Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes), comporte de nombreux points communs avec la sienne : même début dans la poésie, même liaison de jeune homme avec une femme mariée, même ambition littéraire, même désir de quitter la province pour percer à Paris, etc. Tout comme Lucien se donne un titre de noblesse et des armoiries, Balzac a ajouté une particule nobiliaire à son nom et a fait peindre des armoiries sur la calèche qu'il avait louée pour aller rencontrer Mme Hańska à Vienne. (Voir la section Les doubles).

Style et méthode de travail
Enfants dansant une ronde autour de deux personnages fantastiques.
 
Illustration des Contes drolatiques par Gustave Doré

Voir la section correspondante dans l'article sur La Comédie humaine.

 

Il a presque toujours plusieurs ouvrages en chantier, étant à même de puiser dans sa galerie de personnages pour les intégrer à une intrigue et répondre à la demande d'un éditeur qui lui demande une nouvelle. Décrivant la méthode de travail de Balzac, André Maurois imagine que des centaines de romans flottent sur ses pensées « comme des truites dans un vivier, le besoin venu, il en saisit un. Quelquefois, il n'y réussit pas tout de suite. [...] Si un livre vient mal, Balzac le rejette au vivier. Il passe à autre chose. » Il n'hésite pas à refondre ses textes antérieurs, changeant le titre d'un roman ou des noms de personnages, reprenant un texte d'abord publié sous forme de nouvelle pour l'intégrer dans une suite romanesque. Il élimine aussi dans l'édition définitive la division en chapitres.

 

Très doué pour le pastiche, Balzac imite facilement des écrivains et des voix particulières. Il va volontiers jusqu'à la caricature, comme pour le langage de la concierge du Cousin Pons ou le jargon du banquier Nucingen. Il inscrit dans la trame de ses romans d'innombrables analogies cachées qui en forment l'armature symbolique et contribuent à donner un accent de vérité au réci. Son style, qui a été critiqué pour des fautes de goût dans les premières années, commence à s'élever à force de travail et dénote par la suite une grande maîtrise. Il corrige inlassablement ses épreuves, exigeant parfois qu'elles soient reprises jusqu'à quinze ou seize fois, et retournant à l'imprimeur des pages tellement barbouillées de corrections qu'elles faisaient le désespoir des typographes, mais suscitent maintenant l'admiration.

 

Pour se délasser et servir d'antidote au « sérieux romantique », Balzac travaille aux Contes drolatiques, qu'il rédige en parallèle à ses romans, de 1832 à 1837, s'inspirant de Rabelais et pastichant l'ancien français tout en inventant force néologismes.

Balzac journaliste
Un homme accoudé à une table écoute attentivement un autre jeune homme lisant un livre avec emphase.
 
Daniel d'Arthez met en garde Lucien de Rubempré sur les dangers du journalisme (Illusions perdues).
 
Gargantua. Caricature de Louis-Philippe par Daumier (1831).

 

Le journalisme attire Balzac parce que c'est une façon d'exercer un pouvoir sur la réalité, lui qui rêve parfois de devenir maître du monde littéraire et politique grâce à l'association Le Cheval rouge qu'il voulait créer.

 

En même temps, il est bien conscient des dangers que cette carrière représente pour l'écrivain, parce que, forcé d'écrire sous des contraintes impératives, le journaliste est « une pensée en marche comme le soldat en guerre ». Dans Illusions perdues, il fait dire aux sages du Cénacle, lorsque Lucien de Rubempré annonce qu’il va « se jeter dans les journaux » :

« Gardez-vous en bien, là serait la tombe du beau, du suave Lucien que nous aimons (…). Tu ne résisterais pas à la constante opposition de plaisir et de travail qui se trouve dans la vie des journalistes ; et résister au fond, c’est la vertu. Tu serais si enchanté d’exercer le pouvoir, d’avoir le droit de vie et de mort sur les œuvres de la pensée, que tu serais journaliste en deux mois. »

 

Ailleurs, il revient sur les compromissions auxquelles doit souvent se résoudre le journaliste : « Quiconque a trempé dans le journalisme, ou y trempe encore, est dans la nécessité cruelle de saluer les hommes qu’il méprise, de sourire à son meilleur ennemi, de pactiser avec les plus fétides bassesses, de se salir les doigts en voulant payer ses agresseurs avec leur monnaie. On s’habitue à voir faire le mal, à le laisser passer ; on commence par l’approuver, on finit par le commettre. »

 

Pour sa part, en tant que journaliste, il s'engage dès 1830 dans la défense des intérêts des gens de lettres, affirmant que l'artiste doit bénéficier d'un statut spécial car il constitue une force idéologique, un contre-pouvoir, voire une menace révolutionnaire que le gouvernement a tort de dédaigner, car son génie le place à égalité avec l'homme d'État. Il dénonce le rapport de forces inégal entre une pléthore d'écrivains débutants et la poignée d'éditeurs qui les exploite. Ce combat débouchera sur la création de la Société des gens de lettres (voir section ci-dessous).

 

Il livre aussi un combat, en septembre 1839, pour la révision du procès de Sébastien-Benoît Peytel, un ancien confrère du journal Le Voleur et auteur d'un violent pamphlet contre Louis-Philippe, condamné à mort pour le meurtre de son épouse et de son domestique. Il tente d'en faire une cause nationale, mais sans succès.

 

Outre sa profonde connaissance des milieux du journalisme, il participe aussi, en tant qu'écrivain, à la révolution du roman-feuilleton : en 1836, il livre au journal La Presse de son ami Girardin, La Vieille Fille, qui paraît en douze livraisons. En 1837, il y fera paraître Les Employés ou la Femme supérieure. Dans les années qui suivent, il donnera aussi divers romans au Constitutionnel et au Siècle. À partir de l'automne 1836, presque tous ses romans paraîtront d'abord découpés en tranches quotidiennes dans un journal, avant d'être édités en volumes. Cette formule entraîne une censure de la moindre allusion sexuelle dans le texte livré aux journaux.

La Chronique de Paris
Lithographie du portrait d'un homme assis qui glisse la main gauche dans sa veste
 
François Guizot « est une girouette qui, malgré son incessante mobilité, reste sur le même bâtiment. »

 

En 1835, apprenant que La Chronique de Paris, journal politique et littéraire, feuille sans position politique bien tranchée, est à vendre, Balzac l’achète, avec des fonds qu’il ne possède pas — comme à son habitude. L’entreprise, qui aurait paru dramatique à tout autre, le remplit de joie et il construit aussitôt ses « châteaux en Espagne ». Il veut en faire l'organe du « parti des intelligentiels ».

 

Quand enfin La Chronique de Paris paraît, le 1er janvier 1836, l’équipe comprend des plumes importantes : Victor Hugo, Gustave Planche, Alphonse Karr et Théophile Gautier, dont Balzac apprécie le jeune talent ; pour les illustrations, le journal s'attache les noms de Henry Monnier, Grandville et Honoré Daumier. Balzac se réserve la politique, car le journal est un outil de pouvoir. Il fournira aussi des nouvelles. En réalité, si les membres de la rédaction festoient beaucoup chez Balzac, bien peu d’entre eux tiennent leurs engagements et Balzac est pratiquement le seul à y écrire. Il y publie des textes dont certains se retrouveront plus tard dans La Comédie humaine, mais remaniés cent fois selon son habitude, notamment L'Interdiction, La Messe de l'athée et Facino Cane.

 

Quant aux articles politiques signés de sa main, le ton en est donné par cet extrait paru le 12 mai 1836 : « Ni M. Guizot ni M. Thiers n'ont d'autre idée que celle de nous gouverner. M. Thiers n’a jamais eu qu’une seule pensée : il a toujours songé à M. Thiers (…). M. Guizot est une girouette qui, malgré son incessante mobilité, reste sur le même bâtiment. »

 

Balzac décrit avec une assez juste vision des choses la rivalité entre l'Angleterre et la Russie pour le contrôle de la Méditerranée. Il proteste contre l'alliance de la France et de l'Angleterre et dénonce le manque de plan de la diplomatie française. Enfin, il prophétise la domination de la Prusse sur une Allemagne unifiée. Il publie aussi dans ce journal des romans et des nouvelles.

 

Au début, La Chronique de Paris a un grand succès, et cette entreprise aurait pu être une véritable réussite. Mais Balzac est obligé de livrer, en même temps, à Madame Béchet et Edmond Werdet, les derniers volumes des Études de mœurs. Il a par ailleurs fait faillite dans une affaire chimérique avec son beau-frère Surville. Enfin il se brouille avec Buloz, nouveau propriétaire de la Revue de Paris, qui avait sans doute communiqué des épreuves du Lys dans la vallée pour une publication en Russie par La Revue étrangère. Balzac refuse dès lors de continuer à livrer son texte et il s'ensuit un procèsr ailleurs, il est arrêté par la Garde nationale parce qu'il refuse d'accomplir ses devoirs de soldat-citoyen, et est conduit à la maison d’arrêt, où il passe une semaine avant que l’éditeur Werdet réussisse à l'en faire sortir. S'ensuivent cinq mois pénibles, durant lesquels il avoue son découragement à ses proches : « La vie est trop pesante, je ne vis pas avec plaisir ». Le jugement lui donne toutefois raison contre Buloz, mais il est aussitôt poursuivi pour retard dans la livraison des romans promis à un autre éditeur, la veuve Béchet. Menacé d’être mis en faillite, il décide, en juillet 1836 d’abandonner La Chronique.

 

Les mésaventures qu'il vient de connaître alimenteront la création d'un de ses plus beaux romans, alors en chantier, Illusions perdues, dont la deuxième partie sera « le poème de ses luttes et de ses rêves déçus ».

Revue parisienne
Portrait en buste. Crâne surmonté d'un foulard blanc.
 
Portrait peint d'un homme brun à collier de barbe portant une veste noire
 
Stendhal en 1840.

 

L’expérience ruineuse de La Chronique de Paris aurait dû décourager Balzac à jamais de toute entreprise de presse. Mais en 1840, Armand Dutacq —directeur du grand quotidien Le Siècle et initiateur, avec Émile de Girardin, du roman-feuilleton— lui offre de financer une petite revue mensuelle. Aussitôt Balzac imagine la Revue parisienne, dont Dutacq serait administrateur et avec lequel il partagerait les bénéfices. L’entreprise est censée servir les intérêts du feuilletoniste Balzac à une époque où Alexandre Dumas et Eugène Sue gèrent habilement le genre dans les quotidiens et utilisent au mieux le principe du découpage et du suspense. Balzac se lance alors dans la compétition, tout en rédigeant pratiquement seul pendant trois mois une revue qu’il veut également littéraire et politique. Il ouvre le premier numéro avec Z. Marcas le 25 juillet 1840, nouvelle qui sera intégrée à La Comédie humaine en août 1846 dans les Scènes de la vie politique.

 

Outre ses attaques contre le régime monarchique, la Revue parisienne se distingue par des critiques littéraires assez poussées dans la charge comme dans l’éloge. Parmi ses victimes on compte Henri de Latouche avec lequel Balzac est brouillé et qu’il méprise désormais : « Le véritable roman se réduit à deux cents pages dans lesquelles il y a deux cents événements. Rien ne trahit plus l'impuissance d'un auteur que l'entassement des faits. »

 

Il attaque son vieil ennemi, Sainte-Beuve, et se déchaîne contre son Port-Royal, se vengeant des humiliations passées :

« Monsieur Sainte-Beuve a eu la pétrifiante idée de restaurer le genre ennuyeux. [...] Tantôt l'ennui tombe sur vous, comme parfois vous voyez tomber une pluie fine qui finit par vous percer jusqu'aux os. Les phrases à idées menues, insaisissables pleuvent une à une et attristent l'intelligence qui s'expose à ce français humide. Tantôt l'ennui saute aux yeux et vous endort avec la puissance du magnétisme, comme en ce pauvre livre qu'il appelle l'histoire de Port-Royal. »

 

Balzac s’en prend encore, çà et là, assez injustement, à Eugène Sue, mais rend un hommage vibrant à La Chartreuse de Parme de Stendhal, à une époque où, d’un commun accord, la presse ignorait complètement cet écrivain :

« Monsieur Stendhal a écrit un livre où le sublime éclate de chapitre en chapitre. Il a produit, à l’âge où les hommes trouvent rarement des sujets grandioses, et après avoir écrit une vingtaine de volumes extrêmement spirituels, une œuvre qui ne peut être appréciée que par les âmes et les gens supérieurs (…). »

 

Il publie aussi un article intitulé « Sur les ouvriers », dans lequel il se rapproche des idées de Fourier. Mais cela marque le dernier numéro de la Revue parisienne, qui s’éteindra après la troisième parution, le 25 septembre 1840. Balzac et Dutacq partageront les pertes qui n’étaient d’ailleurs pas très lourdes. Cependant, une fois encore, Balzac a échoué dans la presse, et dans les affaires.

Monographie de la presse parisienne

Dans cette monographie humoristique (1843), Balzac propose une analyse complète des composantes de la presse. On trouve dans ce pamphlet la définition du publiciste, du journaliste, du « faiseur d'articles de fond », du « pêcheur à la ligne » (le pigiste payé à la ligne), du « rienologue » : « Vulgarisateur, alias : homo papaver, nécessairement sans aucune variété (…), qui étend une idée d’idée dans un baquet de lieux communs, et débite mécaniquement cette effroyable mixtion philosophico-littéraire dans des feuilles continues. » Balzac sait se montrer désinvolte dans la satire, mais celle-ci lui vaudra une froide réception dans les milieux journalistiques.

La préface par Gérard de Nerval est dans le même ton. Dans un style pince-sans-rire, celui-ci donne une définition du canard : « information fabriquée colportée par des feuilles satiriques et d’où est né le mot argot « canard » pour désigner un journal ».

Un forçat littéraire
 
Lorsqu'il s'installe dans la maison de la rue Cassini, Balzac place sur la cheminée une statuette de Napoléon et colle sur la base un papier où est écrit : « Ce qu'il a entrepris par l'épée, je l'accomplirai par la plume.»

« Il faut que la pensée ruisselle de ma tête comme l'eau d'une fontaine. Je n'y conçois rien moi-même. »

BalzacBalzac était un écrivain d'une fécondité prodigieuse, il pouvait écrire vite, beaucoup et inlassablement. Ainsi, c’est en une seule nuit, chez son amie Zulma Carraud à La Poudrerie d’Angoulême, qu’il écrivit La Grenadière : « La Grenadière, cette jolie perle, fut écrite en jouant au billard. Il quittait le jeu, me priant de l’excuser, et griffonnait sur un coin de table, puis revenait à la partie pour la quitter bientôt. »

 

Même s'il avait une constitution apparemment robuste — « col d'athlète ou de taureau (...) Balzac, dans toute la force de l'âge présentait les signes d'une santé violente » —, il malmena sa santé par un régime épuisant, consacrant de seize à dix-huit heures par jour à l'écriture, et parfois même vingt heures quotidiennes  Dès 1831, il confiait à son amie Zulma : « Je vis sous le plus dur des despotismes : celui qu'on se fait à soi-même estime que la volonté doit être un sujet d'orgueil plus que le talent : « il n’existe pas de grand talent sans une grande volonté. Ces deux forces jumelles sont nécessaires à la construction de l’immense édifice d’une gloire. Les hommes d’élite maintiennent leur cerveau dans les conditions de la production, comme jadis un preux avait ses armes toujours en état139. »

 

Selon Stefan Zweig, la production littéraire de Balzac durant les années 1830-1831 est pratiquement sans équivalent dans les annales de la littérature : le romancier doit avoir écrit une moyenne de seize pages imprimées par jour, sans compter les corrections sur épreuves. Pour cela, il travaille surtout la nuit, pour ne pas être dérangé : « J'ai repris la vie de forçat littéraire. Je me lève à minuit et me couche à six heures du soir ; à peine ces dix-huit heures de travail peuvent-elles suffire à mes occupations. » Ou encore : « Quand je n'écris pas mes manuscrits, je pense à mes plans, et quand je ne pense pas à mes plans et ne fais pas de manuscrits, j'ai des épreuves à corriger. Voici ma vie. »

 

Pour soutenir ce rythme, il fait depuis des années une consommation excessive de café, qu'il boit « concassé à la turque » afin de stimuler « sa manufacture d'idées » : « Si on le prend à jeun, ce café enflamme les parois de l'estomac, le tord, le malmène. Dès lors tout s'agite : les idées s'ébranlent comme les bataillons de la Grande Armée sur le terrain d'une bataille, et la bataille a lieu. Les souvenirs arrivent au pas de charge, enseignes déployées ; la cavalerie légère des comparaisons se développe par un magnifique galop ; l'artillerie de la logique accourt avec son train et ses gargousses ; les traits d'esprit arrivent en tirailleurs ; les figures se dressent, le papier se couvre d'encre»

 

Ce régime lui était nécessaire pour parvenir à livrer à son éditeur la centaine de romans devant composer La Comédie humaine, en plus des articles promis aux journaux et revues. À cela s'ajoute aussi l'énorme recueil des Cent Contes drolatiques qu'il rédige entre 1832 et 1837, dans une veine et un style rabelaisiens. Il cherche toujours, par cette production continue, à régler les dettes que son train de vie frénétique et fastueux lui occasionne. Il entretient aussi une importante correspondance et fréquente les salons où il rencontre les modèles de ses personnages.

 

Il a une haute opinion du rôle de l'écrivain et considère sa tâche comme un sacerdoce : « Aujourd'hui l'écrivain a remplacé le prêtre, il a revêtu la chlamyde des martyrs, il souffre mille maux, il prend la lumière sur l'autel et la répand au sein des peuples. Il est prince, il est mendiant. Il console, il maudit, il prophétise. Sa voix ne parcourt pas seulement la nef d'une cathédrale, elle peut quelquefois tonner d'un bout du monde à l'autre

Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie

La Comédie humaine est le titre sous lequel Honoré de Balzac a regroupé un ensemble de plus de 90 ouvrages — romans, nouvelles, contes et essais — de genres réaliste, romantique, fantastique ou philosophique, et dont l’écriture s’échelonne de 1829 à 1850.

Par cette œuvre, Balzac veut faire une « histoire naturelle de la société », explorant de façon systématique les groupes sociaux et les rouages de la société afin de brosser une vaste fresque de son époque susceptible de servir de référence aux générations futures.

 

Il répartit ses récits en trois grands ensembles : Études de mœurs, Études philosophiques et Études analytiques. Le premier est le plus important et se divise lui-même en six sections, explorant divers milieux sociaux et régions de la France. Les ouvrages sont liés entre eux de façon organique par plusieurs centaines de personnages susceptibles de reparaître dans divers romans, à des moments divers de leur existence. Pour assurer l'unité de son œuvre, Balzac corrige et récrit inlassablement nombre de ses ouvrages afin de mieux les fondre dans un plan d'ensemble qui est allé compter jusqu'à 145 titres.

 

Créateur du roman moderne, Balzac veut décrire la totalité du réel et s'intéresse à des réalités jusque-là ignorées en littérature, parce que laides ou vulgaires. Il montre sous ses diverses formes la montée du capitalisme et la toute-puissance de l'argent, menant à la disparition de la noblesse et à la dissolution des liens sociaux. Le titre a été choisi en référence à la Divine Comédie de Dante. Mais au lieu d'une entreprise théologique, l'auteur s'est voulu sociologue et a créé un univers non manichéen, où l'amour et l'amitié tiennent une grande place, et qui met en lumière la complexité des êtres et la profonde immoralité d'une mécanique sociale où les faibles sont écrasés tandis que triomphent le banquier véreux et le politicien vénal.

 

Doué du génie de l'observation, Balzac a créé des types humains saisissants de vérité. Certains de ses personnages sont tellement vivants qu'ils sont devenus des archétypes, tels Rastignac, le jeune provincial ambitieux, Grandet, l'avare tyran domestique, ou le père Goriot, icône de la paternité. Il accorde une place importante aux financiers et aux notaires, mais aussi au personnage de Vautrin, le hors-la-loi aux identités multiples. Son œuvre compte une importante proportion de courtisanes et de grisettes, à côté de femmes admirables et angéliques. L'importance qu'il donne à celles-ci et à leur psychologie lui a valu très tôt un lectorat féminin enthousiaste.

 

En dépit de l'opposition de l'Église, cette œuvre est devenue très vite un phénomène d'imprimerie et obtient un immense retentissement en France et en Europe, influençant profondément le genre du roman. Traduite en de nombreuses langues, elle est encore rééditée aujourd'hui et a souvent fait l'objet d'adaptations au cinéma et à la télévision.

 

 

 

 

Genèse

 
Honoré de Balzac d'après un tableau de Louis Boulanger.

Après avoir pendant sept ans espéré faire fortune en produisant des ouvrages de littérature marchande — romans sentimentaux situés dans un cadre pseudo-historique et aux intrigues bourrées d'invraisemblances — qu'il signait sous des pseudonymes, Balzac s'oriente vers un nouveau genre de roman. Le tournant commence avec Les Chouans (1829), dont il soigne particulièrement le cadre géographique et historique, étant soucieux de vérité au point d'aller vivre deux mois chez un militaire à la retraite, le général de Pommereul, à proximité du théâtre de ce récit. Il s'attache ensuite à explorer les ressorts psychologiques qui sont à la base des événements sociaux. Avec La Peau de chagrin (1831), sa renommée commence à s'étendre au-delà des frontières, suscitant l'intérêt de Goethe, qui en discute avec Eckermann à Weimar.

 

Dès ce moment, sa production littéraire se révèle d'une fécondité remarquable, mais l'idée d'intégrer tous ces ouvrages dans une œuvre unique ne lui viendra que plus tard. Après avoir publié plusieurs romans sous le titre général de Scènes de la vie privée, il a l'idée, en juillet 1833, d'ajouter les Scènes de la vie de province, puis les Scènes de la vie parisienne et les Scènes de la vie de campagne, formant ainsi quatre ensembles qui seraient regroupés sous le titre Études de mœurs au XIXe siècle siècle. Enthousiasmé par son projet, il accourt alors chez sa sœur, dont il était très proche, en s'écriant : « Saluez-moi, car je suis tout bonnement en train de devenir un génie. ». Et il déroule son plan en faisant les cent pas dans son salon.

 

Ce n'est toutefois qu’en 1834 que lui vient l'idée de relier entre eux ces récits de façon organique, en réutilisant des personnages de récits précédents, faisant alors réapparaître dans Le Père Goriot l'ambitieux Eugène de Rastignacn 1. Cette décision majeure l'amènera à corriger des ouvrages antérieurs afin de mieux les intégrer au grand projet2.

 

Lors de la publication du Père Goriot, en 1835 , le succès de librairie est à la mesure de ses attentes et le comble de joie : « Le Père Goriot fait fureur ; il n'y a jamais eu tant d'empressement à vouloir lire un livre ; les marchands l'affichent d'avance. Il est vrai que cela est grandiose... »

Une histoire naturelle de la société

 
Page de titre de l'édition originale du Père Goriot (1835). Par la citation de Shakespeare en épigraphe (All is true / « Tout est vrai »), Balzac affirme un choix esthétique fondamental.

 

En 1834, lors de la rédaction du Père Goriot, Balzac éprouve son intuition fondamentale en découvrant qu'il n'y a pas de sujet indigne de la littérature et qu'un auteur doit embrasser la totalité du réel, y compris dans ses détails les plus laids ou les plus bas, toutes les classes sociales pouvant fournir des personnages de roman. Dès lors, il conçoit sa production romanesque comme une exploration systématique des groupes sociaux et des rouages de la société. Poursuivant dans la voie de la réflexion philosophique à laquelle il s'était d'abord intéressé au sortir de l'adolescence, il voit dès lors dans le roman la possibilité de proposer un système explicatif général.

 

Il part du principe qu'il existe « des Espèces Sociales comme il y a des Espèces Zoologiques » et que les premières sont beaucoup plus variées que les secondes, car « les habitudes, les vêtements, les paroles, les demeures d’un prince, d’un banquier, d’un artiste, d’un bourgeois, d’un prêtre et d’un pauvre sont entièrement dissemblables et changent au gré des civilisations. » Il en résulte que la somme romanesque qu'il envisage doit « avoir une triple forme : les hommes, les femmes et les choses, c’est-à-dire les personnes et la représentation matérielle qu’ils donnent de leur pensée ; enfin l’homme et la vie. »

 

Il envisage donc de répartir ses romans en trois grandes sections, ainsi qu'il l'expose dans une lettre de 1834 à Ewelina Hańska : « Je crois qu’en 1838, les trois parties de cette œuvre gigantesque seront, sinon parachevées, du moins superposées et qu’on pourra juger la masse [...]. » Les Études de mœurs offrent l’histoire générale de la société. Elles sont axées sur les passions, qui sont le moteur de l'action humaine : « si la pensée, ou la passion, qui comprend la pensée et le sentiment, est l’élément social, elle en est aussi l’élément destructeur. » Il envisage d'explorer systématiquement tous les aspects de la société et de la vie :

« Les Études de Moeurs représenteront tous les effets sociaux sans que ni une situation de la vie, ni une physionomie, ni un caractère d'homme ou de femme, ni une manière de vivre, ni une profession, ni une zone sociale, ni un pays français, ni quoi que ce soit de l'enfance, de la vieillesse, de l'âge mûr, de la politique, de la justice, de la guerre, ait été oublié. »

« La seconde assise est les Études philosophiques, car après les effets viendront les causes » Au dernier étage, les Études philosophiques, composées de romans, de contes et de nouvelles fantastiques, fourniront la clé permettant de remonter aux causes. Balzac leur accordait une énorme importance et ce n’est pas par hasard si le premier grand succès lui arriva avec La Peau de chagrin.

 

Grâce à ce procédé de construction romanesque inédit, Balzac peut embrasser la totalité du monde dans un même projet, satisfaisant « l'obsession du tout, qui travaille son imaginaire ». Le plan se complète et s'amplifie au fil des ans. En 1839, il dit vouloir écrire « l'histoire des mœurs contemporaines. Ça formera 40 volumes. Ce sera une espèce de Buffon12. » La référence à l'auteur de L’Histoire naturelle n'est pas gratuite, car Balzac veut appliquer au domaine moral les principes d'unité du vivant mis au jour par Buffon et Cuvier : « Il existe une anatomie comparée morale, comme une anatomie comparée physique. Pour l'âme, comme pour le corps, un détail mène logiquement à l'ensemble. »

 

Il se documente avec un soin extrême sur les époques et les milieux dont il traite, et fait de nombreux voyages pour visiter les lieux où il place son action, étant convaincu que « les grands conteurs sont des colosses d'érudition » ; loin de considérer ses ouvrages comme une lecture de divertissement, il veut faire une « contribution à la connaissance et à la compréhension d'une époque. » Pour décrire le milieu de la pègre et les opérations de la police dans Splendeurs et misères des courtisanes, il lit les mémoires de Vidocq et ceux de Fouché. Il dépouille aussi des ouvrages de sociologie sur le monde de la prostitution. Pour ses nouvelles sur la musique (Gambara et Massimilla Doni), il étudie la musique avec un maître, tout comme il a étudié la chimie pour écrire La Recherche de l'absolu.

 

La documentation, toutefois, n'est pas sa seule source et il a souvent affirmé que les génies possèdent un don de seconde vue qui leur permet de « deviner la vérité dans toutes les situations possibles (...) de faire venir l'univers dans leur cerveau ».

 

De 40 volumes en 1839, le plan monte à 145 titres en 1845, dont 85 sont déjà écrits. En 1847, toutefois, sentant ses forces décliner, il réduit ce plan à 137 ouvrages, dont 87 sont considérés comme achevés tandis que 50 restent à faire. Par la suite, il retranchera encore plusieurs sujets et déplacera des titres dans la série18. Au total, La Comédie humaine comptera 90 titres publiés du vivant de l'auteur4.

 

Le grand projet étant interrompu par la mort, l'auteur laissera de nombreux projets à l'état d'ébauches. Trois ouvrages seront publiés à titre posthume : Les Paysans, resté inachevé et publié en 1855 par Évelyne de Balzac, Le Député d'Arcis et Les Petits Bourgeois de Paris, tous deux terminés par Charles Rabou, selon la promesse qu’il avait faite à Balzac peu avant sa mort, et publiés respectivement en 1854 et en 1856.

 

L'auteur tenait absolument à ce que la publication des romans et nouvelles composant La Comédie humaine respecte son plan d'ensemble. En effet, chaque titre porte un numéro dans le catalogue général.

Homme en buste peint de face sur fond sombre. Veste noire et gilet jaune. Cheveux blonds. Yeux bleus au regard intense.
 
Portrait de Walter Scott en 1822

D'abord intitulé Études sociales, ou Œuvres complètes, ce n'est qu'en 1842, lors de la signature du contrat pour la publication de ses œuvres réunies, que l'ensemble prendra comme titre définitif La Comédie humaine, en référence à la Divine Comédie de Dante. Balzac mentionne ce titre pour la première fois dans une lettre datant probablement de janvier 1840. À la structure théologique adoptée par le poète médiéval fait place une structure sociologique. Ce titre l'enthousiasme et plaît à ses éditeurs. Ceux-ci exigent toutefois aussi une préface justifiant ce titre et montrant l'unité de l'ensemble. Après avoir vainement sollicité Charles Nodier puis George Sand pour cette préface, Balzac finit par se résoudre à l'écrire lui-même et y consacre autant de travail qu'à un récit complet. Dans cet Avant-propos, il explique qu'il a voulu faire mieux que Walter Scott :

« Walter Scott élevait donc à la valeur philosophique de l’histoire le roman […] il y réunissait à la fois le drame, le dialogue, le portrait, le paysage, la description ; il y faisait entrer le merveilleux et le vrai […] Mais […] il n’avait pas songé à relier ses compositions l’une à l’autre de manière à coordonner une histoire complète, dont chaque chapitre eût été un roman, et chaque roman une époque. »

Il a ainsi développé la complexité du monde qu'il portait en lui dès 1832 et dresse un bilan dans une lettre enthousiaste à Mme Hańska : « Quatre hommes auront eu une vie immense : Napoléon, Cuvier, O’Connell, et je veux être le quatrième. Le premier a vécu la vie de l’Europe, il s’est inoculé des armées ! Le second a épousé le globe ! Le troisième s’est incarné dans un peuple ! Moi, j’aurai porté une société tout entière dans ma tête ! »

Balzac attribue au romancier une responsabilité majeure dans la sphère publique : « La loi de l’écrivain, ce qui le fait tel, ce qui, je ne crains pas de le dire, le rend égal et peut-être supérieur à l’homme d’État, est une décision quelconque sur les choses humaines, un dévouement absolu à des principes. ».

Avec le temps, l'entreprise gagne en grandeur et se détache de la sentimentalité qui imprégnait encore par endroits les premiers romans. Plus grandit l'amertume de Balzac, plus son écriture se risque à dévoiler l'envers du décor, abordant le sujet de la perversion sexuelle dans La Rabouilleuse, révélant les intrigues politico-policières dans Une ténébreuse affaire, montrant dans Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes la vanité des salons aristocratiques et la façon dont le monde de la littérature est lié à celui de la finance. Par la suite, après quelques ouvrages secondaires dans lesquels il semble avoir perdu son élan, il revient en force avec deux chefs-d'œuvre, Le Cousin Pons et La Cousine Bette.

Caractéristiques

Un nouveau genre de roman

Comme le font observer les frères Goncourt, « Le roman, depuis Balzac, n'a plus rien de commun avec ce que nos pères entendaient par ce roman. » De fait, un journal révolutionnaire faisait, en 1795, un constat assez sombre sur l'état du roman français : « Nous n'avons en français guère de romans estimables ; ce genre n'a pas été assez encouragé ; il a trouvé trop peu de lecteurs, les auteurs ne travaillaient que pour la classe nobiliaire (...) De là résultaient des peintures de ridicules plutôt que de passions ; des miniatures plutôt que des tableaux (...) on y trouvait peu de vérité, peu de ces traits qui, appartenant à tous les hommes sont faits pour être reconnus et sentis par tous. »

 

Cette exigence nouvelle de vérité tardera toutefois à se faire entendre. Encore en 1820, les romans à la mode qui circulent dans les cabinets de lecture « ne vont guère dans le sens d'une vérité plus exacte et plus générale » : ils visent seulement à procurer une évasion selon une formule stéréotypée, en mettant en scène un héros dont la situation sociale n'est jamais précisée et qui mène une vie irréelle.

 

La situation change avec Balzac. Très tôt, celui-ci prend conscience des possibilités du roman, dans lequel il voit un sommet de l'art : « Le roman, qui veut le sentiment, le style et l’image, est la création moderne la plus immense. » Créateur du roman moderne, il a couvert tous les genres — conte, nouvelle, essai, étude — et a touché à divers registres : fantastique et philosophique avec La Peau de chagrin, réaliste avec Le Père Goriot, mais romantique avec Le Lys dans la vallée. Il a produit une œuvre qui a servi de référence à son siècle et au siècle suivant, et donné ses lettres de noblesse au roman.

 

L'idée de créer un cycle romanesque dont l'unité serait assurée par le retour de nombreux personnages d'un roman à un autre a ouvert une voie que de nombreux auteurs reprendront par la suite. Il a créé un « univers non manichéen », où l'amour et l'amitié tiennent une grande place, et qui met en lumière à la fois la complexité des êtres et la profonde immoralité d'une mécanique sociale où les faibles sont écrasés tandis que triomphent le banquier véreux et le politicien vénal.

Un réalisme visionnaire

Balzac était bien conscient de la révolution qu'il apportait dans l'art du roman, avec des personnages pris dans le vif de la société et un souci de vérité inconnu jusqu'alors. Pour lui, « un roman est plus vrai que l'Histoire12 » et « les détails seuls constituent désormais le mérite des ouvrages improprement appelés romans. » Doué d'une extraordinaire puissance d'observation, don qu'il estimait être le propre du génie, il décrit avec précision les divers aspects du réel, qu'il s'agisse des techniques de spéculation boursière, des plus-values que procure un monopole, du salon d'une demi-mondaine, d'une cellule de prison, de la démarche d'un capitaliste de province, du regard d'une mère sur son enfant ou de l'accoutrement d'une tenancière de pension. Il s'attache avec un soin extrême à des détails qui étaient ignorés par les auteurs classiques. Grâce à la précision et à la richesse de ses observations, La Comédie humaine a aujourd'hui valeur de témoignage socio-historique et permet de suivre la montée de la bourgeoisie française de 1815 à 1848.

Tête d'un bronze en pied
 

Ce souci du détail lui a valu d'être étiqueté comme un auteur réaliste, ce dont s'étonnait Baudelaire :

« J'ai maintes fois été étonné que la grande gloire de Balzac fût de passer pour un observateur ; il m'avait toujours semblé que son principal mérite était d'être visionnaire, et visionnaire passionné. Tous ses personnages sont doués de l'ardeur vitale dont il était animé lui-même. Depuis le sommet de l'aristocratie jusqu'aux bas-fonds de la plèbe, tous les acteurs de sa Comédie sont plus âpres à la vie, plus actifs et rusés dans la lutte, plus patients dans le malheur, plus goulus dans la jouissance, plus angéliques dans le dévouement, que la comédie du vrai monde ne nous les montre. Bref, chacun, chez Balzac, même les portières, a du génie. »

Cette opinion est également celle de Bernard Pingaud, pour qui le roman balzacien ne ressemble guère à l’amalgame de plat réalisme et de romanesque qu’on a pu accoler à ce nom. Tout en rappelant ce que les décors et les personnages de Balzac doivent à une observation minutieuse du réel, André Maurois insiste sur le fait que cette réalité est transmutée dans les moments d'extase et de « surexcitation cérébrale » de la création, de sorte que le réalisme devient visionnaire. Nombre de critiques ont salué « une imagination débordante et d'une richesse infinie, l'imagination créatrice la plus fertile et la plus dense qui ait jamais existé depuis Shakespeare ».

Pour Albert Béguin, « il ne s'agit nullement de peindre la réalité courante, mais au contraire d'en pousser tous les détails à l'hyperbole, de contraindre un spectacle quotidien à se métamorphoser en vision. » Cette faculté de visionnaire « permet à Balzac de donner au monde de l'expérience commune le relief saisissant d'une hallucination ou d'une fantasmagorie. » On peut en juger par cette description d'une tireuse de cartes :

« C’était une face desséchée où brillaient deux yeux gris d’une immobilité fatigante ; un nez rentré, barbouillé de tabac ; des osselets très-bien montés par des muscles assez ressemblants, et qui, sous prétexte d’être des mains, battaient nonchalamment des cartes, comme une machine dont le mouvement va s’arrêter. Le corps, une espèce de manche à balai, décemment couvert d’une robe, jouissait des avantages de la nature morte, il ne remuait point. »

Balzac, qui « a réservé une place de choix aux êtres d'exception, aux hors-la-loi, aux hommes de génie, aux grands vaincus et aux courtisanes », évoque lui-même dans une lettre la part que joue son imagination dans la création de ses personnages et des sentiments qu'il leur prête : « l'observation ne serait-elle qu'une sorte de mémoire propre à aider cette mobile imagination ? » À un critique qui lui reprochait de mettre en scène des caractères exceptionnels, il répond que ses romans auraient été illisibles s'il avait laissé à ses personnages « la place réelle qu'occupent dans l'état social les honnêtes gens dont la vie est sans drame43 ».

Tout comme Hugo, il avait l'ambition de révéler les secrets de la société, et d'affirmer ainsi sa maîtrise sur le monde, car « le visible est impénétrable à l'œil du profane, mais pour l'œil averti, l'invisible est la clé du visible. » Cette poétique du secret et de l'énigme se double de « dispositifs voyeuristes » qui procurent au lecteur la jouissance de pouvoir regarder sans être vu, qu'il s'agisse d'une mystérieuse activité observée par le trou d'une serrure, d'une personne élégante qu'on voit entrer dans une maison louche ou, cas le plus fréquent, de la vision à son insu d'une femme désirée. Par extension, ce thème touche aussi à la passion de Balzac pour le masque et le travestissement.

Une veine fantastique
 
Extrait de La Peau de chagrin exposant les propriétés fantastiques de cette peau.
Un jeune homme tiré par les cheveux est entraîné par un squelette tandis que des jeunes femmes dansent à l'arrière-plan.
 
Dessin de la couverture de La peau de chagrin, Paris, Delloye, 1838.

Balzac est fortement influencé par Hoffmann qu’il est le premier à faire paraître dans la Revue de Paris en 1829. Il rend hommage à l’écrivain allemand qu’il admire « parce qu’il refuse le classicisme bourgeois et la littérature roucoulante des ex-censeurs de l’Empire ». L'influence d’Hoffmann est d’ailleurs décelable dans plusieurs de ses contes philosophiques. Ainsi Maître Cornélius, publié en 1831 dans la Revue de Paris, doit quelque chose à Mademoiselle de Scudéry qu’Henri de Latouche avait traduit en se l'appropriant sous le titre Olivier Brusson dès 1824. Mais, bientôt, la publication massive en traduction des contes d’Hoffmann et l'effet de mode qui en découle détournent Balzac d'un genre qu’il estime galvaudé. Dans un article paru dans La Caricature le 16 février 1832, il sait gré aux auteurs des Contes bruns (Philarète Chasles et Charles Rabou), de n’avoir pas utilisé le mot « fantastique » : « programme malsain d’un genre qu’on a déjà trop usé par l’abus du nom seulement »6.

 

Il a d'abord repris des thèmes classiques : L'Élixir de longue vie (1830) est une variation sur le mythe de Don Juan, tandis que Melmoth réconcilié reprend le mythe de Faust. Avec La Peau de chagrin, Balzac invente un fantastique nouveau pour son époque, car son récit prend soin de maintenir l'ambiguïté sur l'origine des événements qui surviennent au héros, en les faisant coïncider avec des causes naturelles. Ceux-ci semblent ainsi être l'effet d'un hasard plutôt que de l'action d'une peau véritablement magique. Ainsi, à peine Raphaël a-t-il formulé le désir d'une orgie qu'il croise des amis qui l'entraînent chez un banquier désireux de fonder une revue et de régaler ses futurs rédacteurs. Le lien avec la peau existe cependant et est suggéré avec habileté, son rétrécissement étant bien réel. Échappant ainsi à l'action directe d'un objet magique, le fantastique se nourrit du réel et tient à la nature des situations, des lieux et des personnages. Ce faisant, Balzac dessille les yeux du lecteur et l’oblige à regarder mieux ce qui est. C’est par le fantastique que son réalisme atteint au « surréel » philosophique.

 

Par la suite, Balzac se détache encore davantage du fantastique gothique pour s'attacher au fantastique qui peut jaillir de situations bien réelles mais perçues par un enfant qui n'en comprend pas le sens : « je n’ai jamais plus retrouvé nulle part, ni chez les mourants, ni chez les vivants, la pâleur de certains yeux gris, l’effrayante vivacité de quelques yeux noirs. Enfin ni Maturin ni Hoffmann, les deux plus sinistres imaginations de ce temps, ne m’ont causé l’épouvante que me causèrent les mouvements automatiques de ces corps busqués. [...]. »

Une veine mystique et ésotérique
 
Illustration de la couverture de Séraphîta

Le mysticisme qui imprègne les Études philosophiques — Louis Lambert, Les Proscrits, Jésus-Christ en Flandre, Séraphîta, La Recherche de l'absolu, Ursule Mirouët — mêle les influences du voyant suédois Swedenborg, du théologien danois luthérien Hans Lassen Martensen, et du médecin allemand Franz-Anton Mesmer, théoricien du magnétisme animal. Balzac fait du swedenborgisme sa religion et estime que celle-ci peut sauver le monde.

Convaincu de la profonde unité de la nature, il cherche constamment à relier monde spirituel et matériel, qui ne sont que deux aspects d'une même réalité. Adepte du transformisme, il trouve dans les ouvrages du mystique suédois ample confirmation d'une philosophie unitaire qu'il avait déjà développée au contact des théories de Cuvier et de Geoffroy Saint-Hilaire : « Je trouve que s'il y a quelque plan digne du sien [Dieu], ce sont les transformations humaines faisant marcher l'être vers des zones inconnues. C'est la loi des créations qui nous sont inférieures: ce doit être la loi des créations supérieures. »

 

Tout comme la physiognomonie lui a appris que l'apparence extérieure révèle la personnalité cachée, de même est-il persuadé que des êtres exceptionnels peuvent atteindre un niveau de voyance qui leur permet de « voir les choses du monde matériel aussi bien que celles du monde spirituel dans leurs ramifications originelles et conséquentielles », ainsi que l'affirme Louis Lambert. De même, Séraphitus « possède cette vue intérieure qui pénètre tout ».

 

Il est possible d'accéder à cet état de voyance grâce au rêve et au somnambulisme magnétique. Dans Séraphîta, l'héroïne impose les mains sur le front de Wilfrid pour « provoquer en lui le rêve qui la révélera telle qu'elle est et fera comprendre au jeune homme la destinée de l'humanité9 ». Par le rêve, l'esprit peut s'élever aux réalités les plus hautes et apercevoir « la sphère où la Méditation entraîne le savant, où la Prière transporte l’âme religieuse, où la Vision emmène un artiste ». L'esprit peut alors « s'isoler complètement du milieu dans lequel il réside » et franchir des distances infinies à la vitesse de l'éclair.

 

À la différence du mystique, toutefois, qui veut disparaître dans la contemplation de Dieu, Balzac cherche plutôt à posséder le monde, à acquérir la puissance et « ravir à Dieu son secret ». C'était là le propre de Prométhée, comme l'a vu Maurois, qui a choisi cette figure mythique comme titre de sa biographie de Balzac.

Les personnages

Lors de la conception de sa « cathédrale » littéraire, Balzac estimait qu'il lui faudrait créer trois à quatre mille personnages pour représenter le drame qui se joue dans une Société. Par la suite, il réduit quelque peu ce nombre : « deux ou trois mille figures saillantes d’une époque, car telle est, en définitif, la somme des types que présente chaque génération et que La Comédie humaine comportera. » L'auteur n'était pas loin du compte, car le chiffre précis est de 2 472 personnages. Un nombre considérable de ceux-ci — 573 précisément — réapparaissent, ne fût-ce que furtivement, dans plusieurs romans, les records en la matière étant détenus par le financier Nucingen (31 ouvrages), le médecin Bianchon (29), le dandy de Marsay (27) et l'ambitieux au cœur sec Rastignac (25) En outre, Balzac a eu l'idée de lier ses personnages « les uns aux autres par un ciment social de hiérarchies et de professions »

 

Voir les articles Types de personnages de la Comédie humaine et Liste des personnages de la Comédie humaine.

Le retour des personnages
Portrait en buste. Crâne surmonté d'un foulard blanc.
 
Sainte-Beuve, le grand critique du temps, n'aimait pas Balzac. Il lui reproche notamment de faire reparaître des personnages d'un roman à un autre.

Le philosophe Alain a défini la Comédie humaine comme un « carrefour où les personnages se rencontrent, se saluent, et passent. De là vient qu'au lieu d'être dans un roman, on est dans dix. » Pour François Mauriac, c'est un « rond-point (..) d'où partent les grandes avenues que Balzac a tracées dans sa forêt d'hommes. »

 

Les figures principales du monde balzacien correspondent à des types humains que l’on verra reparaître souvent, formant des portraits de groupes dans un chassé-croisé savant de financiers, de médecins, de politiciens et de courtisanes ou de femmes du monde. Toutefois, la fréquence des réapparitions et le nombre de romans dans lesquels sont cités ces personnages, ne correspondent pas toujours à leur importance réelle. Ainsi des personnages majeurs comme Jean-Joachim Goriot, le cousin Pons, la cousine Bette, César Birotteau, Coralie ou Esther Gobseck sont les protagonistes d'un seul roman et ne réapparaissent guère, ou seulement sous forme d'évocation.

Le principe de ces « personnages reparaissants » a été vivement critiqué par Sainte-Beuve :

« Les acteurs qui reviennent dans ces nouvelles ont déjà figuré, et trop d'une fois pour la plupart, dans des romans précédents de M. de Balzac. Quand ce seraient des personnages intéressants et vrais, je crois que les reproduire ainsi est une idée fausse et contraire au mystère qui s'attache toujours au roman. Un peu de fuite en perspective fait bien. (...) Presque autant vaudrait, dans un drame, nous donner la biographie détaillée, passée et future, de chacun des comparses. Grâce à cette multitude de biographies secondaires qui se prolongent, reviennent et s'entrecroisent sans cesse, la série des Études de mœurs de M. de Balzac finit par ressembler à l'inextricable lacis des corridors de certaines mines ou catacombes. On s'y perd et l'on n'en revient plus, ou, si l'on en revient, on n'en rapporte rien de distinct. »

Ce n'était pas l'avis de Félix Davin qui avait compris l'importance de ce principe dès 1835, dans son introduction aux Études de mœurs : « l'une des plus hardies inventions de l'auteur (est) de donner la vie et le mouvement à tout un monde fictif dont les personnages subsisteront peut-être encore, alors que la plus grande partie des modèles seront morts et oubliés ». Marcel Proust y verra également une touche sublime, qui donne à l'œuvre une profonde unité71.

Gravure représentant deux hommes qui discutent en marchant dans une cour sous un arbre.
 
Rastignac et Vautrin dans la cour de la pension Vauquer (Le Père Goriot).

De fait, la réapparition des personnages constitue un élément capital de La Comédie humaine, même si, la plupart du temps, un personnage ne joue un rôle important que dans un seul roman — tels Rastignac dans Le Père Goriot ou De Marsay dans La Fille aux yeux d'or —, et que certains personnages sont toujours secondaires, quoique apparaissant souvent, tel le docteur Bianchon. Cela n'enlève rien à l'efficacité du procédé, car « un personnage reparaissant (...) apparaît moins comme personnage que comme signe ou comme indice (étant) pris dans un réseau avec d'autres personnages. » En raison de sa forte caractérisation, le personnage représente en effet presque toujours un ensemble social : Rastignac évolue dans la sphère du pouvoir et des salons aristocratiques, Nucingen est associé au milieu de la banque et Bianchon évoque la maladie et son traitement.

 

Pour assurer l'unité de son œuvre, Balzac n'hésite pas à remanier des romans antérieurs, faisant disparaître d'anciens personnages ou donnant un nom à un personnage jusqu'alors resté anonyme, afin d'assurer le plus de cohérence et de vérité possible à La Comédie humaine, qu'il voyait comme un tout. Ses retouches maniaques et ses inspirations du moment lui font changer titres et noms des protagonistes à mesure que paraissent les œuvre.

 

L’auteur trouve des cousinages spontanés à ses personnages et revient en arrière selon une technique que Marcel Proust appelait « l’éclairage rétrospectif » : le passé d’un personnage n’est révélé que longtemps après sa présentation, ce qui lui donne un souffle de vie et un supplément de mystère. Ainsi, Jacques Collin, apparu dans Le Père Goriot, se précise sous le nom de l’abbé Carlos Herrera dans Splendeurs et misères des courtisanes. La vicomtesse de Beauséant— dont on voit le triste échec dans La Femme abandonnée— aura été une séductrice tout au long de La Comédie humaine. La princesse de Cadignan, aussi appelée Diane de Maufrigneuse dans Les Secrets de la princesse de Cadignan, ne cesse d’être précisée, montrée sous tous les angles, même sous celui d'une générosité inattendue dans Le Cabinet des Antiques. Mais Balzac s'écarte parfois de la cohérence chronologique de ses personnages. En dépit de l'extraordinaire maîtrise de l'auteur sur sa création, manier une telle quantité de personnages en les faisant reparaître dans des romans situés à différentes époques, devait fatalement engendrer des dizaines de fautes de chronologie, des cas de morts qui ressuscitent, d'enfants posthumes, de changements dans la psychologie, de contradictions physiognomoniques ou de modifications d'état-civil. Conscient du danger, et bien avant l'apparition d'un dictionnaire de ses personnages, Balzac avait établi un modèle de fiche au sujet de Rastignac pour mieux suivre son évolution. Il avait aussi prévu que des lecteurs pourraient souhaiter disposer d'une fiche synthétique représentant le parcours biographique des personnages afin « de se retrouver dans cet immense labyrinthe » que Zola décrit comme une tour de Babel : « Je relis dans la très belle et très complète édition que publie en ce moment la librairie Michel Lévy cette étrange comédie humaine, ce drame vivant (...) c'est comme une tour de Babel que la main de l'architecte n'a pas eu et n'aurait jamais eu le temps de terminer. »

Des types sociaux
Les deux jeunes gens sont dessinés assis à une table sous une tonnelle. Daniel s'appuie du coude et écoute Lucien lire son livre.
 
Assis au bord d'une cheminée dans un salon, un curé cause avec une dame richement habillée.
 
Madame de Listomère et le curé Troubert dans Le Curé de Tours

 

La Comédie humaine ne fait pas seulement « concurrence à l’état civil » comme le souhaitait l’auteur, car Balzac, théoriquement partisan d’une société divisée en classes immuables, n’aime que les personnages qui ont un destin. L’être balzacien par excellence est celui de l’excès. Tous ceux auxquels l’auteur s’est visiblement attaché sont des révoltés, — tels Calyste du Guénic dans Béatrix, Lucien de Rubempré dans Illusions perdues—, des hors-la-loi — tels Vautrin et Henri de Marsay dans Histoire des Treize —, ou des bolides humains qui traversent avec violence les étages de la hiérarchie sociale, — tels Eugène de Rastignac, Coralie ou Esther Gobseck dans Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes, Birotteau dans César Birotteau, le musicien extravagant Gambara, la femme « emmurée » dans La Grande Bretèche.

« J’aime les êtres exceptionnels, écrit Balzac à George Sand, j’en suis un. Il m’en faut d’ailleurs pour faire ressortir mes êtres vulgaires et je ne les sacrifie jamais sans nécessité. Mais ces êtres vulgaires m’intéressent plus qu’ils ne vous intéressent. Je les grandis, je les idéalise, en sens inverse, dans leur laideur ou leur bêtise. Je donne à leurs difformités des proportions effrayantes ou grotesques. »

 

L’auteur de La Comédie humaine est le plus balzacien de tous ses personnages. Il vit lui-même leur propre vie jusqu’à l'épuisement. Comme Raphaël dans La Peau de chagrin, chacune de ses œuvres lui demande un effort si considérable qu’elle rétrécit inexorablement son existence. Dans Facino Cane, le narrateur fait une confidence qui pourrait bien être celle de Balzac lui-même : « Quitter ses habitudes, devenir un autre que soi par l’ivresse des facultés morales, et jouer ce jeu à volonté, telle était ma distraction. À quoi dois-je ce don ? Est-ce une seconde vue ? Est-ce une de ces qualités dont l’abus mènerait à la folie ? Je n’ai jamais recherché les causes de cette puissance ; je la possède et m’en sers, voilà tout. »

 

Fasciné par la puissance explicative de la physiognomonie et de la phrénologie, alors très en vogue, Balzac se sert de ces théories pour donner un effet de vérité à ses personnages, en faisant coïncider le physique et le moral

« Les lois de la physionomie sont exactes, non seulement dans leur application au caractère, mais encore relativement à la fatalité de l’existence. Il y a des physionomies prophétiques. S’il était possible, et cette statistique vivante importe à la Société, d’avoir un dessin exact de ceux qui périssent sur l’échafaud, la science de Lavater et celle de Gall prouveraient invinciblement qu’il y avait dans la tête de tous ces gens, même chez les innocents, des signes étranges. »

 

Très souvent, le portrait se révèle prophétique et concentre des éléments clés du récit. Ainsi en est-il du criminel dans Le Curé de village: « Un trait de sa physionomie confirmait une assertion de Lavater sur les gens destinés au meurtre, il avait les dents de devant croisées ». Un autre personnage du même roman, également criminel, présentait « des signes de férocité cachée : les dents mal rangées imprimaient à la bouche, dont les lèvres étaient d’un rouge de sang, un tour plein d’ironie et de mauvaise audace ; les pommettes brunes et saillantes offraient je ne sais quoi d’animal. » Pour donner encore plus de force à ses portraits, Balzac met souvent ses personnages en relation avec leur environnement et excelle à démontrer « à quel point le type social est façonné par son milieu ambiant, et adapté à lui, jusqu'à faire pratiquement partie de lui et lui ressembler. » Les exemples sont nombreux :

« Le visage pâle et ridé de la vieille femme était en harmonie avec l’obscurité de la rue et la rouille de la maison. À la voir au repos, sur sa chaise, on eût dit qu’elle tenait à cette maison comme un colimaçon tient à sa coquille brune ; [..] ses grands yeux gris étaient aussi calmes que la rue, et les rides nombreuses de son visage pouvaient se comparer aux crevasses des murs. »

« L'embonpoint blafard de cette petite femme est le produit de cette vie, comme le typhus est la conséquence des exhalaisons d'un hôpital. Son jupon de laine tricotée, qui dépasse sa première jupe faite avec une vieille robe, et dont la ouate s'échappe par les fentes de l'étoffe lézardée, résume le salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine et fait pressentir les pensionnaires. »

Façonné par son milieu, le personnage balzacien se transforme aussi lui-même par une opération active, dynamique, présentant des caractéristiques physiques et des jeux de physionomie qu'il a développés grâce à la profession qu'il exerce : « [Le notaire] s’arrêta en regardant Bartholoméo avec une expression particulière aux gens d’affaires et qui tient le milieu entre la servilité et la familiarité. Habitués à feindre beaucoup d’intérêt pour les personnes auxquelles ils parlent, les notaires finissent par faire contracter à leur figure une grimace qu’ils revêtent et quittent comme leur pallium officiel. »

Procession de dignitaires projetant chacun une ombre cocasse
 
Illustration de Grandville dans le journal satirique La Caricature où écrivait Balzac en 1830.

 

Ces portraits font volontiers appel à des métaphores animales : Henri de Marsay a un courage de lion et une adresse de singe; le redoutable comte Maxime de Trailles a des yeux de faucon, maître Roguin des yeux de lynx, Vautrin des yeux de tigre, tandis que le crétin Chautard a des yeux « semblables à ceux d'un poisson cuit ». Balzac a aussi recours à une onomastique imprégnée de cratylisme animal pour surdéterminer le destin de certains personnages, comme le faisait déjà Sterne dans Tristram Shandy, un roman qu'il admirait89. François Rastier a mis en évidence la cohérence du réseau d'isotopies animales dans La Cousine Bette. Ces comparaisons animalières — recevables à une époque où la fable était encore vivante et où la série des « Ombres portées » de Grandville faisait les délices des lecteurs de La Caricature (voir ci-contre) — relèvent des « codes culturels » balzaciens qui ont le plus vieilli.

 

Toutefois, grâce à l'épaisseur physique et psychologique qu'il donne à ses personnages et à l'empathie qu'il témoigne à leur égard, Balzac a réussi à créer des personnages mémorables, auxquels le lecteur va facilement s'attacher. Ainsi, à la question « Le plus grand chagrin de votre vie ? », Oscar Wilde aurait donné cette réponse : « La mort de Lucien de Rubempré ».

 

La création du personnage balzacien se fait en trois étapes. D’abord, l'auteur part de personnes connues ou de personnages livresques, puis il enrichit le personnage fictionnel d’éléments empruntés à d’autres. Marie d'Agoult sert ainsi de base à Béatrix de Rochefide. Dans la seconde étape, « il est guidé non plus par un désir de transposition littéraire, mais par les exigences intrinsèques à l’œuvre» Comme un peintre prend du recul pour mieux voir son tableau, il ajoute une touche pour donner plus de relief à l’œuvre. Dans la troisième étape, il déforme le personnage comme dans une hallucination pour en faire l’incarnation d’une idée : Gobseck incarnant la puissance de l’or, le père Goriot étant qualifié de « christ de la paternité » et César Birotteau de « martyr de la probité commerciale ». Ses personnages atteignent dès lors un tel niveau de réalité qu'ils sont devenus des types, au même titre que ceux de Shakespeare, dont Taine a rapproché plusieurs de ses figures de scélérats et de monomanes.

Les modèles vivants
Jeune femme vue de profil, tournée vers la gauche, une main sous le menton. Les cheveux sont nattés. Tonalités de brun et or.
 
L'écrivaine Marie d'Agoult a inspiré le personnage de Béatrix. Portrait par Henri Lehmann (1843).
Portrait peint d'un homme moustachu portant une veste sombre et gilet vert
 
Autoportrait au gilet vert, Eugène Delacroix (1837).

 

Comme « peintre de son temps », Balzac a produit, avec La Comédie humaine, une galerie de portraits que l’on a beaucoup cherché à comparer avec les originaux. En effet, son entourage entier a servi de modèle à ses personnages et il s'est lui-même représenté dans de nombreux ouvrages. On le devine sous les traits de Félix de Vandenesse, et encore davantage dans le personnage de Louis Lambert ainsi que dans celui d'Albert Savarus. Si, dans Illusions perdues, on peut reconnaître plusieurs de ses traits chez le jeune poète Lucien de Rubempré, qui ruine sa famille pour impressionner la haute société, le romancier se projette aussi dans le grand écrivain Daniel d'Arthez. Ce dernier, tout en ayant des traits du saint-simonien Philippe Buchez, représente son « moi idéalisé, joignant ce que lui-même désespère de joindre : génie et sagesse, création et longévité ». Les avatars de sa propre existence se retrouvent chez certains de ses personnages préférés : ceux qui arrivent de la province à Paris avec une ambition démesurée (Rastignac), habitent des demeures secrètes (La Fille aux yeux d'or), passent de la ruine à la richesse (Raphaël dans La Peau de chagrin), ou sont grevés de dettes, comme il le sera toute sa vie (Anastasie de Restaud dans Le Père Goriot).

 

La plupart de ses liaisons féminines sont également reconnaissables, de façon transposée. Le personnage de Dinah de La Baudraye dans La Muse du département est inspiré de Caroline Marbouty, qui s'était déguisée en « page » pour voyager avec lui en Italie ; vexée par la vision que l’écrivain donnait d’elle — une pâle imitation de George Sand —, Caroline a publié sous le pseudonyme de Claire Brunne un roman vengeur donnant un portrait peu flatteur de Balzac. Béatrix met en scène un épisode de la vie de Marie d'Agoult (le personnage de Béatrix de Rochefide), qui se mit à haïr Balzac après la parution du roman. Dans le même roman, Franz Liszt a servi de modèle au musicien Conti, amant de la marquise de Rochefide. Cette liaison entre Mme d'Agoult et Liszt avait été révélée à Balzac par une indiscrétion de George Sand.

 

Signe de

Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Honoré (de) BALZAC (1799-1850) - 1ère partie
Partager cet article
Repost0
29 novembre 2015 7 29 /11 /novembre /2015 11:19

A 20 ans

 

René Char représente en France, un paradoxe. Sinon hermétique, du moins "difficile", il est néanmoins l'un des poètes modernes, sinon le poète, le plus célèbre et le plus fréquenté par les lecteurs. Surréaliste puis éloigné peu à peu du mouvement surréaliste, Résistant de première heure (Capitaine Alexandre), puis retrait de la politique, sinon pour défendre chaque fois qu'elle était en jeu la liberté, donc farouchement opposé au stalinisme, ayant toujours lié poésie et peinture, dans des manuscrits enluminés comme par les lithographies, dessins, peintures dont il enrichissait ses plaquettes,

Char est sur tous les fronts de la culture, de l'indépendance de la poésie, de, comme disait Maurice Blanchot, "la poésie de la poésie". Du commentaire inspiré, ligne à ligne, de ses poèmes par Paul Veyne, aux oeuvres des peintres amis, jusqu'à la parole de Heidegger aux "Séminaires du Thor", par la narration philosophique qu'en fait Jean Beaufret, voici quelques allures d'un des grands voyants de notre temps..

(Extrait du magazine littéraire n°340 de février 1996)

René Char (2) 

 

Albert Camus a écrit:"Je tiens René Char pour notre plus grand poète vivant et "Fureur et Mystère" pour ce que la poèsie française nous a donné de plus surprenant depuis Les Illuminations et Alcools (Apollinaire) "

 

Maurice Blanchot dans "L'Entretien Infini": "...Les phrases de René Char, îles de sens, sont, plutôt que coordonnées, posées les unes sur les autres, d'une puissante stabilité, comme les grandes pierres des temples égyptiens qui tiennent debout sans lien, d'une compacité extrême et toutefois capables d'une dérive infinie, délivrant une possibilité fugace, destinant le plus lourd au plus léger, le plus abrupt au plus tendre, comme le plus abstrait au plus vivace"

 

 

C'était un écrivain, qui, très tôt conscient que la barbarie nazie menaçait la civilisation, troqua sa plume contre les armes.

 

C'était un chef du maquis qui fit voeu de silence pendant quatre années.

 

C'était une force de la nature, un géant magnétique, né sous le signe du feu.

 

C'était un apôtre de la révolution par l'art qui adorait jouer du poing au côté des surréalistes.

 

C'était surtout un poète qui célébra à coup de fulgurances sensuelles sa terre, le désir, les femmes, la Résistance, et transforma sa retraite de l'Isle-sur-la-Sorgue en creuset artistique

 

CHAR-La-Sorgue.jpg

La SORGUE

 

 

LA SORGUE

 

Rivière trop tôt partie d'une traite, sans compagnon

Donne aux enfants de mon pays le visage de ta passion

 

Rivière où l'éclair finit et où commence ma maison

Qui roule aux marches d'oubli la rocaille de ma maison

 

Rivière, en toi terre et frisson, soleil anxiété

Que chaque pauvre dans sa nuit fasse son pain de la moisson

 

Rivière souvent punie, rivière à l'abandon

 

Rivière des apprentis à la calleuse condition

Il n'est vent qui ne fléchisse à la crête de tes sillons

 

Rivière de l'âme vide, de la guenille et du soupçon

Du vieux malheur qui se dévide, de l'ormeau de la compassion

 

Rivière des farfelus, des fiévreux, des équarisseurs

Du soleil lâchant sa charrue pour s'acoquiner au menteur

 

Rivière des meilleurs que soi, rivière des brouillards éclos

De la lampe qui désaltère l'angoisse autour de son chapeau

 

Rivière des égards au songe, rivière qui rouille le fer

Où les étoiles ont cette ombre qu'elles refusent à la mer

 

Rivière des pouvoirs transmis et du cri embouquant les eaux

De l'ouragan qui mord la vigne et annonce le vin nouveau

 

Rivière au coeur jamais détruit dans ce monde fou de prison

Garde-nous violent et ami des abeilles de l'horizon

 

(René Char. Extrait de Fureur et mystère, 1948).

 

"J'avais dix ans, la Sorgue m'enchâssait "

  sorgueChar Rea sorgue

Aube-new_090725120343_71.jpgCaisse-d-Epargne-new_090724104836_47.jpg800px-L'Isle sur la Sorgue1Je suis allé souvent à l'Ise-sur-Sorgue, fasciné par les Roues à Aubes.

 

Une aquarelle de René Char enluminant son manuscrit "Déclarer son  nom".

 Déclarer son nom

BIOGRAPHIE

 

René Char est né en 1907, le 14 juin dans la propriété de Névons à l'Isle-sue-la-Sorgue.

Le grand-père paternel, abandonné à l'assistance publique dès sa naissance en 1826, avait troqué le nom de Charles Magne en Magne Char.

Le père du poète, Joseph-Emile Char, est né en 1863. Il deviendra administrateur des Plâtrières du Vaucluse et sera à partir de 1905, le maire de l'Isle-sur-la-Sorgue. Veuf de Julia Rouget, qui mourut à vingt ans, en 1886, un an après son mariage, il épousa sa belle-soeur, Marie-Thérèse Rouget, en 1888. Ils eurent quatre enfants dont René Char, le petit dernier. Le père mourra en 1918.

1925 Etudie à Marseille dans une école de commerce.

1927 Fait son service militaire à Nîmes

1928 Publication des Cloches sur le Coeur (Ed.Le Rouge et le Noir)

1929 Se rend à Paris où il rencontre Breton, Aragon, Crevel. Il adhère au groupe surréaliste et collabore au n°12 de La Révolution Surréaliste.1929 2e manifeste du Surréalisme

Voici Char et ses compagnons du Surréalisme, dans " L'Echiquier surréaliste" 1934 De haut en bas et de gauche à droite:1. Breton, Ernst, Dali, Arp 2. Tanguy, Char, Crevel, E luard 3.Chirico. Giacometti, Tzara, Picasso 4.Magritte, Brauner, Peret, Rosey 5.Miro, Mesens, Hugnet, Man RayL'Echiquer surréaliste 1934

1930 Le Tombeau des Secrets est dédié à Gala et Paul Eluard, accompagné d'un collage de Breton et d'Eluard. Voici Breton, Eluard et Char en 1930. Lit Rimbaud, Lautréamont, les Présocratiques, les traités d'alchimie. Publication de Ralentir Travaux, qui a été écrit en commun par Breton, Eluard et René Char, au cours de promenades à Avignon et dans le Vaucluse. Les voici...Breton-Eluard-Char 1931A Montparnasse, lors du saccage par les surréalistes du bar malencontreusement appelé Maldoror, René Char est blessé d'un coup de couteau à l'aine.

Fonde avec Eluard, Breton et Aragon, Le surréalisme au service de la Révolution où il publie "Le jour et la nuit de la liberté"

1931. Promenades à Gordes, Saumane, Lacoste, lieux chers à Sade avec Eluard, Jean et Valentine Hugo.

 

Voyage en Espagne avec Nush et Paul Eluard, escale à Cadaquès où se trouvent Gala et Salvador Dali.Gala-Char-Eluard-Nush-Cadaquès 19301932 "L'Affaire Aragon". Le poète est poursuivi pour incitation au meurtre

Char épouse Georgette Goldstein, à qui sera dédié "Le Marteau sans Maître"

1933 Réside à Saumane où il compose "Abondance viendra".

1934 Participe aux manifestations anti-fascistes.

Kandinsky illustre d'une pointe sèche les exemplaires du "Marteau sans Maître"

Char découvre l'oeuvre de Georges de la Tour et particulièrement "Le Prisonnier" sur lequel il écrira "Sa maigreur d'ortie sèche, je ne vois pas un souvenir pour la faire frissonner. L'écuelle est une ruine. Mais la robe gonflée emplit soudain tout le cachot. Le verbe de la femme donne naissance à l'inespéré mieux que n'importe quelle aurore "Georges-de-la-Tour-copie-1.jpg1935. Voyage en Suisse où il retrouve à Davos, Eluard et Crevel. Crevel se suicidera le 19 juin et Char écrira "C'est l'homme parmi ceux que j'ai connus, qui donnait le mieux et le plus vite l'or de sa nature. Il ne partageait pas, il donnait".

1936. Il est nommé administrateur de la S.A des Plâtrières du Vaucluse.

Immobilisé par une septicémie diagnostiquée tardivement

"Dépendance de l'adieu" chez Guy Levis Mano avec un dessin de Pablo Picasso.

"Moulin premier" chez Guy Levis Mano.

1937. Convalescence au Canet. Rejoint par Paul et Nush Eluard;

Abandonne ses fonctions d'administrateur.

Retour à Paris et voyage en Hollande.

1938. "Dehors la nuit est gouvernée"

1939. Le 3 septembre: déclaration de guerre. Il est mobilisé dans un régiment d'artillerie lourde, en Alsace.

1940.Participe à la défense du pont de Gien pour permettre aux civils de passer la Loire.

Démobilisé le 26 juillet.

Est dénoncé comme mlilitant d'extrême-gauche; perquisition à la maison des Niévons. Char est averti par un policier que pèse sur lui une menace d'arrestation. Il quitte l'Isle-sur-la-Sorgue pour Céreste..Voici Céreste  où je suis allé plusieurs fois. (Voir mon article sur Céreste, sur mon Blog)800px-Rue du Chat-qui-Peche

Voici" la Maison de René Char" à l'Isle-sur-la Sorgue, devenue Musée Campredon

new_090724112647_60.jpg

1941. Noue ses premiers liens avec la Résistance.

Revoit à Marseille André Breton, Pierre Mabille et Wilfredo Lam en attente de départ pour l'Amérique.

1942.Participe à la Résistance sous le nom d'Alexandre et est responsable du secteur de l'armée secrète Durance-SudCapitaine Alexandre 1943-copie-1Capitaine Alexandre1943. Institution du STO.

Chute de Mussolini remplacé par Badoglio, favorable aux alliés.
Avec d'autres résistants et résistantes, Francis Curel  est arrêté au petit jour dans sa maison à l'Isle-sur-Sorgue, et déporté à Linz

René Char sous le nom de Capitaine Alexandre est adjoint au chef régional du réseau Action. Accueille les réfractaires au Service du Travail Obligatoire (STO), aménage des terrains de parachutage, constitue des dépôts d'armes. Voici la maison de Char que j'ai photographiée à CérestePR.07-372.jpgPR.07 371

Prend des notes sur un carnet. une partie en sera publiée sous le nom de "Feuillets d'Hypnos".

1944. Perd au combat ses amis Emile Cavagni, Roger Chaudron et  Roger Bernard  , fusillé devant ses yeux par les SS sur la Nationale 100, le 22 juin. Il avait 23 ans. Char dit à ses hommes (ils sont sur la colline) de ne pas tirer pour éviter que le village ne subisse de terribles représailles. Voici l'endroit exact de l'assassinat. Tout le monde y passe quant on roule de Cavaillon vers Forcalquier. Roger Bernard, ami de Jean Giono, était éditeur et poète. Il avait déjà publié chez Seghers"Ma Faim noire dejà". Il avait laissé un cahier de poèmes à Char qui le fit publier après la Libération.

"S'il est possible

Je m'agenouille devant la taciturne

Quête de la nuit

Et je regarde avec l'oeil de l'oiseau

S'il est possible de mourir

Le front ceint

De l'insigne aux sept couleurs du rayon décomposé "

 

Sa veuve Lucienne Bernard et son fils Alain furent par la suite, protégés par René Char. Comme Lucienne était jolie, Char l'adrese au peintre Matisse qui la prend pour modèle. Il ne cessera de l'aider, elle et son fils. Leurs échanges épistolaires ne cesseront qu'avec la mort de Lucienne qui avait rendu ses lettres à René pour qu'il les publie

N.100 Roger BernardEt Voici le Bastidon. Dans cette grange de Céreste se réfugiaient des réfractaires au STOCéreste Le BastidonLa ferme du Bontemps, sur les hauteurs de Céreste (Promenades de Char avec Claude Lapeyre. "A Claude Lapeyre qui m'a aidé à bâtir sur le givre sept petites maisons pour y recevoir cet hiver-là, mon errance endurcie")Ferme du Bontemps Hauts de Céreste

Char fait une grave chute sur le dos alors qu'il allait retirer des armes dans une cache; il est blessé à la tête et à la colonne vertébrale et a une fracture du bras.

Est appelé à l'Etat major à Alger pour la préparation du débarquement en Provence.

Fin août 1944, après la libération de Paris, il revient en France.Le voici au milieu des habitants de Céreste. Le village en effet rejoue pour le journal des Actualités françaises, ses heures héroiques. Mais le film ne sortira jamaisCéreste 1944

1945. Amitié pour Georges Braque et Albert Camus.

"On ne sait plus précisément combien il mesurait. Ses papiers militaires assurent que sa taille était de 1,92 mètre. D'autres papiers indiquent 1,96 . Qu'importe, sa carcasse faisait vibrer l'air et il ressemblait, à un gladiateur taciturne ou à un bucheron déterminé, prêt à empoigner sa cognée" .

Francis Curel, déporté à Linz, est rapatrié

Voici Char et Camus à l'Isle-sur-la-Sorgue, en  1946 . Leur première rencontre eut lieu autour d'un manuscrit, " Feuillets d'Hypnose", que Camus admira tant qu'il le publia dans la collection "Espoir" qu'il dirigeait depuis peu chez Gallimard (avril 1946).

Char fait découvrir à Camus le Luberon et le Ventoux. Après un long séjour dans la maison familiale, René Char rejoindra ses amis Zervos sur la côte méditerranéenne. Il y rencontrera Henri Matisse Char-et-Camus.jpg

1947. Représentation de "La Conjuration" au théâtre des Champs Elysées. Un ballet. Rideau de scène et costume de Georges Braque.

En mai, aux Editions Fontaine, publication du Poème pulvérisé. Les 65 exemplaires de tête comportent une gravure originale d'Henri Matisse

Ouverture en juin de l'exposition de peintures et de sculptures contemporaines, organisée au Palais des Papes à Avignon par Yvonne Zervos. Cette exposition qui réunissait tous les grands noms de l'art contemporain, fut l'occasion d'un long séjour de Braque dans le Vaucluse. Elle fut aussi le point de départ de ce qui deviendra le Festival de Théâtre d'Avignon, qu'animera Jean Vilar 

Parution de La Peste d'Albert Camus

1948 . Mort d'Antonin Artaud à Ivry-sur-Seine. Georges Braque et René Char s'étaient longuement entretenus avec lui à l'hospice d'Ivry quelques jours auparavant. Le professeur Henri Mondor  les tenait informés des progrès de la maladie

1949. Nombreuses publications: Les Transparents, L'homme qui marchait dans un rayon de soleil, Sur les Hauteurs, le Soleil des Eaux, Claire...

En Juillet : Divorce de Char et de Georgette Goldstein. Ils s'étaient mariés en 1932

1950. "Les Matinaux"

1951 Char se lie d'amitié avec Nicolas de Staêl. En novembre il publiera "Poèmes" illustré de quatorze bois du peintre

Décès de sa mère Mme Veuve Emile Char.

Début d'une longue collaboration avec Pierre-André Benoit dit PAB.

 

1952  Mort de Paul Eluard.

 

1953. Lettera amorosa paraît chez Gallimard.

La collection Poètes d'aujourd'hui de Pierre Seghers, publie en juin un René Char, par Pierre Berger.

En juillet, Nicolas de Staël se met en quête d'une maison à acheter dans le Vaucluse et acquiert "Le Castellet", à Ménerbes (voir mon article sur le blog "Ménerbes")

De StaëlNicolas  de Staël. Colonnes. 1953-1954. Huile sur toile

Mais c'est sans doute avec de Staël, que la symbiose fut pour Char la plus complète. Cette concentration du langage par laquelle Pierre Boulez définit l'écriture du poète, c'est celle à laquelle tend Staël dans son progressif retour à une figuration elliptique où se construit par pans de couleurs, une émotion immédiate. Char lui-même n'écrivait-il pas, associant leurs démarches "Nous nous approchons quelquefois plus près qu'il n'est permis de l'inconnu et de l'empire des étoiles"

 

1954. Parution de "Le Deuil des Névons", avec une pointe sèche de Louis Fernandez. Après la mort de leur mère, le poète et sa soeur Julia souhaitaient préserver la demeure familiale. mais les deux autres enfants, à savoir Albert et Emilienne, en exigèrent la vente aux enchères, ce qui fut fait.

 

1955. Février "Poèmes des deux années" avec une eau-forte d'Alberto Giacometti pour les cinquante exemplaires de tête. Mort de Nicolas de Staël à Antibes. Il se jette dans le vide, par la fenêtre de son atelier. Un drame...de l'amour semble t'il. Une inconnue prénommée Jeanne, qui est mariée, et ne veut que de l'amitié. Pourtant elle aurait eu une brève liaison avec René Char, qui longtemps refusera de croire a la thèse du suicide de Nicolas. Voici la rue de Reveli où Nicolas s'est fracassé à Antibes, le rue à gauche, à l'avant-plan sur cette photo. Dans le fond, à droite le Fort Carréde Staël-Rue de Revely img036

Voici la dernière peinture inachevée de Nicolaï Vladimirovitch Staël von Holstein, emigré russe né à St Petersbourg en 1914, "Le Grand Concert", réalisé après avoir entendu à Paris un concert dirigé par Boulez, au cours duquel on avait donné du Webern que Staël adorait Nicolas de Staël Le Concert. Sa dernière toile

Et Voici de Staël dans son atelier. Il avait 41 ans lors de son suicide. Il laisse une fille de treize ans, Anne qui a publié un livre "Staêl du trait à la couleur"correction-de-stael094

 

"L'espace pictural est un mur mais tous les oiseaux du monde y volent librement à toutes profondeurs".

 

Juin 1955. Pierre Boulez met en musique trois poèmes du "Marteau sans Maître". Création à Baden-Baden.Manuscrit du Marteau sans Maître

Octobre 1955. Les Névons sont mis en vente publique. La surenchère empêche le poète et sa soeur Julia de s'en rendre acquéreurs. Ne dsiposant pas des fonds nécessaires pour payer leur achat, Albert Char et Emilienne Moustrou, qui se sont donc rendus propriétaires, sont contraints de séparer le parc de la maison. Le parc des Névons est alors acheté par une société qui abat les arbres et construit une cité HLM. La maison quoiqu'occupée, est quasi à l'abandon. Le Névon, ruisseau qui bordait le parc, est recouvert et devient une route.

 

Le Deuil des Névons (La Parole en Archipel).

 

Un pas de jeune-fille

A caressé l'allée

A traversé la grille

 

Dans le parc des Névons

Les sauterelles dorment

Gelée blanche et grêlons

Introduisent l'automne

 

C'est le vent qui décide

Si les feuilles seront

A terre avant les nids

 

 

Bravo Albert et Emilienne. Vous êtes passés à la postérité....(Note de l'Auteur).

 

La revue "Cahiers d'Art" publie sept merci pour Vieira da Silva.

Voici "la Bibliothèque en feu" de Vieira, inspirée par un message codé de René Char pour la BBC

Vieira da Silva-La Bibliothèque en feu

Durant l'été, première rencontre et premier entretien à Paris chez le philosophe Jean Beaufret, de René Char et de Martin Heidegger, sous le marronnier de Ménilmontand. Char a senti chez Heidegger une "présence fraternelle".

1956."La Chute d'Albert Camus".

1957. Création à Cologne du "Visage nuptial", poèmes de René Char mis en musique par Pierre Boulez.

1959. Nombreuses publications dont "Cinq poésies en hommage à Georges Braque" avec une lithographie de couverture, de Braque

1960. Mort d'Albert Camus dans un accident de voiture (Voir mon blog sur Camus)

Mort de Pierre Reverdy

Mort de Boris Pasternak.

1961. Parution de "L'inclémence lointaine" choix de poèmes, illustré de vingt-cinq burins de Vieira da Silva.

1962. "La Parole en archipel".Effacement du Peuplier-Les Busclats 1962

L'effacement du peuplier 1962-Les Busclats

Mort de Georges Bataille. Il avait été l'ami et voisin de René Char, lorsqu'il occupait de 1949 à 1951, le poste de conservateur à la bibliothèque de Carpentras. Les deux hommes se voyaient souvent et s'estimaient.

 1963. Lettera amorosa avec vingt-sept lithographies de Georges Braque.

Mort de Georges Braque.

En été la revue "L'ARC" publie un numéro consacré à Char.

En 1963 disparaissent aussi Tristan Tzara, le poète américain William Carlos Williams, fidèle ami de René Char et le peintre Jacques Villon.

 

1964. Flux de l'aimant, un texte sur le peintre Joan Miro, repris par la suite dans "Recherche de la base et du sommet".

 

1965. Mort de Julia Delfau, sa soeur

 

Mort de Francis Curel, "le cher Elagueur".

 

Picasso en visite chez Char "Le pompier et l'Indien".Char et Picasso 1965

Une plaquette: "La Provence point oméga", porte témoignage de la campagne de protestation organisée à la suite de l'implantation en Haute Provence, d'une base de lancement de fusées atomiques.(Plateau d'Albion) Une affiche est dessinée par Pablo Picasso.

Voici René char militant à la Fontaine de Vaucluse1966 Ftaine de Vaucluse-Anti-Albion1966. Mort d'Alberto Giacometti et de Victor Brauner, amis et illustrateurs de René Char depuis les années trente. Ici Brauner..Char par Brauner

Pendant l'été, et répondant à l'invitation de René Char, premier séjour de Martin Heidegger au THOR, proche de l'Isle-sur-Sorgue. C'est en effet à l'initiative de René Char que Heidegger vint séjourner  à trois reprises au Thor, dans le Vaucluse, à 5 Kms de l'Isle-sur-Sorgue: en 1966, 1968 et en 1969, année de son 80e anniversaire. Ces séminaires ont commencé de la manière suivante: c'était tout simple, quelques invités rassemblés en 1966 autour de Heidegger avaient imaginé de lui poser des questions, et c'est l'ensemble de ces questions et des réponses qui ont abouti à ce que l'on a appelé les "Séminaires de Thor".

Cette soirée où Heidegger et René Char firent connaissance eût lieu au domicile parisien de Jean Beaufret dans le XXe arrondissement, passage Stendhal. C'est aussi ce soir-là que René Char et Jean Beaufret se virent pour la première fois et que se nouèrent leurs relations. Char (qui habitait Paris à l'époque) prenait goût à revenir de temps à autre au passage Stendhal au cours des années suivantes. une exquise sympathie naquit entre eux et Heidegger resta évidemment au centre de leurs conversations. Char ne sachant pas l'allemand,  les lettres que lui adressait Heidegger transitaient souvent par le passage Stendhal où Beaufret tenait lieu d'Hermès, rôle qui lui convenait à merveille come le montre la fameuse lettre écrite par Heidegger à René Char, après la mort de Georges Braque dont la traduction française est bien d'un Beaufret au sommet de son art

 Heidegger aux BusclatsChar et HeideggerChar à Heidegger

Au Centre de gauche à droite, Char, Beaufret et Heidegger, à la PétanqueHeidegger Char et Beaufret à la Pétanque

Mort d'André Breton.

1967.Publication des "Transparents" avec 4 gravures de Pablo Picasso

1968. Peu avant les évènements de mai 68, Char tombe gravement malade.

Deuxième séjour de Martin Heidegger au Thor.

1969. Le Chien de coeur avec une lithographie originale de Joan MiroComplainte du Lezard amoureuxMiro Lezard amoureux

Dent prompte, illustré de onze lithographies en couleur de Max Ernst.

Dernier des trois séjours de Martin Heidegger au Thor.

 

1970. Yvonne Zervos meurt en janvier à Paris

De mai à octobre se tient au Palais des Papes à Avignon, l'exposition Picasso qu'elle avait conçue et mise au point.Yvonne Zervos

Décembre: Mort de Christian Zervos. Depuis 1926, la revue "Cahiers d'Art" qu'il avait fondée et la galerie du même nom que dirigeait Yvonne, étaient les plus clairvoyants et attentifs soutiens de l'art contemporain et de ses maîtres.

 

1971. La revue l'Herne consacre un des numéros de ses cahiers à René Char.

 

1972." La Nuit talismanique" paraît aux Editions Skira.
 

 

1973. Mort de Pablo Picasso et du peintre Louis Fernandez.

 

1976. "Le Marteau sans Maître", illustré de 23 eaux-fortes de Miro, paraît aux Editions "Au Vent d'Arles".

Mort de Martin Heidegger;

Mort du poète Pierre Jean Jouve à Paris.

 

1978. Au printemps, René Char quitte son domicile parisien de la rue de Chanaleilles où il vécut plus de vingt ans. Dès cette époque, le poète vit dans sa maison des Busclats sur le coteau de l'Isle-sur-Sorgue, sans cesser de parcourir les lieux alentours; les Monts du Vaucluse, les dentelles de Montmirail, le Ventoux et jusqu'à la veille de sa disparition. Saint-Remy et le prieuré de Saint-Paul-de-Mausole, dans les Alpilles.

Début août, un grave accident cardiaque immobilise le poète

1980 Photo de René Char. Il a 73 ansChar en 1980-73 ans

1982. Mort du philosophe Jean Beaufret.

1983. Publication des oeuvres complètes dans la Bibliothèque de la Pléiade.

1985. "Les Voisinages de Van Gogh" Deuxième accident cardiaque.
1987. Char épouse à Blauvac (Vaucluse), face au mont Ventoux, Marie-Claude de Saint-Seine, dont il avait fait la connaissance onze ans plus tôt à Paris.

1988. 19 février, mort de René Char d'une crise cardiaque.

Photo de René Char en octobre 1986 à sa table de travail aux Busclats1966-Aux-Busclats.jpgEt toujours aux Busclats en 1966 avec le peintre Alexandre Galpérine, l'enlumineur des derniers ouvrages de René Char 'Le Gisant mis en lumière".

Alexandre Galpérine se rendait régulièrement dans la maison de Char, Les Busclats, où le poète s'était retiré pour y poursuivre avec plus d'assiduité qu'il ne pouvait le faire à Paris, celle qui fut l'amour de sa vie: la poésie. Les dimanches ils dinaient ensemble. Galpérine se souvient:

"Parfois lorsqu'il avait un peu de vague à l'âme loin de cette vie parisienne dont il avait aimé l'effervescence créatrice, je lui parlais de Montparnasse, de la rue de Chanaleilles où il avait vécu, des jardins du Luxembourg et des rues de la ville où il aimait marcher, de tous ces lieux que j'avais fréquentés après lui dans son sillage. Et je le voyais sourire, s'illuminer à ces évocations"1986 Les Busclats ave Galpérine

 

Voici les oeuvres de René Char que je possède:Char 4Char3 

 

Rouge-gorge, mon ami, qui arriviez quand le parc était désert, cet automne votre chant fait s'ébouler des souvenirs que les ogres voudraient bien entendre.

 

Nous sommes écartelés entre l'avidité de connaître et le désespoir d'avoir connu. L'aiguillon ne renonce pas à sa cuisson et nous à notre espoir.

 

Nous sommes pareils à ces crapauds qui dans l'austère nuit des marais s'appellent et ne se voient pas, ployant à leur cri d'amour toute la fatalité de l'univers.

 

J'ai confectionné avec des déchets de montagnes des hommes qui embaumeront quelque temps les glaciers.

 

Serons-nous plus tard semblables à ces cratères où les volcans ne viennent plus et où l'herbe jaunit sur sa tige.

 

Tiens vis-à-vis des autres ce que tu t'es promis à toi seul. Là est ton contrat.

 

La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil

 Char5

 

Terre , devenir de mon abîme, tu es ma baignoire à réflexion.

 

Mains obscures mains si terribles

Filles d'excommuniés

Faites saigner les têtes chaudes.

 

 

Tu ouvres les yeux sur la carrière d'ocre inexploitable

Tu bois dans un épieu l'eau souterraine

Tu es pour la feuille hypnotisée dans l'espace

A l'approche de l'invisible serpent 

O ma diaphane digitale Char1

 

Comment me vint l'écriture? Comme un duvet d'oiseau sur ma vitre, en iver. Aussit^t s'éleva dans l'âtre une bataille de tisons qui n'a pas, encoré à présent, pris fin.

 

 

Beauté, ma toute- droite, par des routes si ladres

A l'étape des lampes et du courage clos

Que je me glace et que tu sois ma femme de décembre

Ma vie future, c'est ton visage quand tu dors

 

 

 

Tel le chant du ramier, quand l'averse est proclamée...l'air se poudre de pluie, de soleil revenant...je m'éveille lavé, je fonds en m'élevant; je vendange le ciel novice

 

Allongé contre toi, je meus ta liberté. Je suis un bloc de terre qui réclame sa fleur.

 

Est-il gorge menuisée plus radieuse que la tienne?

Demander c'est mourir !

 

L'aile de ton soupir met un duvet aus feuilles. Le trait de mon amour ferme ton fruit, le boit.

 

Je suis dans la grâce de ton visage que mes ténèbres couvrent de joie.

 

Comme il est beau ton cri qui me donne ton silence !

 

 

 

  La Nuit TalismaniqueChar6

 

S'endormir dans la vie, s'éveiller par la vie, savoir la mort, nous laissent indigent, l'esprit rongé, les flancs meurtris.

 

Voici le temps venu des grottes d'acier, de l'invisibilité démente. Perdue est la Sirène devant laquelle autrefois les fougères s'exprimaient, goutte après goutte.

 

J'ai le souvenir de Buisson, de Visan, aussi de Richerenches,

où les odeurs de soupe s'enfermaient dans les chambres

Silencieuses comme les semelles d'un maçon vieilli sans paradis 

J'ai le souvenir d'horizons sans sommeil autour de ces villages; la première neige les montrait droits tels des accusés qu'effraie leur innocence

Avec René Char le mot est un météore venu d'un monde inconnu

Publié le 30/11/2011 à 16:33 par soleildanslatete Tags : blog amour nuit monde poésie
Avec René Char le mot est un météore venu d'un monde inconnu

Dans les analyses percutantes que Maurice Blanchot va dédier à René Char on trouve les définitions les plus radicales d'une poésie à nulle autre comparable où l'on peut voir qu'elle rejoint la densité de la maxime philosophique, encore que l'allusion à la philosophie écarte la matière lumineuse dont est faite cette incursion dans le verbe. Mots immaculés ou portés à l'incandescence de leur sens premier.
 

Il parle de l'arête tranchante de ces fragments que rien ne peut briser, comme quelque pierre dure, arrachée au magma primitif ;  il évoque ce "météore détaché d'un ciel inconnu". Si bien que lire Char c'est approcher d'une matière dense et sans lien avec ce que l'on connaît pour découvrir les facettes, les météores d'un monde qui ne s'est pas sali aux complaisances de la vulgarité qui nous menace.
 

C'est toute la force de la poésie quand elle est dominée par René Char
"Nous sommes ingouvernables. Le seul maître qui nous soit propice, c'est l'éclair, qui tantôt nous illumine tantôt nous pourfend".
Ou encore : "L'amour qui sillonne est préférable à l'aventure qui humilie, la blessure de l'humeur".
"La grande nuit terrienne n'est pas faite de terriers mais de malentendus éparpillés. Batailler contre l'absolu de s'enfouir et de se taire".
Avec parfois dans sa sobriété, cette note de mélancolie qui touche à l'intime :

 

"J'ai commencé par rêver les choses impossibles, puis les ayant atteintes, le possible à son tour est devenu impossible. Mon pouvoir s'est évanoui".

voir le beau blog de Patrik Tafani

Partager cet article
Repost0
29 août 2015 6 29 /08 /août /2015 08:24


Céreste-Montjustin039

MONTJUSTIN, village d'artistes aujourd'hui! 60 habitants. Maisons des 16e et  17e siècles. Village fortitié . Au sommet, l'impressionnante Eglise Notre Dame des Neiges. Et des troupeaux de moutons sur la route qui monte au village et d'où l'on aperçoit déjà les Alpes. "J'ai un ami, c'est Lucien JACQUES" disait Jean GIONO. Cet être exceptionnel, doué de multiples talents (dessinateur, peintre, graveur, tisserand, berger autrefois, danseur,...éditeur et poète) vivait à Montjustin !

Lucien Jacques est un artiste français aux multiples talents : poète, éditeur, peintre, dessinateur, graveur et même danseur. Il les aimait et excellait tellement en tous qu'il n'a jamais songé à en abandonner un.Lucien Jacques

 

Biographie 

Premières années en Lorraine.

Lucien Jacques est né le 2 octobre 1891 à Varennes-en-Argonne, dans la Meuse, presque en face de l’endroit où, 100 ans auparavant, le roi Louis XVI fut arrêté.

Il est le fils d’Alphonse Jacques, cordonnier et de Jeanne Scheck, vendeuse de tabac.

Jeunesse à Paris 

Les parents de Lucien Jacques s'installent à Paris en 1896, pour suivre leur fils ainé qui poursuit une formation de joaillier. Lucien Jacques entre à l’école primaire( où il se lie d'amitié avec Henri Poulaille) et passe, sans succès, son Certificat d'Etudes. Il devient alors apprenti chez un joaillier sertisseur, comme son frère. Ce dernier n’hésite pas à l’emmener à des concerts de musique.

L’artiste, déjà[modifier]

Son père doutant de son avenir artistique, Lucien Jacques quitte le domicile familial et vit de petits emplois. Il est tour à tour commissionnaire, employé chez un marchand de métaux et travaille dans le milieu (déjà l'art) de la création de bijoux et de la sculpture sur ivoire. C’est à partir de cette époque qu’il fréquente assidûment le Louvre et découvre, avec passion, Auguste Renoir. Au début des années 1910, il va faire la connaissance d’une personne qui va bouleverser sa vie, la danseuse américaine Isadora DUNCAN. . Il en fera son modèle, et deviendra vite son secrétaire particulier. Séduit par sa personnalité, il en parlera souvent dans ses écrits tout au long de son existence. Il rencontre parallèlement Raymond Duncan, s’inscrit à son Akadémia et y pratique la danse, la gymnastique et le tissage. Il y rencontre de nombreux intellectuels et artistes que réunit entre eux la passion de la Grèce et de l’hellénisme.

L'horreur des tranchée

Comme de nombreux jeunes de sa génération, Lucien Jacques va connaître les horreurs des tranchées du premier conflit mondial. Antimilitariste, il hésite entre se réfugier à l'étranger ou répondre aux obligations du service. Il va répondre à sa feuille d'appel, souhaitant cependant etre un acteur passif de ces tragiques événements à venir. Artiste, il est versé dans la section Musique du régiment et se lie avec Alexandre Noll. C'est à cette époque qu'il découvre les nouveaux grands peintres que sont Vincent Van Gogh et Paul Gauguin. Les besoins en hommes valides lui font vite quitter le service de la Musique et il devient brancardier du 151eme Régiment d'Infanterie. Il y découvre les valeurs humaines de ses camarades de guerre, leur grandeur, leurs défauts. Son palliatif, c'est de parler de culture, de musique, d'art, autant qu'il le peut. Il sera blessé plusieurs fois, l'obligeant à de longues convalescences, dont une en Bretagne où il se lie avec Louis Guilloux et une autre dans le sud de la France où il va découvrir la beauté des paysages provençaux, lui permettant d'oublier la vision de son pays natal complètement ravagé par le conflit. Il en ressortira profondément pacifiste. Durant ces années, il écrira son journal Carnets de Moleskine.

L'entre-deux guerre

Démobilisé, il rejoint Paris et ouvre une boutique de produits divers qu'il a lui même élaborés. Il écrit des textes, édite et expose. Il publie ensuite des poèmes qui lui ont été inspirés par la guerre. Il expose des bois gravés avec ses amis Noll, Vox, Daliès, Quillivic... Il crée ensuite Les Cahiers de l'Artisan , revue artistique qui consacre à chacune de ses parutions les productions d'un artiste. Le milieu de Saint-Germain-des-Prés lui permet de côtoyer André Gide, Jean Guéhenno, Jean Paulhan, Henry Poulaille, Marcel Martinet, etc... En 1922, pour des raisons de santé, Lucien Jacques quitte Paris pour le soleil de la Côte d'Azur, à Grasse où il est le voisin d'H.G.Wells. Il y rencontre son ami d'une vie : le poète Charles Vildrac. Il y relance la revue Les Cahiers de l'Artisan qu'il avait ébauchée auparavant lors de son séjour parisien. Il collabore enfin à la revue littéraire marseillaise La Criée. C'est par l'intermédiaire de cette revue, en 1924, qu'il fait la connaissance d'un jeune employé de banque de Manosque qui y fait publier également quelques poèmes et textes. C'est Jean Giono.LucienJacques Lucien Jacques semble trouver là un talent, dans l'esprit de ce qu'il apprécie et publie dans Les Cahiers de l'Artisan une série de poèmes ("Accompagnés de la Flûte") puis expédie à l'éditeur parisien Grasset un texte de ce jeune auteur(Naissance de l'Odyssée), texte qui sera refusé. Pour convaincre définitivement Grasset, il lui soumet un roman. Son titre est Colline... Jean Giono fait son apparition dans le monde littéraire. Et c'est le début d'une longue amitié avec l'écrivain manosquin. Les années 1925-1935 sont pour Lucien Jacques une période très prolifique, dans tous les domaines où il excelle. Poésie, peinture, (ci-dessous Les Baigneueses de Lucien Jacques)Lucien jacques lucien-baigneuses au crépuscule~OM7b9300~10sculpture,... Il collabore à différentes revues culturelles et littéraires(Nouvel Age et A contre-courant de Poulaille, Les Humbles de M.Wullens, Clarté de Barbusse, etc.), profite de voyages à l'étranger pour présenter ses œuvres ou en créer d'autres (Italie, Égypte). Curieux de toutes les techniques artistiques, son voyage à Rome lui fait découvrir la fresque dont il usera en de nombreux endroits (Saint-Paul-de-Vence, Manosque entre autres). Il s'installera d'ailleurs à cette époque à Saint-Paul. Lucien Jacques sera avec Giono, dès 1936, le pivot du grand rendez-vous des intellectuels, des pacifistes et aficionados de l'œuvre de l'écrivain de Manosque : Les Rencontres du Contadour, hameau de la Montagne de Lure à proximité de Banon. Il créera à cette occasion les Cahiers du Contadour, sorte de compte-rendu littéraire de chaque séjour : textes inédits, poèmes, réflexions, traduction (comme le Moby Dick d'Herman Melville, en collaboration avec Giono et Joan Smith).

La Guerre et la renaissance 

Le deuxième conflit mondial voit l'homme pacifiste et libre s'isoler sur la Montagne de Lure où il vit avec les bergers, menant comme eux une vie simple, tout en n'oubliant pas d'utiliser sa plume et ses pinceaux. Il continue à recevoir les amis contadouriens qui veulent prolonger les "rencontres", et passe l'hiver à Montlaux où il achète une maison près de ses amis Pellegrin. Cette période noire passée, Lucien Jacques s'installe à Montjustin, près de Manosque, qu'il veut transformer en village d'artistes. Peintres, écrivains et poètes ses amis s'y arrêtent à chaque occasion. C'est pour lui une époque prolifique, où il voyage, expose, crée et édite beaucoupjacques002.jpg. En 1953, il relance à nouveau les Cahiers de l'Artisan. Durant cette période, il met sur pieds une édition de livre de luxe des œuvres de ses meilleurs amis, dont Giono avec qui il s'était quelque peu brouillé.

Ses dernières années 

Lucien Jacques passera les six dernières années de sa vie à Gréoux-les-Bains où il se liera d'amitié avec le cordonnier Yvon Michel. Son état de santé ne l'empêche pas de créer et d'exposer encore. En 1960, Il va participer au tournage de Crésus , le film de Giono, devenant décorateur et accessoiriste de film, bien que fatigué par sa maladie. Le cancer l'emportera à l'hôpital de Nice le 11 avril 1961. Lucien Jacques sera enterré à Montjustin le 13 avril 1961.

Sa tombe à Montjustin, près de celle de artier-Bresson

Ljucien TombeDSCN4051-de868

 

 PR.07 398PR.07 407PR.07 413PR.07 414PR.07 448La maison et l'atelier du peintre de Montjustin, Luc GERBIER;

 A Montjustin, on peut aussi voir la tombe d'Henri Cartier-Bresson qui y a été enterré en 2004, à l'âge de 95 ans Tombe de Cartier-BressonLes Alpes de Provence vues de MontjustinPR.07 438

Les Alpes de Haute-Provence1547.JPG

Partager cet article
Repost0
17 avril 2015 5 17 /04 /avril /2015 09:27

Joyce Carol Oates, née le 16 juin 1938 à Lockport dans l'État de New York, est une poétesse et romancière américaine.

 

 Carol Joyve Oates026

"Si je suis 'L'Homme de Boue" selon Hugo HORIOT, alors elle est "La Femme de Boue" MUDWOMAN"   Christian Vancau

 

 

Biographiejoyce_carol_oates1.jpg

Jeunesse et formation

Joyce Carol Oates naît d'un père, Frederic Oates, dessinateur industriel, et d'une mère, Carolina, femme au foyer. Sa grand-mère paternelle, Blanche Woodside, vit avec la famille et est très proche de Joyce, qu'elle évoquera dans son roman The Gravedigger's daughter en 2007The Gracedigger's daughter. Elle a un frère, Fred Jr, né en 1943, et une sœur, autiste ,Lynn Ann, née en 1956.

Très tôt, elle s'intéresse à la lecture, notamment au livre de Lewis Caroll, Alice aux pays des merveilles, que lui a offert sa grand-mère, et dont elle dira qu'il fut sa plus grande influence littéraire.

À l'adolescence Joyce découvre les écrits de Faulkner, Dostoïevski, Thoreau, Hemingway, Charlotte et Emily Brontë, qui l'influenceront beaucoup par la suite. Elle commence à écrire à l'âge de 14 ans, lorsque sa grand-mère lui donne une machine à écrire.

Elle travaille pour le journal de son lycée, le Williamsville South High School, dont elle sort diplômée en 1956 (elle est d'ailleurs la première dans sa famille à obtenir un diplôme d'enseignement secondaire).

Elle obtient alors une bourse pour l'Université de Syracuse, où elle commence à écrire des romans, dont elle n'est jamais réellement satisfaite. A 19 ans, elle gagne cependant un prix dans un concours de nouvelles. Elle sort diplômée de l'université de Syracuse en 1960, puis de l'université de Wisconsin-Madison en 1961.

Carrière littéraire

Peu de temps après l'obtention de son diplôme, elle rencontre Evelyn Schrifte, la directrice des éditions Vanguard, sur qui elle fait une forte impression. Son premier ouvrage, un recueil de nouvelles intitulé By the North Gate, est publié par cette maison en 1963.

Depuis, elle publie des romans, des essais, des nouvelles, du théâtre et de la poésie ; au total plus de soixante-dix titres. Elle a aussi écrit plusieurs romans policiers sous les pseudonymes de Rosamond Smith Carol Joyve Oates024Carol Joyve Oates025et de Lauren Kelly. Carol Joyve Oates022

 Carol Joyve Oates023

Elle s'intéresse également à la boxe.

On BoxingSon roman Blonde, inspiré de la vie de Marilyn Monroe, publié pratiquement dans le monde entier, lui a valu les éloges unanimes de la critique. Elle a figuré deux fois parmi les finalistes du prix Nobel de littérature.Carol Joyve Oates036Carol Joyve Oates037

Elle enseigne la littérature à l'université de Princeton où elle vivait avec son époux, Raymond Smith, mort en février 2008. Celui-ci dirigeait une revue littéraire, l'Ontario Review.

Les superpouvoirs de Joyce Carol Oates

LE MONDE DES LIVRES |  • Mis à jour le 02.10.2013 à 20h39| Par Raphaëlle Leyris

Elle peut tout faire. Nouvelles, poésie, polars, romans gothiques ou d'horreur, inspirés de faits divers (Les Chutes, Stock, 2005 ; Petite soeur mon amour, Philippe Rey, 2009) ou de la vie d'une star (Blonde, Stock, 2000), sous son nom ou l'un de ses pseudonymes (Rosamond Smith, Lauren Kelly)… Depuis son entrée en littérature, dans les années 1960, Joyce Carol Oates n'a cessé de démontrer son talent fou, sa puissante virtuosité, à raison de plusieurs publications, parfois, par an. A ce jour, cependant, son oeuvre tentaculaire ne comprenait pas encore de livre de super-héros. Le splendide Mudwoman vient combler ce manque. Avec son personnage sorti de la boue (mud, en anglais), Joyce Carol Oates fait de l'or.Carol Joyve Oates026

Pas question de types en collant décidés à sauver le monde, ou d'accorte justicière à lasso : de la catégorie à laquelle ressortit son nouveauarrow-10x10.png roman, l'auteur se contente de glisser, sans en faire des tonnes, quelques indices, dont le plus évident est le titre. Mudwoman, c'est Meredith Ruth Neukirchen, dite "M. R.", présidente d'une grande université américaine.

En octobre 2002, quand s'ouvre le texte, les débats font rage dans son pays autour d'une future intervention en Irak ; elle, à 41 ans, revient dans les Adirondacks, la région désolée où elle a grandi, à l'occasion d'un discours à prononcer devant une prestigieuse assemblée. Pour la première fois de sa vie, la si travailleuse, si contenue et si fiable M. R., la super-héroïne du surmoi, sort des sentiers battus et de ce que l'on attend d'elle, pour prendre la voiture au lieu de se préparer ; elle roule vers la Black Snake River. Là, elle commence à s'embourber dans les souvenirs qu'elle a toujours tenté d'éviter. Ceux de la "Mudgirl" qu'elle fut : Jenina, abandonnée à 3 ans par une mère fanatique dans les marais de cette rivière, et sauvée in extremis par un simplet du coin. D'abord envoyée dans une famille d'accueil où régnait la brutalité, puis adoptée par un couple d'aimables quakers, bien décidés, selon leur idéal religieux, à voir "la victoire de la Lumière sur la confusion et la dissension", elle a été rebaptisée et élevée dans le déni de son passé.

 

PERDRE PIED ET RAISON

Lequel, au fil des mois qui vont suivre cette première sortie de route, ne va cesser de la rattraper, "au risque de l'engloutir", tandis que s'annonce, puis se déclenche la guerre en Irak. Les chapitres consacrés à l'existence présente de M. R./Mudwoman, à ses combats quotidiens à l'université – contre le machisme et le conservatisme, contre elle-même, surtout – alternent avec ceux qui racontent sur le mode du conte les premières années de "Mudgirl" – selon un schéma narratif récurrent dans les livres de super-héros. Leurs titres montrent avec quelle malice Joyce Carol Oates inscrit son roman dans la veine des comic books : "Mudwoman affronte un ennemi. Le triomphe de Mudwoman" ; "Mudgirl : trahison" ; "Mudwoman précipitée sur Terre" ; "Mudwoman : les lunes au-delà des anneaux de Saturne"… Et puisque les livres de super-héros, toujours à cheval entre une chronologie cyclique, éternelle, et une autre, linéaire, historique, jouent systématiquement sur différentes temporalités, le sujet est aussi au coeur de Mudwoman : c'est la superposition soudaine des périodes de son existence qui fait perdre pied et raison à son héroïne. Joyce Carol Oates affirme l'importance du thème dès l'un des exergues : "Le temps terrestre est une façon d'empêcher que tout n'arrive en même temps." La phrase est empruntée à un certain Andre Litovik… lequel, astronome de son état, est une invention de l'auteur : "l'amant (secret)" – il est toujours présenté ainsi – de M. R. depuis ses études à Harvard.

Il était logique, au fond, que Joyce Carol Oates en vienne à s'intéresser à ce genre si particulier. Pas pour livrer un tour de magie ou faire ses gammes dans un style nouveau, histoire de se distraire. Mais parce que toute son oeuvre est hantée par la sauvagerie et ses surgissements dans la vie conjugale, familiale, politique ou socialearrow-10x10.png (les nouvelles de Cher époux, qui paraissent en même temps que Mudwoman, en donnent un bon aperçu), de la même manière que les aventures de Superman et assimilés mettent toujours en scène le combat entre les ténèbres et la lumière. Son roman est entièrement structuré autour de cette lutte. Entre les ténèbres où M. R. est née et la religion de la "lumière" où elle a été élevée – oscillant, à l'égard de ses parents adoptifs, du froid mépris à l'amour filial. Entre l'obscurité où sombre son esprit et sa foi dans la transparence. La folie ne gagne pas de terrain seulement en elle : c'est aussi le cas dans tout le pays, où s'affrontent pro- et anti-guerre. Avec ce roman si "oatésien" dans ses thématiques et ses images, si nouveau dans le genre qu'il explore, la grande dame des lettres américaines fait, à 75 ans, une nouvelle démonstration de ses superpouvoirs littéraires.Joyce-Carol-Oates.jpg

Ici même, il y a dix ans, Joyce Carol Oates avait été jugée réfrigérante». Rien n’indique qu’elle se soit réchauffée depuis, sinon la tenue estivale qui, dentelle et chapeau, lui donne une drôle d’allure de fée. Un visage de cinéma muet, vieilli par le passage à la couleur : crayon brun pour redessiner les sourcils, fard rose sur les paupières et les joues, rouge à lèvres orangé. Boucles d’oreilles, bagues, maxi-collier contre frêle silhouette. A 75 ans, la dame en impose, et quand elle vous tend une main molle façon thé de 17 heures et qu’elle lâche un onctueux hellooo, on ne la sent ni fragile ni timide. Ce n’est pas la pauvre petite chose vendue parfois, c’est une femme qui, en deux jours d’entretiens à Paris, a trouvé la force d’en écourter. Une femme qui n’apprécie les journalistes que lorsqu’ils sont de vrais lecteurs de son œuvre - ce qu’elle vérifie dès les premières minutes. La traduction de MUDWOMAN paraît en octobre chez Philippe Rey, dernière livraison d’une production outrée d’une centaine de titres. Vos livres, vous les comptez ? Soupir. Le débit est lent, le refrain récité :Je ne pense pas en ces termes, je crois que la plupart des écrivains ne pensent pas en ces termes " Elle penche la tête, son regard déjà fuyant devient vague et vous quitte tout à fait. Elle s’éteint, littéralement, une absence, puis se rallume pour la question suivante, si elle en vaut la peine.

 

Mudwoman est son premier roman depuis J’ai réussi à rester en vie, récit de veuvage écrit l’année suivant la mort de son mari, Raymond Smith, en 2008. Ce nouveau texte porte la marque de l’angoisse éprouvée, le souvenir des gouffres posthumes. Il lui est apparu en rêve, à travers une image obsédante : «Une femme assise à une table, brillante, accomplie, mais seule, avec de la boue sur le visage.» Du songe comme pâte à fiction, elle modèle son histoire : «Je me suis dit que cette femme se souviendrait de son passé, un passé qui la renverrait à la boue, à quelque chose de primitif.» Quelque chose qui attendait, qui ressurgit. La femme est promue présidente d’une université, on dirait qu’elle perd la raison, le lecteur aussi, la boue monte et on s’enfonce. En arrière-monde, les Etats-Unis, à la veille de la guerre en Irak. «Avoir situé l’action à ce moment-là était une manière de réfléchir à l’idée même de civilisation, une civilisation qui s’effondre.»

 

Elle n’a jamais décrit que cela, l’Amérique, celle des fous dangereux et des calmes foyers, puisqu’il s’agit de la même. La politique l’intéresse de loin en loin : l’individu avant le collectif. L’affaire Snowden l’a quand même pas mal secouée. Elle se redresse : «A l’évidence, le Président n’a pas démantelé les programmes d’espionnage des citoyens pour deux raisons : goût du pouvoir et crainte d’une attaque terroriste. Et pourtant cela n’a pas empêché les attentats de Boston.»

 

En mars 2011, Oates recevait des mains de Barack Obama la National Humanities Medal qui, depuis 1997, récompense un citoyen américain pour ses qualités humanistes. On lui demande de raconter, elle peut nous «montrer des photos». Le smartphone dégainé, madame feuillette l’écran mieux qu’une ado. La voilà menue et poudrée à côté du Président. «Il est gentil, et très grand.» (Elle feuillette.) «Là, c’est lui, Michelle et moi. Elle est plus grande que lui, vous savez…» (Elle feuillette.) «Ici, c’est moi avec la médaille.» (Elle feuillette.) «Et là, c’est mon mari, il est professeur de neurosciences à Princeton. Il a dû rester aux Etats-Unis.» Charles, sourire et barbe blanche, gravement malade. Mudwoman lui est dédié : «Pour Charlie Gross, mon mari et mon premier lecteur.» Oates a passé plus de quarante-sept ans avec un éditeur qui ne lisait pas ses livres. Gross, lui, est scientifique, la littérature n’est pas son métier. Ils se sont rencontrés lors d’un dîner entre collègues, quelques mois après la perte de Smith. Tous deux travaillaient à Princeton depuis vingt ans mais ne s’étaient jamais croisés - pas le même bâtiment, mais le même parking. A cette période, soit c’était «oui», soit elle s’effondrait. Ce fut oui pour le mariage (en 2009) et oui pour le déménagement, dans une maison à cinq minutes de celle où elle vécut avec Raymond. Elle regrette la forêt qui cachait l’ancienne, les canards et les tortues, mais la nouvelle a un étang. Pour les deux hommes, elle dit indifféremment «mon mari».

 

De son propre aveu, Oates est toxico. «Ecrire est… une drogue, douce, irrésistible et épuisante.» Depuis le milieu des années 60, elle publie romans, nouvelles, poèmes, critiques. «Pour être une personnalité littéraire, il faut veiller à ne pas publier trop souvent : un roman tous les cinq ou six ans, pas davantage», confiait-elle à son journal un jour de 1976. Les années seront des mois. Ce désir compulsif de remplir la page est son seul vice : elle ne fume pas, ne boit pas d’alcool, ne mange pas de viande et court pour se maintenir en forme. N’entre jamais dans une église. Garde les gros mots pour ses livres. Control freak ? Lorsqu’elle travaillait sur Mudwoman, Claude Seban, sa traductrice attitrée depuis Corky (1996), admet qu’elle a craint pour la santé mentale de l’auteure : «Je me demandais si elle n’était pas dans le même état que son personnage, s’il n’y avait pas une forme de projection dans cette vie qui se défait de partout. Quoi qu’il en soit, elle présente une façade très lisse.» Effet d’écho chez Christiane Besse, son éditrice chez Philippe Rey, qui évoque une femme «en maîtrise permanente», «un individu difficile à cerner».

 

Elle a toujours vécu avec des chats. Il lui en reste un, qui ne tarde pas à apparaître sur son portable. Une femelle de 12 ans, tigrée. Oates se souvient de la fois où, regardant à la fenêtre, elle l’a surprise en train de chasser. Elle ressemblait à un tigre prêt à dévorer sa proie. «J’ai tapé contre le carreau et sa posture a changé du tout au tout : elle a baissé la queue et a émis un miaulement, très doux. Je me suis dit que c’était une sacrée hypocrite, mais c’était intéressant, car la tueuse aussi, c’était elle. Les gens sont pareils.» L’obsession est là, dans la sauvagerie et la retenue, la folie de chacun, inquiétante, banale.

 

Elle a longtemps porté un masque, joué à «l’éminente écrivaine américaine Joyce Carol Oates». Ce n’est, semble-t-il, plus le cas aujourd’hui, surtout pas quand elle enseigne. Le romancier Jonathan Safran Foer et Alex Gansa, scénariste de Homeland («la seule série que je regarde, avec Mad Men»), sont, entre autres, passés par son cours de creative writing. Elle devra quitter ses fonctions à Princeton en 2015, retraite forcée. Ce n’est pas un sujet qu’elle aime aborder. Elle est plus loquace sur «la beauté de Paris, le musée d’Orsay, la Seine…» La ville défile en clichés, puis c’est un autre chat. «Je suis allé dîner chez Diane Johnson, elle a un très gros chat, encore plus gros que le mien.» (Elle feuillette.) «Et il a un frère. Il est gros lui aussi, n’est-ce pas ?» Limite chaleureuse.

En 8 dates

16 juin 1938 Naissance à Lockport, dans l’Etat de New York.

1964 Premier roman : With Shuddering Fall.

1970 National Book Award pour Eux (Points).

2000Blonde (Stock), biographie pimpée de Marilyn Monroe.

2005 Prix Femina étranger pour les Chutes (Philippe Rey).

2008 Mort de son mari, Raymond Smith.

2009 Remariage avec Charles Gross.

2013 Mudwoman (Philippe Rey).

Photo Fred Kihn

Thomas STÉLANDRE

Oeuvres parues en français

  • Des gens chics, Stock, 1970
  • Corps, éditions Pauvert, 1973
  • Le Pays des merveilles, Stock, 1975
  • Haute Enfance, Stock, 1979 (édition américaine 1969)
  • Mariages et Infidélités, Stock, 1980
  • Bellefleur, Stock, 1981 (édition américaine 1980)
  • Eux, Stock, 1985
  • La Légende de Bloodsmoor, Stock, 1985 - rééd. 2011
  • A Bloodsmoor RomanceL'Homme que les femmes adoraient, Stock, 1986
  • Les Mystères de Winterthurn, Stock, 1987 - rééd. 2012
  • De la boxe, Stock, 1988
  • Marya, Stock, 1988
  • Aile de corbeau, Stock, 1989
  • Souvenez-vous de ces années-là, Stock 1991
  • Cette saveur amère de l'amour, Stock, 1992
  • Reflets en eau trouble, Ecriture, 1993
  • Un amour noir, Éditions Du Felin, 1993
  • Le Rendez-vous, Stock, 1993
  • Au commencement était la vie, Éditions Du Felin, 1994
  • Au commencement était la VieLe Goût de l'Amérique, Stock, 1994
  • Hantises, Poche, 1994
  • Confessions d'un gang de filles, Stock, 1995
  • En cas de meurtre, Actes Sud, 1996
  • Corky, Stock, 1996
  • Solstice, Stock, 1997 (édition américaine 1985)
  • Zombi, Stock, 1997
  • Man Crazy, Stock, 1999
  • Premier Amour, Actes Sud, 1999
  • First LoveNous étions les Mulvaney, Stock, 1999Carol Joyve Nous étions les Mulvaney
  • Carol Joyve Oates029Blonde, Stock, 2000 (édition américaine 2000). Un roman sur Marilyn Monroe.
  • Mon cœur mis à nu, Stock, 2001
  • Je me tiens devant toi nue - Miss golden dreams, Éditions Du Laquet, 2001
  • Nulle et Grande Gueule, Gallimard Jeunesse, 2002
  • Nulle et Grande GueuleJohnny Blues, Stock, 2002
  • Délicieuses Pourritures, 2003Carol Joyve Oates032
  • Carol Joyve Oates033Infidèles ; histoires de transgressions, Stock, 2003
  • Le Ravin, Éditions de l'Archipel, 2003
  • J'ai refermé ma porte, Éditions Philippe Rey, 2004
  • I Lock my door upon myselfHudson River, Stock, 2004
  • Je vous emmène, Stock, 2004
  • Je vous emmèneLa Foi d'un écrivain, Éditions Philippe Rey, 2004
  • Zarbie les yeux verts, Gallimard Jeunesse, 2005
  • Zarbie les yeux vertsLes Chutes, éditions Philippe Rey, 2005 — Prix Femina étrangerCarol Joyve Oates030
  • Carol Joyve Oates031Hantises, Stock, 2005
  • Viol, une histoire d'amour, Éditions Philippe Rey, 2006
  • Vous ne me connaissez pas, Éditions Philippe Rey, 2006
  • La Fille tatouée, Stock, 2006
  • The Tattooed girlMère disparue, Éditions Philippe Rey, 2007
  • Les Femelles, Éditions Philippe Rey, 2007
  • Les FemellesSexy, Gallimard Jeunesse, 2007
  • La Fille du fossoyeur, Éditions Philippe Rey, 2008Carol Joyve Oates034
  • Carol Joyve Oates035Journal 1973-1982, Éditions Philippe Rey, 2009
  • Fille noire, fille blanche, Éditions Philippe Rey, 2009
  • Vallée de la mort, Éditions Philippe Rey, 2009
  • Le Triomphe du singe araignée, Éditions Les Allusifs, 2010
  • Un endroit où se cacher, Albin Michel, coll. « Wiz », 2010
  • Petite sœur, mon amour, Éditions Philippe Rey, 2010
  • Petite soeur mon amourFolles Nuits, Éditions Philippe Rey, 2011
  • J'ai réussi à rester en vie, Éditions Philippe Rey, 2011
  • Le Musée du Dr Moses : histoires de mystère et de suspense, Éditions Philippe Rey, 2012
  • Petit oiseau du ciel, Éditions Philippe Rey, octobre 2012
  • Little Bird of HeavenÉtouffements (nouvelles), Éditions Philippe Rey, octobre 2012
  • Le Mystérieux Mr Kidder, Éditions Philippe Rey, 2013

Films inspirés par l'œuvre de Joyce Carol Oates

Prix et récompenses

Lauréate
  • 1968 : M. L. Rosenthal Award, National Institute of Arts and Letters - A Garden of Earthly Delights
  • 1970 : National Book Award - Them
  • 1973 : O. Henry Award - The Dead
  • 1990 : Rea Award for the Short Story
  • 1996 : Bram Stoker Award for Novel - Zombie
  • ZOMBIE1996 : PEN/Malamud Award for Excellence in the Art of the Short Story
  • 2002 : Peggy V. Helmerich Distinguished Author Award
  • 2003 : Kenyon Review Award for Literary Achievement
  • 2005 : Prix Femina Étranger - The FallsCarol Joyve Oates030
  • 2006 : Chicago Tribune Literary Prize
  • 2010 : National Humanities Medal
  • 2011 : Honorary Doctor of Arts, université de Pennsylvanie
Finaliste[
  • 1968 : National Book Award - A Garden of Earthly Delights
  • A Garden of earthly Delights1969 : National Book Award - Expensive People
  • 1972 : National Book Award - Wonderland
  • 1990 : National Book Award - Because It Is Bitter, and Because It Is My Heart
  • 1992 : National Book Critics Circle Award for Fiction - Black Water
  • 1993 : Pulitzer Prize - Black Water
  • 1995 : PEN/Faulkner Award - What I Lived ForActualité > Bibliobs > Romans > Joyce Carol Oates, la machine à écrirearrow-10x10.png
    Joyce Carol Oates, la machine à écrire
    Didier Jacob
    Par Didier Jacob

     Voir tous ses articles

    Publié le 08-12-2013 à 18h34Mis à jour le 16-01-2014 à 15h47

    Elle est née en 1938, a publié une centaine de livres au bas mot, et continue de les enchaîner à une cadence infernale. Pourquoi? Comment? Enquête

    Née en 1938, l'Américaine JOYCE CAROL OATES est lauréate de nombreux prix, dont le Bram Stoker Lifetime Achievement Award. Elle a dirigé l'«Ontario Review» avec son mari Raymond Smith jusqu'à la mort de celui-ci, en 2008. Un an plus tard, elle a épousé Charles Gross, professeur de psychologie à Princeton. (©Frederic Stucin / Pasco)Née en 1938, l'Américaine JOYCE CAROL OATES est lauréate de nombreux prix, dont le Bram Stoker Lifetime Achievement Award. Elle a dirigé l'«Ontario Review» avec son mari Raymond Smith jusqu'à la mort de celui-ci, en 2008. Un an plus tardarrow-10x10.png, elle a épousé Charles Gross, professeur de psychologie à Princeton. (©Frederic Stucin / Pasco)
    Partager Recevoir les alertes
    À lire aussi

    Elle n'a que la peau sur les os, et elle parle d'une voix presque inaudible, mais son oeuvre est immense: une centaine de livres, au bas mot. N'y a-t-il jamais eu de trou d'air? De baisse de régime? Pas qu'elle sache mais la vérité, c'est que toutes ces questions sur les secrets de sa surproduction ennuient Joyce Carol Oates à mourir. «Je ne suis pas sûr qu'elle puisse elle-même expliquer sa graphomanie exceptionnelle», observe Philippe Rey, son éditeur français. «Chez elle, c'est biologique. Vital presque.»

    Son compagnon de

    voyagearrow-10x10.png, lors de son passage à Paris en juin dernier (son mari étant indisposé, elle avait fait appel à un ami professeur de littérature), n'en revient toujours pas: dans le taxi qu'elle a pris avec lui pour aller de Princeton à l'aéroport, l'auteur de «Blonde» en a profité pour écrire. Pendant le vol, elle a écrit aussi, et dans le taxi qui l'a emmenée de Roissy à son hôtel parisien, que croyez-vous qu'elle fit?

    Complexes, riches, documentés (elle dit ne pas avoir d'assistant), les livres qu'elle publie, de surcroît, dépassent souvent les 500 pages. «Mudwoman», qui paraît cet automne en France, en

    comptearrow-10x10.png 576, et son prochain roman, qui sort aux Etats-Unis, approche les 900 pages. Un tsunami que Philippe Rey a du mal à contenir: 
    Joyce Carol Oates publie en moyenne deux romans par an, plus une trentaine de nouvelles. Et il y a ses articles dans la "New York Review of Books", qui ont la taille de novellas. 

    Sans parler de ses

    coursarrow-10x10.png à Princeton (elle prend sa retraite cette année, mais continuera d'en donner à New York à partir de la rentrée 2014). «Elle joue du pianoarrow-10x10.png, elle marche, elle fait du jardinage», dit encore Philippe Rey. «Et elle a son mari !» Il oublie son chat.
    « En librairie, c'est le grand embouteillage »

    Résumons : plus de cinquante romans publiés, trente-six recueils de nouvelles, trois douzaines de

    livresarrow-10x10.png pour enfants, des pièces de théâtre, des recueils de poésie, des essais, un livret d'opéra, un scénario avec Martin Scorsese qui, faute de moyens, n'a finalement pas donné lieu à un film. Comme si ça ne suffisait pas, Joyce Carol Oates est aussi l'auteur d'une oeuvre secrète, écrivant sous des pseudonymes divers : Lauren Kelly, Rosamond Smith. 

    «Nous avons décidé de publier tout ce qui paraît sous son nom», explique son éditeur français:

    Mais nous avons beaucoup d'avance: deux romans inédits et cinq recueils de nouvelles sont en attente. En librairie, c'est le grand embouteillage. Oates, ça représente huit nouveaux titres par an: trois ouvrages inédits, deux ou trois poches en Points Seuil, nos rééditions et les rééditions de Stock, qui détient les droits de beaucoup de ses romans.

    Autre victime collatérale de cette intense activité, sa traductrice française, Claude Seban. C'est avec «Blonde» qu'elle a mis pour la première fois les mains dans le cambouis

     «Depuis l'année dernière, c'est devenu du plein-temps. Une fois, je lui ai posé une question mais elle m'a répondu: "Si ce n'est pas clair, vous supprimez." J'ai l'impression que, pour elle, les livres l'intéressent moins quand ils sont publiés.

    N'est-elle pas étouffée sous le poids de sa production ? «Ça m'imprègne pas mal, c'est vrai. Souvent, je me surprends, dans une conversation, à citer un dialogue ou une réflexion qui

    figurearrow-10x10.png dans un de ses livres.» C'est grâce à elle, en tout cas, que Joyce Carol Oates a trouvé sa superbe voix française, limpide et expressive à la fois.
    La revanche d'une « Mudwoman »

    Le secret de cette « sorte de

    possessionarrow-10x10.png » (Claude Seban) ? Beaucoup ont cru le percer enfin, au palace Four Seasons George V à Paris, lors du dîner annuel organisé, le 6 juinarrow-10x10.png dernier, par l'American Library of Paris. Après William Styron ou Paul Auster, c'était Joyce Carol Oates qui était invitée à parler de son sujet favori : l'inspiration.

    Vêtue d'un ensemble gris souris et arborant un chapeau de paille, la romancière fait son entrée dans un

    salonarrow-10x10.png privé où 250 invités et donateurs ont pris place. 
    Nous étions suspendus à ses lèvres,se souvient Philippe Rey. Elle allait enfin s'expliquer. Hélas, elle a parlé de Proust, de Joyce, de Hawthorne ou de Melville, mais pas d'elle. Je lui ai demandé pourquoi, et elle m'a répondu que cela aurait été déplacé, après avoir évoqué tous ces grands noms.

    Dans son nouveau livre, le puissant et

    magnifiquearrow-10x10.png «Mudwoman» (littéralement «femme de boue»), elle raconte l'itinéraire d'une présidente d'université dont l'exceptionnelle réussite tranche avec ses lugubres origines d'enfant abandonnée, dans les Adirondacks, dans le nord-est de l'Etat de New York. Un passé qu'elle met toute son énergie à refouler pour parvenir au sommet. 
    Je voulais écrire sur une femme qui a une position de pouvoir, ce qui n'est pas si fréquent aux Etats-Unis, explique l'auteur dans un filet de voix. Une de mes amies est devenue présidente de l'université de Pennsylvanie, et ça marche très bien. Il y a eu de gros progrès, même s'il y a aussi de nombreuses réactions antiféministes, encore aujourd'hui, chez les politiciens. C'est un pays si conservateur. 

    Une success story d'autant plus passionnante qu'elle est celle de 

    Joycearrow-10x10.png Carol Oates, qui a commencé au bas de l'échelle, grandissant dans une misérable ferme, et apprenant à écrirearrow-10x10.png dans l'unique salle de classe d'une petite école de l'Etat de New York.
    Professeur Joyce Carol Oates

    Aujourd'hui, elle a ses entrées à la Maison-Blanche: ce qui l'amuse, n'est-ce pas justement de montrer sur son iPhone (un jouet qu'elle manipule comme un enfant de 4 ans un Playmobil) une

    photoarrow-10x10.png d'elle entre Michellearrow-10x10.png et Barack Obama ? 
    J'ai rencontré le président lorsqu'il m'a remis la médaille nationale des Humanités. Il est si grand, et Michelle aussi, encore plus ! Le président est vraiment charmant, il a beaucoup d'humour. Et c'est le même homme qui envoie ces drones, qui assassine des gens. C'est décourageant.

    Honorine de Balzac ? Pour le débit, donc, sinon pour l'embonpoint. Pour le charisme aussi: ses anciens élèves, à Princeton, se souviennent d'avoir bu ses paroles au séminaire de creative writing qu'elle a assuré pendant trente-quatre ans, le plus envié des Etats-Unis. «Elle était aussi drôle qu'elle peut être glaciale dans d'autres circonstances. Elle nous posait des questions très personnelles, sur nous, sur nos vies», se souvient un étudiant.

    Scénariste de la série télé « Homeland », blockbuster mondial écrit sous influence oatesienne, Alex Gansa (promo 1984) n'a pas oublié le jour où, lisant devant lui les onze premières pages de son roman de fin d'études, le professeur Oates lâcha froidement: «Eh bien, ce n'est vraiment pas très bon.» 

    De son côté, un

    autrearrow-10x10.png de ses «anciens», l'écrivain Jonathan Safran Foer (promo 1999) aujourd'hui célébré dans le monde entier se souvient lui avoir donné à lirearrow-10x10.png les brouillons de son premier roman, «Tout est illuminé», dont elle a accompagné la gestation jusqu'à la fin. «On sait presque immédiatement si un élève a du talent», explique-t-elle. Et tandis que, bientôt à la retraitearrow-10x10.png, les visages des centaines d'élèves qui sont passés dans sa classe défilent peut-être à toute vitesse dans son esprit, elle confie: «Oui, ça va me manquer terriblement.»
    « Il y a deux sortes d'écrivains... »

    Manière de clore dignement ce chapitre de sa vie, elle a situé son dernier livre, «The Accursed», qui paraîtra dans un an en France si Claude Seban en vient à bout, à Princeton. Un roman satanique dont une première version avait été écrite dans les années 1980, et qu'elle dit avoir sans cesse révisé depuis. Elle y fait, dit-elle, autant oeuvre d'historienne que de romancière: 

    Si mon oeuvre est parfois violente, c'est parce que je m'inspire de ce qui m'entoure. Je parle de la réalité, des difficultés, de tout ce que les gens ont à endurer, des surprises qui les attendent à un moment ou à un autre de leur vie. C'est souvent tragique. Mais avec cette envie de se battre, de surmonter toutes ces difficultés. Au fond, j'essaie toujours d'explorer le coeur humain, de raconter ses combats, ses victoires.

    Pour Daniel Halpern, son éditeur et ami, «Joyce Carol Oates vit pour écrire. Elle ne s'arrêtera jamais, comme Philip Roth. Elle ne le supporterait pas. Elle serait perdue sans ça.» Elle se reconnaît dans la sociologie romanesque d'un Balzac. Elle vénère Poe, Hemingway et Faulkner, aime Flaubert, apprécie le caractère obsessionnel de son écriture sans accorder trop de crédit à ses déclarations sur la souffrance d'écrire. «Même Flaubert devait y trouver du plaisir. C'est un défi constant, oui. Mais ça n'est pas pénible, au contraire.» 

    Chez elle, elle a installé son bureau dans une pièce avec vue sur le jardin. 

    Il y a des oiseaux, des fleurs. Il y a aussi un étang. Il y a deux sortes d'écrivains, ceux qui écrivent en regardant un mur, et ceux qui ne peuvent pas se passer d'une fenêtre. C'est mon cas. Ça m'inspire. J'aime le silence, le calme, je n'écoute pas de musique quand j'écris. Sauf le chant des oiseaux.

    L'avenir ? Elle le voit en milliers de pages. «J'ai dans mes dossiers beaucoup d'idées de roman, des résumés qui

    fontarrow-10x10.png parfois trente ou quarante pages. Plus d'idées, c'est certain, que de temps pour les écrire.» Des idées, oui, mais combien ? On lui demande une fourchette: vingt, cent, mille? «Probablement une centaine», dit-elle.

    Notez que, parfois, elle se repose :

    elle tweete«Tous mes tweets sont composés avec précision, comme s'ils étaient des aphorismes. Parfois, je suis surprisearrow-10x10.png par leur qualité hautement poétique, presque surréaliste.» En somme, un tweet, ça n'a l'air de rien, mais quand on en écrit plusieurs par jour, ça peut valoir le coup de les réunir en volume. Vous allez voirarrow-10x10.png, encore un gros bouquin.

    Didier Jacob

Partager cet article
Repost0
28 mars 2015 6 28 /03 /mars /2015 09:18

Victor HUGO 1802 - 1885... à savoir le 19e siècle en France

Les grandes étapes historiques et culturelles, pour commencer. Nécessité de  restituer Hugo dans l'histoire de ce siècleRésumé Bio 1

Bio Hugo Résumé 2-copie-2

 

Je reprends à ma manière.

En 1815, le Congrès de Vienne, c'est la fin de Napoleon 1er.

De 1815 à 1830, l'avènement de la Restauration de la Monarchie avec le retour de Louis XVIII et ensuite Charles X. Révolution. Les barricades..1830 Fin de Charles X

De 1830 à 1848, Les Trois Glorieuses, la Monarchie de Juillet avec Louis-Philippe d'Orléans.

En 1848, la Deuxième République. Arrivée de Louis Bonaparte, neveu de Napoleon Ier qui est élu Prince-Président de la République au suffrage universel. Victor Hugo, qui le soutient, est élu Député. La Constitution  interdit à Louis Napoléon de briguer un second mandat. Il fait donc abroger la constitution et en 1852 il proclame L'Empire (le second) et devient Empereur sous le nom de Napoleon III , ce qui provoquera l'Exil de Victor Hugo pour la Belgique (Bruxelles) et  très rapidement pour Jersey et puis pour  Guernesey1851

En 1870 Napoleon III rend l'âme devant les Prussiens (Bataille de Sedan). A Paris c'est la Commune en 1871. Napoleon s'enfuit en Angleterre et la Troisième République est proclamée. Hugo revient d'exil.

 

Chronologie de Victor HUGO.

Il serait peut-être bien de parler prélablement du contexte familial. Le père Leopold, un Lorrain, dit Brutus et la mère Sophie Trébuchet, une VendéenneLe Général Leopold Hugo et sa femme Sophie TrébuchetLes Parents de VictorNé à Nancy en 1773, Joseph Léopold Sigisbert Hugo, fils de menuisier, entame très tôt sa carrière militaire: engagé volontaire en 1789, mais congédié car trop jeune, il doit attendre 1791 pour intégrer l'armée. Acquis aux ideaux de la Révolution, ardent républicain, il se rebaptise lui-même "Le sans-culotte Brutus Hugo" et sert contre les chouans en 1795. Affecté à l'état-major de l'armée du Rhin, il prend part à la bataille de Marengo et sa bravoure lui vaut d'être nommé chef de bataillon, puis commandant de la place de Lunéville, où il se fait remarquer de Joseph Bonaparte, qui devient son protecteur. Ses multiples campagnes lui laissent cependant le temps d'écrire sur toutes sortes de sujets:" Projets d'entretiens des routes par des hommes inhabiles au service actif". " Moyen de détruire dans ses larves le ver rongeur de l'Olivier en Corse"...mais aussi des romans et des vers qu'il publiera une fois la retraite venue en 1815. 

En 1802, il est  muté à Marseille pour des raisons disciplinaires, avec femme et enfants et Sophie le quittera pour gagner Paris, prétextant de devoir y aller pour débrouiller les affaires de son mari mais en réalité pour y retrouver son amant, Victor de Lahorie. Les enfants sont restés avec leur père, qui est muté en Corse à Bastia en 1803, puis à lle d'Elbe que le premier consul Bonaparte veut transformer en bastion. Là-bas Leopold trompe son ennui et sa femme infidèle dans les bras de la belle Catherine Thomas. Sophie arrive le 11 décembre 1803 et retrouve ses enfants.

Mais elle retournera à Paris, rue de Clichy le 16 février 1804, avec ses enfants cette fois. Hélas son amant Lahorie est recherché pour un complot contre Bonaparte, ce qui n'empêchera pas celui-ci de devenir Empereur en 1804. En 1805, Victor Lahorie viendra se réfugier chez Sophie pendant quelques jours et le petit Victor Hugo fera connaissance de son parrain..eh oui....

Pendant ce temps Leopold Hugo, loin des siens, se prépare à de nouvelles aventures, en Italie cette fois, sous les ordres du Maréchal Masséna qui vient de se lancer à la conquête du Royaume de Naples. Leopold Hugo fait tant et si bien que sa bravoure et notamment ses prouesses lors de la bataille de Caldiero, est récompensée par Joseph Bonaparte, monté sur le trône de Naples. Leopold est devenu gouverneur de la province d'Avellino, après être venu à bout du fameux Fra Diavolo qui faisait régner la terreur dans les campagnes de Naples à la tête de ses hordes de brigands. Avec Catherine Thomas, qui s'affiche ouvertement à ses côtés, Leopold vit maintenant confortablement, installé dans un vaste palais, avec une armée de domestiques à son service. Nous sommes en 1806.

En janvier 1807, un autre Hugo, l'Oncle Louis, enrichit la mythologie guerrière de la famille en prenant part en Russie, à la sanglante bataille d'Eylau. Toutes ces prouesses militaires produisent leur effet sur les enfants Hugo, restés à Paris. Leur mère, elle, se montre plus intéressée par les perspectives pécuniaires que laisse envisager la nouvelle situation de son mari dont la solde a été considérablement augmentée. Si elle n'est guère enthousiaste à l'idée de partager à nouveau la vie et le lit de "Brutus", elle convoite, en épouse légitime la part qui lui revient. Aucun soupçon ne semble peser sur elle et menacer sa famille mais elle sait que sa liaison  avec Victor de Lahorie, toujours pourchassé par les sbires de Fouché, le tout puissant chef de la police, est comme une épée de Damoclès dont il serait bon qu'elle se protège en s'éloignant de Paris. A la fin de 1807, Sophie avertit Leopold qu'elle part avec les enfants le rejoindre en Italie.

Après avoir connu successivement Besançon, Marseille, La Corse, l'île d'Elbe, puis Paris, Victor Hugo, désormais âgé de cinq ans, s'apprête à franchir les Alpes. Mais Sophie s'installera très vite à Naples et dès décembre 1808 c'est déjà le retour à Paris, dans l'Impasse des Feuillantines donnant sur la rue St Jacques.

C'est pour un étrange visiteur que Sophie a fait restaurer la vielle chapelle transformée en gîte. Monsieur de Courlandais n'est autre que Victor de Lahorie, venu chercher refuge auprès de sa maîtresse. le nouveau venu se lie d'amitié avec les enfants, suit avec attention leurs progrès scolaires, joue le rôle d'un nouveau père. le vrai pèrs, lui, est depuis un an en Espagne.

Mais le 30 décembre 1810, on frappe à la porte des Feillantines. C'est la police venue saisir Lahorie et l'emmener au donjon de Vincennes;

Dès 1811 la famille Hugo se dirige vers l'Espagne et s'installe à Mafrid. Joseph Bonaparte, souhaitant que ses généraux fassent montre d'un peu plus de correction dans leur vie de famille. Il va même jusqu'à exiger de Leopold qu'il quitte sa maîtresse. Mais l'Angleterre menace l'Espagne et Sophie décide de rentrer aux Feuillantines à Paris en traversant une Espagne mise à feu et à sang, avec ses enfants. Et c'est le coup d'Etat contre Napoleon, Lahérie libéré, l'échec du complot et la condamnation à mort de Lahorie, affichée dans tout Paris le 23 octobre 1812.

Ensuite c'est l'effondrement de l'Empire. Sophie s'installe rue des Vieilles Tuileries au n°2 (l'actuelle rue du Cherche-Midi) . Mais en février 1815, Leopold obtient de la Justice la tutelle de ses enfants et vient enlever Abel, Eugène et Victor, pour les placer à la Pension Cordier( St Germain-des-Prés), tenue par un abbé défroqué. 

Et c'est 1815, l'armistice est signé à Saint-Cloud. Louis XVIII retrouve son trône

 

Originaire de Nantes, Sophie Trébuchet, née en 1772, se retrouve orpheline de bonne heure. Sa mère meurt en 1780 et son père, trois ans plus tard. Elle grandit, élevée par son grand-père et une tante à Chateaubriant où elle rencontre Léopold Hugo qu'elle épouse civilement à Paris le 15 novembre 1797. Elle était plutôt voltairienne , à savoir pour le moins, sceptique vis-à-vis du catholicisme, et certainement républicaine. Très soucieuse de la réussite de ses fils, elle leur impose une discipline morale sévère.

Ce qui ne l'empêche pas d'avoir un amant, Victor de Lahorie.Les années Hugo 1802-1885

1802. Le 26 février à 22h0, naissance à Besançon de Victor Hugo, troisième fils, après Abel et Eugène, du futur général d'Empire Léopold Hugo et de Sophie Trébuchet685px-Victor Hugo birthplace Maison natale à Besançon  Hugo à Besançon

 

1803. Naisssance d'Adèle Foucher, future épouse de Victor Hugo.

 

1806. Naissance de Julienne Gauvain, future Juliette Drouet.

 

1809-1810. Victor Hugo réside aux Feuillantines à Paris avec sa mère et ses frères, Albert et Eugène. Les enfants jouent avec Adèle Foucher. Le jardin et le grenier de l'ancien couvent des  Feuillantines sont les lieux  privilégiés de Victor et de ses frèresFeuillantines097Feuillantines

 

1811. Séjour à Madrid. Eugénie et Victor sont placés au "Collège des Nobles". Le convoi du voyage en Espagne, un dessin de Jules Garnier. "Enfin le convoi est constitué. trois cents voitures, des milliers de soldats sous le commandement du Marquis du Saillant (Un assaillant-né) sont chargés d'escorter le trésor de douze millions or destiné à Joseph Bonaparte pour l'administration des affaires espagnoles. Au milieu de cette équipée, les enfants Hugo sont à la fêteVoyage en Espagne

 

1812. Retour aux Feuillantines.

1815. Eugène et Victor entrent en pension à Paris.

 

1817. Mention d'encouragement pour Victor, à un concours de l'Académie française

 

1819. Victor Hugo obtient Le Lys d'Or au concours poétique des jeux floraux de Toulouse. Il fonde avec ses frères, "Le Conservateur littéraire"Victor Hugo à 17 ans

Rencontre de Chateaubriand auquel Hugo voue une grande admirationChateaubriand

1820. Roman Bug Jargal.1820-1829

 

1821. Mort de la mère de Victor Hugo, Sophie Trébuchet

 

1822. Poèsie: Odes et Poésies diverses

Mariage avec Adèle FOUCHERmadame-victor-hugo---louis-boulanger

 

1823. Roman: Han d'Islande.

 

1824. Poésie: Nouvelles Odes

Naissance de Leopoldine Hugo.

 

1826. Roman: Bug-Jargal seconde version.
Naissance de Charles Hugo.

 

1827. L'Ode à la colonne de la Place Vendôme" et au Théâtre: Cromwell et sa préface.

 

1828. Mort du père de Victor Hugo, Leopold.

Naissance de son fils Victor, dit François-Victor. Voici les quatre enfants de victor Hugo de haut en bas et de gauche à droite: Léopoldine, Charles, Victor (François-Victor) et AdèleLes enfants de victor Hugo083-1

1829VH en 1829

Les Orientales.

Le dernier jour d'un condamné.

Marion de Lorme (Théâtre)

 

1830 Au Théâtre, HERNANI qui crée l'évènement. Louis-Philippe d'Orleans est nommé Roi des Français à l'issue des trois Glorieuses.  Monarchie parlementaire.1830-1842 La Gloire

1830 Fin de Charles XHERNANI.jpgNaissance d'Adèle Hugo.

Début de la liaison entre Sainte-Beuve et Madame Victor Hugo. C'est Sainte-Beuve qui est venu l'avouer à Victor Hugo.

 

1831 Roman: "Notre Dame de Paris".

Début des grands travaux HAUSSMANN dans Paris1831 Les Grands Travaux-Haussmann

Poésie: "Les Feuilles d'automne".

 

1832. Installation Place Royale (Place des Vosges). Voici la Place, la Maison-Musée Victor-Hugo, l'Entrée et le grand escalierPlace des Vosges

P1080084Place des Vosges Entrée Maison Hugomaison-de-victor-hugo-L'escaler

 

Théâtre "Le roi s'amuse"

 

1833. Théâtre: Lucrèce Borgia et Marie Tudor.

Début de la liaison entre Victor Hugo et Juliette DROUET, actrice qui joue dans les deux pièces ci-dessus. La voici dans Lucrèce Borgia(Photo du dessous)Juliette Drouet (Noël)Victor Hugo-Drouet 

Leur liaison durera 50 ans jusqu'à la mort de celle-ci (1883).

 

1834" Littérature et philosophie mêlées"

Roman : Claude Gueux.

 

1835. Théâtre: Angelo Tyran de Padoue

Poésie: Les chants du crépuscule;

1837. Poésie: Les Voix intérieures.

Premier voyage en Belgique avec Juliette Drouet.

1838. Théâtre: RUY BLASRuy Blas

1840. Poésie: Les Rayons et les Ombres.

Voyage avec Juliette Drouet sur les bords du Rhin et dans la Forêt Noire.

1841 Election à l'Académie française.

  1843-1850

1843. Théâtre: Les Burgraves.

Mariage de Leopoldine Hugo avec Charles Vacquerie le 15  février.

portrait leopoldine hugo 1824Portrait de Léopoldine en 1824

Le 4 septembre, mort des deux époux qui se noient dans la Seine à Villequier, lors d'une excursion en bâteau. Voici ce qu'écrivait Leopoldine à son frère François Victor âgé de 15 ans. Nous sommes le 25 août: "J'étais hier mon cher petit Toto, au bord d'un lac vert et charmant qui est à 4000 pieds de hauteur dans la montagne et qui a douze cent cinquante pieds de profondeur. Rien n'est plus gracieux et plus joli que ce lac. L'eau en est glaciale. Si l'on y tombe, on est mort. C'est ce qui est arrivé il y a deux ans, à deux jeunes mariés dont le tombeau est au bord du lac sur un rocher. J'y ai cueilli cette petite fleur... Celle-ci s'appelle une cinéraire. Elle est bien nommée comme tu vois, venant sur un tombeau. Le Lac s'appelle le lac de Gaube"

1845. Victor Hugo, nommé pair de France.

Flagrant délit d'adultère  avec Leonie Biard.Leonie Biard

Début de la rédaction des futurs"Misérables".

1847 Discours à la Chambre des Pairs sur la famille Bonaparte, dont Hugo réclame la fin de l'exil.

Ecrit le 4 octobre 1847, veille du jour anniversaire de la mort de Léopoldine, ce poème s'inscrit dans la série des pièces composées chaque année en memoire de la tragédieDemain dès l'Aube

 

1848. Le 4 juin, Victor Hugo est élu député de Paris, comme Louis-Napoléon Bonaparte.

1er août, fondation par les fils de Victor Hugo de L'Evènement, journal politique qui soutient la candidature de Bonaparte à partir de fin octobre.

Ci-dessous Hugo caricaturé par Daumier, lors de son premier discours à l'Assemblée

    Daumier VH en 1849 lors de son éléction à l'Assembl.cons1849. Elu député conservateur, Hugo se rapproche des positions de la gauche. Discours sur La Misère et sur L'affaire de Rome.1848 La Montagne

 

1850. Discours dur "La Liberté de l'enseignement, le Suffrage universel et La liberté de la Presse. Hugo à gauche de l'Assemblée.

Intense création graphique .Hugo dessine chez Juliette Drouet.Sub Clara Nuda Lucerna

 

1851. En février, Hugo visite les caves de Lille, sorte de ghetto où vit une population misérable. En juillet Discours à l'Assemblée contre la révision de la Constitution demandée par Louis Bonaparte.

Les deux fils Hugo sont incarcérés pour délit de presse.

Du 2 au 11 décembre, Hugo tente d'organiser la  résistance au coup d'Etat.1851

Le 11 décembre 1851, Hugo quitte Paris pour Bruxelles. Juliette Drouet le suit avec ses manuscrits.

C'est le début de L'EXIL (à suivre) 

Partager cet article
Repost0