Je suis allé deux fois à Skopje, en 1961, en me rendant à Athènes avant le tremblement de terre de 1963 et en 1968, en me rendant en Bulgarie et à Istambul
Skopje (en macédonien Скопје,) est la capitale et la plus grande ville de la République de Macédoine ; elle compte aujourd'hui un peu moins de 700 000 habitants, soit environ le tiers de la population totale du pays, dont une forte minorité d'Albanais. Skopje concentre la majeure partie des fonctions administratives, politiques, économiques et culturelles de Macédoine.
Dans l'ancienne forteresse de Kale qui surplombe la ville on a trouvé des habitats néolithiques qui remontent au moins à 4000 av. J.-C. Au début du premier siècle av. J.-C., les Romains conquièrent la ville et installent un camp militaire à proximité. Sous le nom de Scupi, et devient la capitale de la province de Mésie. Lorsque l'Empire romain est divisé en 395, Scupi se retrouve dans l'Empire d'Orient, administré par Constantinople.
Au début du Moyen Âge, la ville est l'enjeu de rivalités entre l'empire byzantin et l'empire bulgare, dont elle fut la capitale de 972 à 992.
En 1282 c'est la Serbie des Nemanjić qui la prend aux Byzantins, et son "empereur" Dušan en fera sa capitale en1346.
En 1392, ce sont les Ottomans qui prennent Skopje. Renommée Üsküp, devenue la capitale d'un sandjak d'Üsküb, puis du vilayet de Kosovo, la ville ne sera délivrée des Turcs qu'à l'été de 1912, avant d'être conquise en octobre par la soldatesque serbe ; les cinq siècles de domination turque se retrouvent aujourd'hui dans les nombreux caravansérails, mosquées et hammams qui ponctuent le centre historique.
Tours résidentielles de Katposh
La ville compte alors entre 30 000 et 60 000 habitants. Son développement est brusquement interrompu par un gigantesque incendie en1689, lors de la deuxième guerre austro-turque et il faut attendre le milieu du xixe siècle pour que la croissance démographique reprenne.
Temporairement occupée par les Bulgares pendant la Première Guerre mondiale, Skopje est incluse en décembre 1918, avec le reste de la Macédoine du nord (que les Serbes appellent "Serbie du sud"), dans le nouveau royaume des Serbes, Croates et Slovènes, qui devient en 1929 le royaume de Yougoslavie à l'occasion d'une réforme administrative qui en fait le centre administratif de la banovine du Vardar, l'une des neuf régions imaginées à cette occasion. Les Allemands permettent à la Bulgarie de l'occuper, en même temps que la partie orientale du Kosovo, pendant la Seconde Guerre mondiale, mais en 1944 elle est reconquise par les Partisans yougoslaves
. Conformément aux principes déclarés par l'AVNOJ le 23 novembre 1943, la Macédoine devient une République fédérée, la république socialiste de Macédoine, dont Skopje devient officiellement la capitale.
Skopje s'est ensuite particulièrement développée sous le régime communiste de Tito. Ce nouvel essor fut toutefois interrompu par le tremblement de terre qui la détruisit presque entièrement en 1963. Reconstruite rapidement, la ville offre aujourd'hui un urbanisme marqué par l'architecture communiste et contemporaine.
La Grande Poste La chute du régime yougoslave et l'indépendance de la Macédoine ont entraîné de nombreuses fermetures d'usines et cette petite capitale peine encore aujourd'hui à s'inclure dans les réseaux économiques européens. Le centre-ville connaît depuis 2008 une vaste opération d'urbanisme, destinée à lui donner un visage plus monumental et affirmer son statut de capitale nationale.
Géographie
Skopje se trouve au nord de la République de Macédoine, au cœur des Balkans et à mi-chemin entre Belgrade et Athènes. La ville est construite dans la vallée de Skopje, orientée sur un axe ouest-est correspondant au cours du Vardar, principal fleuve de Macédoine, qui se jette dans la mer Égée. Cette vallée couvre environ 2 000 km21 et elle est limitée par plusieurs massifs montagneux au nord et au sud. Ces massifs contraignent l'étalement urbain, qui se cantonne surtout aux rives du Vardar, mais se prolonge également vers le nord en suivant la Serava, un petit affluent. Dans ses limites administratives, la ville fait ainsi plus de 24 kilomètres de long2, mais n'a qu'une largeur moyenne de neuf kilomètres3.
Ci-dessous la rivière Treska dans ses gorges
Skopje se situe à une altitude d'environ 245 m et couvre 571,46 km24. La surface urbanisée se limite toutefois à 68 km2 environ, avec une densité de 65 habitants par hectare5.
La ville dans ses limites administratives englobe donc bon nombre de terres agricoles ou laissées à l'état sauvage et de très nombreux villages et localités, comme Dratchevo, Gorno Nerezi ou Bardovtsi.
Lors du recensement de 2002, la ville de Skopje, c'est-à-dire l'agglomération ainsi que les villages inclus dans ses limites, comptait 506 926 habitants, tandis que l'unité urbaine stricte en comptait 378 2436.
La ville de Skopje se trouve sur la frontière avec le Kosovo, qui la borde au nord-ouest.
Le Vardar, à Skopje, n'est qu'à une soixantaine de kilomètres de sa source, près de Gostivar. Il a un débit moyen de 51 m3/s, mais ce chiffre varie grandement selon les saisons, entre 99,6 m3/s en mai et 18,7 m3/s en juillet. Le fleuve a une vitesse moyenne de 1,43 m/s et sa température oscille entre 4,6 °C en janvier et 18,1 °C en juillet7.
Plusieurs rivières se jettent dans le Vardar sur le territoire de la ville. La plus longue est la Treska, qui fait 130 km de long et traverse des gorges avant de rejoindre le fleuve à l'extrémité ouest de la ville. Un peu plus à l'est, c'est le Lepenets, venu du Kosvo, au nord-ouest, qui se jette dans le Vardar. LaSerava, une petite rivière née à quelques kilomètres au nord de la ville, traversait autrefois le vieux bazar avant de rejoindre le Vardar près de l'actuel siège de l'Académie macédonienne. Très polluée et insalubre, elle est déviée vers l'ouest pendant les travaux de reconstruction après le séisme de 1963 et se jette désormais dans le Vardar près des ruines de la ville antique de Scupi. Enfin, à l'extrémité orientale de la ville, c'est au tour de la Markova Reka, qui prend sa source au sud du mont Vodno, de rejoindre le fleuve. Ces trois rivières font moins de 70 km de long.
Le Vardar est un fleuve à crues, et afin de limiter les inondations, son lit fut creusé à l'époque byzantine et son débit régulé au début du xxe siècle, mais des crues importantes étaient encore possibles et le plus grand débordement à ce jour eu lieu en 1962. Le fleuve avait alors atteint un débit de1 110 m3/s7. D'autres inondations catastrophiques ont dévasté la ville en 1895, 1897, 1935, 1937, 1978 et 1979. Cette dernière année, le fleuve avait atteint un débit de 980 mètres cubes par seconde et les dégâts matériels occasionnés à travers la vallée avaient été estimés à 7,4 % du revenu national. En 1994, un barrage et une station hydroélectrique furent construits en amont de la ville, sur la rivière Treska, tributaire du Vardar, afin de réduire encore le risque d'inondations, qui depuis est quasiment nul. Le barrage, situé à une quarantaine de kilomètres de la ville, a entraîné la création du lac Kozyak, long de 32 kilomètres. La ville de Skopje compte sur son sol deux lacs artificiels, plus petits mais eux aussi situés sur la Treska. Il s'agit du lac Matka, lui aussi destiné à réguler le débit de la Treska, et du lac Treska, à but récréatif. Le premier se trouve à la fin des gorges de la rivière, le second quelques kilomètres plus bas dans la vallée, à l'extrême ouest de l'agglomération de Skopje. Trois petits étangs se situent enfin au nord-est de l'agglomération, près du village de Smilykovtsi.
Le sous-sol de la ville renferme une nappe phréatique contenue par de l'argile et du gravier ; en contact avec le Vardar, elle fonctionne comme une rivière souterraine, coulant dans le même sens que le fleuve. En dessous, se trouve également une aquifère composée de marne. La nappe se trouve entre 4 et 12 mètres de profondeur et a elle-même une épaisseur comprise entre 4 et 144 mètres. Elle est exploitée grâce à plusieurs puits, mais l'essentiel de l'eau consommée à Skopje provient de la source karstique de Rachtché, située à l'ouest de la ville5.
La vallée de Skopje est bordée à l'ouest par les monts Char, au sud par la chaîne Yakoupitsa, qui culmine à 2 533 m, à l'est par des collines qui forment le début des monts Osogovo, qui marquent la frontière entre la Macédoine et la Bulgarie3. Au nord, la vallée est séparée du Kosovo et de laSerbie par la Skopska Tsrna Gora, qui culmine à 1 561 mètres d'altitude3. Le mont Vodno, point culminant de la ville de Skopje, s'élève à une altitude de 1 066 mètres et forme un prolongement septentrional de la Yakoupitsa3.
Bien que construite au pied de cette montagne, la ville est plutôt plate, avec cependant quelques collines, généralement non construites, comme celles de Gazi Baba (325 mètres d'altitude), Zaïtchev Rid (327 mètres), les contreforts du mont Vodno (entre 350 et 400 mètres pour les plus bas) ou bien le promontoire sur lequel se trouve la forteresse.
Cet environnement de moyennes montagnes connaît régulièrement des mouvements sismiques. La proximité de la faille entre les plaques tectoniqueseurasienne et africaine, ainsi que la nature poreuse du sol font de Skopje une ville à risque sismique. De grands tremblements de terre furent ainsi enregistrés en 518, 1505 et en 196313.
La vallée de Skopje appartient à la zone géotectonique du Vardar, qui est principalement composée de sédiments du Néogène et du Quaternaire. Le substratum rocheux est composé de sédiments du Pliocène comprenant du grès, des marnes et des conglomérats variés. Ce substratum est recouvert par une première couche de sédiments quartenaires sableux et limoneux qui fait entre 70 et 90 mètres de profondeur. S'ajoute une deuxième couche de sédiments, mesurant entre 1,5 et 5,2 mètres, apportée par le Vardar et composée d'argile, de sable, de limon et de gravier. La nature parfois karstique du sol a entraîné la formation de ravins creusés par des cours d'eau. Ainsi, la Treska, lorsqu'elle entre sur le territoire de Skopje, traverse le massif du mont Vodno à travers des gorges. Ces gorges sont aussi environnées par dix grottes, faisant entre 20 et 176 mètres de profondeur.
La ville connaît un climat continental assez complexe car il résulte de la rencontre d'une influence de la mer Noire et une influence méditerranéennedans un contexte flou de montagnes et de plaines. En hiver, l'air est réchauffé par le vardarets, un vent qui remonte la plaine du Vardar et apporte de la pluie, bien que les chutes de neige soient aussi fréquentes. Les étés sont chauds, et la chaleur est amplifiée par la présence de nombreuses usines ainsi que par la situation de la ville dans une vallée fermée par des montagnes.
Juillet et août, avec une température moyenne de 23,8 °C, sont les mois les plus chauds de l'année, tandis que janvier est le plus froid, avec une moyenne de 0,1 °C. La température la plus basse jamais enregistrée, -25,6 °C, a été atteinte en janvier 1985, et la plus haute, 43,2 °C, en août 199420
Skopje est située dans une région plutôt aride, et avec une moyenne de 498,4 millimètres de pluie par an, elle reçoit moins de pluie que le reste du pays, dont la moyenne est comprise entre 600 et 1000 millimètres. Les précipitations à Skopje sont toutefois aléatoires et il est par exemple tombé seulement 300,4 millimètres d'eau en 2000, mais 714 millimètres en 1999. Le taux d'évaporation annuel se situe entre 400 et 580 millimètres. La ville connaît environ 2 100 heures d'ensoleillement dans l'année18.
La vallée de Skopje est naturellement couverte de chênes et de bruyère, tandis que l'érable, le frêne et le noisetier poussent sur les pentes des montagnes environnantes. La région possède aussi une faune riche, avec des pies, des hiboux, des corbeaux, des faucons, des loups, des renards, des sangliers, des martres et des carpes dans le Vardar, mais elle s'est rarifiée à cause de l'extension urbaine et de l'agriculture, qui ont fait disparaître le cerf, la truite, le lynx et la chèvre sauvage.
Le mont Vodno, qui surplombe le centre-ville, est la principale aire protégée de la ville ainsi qu'une importante destination de loisirs, notamment grâce au téléphérique qui permet d'accéder au sommet. D'autres espaces protégés sont situés dans les faubourgs de la ville, comme ou le lac Matka et son défilé5.
La ville en elle-même compte quelques parcs et jardins qui représentent ensemble 4 361 hectares. Parmi ceux-ci se trouvent le Parc de la Ville (Gradski Park) planté par les Ottomans au début du xxe siècle, le Parc des Femmes, situé face au Palais de l'Assemblée, l'arboretum de l'Université et la forêt de Gazi Baba. La ville compte enfin un très grand nombre de rues et boulevards plantés d'arbres22.
Skopje connaît de nombreux problèmes de pollution, et la pauvreté économique relègue les considérations environnementales au second plan des préoccupations des autorités. L'alignement de la législation macédonienne sur celle de l'Union européenne engage toutefois des progrès, notamment dans le traitement des eaux, des déchets et des émissions des usines.
L'industrie métallurgique, très importante pour la vie économique de la ville, est responsable de la pollution des sols, qui contiennent des traces de métaux lourds (plomb, zinc, cadmium…), ainsi que de l'air, qui contient des taux élevés d 'oxydes d'azote et de monoxyde de carbone. Le trafic automobile est également responsable de la pollution atmosphérique, tout comme les centrales de chauffage urbain à lignite. Les pics ont généralement lieu en automne et en hiver, quand ces dernières fonctionnent le plus, et la pollution a par exemple atteint sept fois le seuil normal fixé par l'Union européenne en décembre 2011
Des stations d'épuration sont progressivement construites, mais une part des eaux usées est encore déversée dans le Vardar sans traitement5. Les déchets sont quant à eux laissés dans une décharge à ciel ouvert, compromettant la qualité des sols et de l'eau, particulièrement dans le cas des déchets chimiques et industriels. La décharge municipale se trouve à 15 km au nord du centre et reçoit chaque jour 1 500 mètres cube de déchets ménagers, 400 mètres cube de déchets industriels et 1 100 mètres cube de déchets provenant des services de la ville. Le taux de mortalité à Skopje est toutefois plus faible que dans le reste du pays, et il n'a pas été trouvé de corrélation directe entre la mauvaise qualité de l'environnement et la santé de la population24.
Urbanisme Morphologie urbaine
la trace profonde du tremblement de terre qui détruisit à 80 % la ville en 196313. Les quartiers ont en effet été construits de telle sorte que la densité urbaine reste faible afin de limiter les conséquences d'un futur séisme.
La reconstruction après le tremblement de terre a été en grande partie orchestrée par le polonais Adolf Ciborowski, qui avait déjà planifié la rénovation de Varsovie après la Seconde Guerre mondiale. Celui-ci a divisé la ville en blocs, destinés à des activités précises. Les bords du Vardar furent ainsi laissés à la nature ou transformés en parcs, les zones situées entre des axes importants furent loties de grands immeubles en béton ou de centres commerciaux, les régions périphériques laissées aux logements individuels et à l'industrie, etc9. La reconstruction se devait d'être rapide car il fallait avant tout reloger la population et relancer l'activité de la ville. La ville nouvelle fut également construite dans un souci économique et pour cela, les axes routiers furent multipliés et optimisés et l'extension urbaine future fut anticipée et planifiée.
Dans son ensemble, la rive sud du Vardar a principalement accueilli des grands ensembles, notamment les quartiers de Karpoch, constitués de blocs d'immeubles épars et développés au cours des années 1970 à l'ouest du centre, tandis qu'à l'est, la nouvelle municipalité d'Aerodrom, plus concentrée, a été conçue après 1980 pour loger 80 000 habitants sur le site d'un ancien aéroport. Entre les deux, le centre-ville, construit sur des plans du Japonais Kenzo Tange, est entouré par une série d'immeubles, le Gradski Zid (« mur de la ville »), qui forme une enceinte avec des voies d'accès25.
De l'autre côté du fleuve, là où se trouvaient les quartiers les plus anciens, le vieux bazar ottoman a été en grande partie conservé et les nouvelles constructions sont volontairement basses. Autour de la colline de la forteresse, qui domine le bazar, la hauteur des immeubles a aussi été réglementée afin que ceux-ci n'écrasent pas le monument. Enfin, des institutions comme l'université, ont été implantées sur la rive nord afin de briser les frontières entre communautés ethniques ; les Macédoniens vivant traditionnellement sur la rive sud, tandis que la communauté musulmane (Albanais, Turcs et Roms) reste sur la rive nord9.
À la fin des années 2010, le centre-ville a entamé une profonde transformation. Un projet d'urbanisme, Skopje 2014, a été adopté afin de lui redonner un aspect historique et faire de Skopje une véritable capitale nationale. Plusieurs édifices disparus en 1963 sont ainsi reconstruits, des rues et des places sont réaménagées, des immeubles administratifs, des musées et des hôtels voient le jour et de nouveaux ponts sont construits sur le Vardar. Cette opération urbanistique est contestée, tant pour son coût que pour son style architectural. La minorité albanaise, mécontente parce qu'elle n'est pas représentée dans les nouveaux monuments, a lancé d'autres projets de son côté, comme la création d'une place au-dessus de la voie rapide qui sépare le bazar du reste du centre-ville.
L'urbanisme skopiote est enfin marqué par une certaine anarchie, car il existe bon nombre de maisons ou d'immeubles dont la construction n'a pas été déclarée30 et certains quartiers périphériques ressemblent fortement à des bidonvilles.
En dehors de l'agglomération proprement dite, la ville de Skopje regroupe un grand nombre de villages, plus ou moins gagnés par l'urbanisation. C'est notamment le cas de ceux situés sur les routes qui partent vers l'est et relient Skopje à la Serbie ainsi qu'au centre du pays. Singuéliḱ compte ainsi plus de 23 000 habitants, et Dratchevo, 19 00032. D'autres grands villages se trouvent au nord de la ville, comme Radichani, 9 000 habitants32, tandis que des plus petits sont situés sur les flancs du mont Vodno, comme Gorno Nerezi. Les localités situées dans la municipalité de Saraï, qui forme l'extrémité occidentale du territoire de Skopje, sont plus petites et surtout moins intégrées au tissu urbain33.
Enfin, des localités situées à l'extérieur des limites administratives de la ville sont elles aussi gagnées par l'urbanisation, notamment dans les municipalités de Petrovets et Ilinden, situées à l'est de la ville. Comme Singuéliḱ ou Dratchevo, elles profitent de la présence des grands axes routiers et ferroviaires, ainsi que de l'aéroport, construit à cheval sur les deux municipalités33.
La sociologie urbaine de Skopje dépend avant tout de la diversité etnique de la ville. En effet, les Macédoniens ne forment que 66 % de la population de la ville, tandis que les Albanais et les Roms représentent respectivement 20 et 4 % de la population6. Chaque groupe ethnique se cantonne généralement à des quartiers précis, les Macédoniens vivant surtout sur la rive sud du Vardar, dans les quartiers reconstruits après le tremblement de terre de 1963, et les Roms et les Albanais peuplant la rive nord, moins touchée par le séisme. Ces quartiers nord sont réputés être plus traditionnels, tandis que ceux de la rive sud, construits à l'époque socialiste, évoquent pour les Macédoniens la modernité et la rupture avec le monde rural.
Les quartiers nord sont également plus pauvres, surtout à Topaana, dans la municipalité de Tchaïr, et à Chouto Orizari, les deux principaux quartiers roms de la ville. Ils sont en partie composés de constructions illégales, non raccordées au service d'eau et d'électricité, et qui se passent d'une génération à l'autre au sein de la même famille. Topaana, situé à proximité du vieux bazar, est un site très ancien, peuplé par les Roms au moins depuis le début du xive siècle, et qui regoupe de 3 000 à 5 000 habitants. Située en limite nord de l'agglomération, Chouto Orizari est une municipalité à part entière ayant le romani pour langue officielle. Le quartier a été aménagé après 1963, afin de reloger les Roms qui s'étaient retrouvés à la rue à cause du séisme.
À l'opposé de ces deux quartiers extrêmement pauvres, il n'y pas vraiment de quartiers luxueux. Certains villages périphériques comme Bardovtsi et Zlokoukyani sont connus pour être la résidence de célébrités, mais ils n'offrent pas le confort des quartiers centraux et présentent encore une grande mixité sociale. Il existe cependant plusieurs projets de lotissements de villas sur le versant sud du mont Vodno, notamment dans la municipalité voisine de Sopichté.
Skopje étant une ville planifiée et construite de façon rationnelle, il n'y a pas de réels problèmes de logement, en dehors de la situation précaire des quartiers roms. Par ailleurs, les plans d'urbanisme suivant la reconstruction d'après 1963 ont souvent surestimé la croissance démographique de la ville. Ainsi, en 2002, lors du dernier recensement, la ville de Skopje avait un excédent de 17 000 logements par rapport au nombre de foyers. La même année, il y avait également une moyenne de 19,41 mètres carrés par habitants, avec toutefois des différences entre quartiers, par exemple 24 m2 à Tsentar, sur la rive sud du Vardar et seulement 14 à Tchaïr, sur la rive nord, soit seulement un mètre carré de plus qu'à Chouto Orizari. Par ailleurs, les logements construits entre 1982 et 1991 ont une moyenne de 67 mètres carrés25. Les moyennes de Skopje, autant pour le nombre de logements vacants que pour le mètre carré par habitant, sont similaires à celles du reste du pays. Enfin, Skopje est avec Sarajevo et Podgorica la ville la moins chère des Balkans, avec une moyenne de seulement mille euros le mètre carré pour un appartement en 2011. La moyenne nationale atteignait alors les 958 euros, et Belgrade et Zagreb, considérées comme des villes chères, avaient respectivement une moyenne de 1 200 et 1 700 euros le mètre carré37.
Toponymie
Le nom actuel de la ville vient de « Scupi », nom latin d'une colonie romaine qui a donné naissance à la ville. Toutefois, avant la fondation de cette colonie, l'endroit était déjà occupé par des Illyriens et ce sont probablement eux qui sont à l'origine de ce nom, dont l'étymologie reste obscure.
Après l'Antiquité, la ville est occupée par plusieurs peuples qui lui donnent chacun un nom dans leur propre langue. Ainsi, Scupi devient « Skopié » (Скопие) pour les Bulgares, puis « Üsküb » (اسكوب) pour les Ottomans, nom adapté par les Occidentaux en « Uskub » ou « Uskup », tout en utilisant parfois le nom « Scopia » ou « Skopia ».
Lorsque la Macédoine du Vardar échoit au Royaume de Serbie en 1912, Uskub devient officiellement « Skoplje » (Скопље) et ce toponyme est repris par la plupart des autres langues n'ayant pas d'appellation propre pour désigner la ville. Cette dernière prit son nom actuel, « Skopje » (Скопје), après laSeconde Guerre mondiale, lorsque la langue macédonienne est standardisée. La minorité albanaise appelle la ville « Shkup » et « Shkupi » (forme définie), et les Roms, « Skopiye .
Histoire
La colline sur laquelle se trouve la forteresse est le premier site occupé par l'homme à Skopje. Elle est habitée à partir du IVe millénaire av. J.-C., soit pendant le Chalcolithique. Les premiers habitants ont laissé des traces de huttes en terre sèche, des objets de culte, ainsi que des puits dans lesquels ils jettaient leurs ordures ou bien entreposaient des choses. La présence de nombreuses statuettes en terre cuite et d'outils en os et en pierre suggère une localité importante économiquement.
Cependant, la localité est moins grande pendant l'Âge du bronze, et se confine à une petite partie de la colline. De cette époque sont restés des traces de maisons et des morceaux de céramique. Les fouilles archéologiques menées sur le site confirment la présence d'une seule culture locale qui évolue progressivement, d'abord grâce aux liens avec les autres cultures des Balkans et du Danube, puis, vers la fin de l'Âge du bronze, grâce aux contacts avec le monde de la mer Égée. L'Âge du fer a laissé quelques traces de maisons en torchis ainsi que des céramiques42. Ensuite, le site semble avoir été déserté, et seul un puits rituel du IVe siècle av. J.-C. a été retrouvé
Cependant, d'autres localités perdurent dans les environs, comme Scupi, un village fondé au Ier millénaire av. J.-C. par des Illyriens, puis occupé par les Dardaniens. Ce site se trouve sur la colline de Zaïtchev Rid, à environ cinq kilomètres au nord-ouest du centre actuel de Skopje et de sa forteresse. Scupi, tout comme Naissus (actuelle Niš, Serbie) est située sur un axe stratégique puisqu'elle est sur le chemin entre la mer Égée et le centre de la péninsule balkanique. Cependant, l'histoire du village avant la conquête romaine est presque inconnue. Seule une des quatre nécropoles de la ville romaine conserve des traces de sépultures de la fin de l'Âge de bronze et du début de l'Âge du fer (1200-900 av. J.-C.), mais celles-ci ont été presque complètement détruites par les Romains qui ont réutilisé l'espace pour leurs propres morts.
La région tombe sous la domination des rois de Macédoine en 335 av. J.-C. lorsqu'Alexandre le Grand étend son État jusqu'à la rive sud du Danube. À sa mort, la Macédoine tombe en décadence et doit faire face à de nombreuses guerres contre les Romains. Les Dardaniens, un peuple vivant approximativement sur le territoire du Kosovo actuel, menacent également le pouvoir macédonien. Les Dardaniens vivent de l'agriculture et de l'élevage du bétail, mais l'influence macédonienne leur garantit un certain développement. Ils envahissent la région autour de Skopje au IIIe siècle av. J.-C. La Macédoine et la Dardanie sont finalement annexées à l'Empire romain lorsque Quintus Caecilius Metellus Macedonicus vainc Persée, le dernier roi de Macédoine, en 148 av. J.-C. La région est d'abord incluse dans la province romaine de Macédoine, puis rejoint la Mésie, lorsque la conquête du nord des Balkans au ier siècle av. J.-C. permet la création de cette nouvelle province.
En 13 ou 11 ap. J.-C., pendant le règne d'Auguste, une garnison est installée à Scupi et l'historien Tite-Live, mort en 17, en fait la première mention écrite. Le site sert alors principalement à la pacification de la région, dont certaines zones sont encore sous contrôle dardanien. Ensuite, Domitien y installe des vétérans à qui il offre des terres en remerciement de leurs services et transforme la garnison en colonie ver 85 ap. J.-C. ; cette colonie est baptisée « Colonia Flavia Scupinorum », en référence à la dynastie flavienne à laquelle l'empereur appartient. Au même moment, l'empereur divise la Mésie en deux et inclut Scupi dans la nouvelle Mésie supérieure. La population de Scupi est diverse, et les inscriptions sur les tombes des vétérans indiquent qu'une minorité d'entre-eux étaient originaires d'Italie, tandis qu'un certain nombre venait de Macédoine, de Dalmatie, de Gaule du Sud et de Syrie. Cette mixité ethnique explique que le latin soit devenu la langue majoritaire de la cité, la seule que tous les habitants aient en commun, au détriment du grec, pratiqué dans d'autres villes de Mésie et de Macédoine.
La colonie romaine grandit rapidement au cours des siècles suivants et, à la fin du IIIe siècle ainsi qu'au long du ive siècle, elle connaît une longue période de prospérité. Scupi est alors le principal centre religieux, économique, culturel et administratif de la région. La première église de Scupi est construite sous le règne de Constantin Ier ; l'Édit de Milan, signé en 313, qui légalise le christianisme, permet à la ville de devenir un siège épiscopal. Le premier évêque de la ville, Perigorius, participe au Concile de Serdica, qui se tient en 343. En 395, lors de la séparation en deux de l'Empire romain, Scupi se retrouve dans l'Empire romain d'Orient.
À son apogée, Scupi couvre 40 hectares et elle est entourée par un mur de 3,5 mètres de large. Elle possède de nombreux éléments caractéristiques des villes romaines de l'époque, comme quatre nécropoles, un théâtre, des thermes46, ainsi qu'une basilique paléochrétienne, construite au ve siècle et qui faisait 60 mètres de long et 16 mètres de large.