MONTJUSTIN, village d'artistes aujourd'hui! 60 habitants. Maisons des 16e et 17e siècles. Village fortitié . Au sommet, l'impressionnante Eglise Notre Dame des Neiges. Et des troupeaux de moutons sur la route qui monte au village et d'où l'on aperçoit déjà les Alpes. "J'ai un ami, c'est Lucien JACQUES" disait Jean GIONO. Cet être exceptionnel, doué de multiples talents (dessinateur, peintre, graveur, tisserand, berger autrefois, danseur,...éditeur et poète) vivait à Montjustin !
Lucien Jacques est un artiste français aux multiples talents : poète, éditeur, peintre, dessinateur, graveur et même danseur. Il les aimait et excellait tellement en tous qu'il n'a jamais songé à en abandonner un.
Biographie
Premières années en Lorraine.
Lucien Jacques est né le 2 octobre 1891 à Varennes-en-Argonne, dans la Meuse, presque en face de l’endroit où, 100 ans auparavant, le roi Louis XVI fut arrêté.
Il est le fils d’Alphonse Jacques, cordonnier et de Jeanne Scheck, vendeuse de tabac.
Les parents de Lucien Jacques s'installent à Paris en 1896, pour suivre leur fils ainé qui poursuit une formation de joaillier. Lucien Jacques entre à l’école primaire( où il se lie d'amitié avec Henri Poulaille) et passe, sans succès, son Certificat d'Etudes. Il devient alors apprenti chez un joaillier sertisseur, comme son frère. Ce dernier n’hésite pas à l’emmener à des concerts de musique.
Son père doutant de son avenir artistique, Lucien Jacques quitte le domicile familial et vit de petits emplois. Il est tour à tour commissionnaire, employé chez un marchand de métaux et travaille dans le milieu (déjà l'art) de la création de bijoux et de la sculpture sur ivoire. C’est à partir de cette époque qu’il fréquente assidûment le Louvre et découvre, avec passion, Auguste Renoir. Au début des années 1910, il va faire la connaissance d’une personne qui va bouleverser sa vie, la danseuse américaine Isadora DUNCAN. . Il en fera son modèle, et deviendra vite son secrétaire particulier. Séduit par sa personnalité, il en parlera souvent dans ses écrits tout au long de son existence. Il rencontre parallèlement Raymond Duncan, s’inscrit à son Akadémia et y pratique la danse, la gymnastique et le tissage. Il y rencontre de nombreux intellectuels et artistes que réunit entre eux la passion de la Grèce et de l’hellénisme.
Comme de nombreux jeunes de sa génération, Lucien Jacques va connaître les horreurs des tranchées du premier conflit mondial. Antimilitariste, il hésite entre se réfugier à l'étranger ou répondre aux obligations du service. Il va répondre à sa feuille d'appel, souhaitant cependant etre un acteur passif de ces tragiques événements à venir. Artiste, il est versé dans la section Musique du régiment et se lie avec Alexandre Noll. C'est à cette époque qu'il découvre les nouveaux grands peintres que sont Vincent Van Gogh et Paul Gauguin. Les besoins en hommes valides lui font vite quitter le service de la Musique et il devient brancardier du 151eme Régiment d'Infanterie. Il y découvre les valeurs humaines de ses camarades de guerre, leur grandeur, leurs défauts. Son palliatif, c'est de parler de culture, de musique, d'art, autant qu'il le peut. Il sera blessé plusieurs fois, l'obligeant à de longues convalescences, dont une en Bretagne où il se lie avec Louis Guilloux et une autre dans le sud de la France où il va découvrir la beauté des paysages provençaux, lui permettant d'oublier la vision de son pays natal complètement ravagé par le conflit. Il en ressortira profondément pacifiste. Durant ces années, il écrira son journal Carnets de Moleskine.
Démobilisé, il rejoint Paris et ouvre une boutique de produits divers qu'il a lui même élaborés. Il écrit des textes, édite et expose. Il publie ensuite des poèmes qui lui ont été inspirés par la guerre. Il expose des bois gravés avec ses amis Noll, Vox, Daliès, Quillivic... Il crée ensuite Les Cahiers de l'Artisan , revue artistique qui consacre à chacune de ses parutions les productions d'un artiste. Le milieu de Saint-Germain-des-Prés lui permet de côtoyer André Gide, Jean Guéhenno, Jean Paulhan, Henry Poulaille, Marcel Martinet, etc... En 1922, pour des raisons de santé, Lucien Jacques quitte Paris pour le soleil de la Côte d'Azur, à Grasse où il est le voisin d'H.G.Wells. Il y rencontre son ami d'une vie : le poète Charles Vildrac. Il y relance la revue Les Cahiers de l'Artisan qu'il avait ébauchée auparavant lors de son séjour parisien. Il collabore enfin à la revue littéraire marseillaise La Criée. C'est par l'intermédiaire de cette revue, en 1924, qu'il fait la connaissance d'un jeune employé de banque de Manosque qui y fait publier également quelques poèmes et textes. C'est Jean Giono. Lucien Jacques semble trouver là un talent, dans l'esprit de ce qu'il apprécie et publie dans Les Cahiers de l'Artisan une série de poèmes ("Accompagnés de la Flûte") puis expédie à l'éditeur parisien Grasset un texte de ce jeune auteur(Naissance de l'Odyssée), texte qui sera refusé. Pour convaincre définitivement Grasset, il lui soumet un roman. Son titre est Colline... Jean Giono fait son apparition dans le monde littéraire. Et c'est le début d'une longue amitié avec l'écrivain manosquin. Les années 1925-1935 sont pour Lucien Jacques une période très prolifique, dans tous les domaines où il excelle. Poésie, peinture, (ci-dessous Les Baigneueses de Lucien Jacques)sculpture,... Il collabore à différentes revues culturelles et littéraires(Nouvel Age et A contre-courant de Poulaille, Les Humbles de M.Wullens, Clarté de Barbusse, etc.), profite de voyages à l'étranger pour présenter ses œuvres ou en créer d'autres (Italie, Égypte). Curieux de toutes les techniques artistiques, son voyage à Rome lui fait découvrir la fresque dont il usera en de nombreux endroits (Saint-Paul-de-Vence, Manosque entre autres). Il s'installera d'ailleurs à cette époque à Saint-Paul. Lucien Jacques sera avec Giono, dès 1936, le pivot du grand rendez-vous des intellectuels, des pacifistes et aficionados de l'œuvre de l'écrivain de Manosque : Les Rencontres du Contadour, hameau de la Montagne de Lure à proximité de Banon. Il créera à cette occasion les Cahiers du Contadour, sorte de compte-rendu littéraire de chaque séjour : textes inédits, poèmes, réflexions, traduction (comme le Moby Dick d'Herman Melville, en collaboration avec Giono et Joan Smith).
Le deuxième conflit mondial voit l'homme pacifiste et libre s'isoler sur la Montagne de Lure où il vit avec les bergers, menant comme eux une vie simple, tout en n'oubliant pas d'utiliser sa plume et ses pinceaux. Il continue à recevoir les amis contadouriens qui veulent prolonger les "rencontres", et passe l'hiver à Montlaux où il achète une maison près de ses amis Pellegrin. Cette période noire passée, Lucien Jacques s'installe à Montjustin, près de Manosque, qu'il veut transformer en village d'artistes. Peintres, écrivains et poètes ses amis s'y arrêtent à chaque occasion. C'est pour lui une époque prolifique, où il voyage, expose, crée et édite beaucoup. En 1953, il relance à nouveau les Cahiers de l'Artisan. Durant cette période, il met sur pieds une édition de livre de luxe des œuvres de ses meilleurs amis, dont Giono avec qui il s'était quelque peu brouillé.
Lucien Jacques passera les six dernières années de sa vie à Gréoux-les-Bains où il se liera d'amitié avec le cordonnier Yvon Michel. Son état de santé ne l'empêche pas de créer et d'exposer encore. En 1960, Il va participer au tournage de Crésus , le film de Giono, devenant décorateur et accessoiriste de film, bien que fatigué par sa maladie. Le cancer l'emportera à l'hôpital de Nice le 11 avril 1961. Lucien Jacques sera enterré à Montjustin le 13 avril 1961.
Sa tombe à Montjustin, près de celle de artier-Bresson
La maison et l'atelier du peintre de Montjustin, Luc GERBIER;
A Montjustin, on peut aussi voir la tombe d'Henri Cartier-Bresson qui y a été enterré en 2004, à l'âge de 95 ans
Les Alpes de Haute-Provence